EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Au mois d'octobre 2017, votre commission des lois a créé en son sein un groupe de travail pluraliste 1 ( * ) sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs, afin d'établir un état des lieux partagé et de mener une réflexion sereine et approfondie, dans un contexte marqué par plusieurs affaires judiciaires ayant eu un fort retentissement dans les médias et dans la société.

Durant près de quatre mois, et en étroite coordination avec la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, le groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions, organisé plusieurs déplacements et ouvert un espace participatif sur le site Internet du Sénat, qui lui a permis de recueillir plus de 400 contributions, afin d'entendre tous les points de vue : victimes, magistrats, avocats, enquêteurs, professionnels de santé, psychologues...

Dans son rapport 2 ( * ) , rendu public au début du mois de février 2018, le groupe de travail a souligné la nécessité de définir et de mettre en oeuvre une stratégie globale qui prenne en compte toutes les dimensions de la lutte contre les violences sexuelles et repose sur quatre piliers : prévenir les violences sexuelles à l'encontre des mineurs ; favoriser l'expression et la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible ; améliorer la répression pénale des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs ; disjoindre la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles du procès pénal.

Alors que le Gouvernement vient de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la proposition de loi n° 293 (2017-2018) d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles a pour objet de donner une traduction législative à cette stratégie globale.

I. UNE PROPOSITION DE LOI AMBITIEUSE POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES MINEURS VICTIMES D'INFRACTIONS SEXUELLES

Après avoir établi le constat accablant de la persistance, de l'ampleur et de l'insuffisante dénonciation des violences sexuelles commises à l'encontre des mineurs, le groupe de travail a préconisé la mise en oeuvre d'une stratégie globale incluant quelques ajustements législatifs en matière pénale mais surtout des moyens renforcés et une mobilisation de toute la société, singulièrement des pouvoirs publics, au service d'une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles.

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE STRATÉGIE GLOBALE DE PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES INFRACTIONS SEXUELLES

Comme l'a souligné le groupe de travail, la protection des mineurs contre les violences sexuelles appelle une stratégie globale reposant sur quatre piliers :

- prévenir les violences sexuelles à l'encontre des mineurs ;

- favoriser l'expression et la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible ;

- améliorer la répression pénale des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs ;

- disjoindre la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles du procès pénal.

Davantage que des évolutions législatives, la mise en oeuvre de cette politique implique une revalorisation notable et durable des crédits et des effectifs qui lui sont alloués. Conformément à l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État », le rapport annexé à l' article 1 er de la proposition de loi a pour objet de présenter cette stratégie globale, les moyens à mobiliser et les pratiques administratives à réformer.

Pour prévenir les violences sexuelles à l'encontre des mineurs , le rapport annexé souligne la nécessité d'améliorer le recensement des violences sexuelles subies par les mineurs, notamment les plus fragiles, afin de les rendre visibles et de lever un tabou, et de mettre en oeuvre une politique ambitieuse de sensibilisation de toute la société, qu'il s'agisse des adultes - parents, enseignants, professionnels de santé... - mais également des enfants eux-mêmes.

Alors que près de la moitié des auteurs condamnés pour « viol sur mineurs » est mineure 3 ( * ) , il est indispensable que chaque enfant reçoive une véritable éducation à la sexualité. Une attention toute particulière doit être portée aux contenus pornographiques sur Internet car l'accès précoce des enfants à la pornographie engendre des conséquences désastreuses sur leurs représentations de la sexualité, et notamment du consentement.

Favoriser l'expression et la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible suppose, d'une part, de lutter contre le faible taux de signalement à la justice des agressions sexuelles subies par les mineurs, d'autre part, de faciliter le dépôt de plainte et accompagner les victimes en amont de leurs démarches judiciaires. Le rapport annexé à l'article 1 er souligne la nécessité de former l'ensemble des classes d'âge et des corps de métier à l'écoute de cette parole, de faciliter les signalements opérés par le corps médical et paramédical, d'instaurer des espaces de parole sanctuarisés ou encore d'améliorer les conditions d'accueil des plaignants dans les lieux de police judiciaire.

Pour améliorer la répression pénale des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs , il est prévu de renforcer les moyens et les effectifs tant de la police judiciaire et scientifique que des juridictions, afin d'améliorer la formation des personnels, de réduire les délais d'enquête et de jugement, d'éviter la requalification en agression sexuelle ou en atteinte sexuelle d'un crime de viol en raison du seul encombrement des cabinets des juges d'instruction ou des cours d'assises, mais également afin de mieux organiser l'audiencement des infractions sexuelles en matière correctionnelle en prohibant le recours aux jugements en procédure simplifiée. Les moyens consacrés aux frais de justice et à l'aide aux victimes doivent également être renforcés afin de permettre l'accompagnement de chaque victime par une association d'aide aux victimes, dès le dépôt de la plainte, et de proposer un accueil adapté dans les unités médico-judiciaires.

Enfin, le rapport annexé à l'article 1 er souligne la nécessité de désacraliser le recours au procès pénal et de permettre une véritable prise en charge des victimes d'infractions sexuelles hors du procès pénal . Les victimes doivent être accompagnées, même hors procédure judiciaire : leur prise en charge, notamment médicale, doit être garantie et des parcours de reconstruction, voire de résilience, doivent leur être proposés.


* 1 Outre votre rapporteur, qui était également le rapporteur de ce groupe de travail, celui-ci comprenait un représentant par groupe politique : nos collègues Esther Benbassa, Maryse Carrère, Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, Arnaud de Belenet, François-Noël Buffet et Dany Wattebled.

* 2 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles, rapport d'information n° 289 (2017-2018) de Mme Marie Mercier, fait au nom de la commission des lois du Sénat par le groupe de travail sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs, déposé le 7 février 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/rp17-289.html

* 3 Selon les données issues du casier judiciaire national, 49 % des condamnés au titre de la qualification pénale de viol commis sur un mineur de 15 ans (article 222-24, 2° du code pénal) sont mineurs.

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