B. UNE PROPOSITION DE LOI QUI VISE À FACILITER LES SORTIES D'INDIVISION DANS LES TERRITOIRES ULTRAMARINS

1. Un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie d'indivision

Dans sa rédaction initiale, l' article 1 er de la proposition de loi prévoyait que les biens indivis situés dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et relevant de successions ouvertes depuis plus de cinq ans pourraient faire l'objet d'un partage ou d'une vente à l'initiative des indivisaires titulaires en pleine propriété de plus de la moitié des droits indivis, sauf si l'un des indivisaires se trouvait dans une situation de faiblesse protégée par la loi (conjoint survivant ayant sa résidence dans le bien, mineur ou majeur protégé). L'application de ce dispositif était prévue jusqu'au 31 décembre 2028.

L' article 2 autorisait le notaire à accomplir la vente ou le partage à défaut d'opposition des indivisaires minoritaires dans les trois mois suivant la notification du projet (par acte extrajudiciaire, en cas de domicile connu et situé en France, et, à défaut, par publication dans un journal d'annonces légales au lieu de situation du bien). À défaut d'opposition, les indivisaires étaient présumés consentir à la vente ou au partage.

Cet article fixait également le contenu de la notification : l'identité des indivisaires à l'initiative du projet, le prix de vente ou l'indication de la valeur du bien, la répartition du prix ou des lots entre les indivisaires...

L' article 3 précisait que l'indivisaire opposé au projet devait saisir le tribunal de grande instance.

À défaut de saisine du tribunal, l' article 4 prévoyait la remise à chaque indivisaire de la part de la vente ou du partage lui revenant.

2. Des apports importants de l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté des modifications importantes à la proposition de loi, renforçant l'équilibre entre protection du droit de propriété des indivisaires minoritaires et efficacité du dispositif de sortie d'indivision.

À l' article 1 er , au-delà des simples précisions apportées, elle a rendu le dispositif applicable dans la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les trois cas d'exclusion ont fait l'objet d'ajustements rédactionnels mais également d'assouplissements s'agissant des indivisaires mineurs ou majeurs protégés. Plutôt que de retenir une exclusion pure et simple du dispositif dans ces deux hypothèses, l'Assemblée nationale a prévu que le recours à la procédure dérogatoire serait possible avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille.

Un quatrième cas d'exclusion a également été ajouté : si l'un des indivisaires est présumé absent 7 ( * ) .

À l' article 2 , les modalités d'information des indivisaires ont été renforcées. Ainsi, alors que la proposition de loi initiale ne prévoyait qu'une notification par voie extrajudiciaire aux indivisaires dont le domicile était connu et situé en France, l'Assemblée nationale a prévu qu'une telle notification devrait être faite à tous les indivisaires et devrait s'accompagner d'une publicité par voie d'affichage et sur un site internet en plus de la publication du projet dans un journal d'annonces légales.

Les articles 3 et 4 ont été supprimés et intégrés à l'article 2, pour une meilleure lisibilité de la procédure. Ce regroupement a également donné lieu à une modification substantielle de la procédure prévue, qui était susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires minoritaires. L'Assemblée nationale a proposé qu'en cas d'opposition d'un ou plusieurs indivisaires minoritaires, la saisine du tribunal ne leur incombe plus mais pèse sur les indivisaires majoritaires qui souhaitent vendre le bien ou procéder à son partage. En cas d'opposition, donc, le projet ne pourrait être mené à son terme sans une intervention du juge.

L' article 5 , ajouté par l'Assemblée nationale, vise à adapter le dispositif d'attribution préférentielle, prévu au 1° de l'article 831-2 du code civil, aux spécificités polynésiennes.

Il permet à un héritier copropriétaire ou au conjoint survivant de demander l'attribution préférentielle du bien, s'il démontre qu'il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à l'introduction de la demande ».

Cette attribution préférentielle s'exercerait sous le contrôle du juge, puisqu'elle ne pourrait être demandée que dans l'hypothèse d'un partage judiciaire.

L' article 6 , également ajouté par l'Assemblée nationale, vise à empêcher la remise en cause d'un partage judicaire transcrit ou exécuté, par un héritier omis.

Le dispositif proposé revient à écarter l'application du premier alinéa de l'article 887-1 du code civil qui dispose que « l e partage peut être [...] annulé si un des cohéritiers y a été omis », dans l'hypothèse où l'omission résulterait d'une erreur ou d'une ignorance.

L'héritier omis ne pourrait alors que « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage », comme le prévoit le deuxième alinéa de cet article.

Pour éviter d'éventuels abus, cette dérogation serait limitée aux hypothèses dans lesquelles le partage a été fait en justice.


* 7 En application de l'article 112 du code civil, « lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu'il y a présomption d'absence ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page