B. UN HÉRITAGE À CONSTRUIRE : LES JEUX COMME ACCÉLÉRATEUR D'INVESTISSEMENTS
1. La valorisation de l'héritage que laisseront les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Consciente de la volonté du Comité international olympique (CIO) de rationaliser le coût des Jeux Olympiques et Paralympiques et leur impact environnemental, la Ville de Paris a construit sa candidature autour de deux atouts 5 ( * ) : l'utilisation de sites et de stratégies d'aménagement existants et la valorisation de l'héritage des Jeux .
95 % des sites olympiques et paralympiques sont déjà construits et feront l'objet de travaux de rénovation plus ou moins importants comme le Stade de France ou Rolland Garros.
Prenant acte des difficultés rencontrées par des villes comme Athènes 6 ( * ) , la Ville de Paris a pris soin d' éviter les « éléphants blancs » , ces infrastructures de grande ampleur construites pour les Jeux puis laissées en déshérence à leur issue.
Comme l'a souligné M. Tony Estanguet, co-président du comité de candidature, la notion d'héritage vise à « inscrire ces Jeux au-delà des quelques jours de compétition » et à valoriser leur apport pour les territoires concernés 7 ( * ) .
Cette exigence irrigue les trois grands projets d'infrastructure situés en Seine-Saint-Denis , comme votre rapporteur a pu le constater lors de son déplacement du 11 janvier dernier :
- le village olympique et paralympique sur les communes de Saint-Denis, de l'Ile Saint-Denis et de Saint-Ouen (17 000 lits répartis sur 51 hectares, qui seront ensuite reconvertis en 2 200 appartements familiaux, 900 chambres de résidence étudiante, 100 000 m 2 de bureaux et 20 000 m 2 de commerces et autres activités économiques) ;
- le village des médias sur les communes du Bourget et de Dugny (à reconvertir en 1 500 logements, dont 20 % de logements sociaux, et en un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD) ;
- le centre aquatique sur le site de « La Plaine Saulnier » à Saint-Denis (6,8 hectares, à reconfigurer en piscine municipale à visée récréative et sportive ayant vocation à accueillir le centre d'entraînement de la fédération française de natation).
« L'Arena II » , salle de 8 000 places devant accueillir les épreuves de basket-ball et de lutte, est sans doute le projet suscitant le plus d'interrogations. Initialement prévue dans le quartier de Bercy (Paris), elle devrait finalement être implantée Porte de la Chapelle, ce qui implique de mener de nouvelles études techniques.
Les Jeux Olympiques et Paralympiques : une opportunité à saisir pour la Seine-Saint-Denis Outre la Ville de Paris, la Seine-Saint-Denis sera le territoire le plus concerné par l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. L'établissement public territorial (EPT) 8 ( * ) de Plaine Commune (qui regroupe neuf villes dont Saint-Denis, Saint-Ouen, la Courneuve et Aubervilliers) accueillera notamment le village olympique et paralympique et les épreuves de natation, de water-polo, d'athlétisme et de tir. Le village des médias sera installé et les compétitions de badminton et de volley se dérouleront sur le territoire de l'EPT de Terre d'Envol (qui comprend huit communes dont Le Bourget, Aulnay-sous-Bois, Dugny et Le Blanc-Mesnil). Les Jeux devraient permettre l'investissement d'environ 2 milliards d'euros dans ce département , dont 1,4 milliard d'euros issus de fonds privés et 600 millions de fonds publics. L'EPT de Plaine Commune, dont le taux de chômage s'élève aujourd'hui à 22 %, ambitionne de créer 1 000 emplois sur son territoire en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques et prévoit d'intégrer 10 % de clauses d'insertion sociale dans l'ensemble de ses marchés publics. L'EPT mobilise également l'événement olympique et paralympique pour améliorer ses services publics avec la création de deux parcs de 2 à 3 hectares, l'aménagement des berges de Seine, la restructuration de l'échangeur autoroutier Pleyel, l'enfouissement d'une ligne électrique haute tension et la construction d'un mur antibruit au bord de l'autoroute A 86. Les élus locaux de la Seine-Saint-Denis et les représentants de l'État ont conclu le 20 mars 2017 un contrat de gouvernance olympique , prévoyant l'installation d'un comité de pilotage co-présidé par le préfet et le président du conseil départemental. Dans la même logique, deux comités de site ont été créés pour suivre plus particulièrement la conception et la réalisation du village olympique et paralympique, d'une part, et du village des médias, d'autre part. D'un point de vue opérationnel, la préfecture souhaite mettre en oeuvre une « opération d'intérêt national » (OIN) régie par les articles L. 102-12, L. 102-13 et R. 102-3 du code de l'urbanisme. Ce dispositif lui permettrait d'appliquer des règles d'urbanisme dérogatoires, l'État prenant à son compte des compétences généralement dévolues aux communes (instruction des dossiers d'urbanisme, création des zones d'aménagement concerté, etc .). Interrogé par votre rapporteur, le préfet de Seine-Saint-Denis a rappelé sa volonté de dialoguer de manière constante avec les élus locaux. Il évoque d'ailleurs la notion « d'opération d'intérêt olympique » (OIO) , et non d'OIN, pour mettre en exergue son caractère partenarial . |
2. L'enjeu des ouvrages temporaires
Outre les constructions pérennes, de nombreux ouvrages temporaires sont prévus pour installer des tribunes, des « fan zones », des aires de stationnement mais également des lieux de compétition.
Certains ouvrages temporaires seront démontés à l'issue des compétitions comme l'aréna de beach-volley sur le Champ-de-Mars (13 000 places). D'autres pourraient être pérennisés , sous réserve d'obtenir les autorisations d'urbanisme nécessaires. À titre d'exemple, les élus locaux envisagent de transformer le futur pavillon temporaire de badminton du Bourget (7 000 places) en un complexe éducatif regroupant un gymnase et deux groupes scolaires.
3. Les « bases arrières », des territoires à mobiliser pour la réussite des Jeux
Plus globalement, les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 impliquent de mobiliser l'ensemble du territoire national, et notamment les « bases arrières » qui pourraient accueillir les entraînements des différentes délégations .
Comme l'a indiqué M. Tony Estanguet, « lors de chaque olympiade ou événement sportif majeur, l'équipe de France se rend dans le pays hôte plusieurs mois à l'avance pour s'habituer à la culture, au climat. Il ne s'agit d'ailleurs pas forcément de la ville qui accueille l'événement. Les pays participants vont ainsi nous demander quelles sont les installations sportives existantes, quelles sont les possibilités d'hébergement, de transport » 9 ( * ) .
D'ici la fin du printemps 2018, les organisateurs des Jeux élaboreront un cahier des charges précisant les conditions à remplir pour devenir une « base arrière ». Les réponses des différentes communes seront ensuite réunies dans un « catalogue » unique , mis à la disposition des fédérations étrangères pour préparer leur séjour en France.
* 5 Stratégie du CIO formulée dans « l'Agenda olympique 2020 » adopté en décembre 2014.
* 6 Ville organisatrice des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2004.
* 7 Compte rendu de son audition du 17 janvier 2018 devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Ce compte rendu est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20180115/culture.html .
* 8 Les EPT étant des établissements publics de coopération intercommunale situés au sein de la métropole du Grand Paris (articles L. 5219-2 à L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales).
* 9 Compte rendu de son audition du 17 janvier 2018 devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, op. cit .