B. LES ÉVOLUTIONS RADICALES PRÉVUES PAR LA LOI NOTRe
1. La volonté de communautariser les compétences « eau » et « assainissement » selon un calendrier progressif ...
Considérée comme une source d'inefficience et d'inefficacité, cette organisation a été remise en cause à l'occasion des débats parlementaires de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée - dite loi NOTRe - dont les articles 64 et 66 attribuent à titre obligatoire les compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, à compter du 1 er janvier 2020.
Le classement des compétences « eau » et « assainissement » au sein des compétences obligatoires des communautés de communes et d'agglomération ne figurait pas dans le projet de loi initial portant nouvelle organisation territoriale de la République du Gouvernement. Il a été prévu par l'Assemblée nationale, en première lecture, avec l'adoption en séance de deux amendements gouvernementaux, plusieurs députés ayant déposé des amendements similaires. Le Gouvernement de l'époque avait justifié le caractère obligatoire de ces deux compétences pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération par la nécessité d'« un exercice plus efficient », en faisant valoir que « l'organisation enchevêtrée des services communaux, intercommunaux et de syndicats techniques, parfois très anciens, ne coïncid [ait] pas nécessairement avec les bassins de vie ou les bassins hydrographiques. En outre, l'organisation rest [ait] très morcelée entre les compétences eau potable, assainissement collectif et non collectif ».
Le calendrier prévu par les articles 64 et 66 de la loi NOTRe est le suivant.
Pour les communautés de communes , la compétence « eau » :
- était une compétence facultative jusqu'au 31 décembre 2017 ;
- est désormais une compétence optionnelle depuis le 1 er janvier 2018 et jusqu'au 31 décembre 2019 ;
- deviendra une compétence obligatoire à partir du 1 er janvier 2020.
La compétence « assainissement » demeure optionnelle jusqu'au 1 er janvier 2020 avant de devenir obligatoire à partir de cette date.
Le régime des compétences optionnelles
des communautés de communes
La communauté de communes doit exercer les compétences relevant d'au moins trois des neuf groupes suivants : - protection et mise en valeur de l'environnement, le cas échéant dans le cadre de schémas départementaux, et soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie ; - politique du logement et du cadre de vie ; - en matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programme d'actions définis dans le contrat de ville ; - création, aménagement et entretien de la voirie ; - construction, entretien et fonctionnement d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire et d'équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire d'intérêt communautaire ; - action sociale d'intérêt communautaire ; - assainissement ; - eau ; - création et gestion de maisons de services au public et définition des obligations de service public y afférentes.
Le régime de compétences optionnelles des
communautés d'agglomération
La communauté d'agglomération doit exercer les compétences relevant d'au moins trois des sept groupes suivants : - création ou aménagement et entretien de voirie d'intérêt communautaire ; création ou aménagement et gestion de parcs de stationnement d'intérêt communautaire ; - assainissement ; - eau ; - lutte contre la pollution de l'air, lutte contre les nuisances sonores, soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie ; - construction, aménagement, entretien et gestion d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire ; - action sociale d'intérêt communautaire ; - création et gestion de maisons de services au public et définition des obligations de service au public y afférentes. |
Pour les communautés d'agglomération , l'« eau » et l'« assainissement » demeurent des compétences optionnelles distinctes jusqu'au 1 er janvier 2020, date à partir de laquelle elles deviendront obligatoires tout en demeurant distinctes. En revanche, l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales ne fait désormais plus mention de la gestion des eaux pluviales.
Échéance |
Eau |
Assainissement |
|
Communautés
|
Jusqu'au 1 er janvier 2018 |
Facultative |
Optionnelle |
Du 1 er janvier 2018 au 31 décembre 2019 |
Optionnelle |
||
À partir du 1 er janvier 2020 |
Obligatoire |
Obligatoire |
|
Communautés d'agglomération |
Jusqu'au 31 décembre 2019 |
Optionnelle |
Optionnelle |
À partir du 1 er janvier 2020 |
Obligatoire |
Obligatoire |
Source : commission des lois du Sénat
2. ... au nom de postulats discutables
Plusieurs arguments ont été avancés pour justifier la « communautarisation » de ces compétences.
Selon les services de l'État, les services publics d'eau potable et d'assainissement souffrent « d'une extrême dispersion qui a pour conséquence une insuffisante cohérence en matière d'approvisionnement et de distribution, et une difficulté à rationaliser les investissements. L'exercice des compétences « eau et assainissement » à l'échelle des communautés de communes et des communautés d'agglomération permettra de mutualiser efficacement les moyens techniques et financiers nécessaires à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution d'eau potable et d'assainissement, notamment dans les zones rurales. Il permettra en outre d'assurer aux services publics d'eau potable et d'assainissement une meilleure assise financière, tout en ouvrant la voie à une approche globale de la gestion de la ressource en eau » 3 ( * ) .
De même, selon notre collègue députée Émilie Chalas, rapporteure de la présente proposition de loi au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « les données relatives à la qualité des services d'assainissement et d'eau potable illustrent clairement que plus ceux-ci couvrent une population importante, plus la connaissance de leur réseau est précise et leur gestion efficace » et « le rendement des services d'eau potable augmente avec la taille du service responsable » 4 ( * ) .
Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont néanmoins relativisé cette conclusion.
Le regroupement de services sur un périmètre territorial plus large n'entraîne pas, par nature, une amélioration des résultats obtenus. Il favorise seulement la mise en commun des moyens techniques, humains et financiers. La qualité de l'eau ne dépend pas du niveau de gouvernance mais des politiques d'investissement et de gestion qui permettent d'améliorer les services rendus aux usagers.
En outre, l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » n'est pas lié aux spécificités d'un bassin hydrographique ou de vie, contrairement à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (« Gemapi »). Ce n'est pas la logique de bassins qui prévaut mais celles de zones de prélèvement et/ou de distribution.
Sans méconnaître les enjeux actuels de rénovation et de maintenance des réseaux, en raison parfois de leur vétusté, il n'est pas certain que le transfert obligatoire au niveau intercommunal permettrait d'y répondre de façon satisfaisante, alors même que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre doivent faire face à un élargissement sans précédent de leurs compétences obligatoires, auquel s'ajoute l'extension de leurs périmètres territoriaux et la baisse des concours financiers de l'État.
* 2 Applicable aux communautés de communes et d'agglomération existant à la date de publication de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République - dite loi NOTRe - à compter du 1 er janvier 2018.
* 3 Réponse à la question écrite n° 1981 de M. Jacques Cattin, député, novembre 2017. La question et la réponse sont consultables à l'adresse suivante :
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-1981QE.htm
* 4 Rapport n° 581 (XVe législature) de Mme Emilie Chalas, sur la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. Le rapport est consultable à l'adresse suivante :