II. CE RÉGIME NE PERMET PAS DE PRENDRE EN COMPTE L'INTÉRÊT D'UN EXAMEN GÉNÉTIQUE RÉALISÉ, DANS L'INTÉRÊT DE SA PARENTÈLE, SUR UNE PERSONNE DÉCÉDÉE

1. La prise en compte de l'intérêt de la parentèle n'est prévue que pour les examens réalisés sur les personnes vivantes

A compter de 2004, le législateur a commencé à prendre en compte, dans le domaine des maladies génétiques, le fait que les résultats des tests génétiques ont un intérêt pour la personne testée mais également des conséquences potentielles pour sa famille.

a) La reconnaissance par le législateur de l''intérêt potentiel de tiers

La question soulevée était celle de l'opportunité d'une obligation d'informer son entourage familial en cas de découverte de l'existence d'une maladie génétique grave ou de prédispositions pouvant faire l'objet pour les autres membres de la famille d'une prévention efficace. Ainsi que l'indiquait le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), « l'intérêt du tiers peut être la connaissance de son statut par rapport à cette anomalie génétique, la possibilité lui étant donnée de pouvoir entreprendre une surveillance préventive ou de se soumettre à une thérapeutique dans un but curatif, ou encore de choisir de ne pas la transmettre à sa descendance. » 6 ( * ) En d'autres termes, l'enjeu est d'éviter les pertes de chance pouvant résulter de l'absence d'information quant au fait d'être potentiellement porteur d'une anomalie génétique.

Au plan éthique, le questionnement portait sur la tension susceptible d'exister entre le secret souhaité par le sujet et le devoir moral de solidarité familiale. Suivant les termes employés par le CCNE, le risque existait, en considérant que le principe de l'autonomie l'emporte sur celui de « bienfaisance », de « refuser au tiers un bien comparativement très important ».

b) L'obligation d'information de la parentèle prévue par la loi de bioéthique de 2011

Le législateur a ainsi consacré l'obligation pour une personne chez laquelle une anomalie génétique grave a été diagnostiquée de s'assurer de l'information des membres de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées (article L. 1131-1-2 du code de la santé publique, issu de l'article  2 de la loi n° 2011-814 de bioéthique du 7 juillet 2011).

Le dispositif d'information de la parentèle en cas de diagnostic d'une anomalie génétique dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prise en charge

La personne chez laquelle est diagnostiquée une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, a l'obligation d'en informer sa parentèle.

Au cours d'une consultation préalable à l'examen, le médecin prescripteur doit informer la personne des risques qu'un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés. En cas de diagnostic positif et sauf si elle a exprimé par écrit sa volonté d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic, la personne doit informer les membres de sa famille potentiellement concernés.

Si elle ne souhaite pas les informer elle-même, elle peut demander par écrit au médecin prescripteur de procéder à cette information. Ce dernier est alors tenu de porter à leur connaissance l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique.

Cette procédure a été étendue aux enfants qui seraient nés d'un don de gamètes ou d'un don d'embryons d'une personne ayant fait l'objet d'un examen des caractéristiques génétiques. Celle-ci peut autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d'assistance médicale à la procréation afin qu'il procède à l'information des enfants issus du don.

Le dispositif adopté en 2011 repose ainsi sur un équilibre entre la volonté d'inciter les patients à informer leurs proches et celle de conserver le secret médical. Le droit de ne pas savoir est par ailleurs protégé.

2. La nécessité de prévoir la possibilité d'un examen sur une personne décédée dans l'intérêt de sa parentèle

Dans l'hypothèse où un examen des caractéristiques génétiques d'une personne décédée serait susceptible de présenter un intérêt pour sa parentèle, les deux exceptions légales précédemment mentionnées, permettant de déroger à l'obligation de recueil du consentement, ne peuvent s'appliquer : ni celle prévue à l'article L. 1131-1 précité, qui conditionne toujours la réalisation de l'examen à l'intérêt de la seule personne, ni celle prévue à l'article L. 1211-2 qui concerne les autopsies médicales pour motif de santé publique.

Or, au plan scientifique, l'intérêt qu'il y aurait à faire accéder la parentèle d'une personne décédée aux informations sur les anomalies génétiques identifiées chez cette personne est bien étayé. C'est le cas dans plusieurs spécialités médicales. A titre d'exemple, en cardio-génétique, les analyses d'ADN par les technologies de diagnostic moléculaire permettent aujourd'hui d'identifier les gènes responsables de cardiomyopathies ou d'arythmies héréditaires. Dans les cas de mort subite chez des sujets jeunes, qui peuvent résulter d'une pathologie cardiaque susceptible de concerner également la fratrie, celle-ci pourrait, le cas échéant, être orientée vers un conseil génétique.

C'est pourquoi, l'autorisation des examens des caractéristiques génétiques sur les personnes décédées dans l'intérêt de la parentèle est une mesure attendue par le milieu médical dans l'intérêt des familles. L'ABM, qui appelle de ses voeux une telle évolution, y voit un sujet d'avancée majeur.

La nécessité d'autoriser l'examen des caractéristiques génétiques sur les personnes décédées dans l'intérêt de la parentèle :

Extrait du rapport annuel de l'Agence de la biomédecine sur l'application de la loi de bioéthique (janvier 2018)

« Aujourd'hui, l'accès aux caractéristiques génétiques d'une personne après son décès n'est autorisé que si cette personne a donné préalablement son autorisation. Cela fait obstacle à des diagnostics post-mortem utiles en termes de prévention pour la famille de la personne décédée (par exemple en cas de maladie cardiaque génétique, cause de mort subite de sujets jeunes).

Ces examens pourraient être autorisés dans le cadre d'une autopsie, pour la compréhension des causes du décès, ou ultérieurement, si un prélèvement de la personne décédée est conservé en banque. »

Source : Agence de la biomédecine, Rapport sur l'application de la loi de bioéthique, janvier 2018, p. 46.

Ainsi que l'indique l'ABM, l'examen génétique sur la personne décédée trouverait à s'appliquer dans deux circonstances :

- a posteriori du décès, avec un examen réalisé sur un tissu conservé dans une banque de données ;

- dans le cadre d'une autopsie médicale avec un prélèvement décidée dans le cadre d'une expertise médicale en cas de suspicion d'anomalie génétique au moment du décès.


* 6 Comité consultatif national d'éthique, avis sur les consentements en faveur d'un tiers n° 70, 13 décembre 2001.

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