B. LES RECETTES NON FISCALES : UNE HAUSSE DE 200 MILLIONS D'EUROS PEU DOCUMENTÉE
Les recettes non fiscales devraient s'élever à 13 milliards d'euros en 2017 - soit une baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances, essentiellement due à l'optimisme des estimations initiales pour 2017 , concernant en particulier les reversements au titre des garanties sur le commerce extérieur et les amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence.
En 2018, les recettes non fiscales augmenteraient de 200 millions d'euros , essentiellement au titre d'une hausse des recettes attendues au titre des fréquences radioélectriques (fréquences hertziennes). D'après les réponses du Gouvernement aux questions du rapporteur général, celles-ci s'élèveraient en 2018 à 1,2 milliard d'euros qui se décomposent en 672 millions d'euros de produit attendu du dernier quart de cession de la bande des 700 MHz, 288 millions d'euros de produit des redevances d'usage des bandes 900 MHz et 1 800 MHz à cadre réglementaire inchangé et enfin 202 millions d'euros d'actualisation de la valorisation du spectre.
Or « l'augmentation de 200 millions d'euros des recettes entre 2017 et 2018 suppose des modifications réglementaires augmentant le niveau des redevances, dont les modalités n'ont pas encore été arrêtées par le Gouvernement ».
Pour l'heure, la hausse des recettes non fiscales paraît donc peu documentée .
C. DES BAISSES D'IMPÔT À RELATIVISER POUR LES MÉNAGES ET LES ENTREPRISES
La baisse de 0,5 % des recettes fiscales nettes de l'État (288,8 milliards d'euros prévus pour 2018 contre une prévision d'exécution 2017 de 290,1 milliards d'euros) recouvre des mouvements contrastés selon l'impôt considéré.
Ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée augmenterait de 2,3 milliards d'euros (soit une progression de 1,5 %) et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques croîtrait fortement, à hauteur de 2,9 milliards d'euros (+ 28 %), quand l'impôt sur le revenu serait quasiment stabilisé (avec une légère hausse de 200 millions d'euros).
En revanche, le produit de l'impôt sur les sociétés et les « autres recettes fiscales nettes » devraient diminuer significativement entre 2017 et 2018 , pour partie en raison de l'incidence des mesures prévues dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017 qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués avec une majoration des remboursements et dégrèvements d'un montant de 5 milliards d'euros en 2017 et 2018 et la création de deux contributions exceptionnelles sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de 2017 dont le produit attendu s'élève à 4,8 milliards d'euros en 2017 et à 0,6 milliard d'euros en 2018.
Évolution du produit des « grands impôts » de l'État de 2016 à 2018
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat
En effet, la hausse des remboursements et dégrèvements s'impute sur les « autres recettes fiscales nettes », diminuant leur produit attendu pour 2018.
Les principales mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de finances représentent une réduction des impôts d'environ 5,5 milliards d'euros, soit 4,9 milliards d'euros après prise en compte de l'incidence en 2018 des contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés prévues par le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017.
En effet, le chiffre d'une réduction des impôts d'environ 10 milliards d'euros mis en avant par le Gouvernement intègre l'incidence de mesures qui ont en réalité été mises en oeuvre sous la précédente mandature .
Impact sur le produit des recettes fiscales nettes, en 2018, des mesures nouvelles antérieures et postérieures au 14 mai 2017
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)
Les mesures prises par l'actuel Gouvernement n'ont quasiment aucun impact sur l'impôt sur les sociétés et devraient même finalement contribuer à l'alourdir en raison de l'incidence de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés dont la création est prévue dans le projet de loi de finances rectificative déposé le 2 novembre 2017.
De même, plus de la moitié de la réduction de l'impôt sur le revenu découle de mesures dont la mise en oeuvre avait été décidée sous la précédente mandature .
L'accélération de la hausse de la composante carbone et de la convergence entre le diesel et l'essence fait peser une charge supplémentaire de 3,2 milliards d'euros sur les contribuables.
La seule diminution réellement significative imputable au Gouvernement concerne la catégorie des « autres recettes fiscales nettes » , qui intègre la réforme de la taxe d'habitation (- 3 milliards d'euros en 2018), le remplacement de l'impôt sur la fortune par l'impôt sur la fortune immobilière (- 3,2 milliards d'euros) et la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes (- 1,8 milliard d'euros).
En outre, l'impact des mesures prises par le Gouvernement sur la concentration de l'impôt sur les classes moyennes ne laisse pas que d'interroger .
Ainsi, la hausse de la fiscalité énergétique - qui, en théorie, devrait inciter les ménages et les entreprises à réduire leur consommation énergétique - constitue avant tout une mesure de rendement budgétaire qui risque de peser de façon particulièrement sensible sur les ménages les plus modestes . En effet, selon une étude de mars 2016 du Commissariat général au développement durable (CGDD), la progression de la composante carbone a conduit, en 2016, à une augmentation des dépenses énergétiques des ménages de 83 euros par an en moyenne. Le CGDD avait évalué le surcoût en 2020 à 245 euros par an en moyenne, en s'appuyant sur la trajectoire de la composante carbone prévue en loi de finances rectificative pour 2015. Encore l'effet de la fiscalité énergétique sur le pouvoir d'achat des ménages a, jusqu'alors, été partiellement contenu grâce à la baisse du prix du pétrole 33 ( * ) : en cas de remontée des cours, l'impact de ces mesures sur le niveau de vie des ménages risque d'être encore plus marqué.
Au surplus, la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages à horizon 2020 conduit à renforcer l'imposition des ménages sur les classes moyennes : la taxe d'habitation était en effet le dernier impôt direct payé par les ménages qui ne contribuent pas au financement des dépenses de l'État au titre de l'impôt sur le revenu.
Enfin, il convient de noter que la hausse de la contribution sociale généralisée (prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017), qui ne fait l'objet d'aucune mesure de compensation pour les retraités , pèsera également sur les épargnants en réduisant - voire en annulant - les gains liés à la mise en place du prélèvement forfaitaire unique : les ménages français détiennent majoritairement, outre des livrets réglementés qui ne sont pas concernés par la réforme, des assurances vie et des plans d'épargne en action (PEA). Or la réforme du PFU représente un alourdissement de la fiscalité sur ces deux produits : le taux d'impôt sur le revenu de 12,8 % n'est pas plus favorable que les taux qui s'appliquent aux contribuables qui respectent les durées de détention prévues par la loi tandis que la hausse de la CSG s'appliquera aux assurances vie comme aux PEA.
Le passage à une fiscalité de droit commun et la suppression de la prime de l'État pour les plans d'épargne logement (PEL) et les comptes d'épargne logement (CEL) , largement détenus par les classes moyennes, ne semblent pas non plus aller dans le sens d'une politique fiscale réellement redistributive pour l'ensemble des ménages.
Concernant les entreprises, l'effort n'apparaît pas non plus à la hauteur des enjeux . La baisse de l'impôt sur les sociétés - votée sous la précédente mandature - est contrebalancée par une réduction du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) .
Au total, l'impact effectif des baisses d'impôt prévues par le projet de loi de finances pour 2018 doit donc être nuancé . Une réduction plus ambitieuse des dépenses de l'État aurait permis de conduire la réforme fiscale de grande ampleur dont l'économie française a besoin.
* 33 Entre juillet 2014 et février 2016, le cours du Brent est passé de 110 à 35 dollars par baril.