EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La menace terroriste qui vise la France n'a jamais été aussi élevée. Depuis 2015, 239 de nos concitoyens ont perdu la vie au cours d'un attentat. Comme le relevait le ministre d'État, ministre de l'intérieur, M. Gérard Collomb, devant votre commission le 4 juillet 2017, les signaux constatés sur notre sol au cours des derniers mois montrent que notre pays demeure une cible privilégiée d'attentats.

Face au terrorisme, la France n'est pas désarmée. Depuis 2013, ce ne sont pas moins de huit lois qui ont été adoptées par le législateur dans le but de renforcer les outils mis à disposition des autorités administratives et judiciaires pour prévenir la commission d'actes de terrorisme. Nombre d'entre elles l'ont d'ailleurs été à l'initiative du Sénat. Nous disposons désormais d'un arsenal pénal permettant d'intervenir très en amont. Les pouvoirs de police administrative ont, de la même manière, été considérablement renforcés au gré des réformes législatives.

Le Sénat est saisi en premier lieu et en première lecture du projet de loi n° 587 (2016-2017) renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme , pour l'examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Présenté alors que le Parlement était appelé à se prononcer sur la sixième et, selon les annonces du Gouvernement, dernière prorogation de l'état d'urgence, ce texte tend à renforcer les outils de prévention et de lutte contre le terrorisme, en inscrivant dans le droit commun des mesures inspirées de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence .

Lors de ses travaux, votre rapporteur a pu constater les craintes, au sein du monde politique, du monde judiciaire comme de la société civile, face à la création de mesures fortement attentatoires aux libertés de l'ensemble de nos concitoyens.

Soucieux de doter les pouvoirs publics des instruments nécessaires pour faire face à la menace terroriste, mais conscient des risques d'une « dérive sécuritaire », il s'est efforcé de parvenir à un nécessaire équilibre entre les impératifs de sauvegarde de l'ordre public et de protection des droits et des libertés constitutionnellement garantis.

I. LE PROJET DE LOI : L'ANTICIPATION DE LA SORTIE DE L'ÉTAT D'URGENCE

Pour la sixième fois depuis sa déclaration en novembre 2015, le Parlement a, le 6 juillet dernier, approuvé la prorogation de l'état d'urgence, pour une nouvelle période de trois mois et demi.

Cette nouvelle phase d'application de l'état d'urgence sur notre territoire, qui s'étendra du 15 juillet au 1 er novembre 2017, devrait, selon l'engagement du Gouvernement, être la dernière, le présent projet de loi ayant vocation à assurer, par le renforcement des pouvoirs de police administrative de droit commun, « une sortie maîtrisée » de ce régime juridique exceptionnel.

A. L'ETAT D'URGENCE : UN DISPOSITIF UTILE, QUI DOIT CONSERVER SON CARACTÈRE EXCEPTIONNEL

À l'issue de sa sixième phase, l'état d'urgence aura connu sa plus longue période d'application depuis sa création , en 1955. Si son utilité a été démontrée, au cours de ces presque deux dernières années, il ne saurait toutefois, en raison des atteintes aux libertés publiques qu'il implique, être maintenu indéfiniment pour prévenir la menace terroriste durable auquel notre pays est confronté.

1. Un régime de pouvoirs de police administrative exceptionnels

Régime juridique d'exception dont les caractéristiques sont fixées par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, l'état d'urgence peut être déclaré, aux termes de l'article 1 er de cette loi, « soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » .

Il est décrété en conseil des ministres pour une durée maximale de douze jours, sa prorogation ne pouvant, par la suite, être autorisée que par la loi.

La déclaration de l'état d'urgence conduit à confier, de manière temporaire, des pouvoirs renforcés au ministre de l'intérieur ou au préfet, selon les mesures concernées, aux fins de garantir l'ordre et la sécurité publics.

La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 prévoit plusieurs mesures spécifiques, individuelles ou de portée générale, dont le cadre juridique a fait l'objet, depuis novembre 2015, de nombreuses adaptations au gré des différentes lois de prorogation adoptées par le Parlement.

a) Les restrictions à la liberté d'aller et venir

L'article 5 de la loi du 3 avril 1955 confie au préfet des prérogatives exceptionnelles lui permettant de restreindre, dans son département, la circulation des personnes, par le biais de trois mesures :

- l 'interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules dans des lieux et aux heures fixés par un arrêté. Cette mesure permet au préfet de décider de la mise en place de couvre-feux dans des zones confrontées à des risques importants de troubles à l'ordre public ;

- l' instauration, par arrêté, des zones de protection, au sein desquelles l'accès et la circulation des personnes peuvent être réglementés ;

- l' interdiction de séjour dans tout ou partie du département, qui peut être ordonnée par le préfet à l'égard de toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics. Jugée non conforme à la Constitution 2 ( * ) au motif qu'en ne limitant pas l'application de cette mesure aux personnes représentant une menace pour l'ordre public, le législateur n'avait pas assuré une conciliation équilibrée entre l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté d'aller et venir, cette mesure a fait l'objet d'une réécriture dans la loi relative à la sixième prorogation de l'état d'urgence, adoptée définitivement par le Parlement le 6 juillet dernier.

Introduit dans la loi du 3 avril 1955 par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 relative à la quatrième prorogation de l'état d'urgence, l'article 8-1 ouvre, de manière complémentaire, au préfet la possibilité d'autoriser, par arrêté motivé, les officiers de police judiciaire et, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire et certaines catégories d'agents de police judiciaire adjoints, à procéder à des contrôles d'identité, à l'inspection visuelle et à la fouille de bagages ainsi qu'à la visite de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

b) Les assignations à résidence

L'article 6 de la loi du 3 avril 1955 confère au ministre de l'intérieur la possibilité de prononcer l'assignation à résidence , dans le lieu qu'il détermine, de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.

L'assignation à résidence peut être assortie de mesures complémentaires, parmi lesquelles l'obligation faite à la personne de se présenter régulièrement aux unités de police ou de gendarmerie, la remise obligatoire de ses documents d'identité, l'interdiction de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes nommément désignées, le placement sous surveillance électronique.

Profondément modifié par la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 de prorogation de l'état d'urgence, puis par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique , le cadre juridique des assignations à résidence limite désormais à douze mois la durée maximale d'assignation à résidence, celle-ci ne pouvant toutefois être prolongée par le ministre de l'intérieur, pour une durée maximale de trois mois renouvelable, lorsque le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, sous réserve de la présentation d'éléments nouveaux ou complémentaires, et à condition de tenir compte, dans l'examen de la situation de la personne concernée, de la durée totale de son placement sous assignation à résidence, des conditions de cette mesure et des obligations complémentaires dont celle-ci est assortie 3 ( * ) .

c) Les perquisitions administratives

L'article 11 de la loi du 3 avril 1955, substantiellement modifié par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'état d'urgence , autorise, à condition que le décret déclarant l'état d'urgence ou la loi le prorogeant le précise expressément, les autorités administratives à ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris au domicile d'une personne, de jour comme de nuit, « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » . En sont exclus les locaux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ainsi qu'à l'activité des avocats, des magistrats ou des journalistes.

Conduite en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent, la perquisition ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins.

Dans le cadre d'une perquisition, les forces de l'ordre disposent de la possibilité de procéder à des saisies des données informatiques contenues dans les différents supports présents sur le lieu de la perquisition, de même que celles accessibles par l'intermédiaire de ces supports.

Depuis la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 précitée, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel 4 ( * ) , les conditions dans lesquelles les perquisitions de nuit peuvent être organisées ont été encadrées, seule une « motivation spéciale de la décision de perquisition fondée sur l'urgence ou les nécessités de l'opération » pouvant justifier qu'elles soient effectuées entre 21 heures et 6 heures.

d) Les mesures de police des réunions et des lieux publics

L'article 8 de la loi du 3 avril 1955 prévoit que le ministre de l'intérieur, sur l'ensemble du territoire, et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature, de même qu'interdire les réunions de nature à entretenir ou à provoquer le désordre.

Depuis la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016, l'article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 mentionne explicitement la possibilité de fermer les « lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ».

e) Les autres mesures de l'état d'urgence

En vertu de l'article 9 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction résultant de de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 précitée, le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire, et le préfet, dans le département, peut ordonner, de manière générale, la remise des armes et des munitions , détenues ou acquises légalement. Les préfets sont également autorisés à prendre des décisions individuelles de remises d'armes.

L'article 10 de la loi du 3 avril 1955permet par ailleurs aux préfets de procéder à des réquisitions de biens et de personnes.

L'article 11 qui a, lui aussi, fait l'objet d'une réécriture complète par la loi du 20 novembre 2015, confère au ministre de l'intérieur le pouvoir de prendre « toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ».

Enfin, l'article 6-1, introduit dans la loi de 1955 par la loi du 20 novembre 2015, permet au Gouvernement, de manière complémentaire au dispositif de droit commun prévu par l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, de dissoudre par décret en conseil des ministres « les associations ou groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent » .

2. Un dispositif utile auquel il doit être mis fin

Appliqué de manière continue sur l'ensemble du territoire national depuis sa déclaration le 14 novembre 2015, l'état d'urgence a connu cinq phases successives et entrera dans sa sixième phase le 15 juillet 2017.

Les cinq phases de l'état d'urgence

La première phase a débuté le 14 novembre 2015, à la suite des attentats du 13 novembre, avec la déclaration de l'état d'urgence sur le territoire métropolitain, périmètre géographique qui a été étendu, le 18 novembre 2015, aux cinq départements d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Cette première phase a été prolongée par la loi du 20 novembre 2015, pour une durée de trois mois, la prorogation de l'état d'urgence au-delà d'un délai de douze jours après la parution du décret ne pouvant, en application de l'article 2 de la loi du 3 avril 1955, être autorisée que par la loi.

La deuxième phase de l'état d'urgence, qui résulte de la loi du 19 février 2016, a débuté le 26 février 2016, pour une période de trois mois.

La troisième phase , qui s'est ouverte le 26 mai 2016 en application de la loi du 20 mai 2016, avait pour principal objectif d'assurer la sécurité des grandes manifestations sportives attendues sur le territoire à l'été 2016 - l'Euro 2016 et l'arrivée du Tour de France sur les Champs-Élysées. Contrairement aux deux phases précédentes, elle excluait la possibilité pour les autorités administratives de conduire des perquisitions administratives.

Alors que la troisième phase de l'état d'urgence aurait dû s'achever le 26 juillet 2016, la loi du 21 juillet 2016, adoptée dans les jours qui ont suivi l'attentat de Nice, a ouvert la quatrième phase d'application de l'état d'urgence le 22 juillet, pour une durée de six mois, notamment afin de réactiver la possibilité pour les autorités administratives de procéder à des perquisitions.

La démission du Gouvernement de M. Manuel Valls le 6 décembre 2016 a entraîné une anticipation de la cinquième prorogation de l'état d'urgence 5 ( * ) . La cinquième phase de l'état d'urgence s'est ouverte le 22 décembre 2016, en application de la loi du 19 décembre 2016, pour une durée de six mois, le maintien de ce régime exceptionnel ayant été justifié par la nécessité d'assurer un haut niveau de sécurité au cours de la période électorale.

Le bilan statistique établi, à ce jour, sur les cinq phases de l'état d'urgence permet de constater que si les mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955 ont été particulièrement nombreuses au cours des semaines qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015, leur nombre a fortement décru au cours des phases suivantes.

Ainsi en va-t-il notamment des perquisitions administratives, dont le nombre est passé de 3 594 au cours de la première phase de l'état d'urgence à 161 entre le 22 décembre 2016 et le 30 juin 2017. De la même manière, le nombre d'arrêtés d'assignation à résidence, qui s'est élevé à 350 au cours de la première phase, n'a été que de 89 au cours de la dernière période.

Bilan statistique des principales mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, depuis le 14 novembre 2015

Perquisitions

Assignations à résidence

Zones de protection

Interdiction de séjour ou d'accès

Fermeture de lieux de réunion

Phase I

3 594

350

30

540

30

Phase II

167

72

Phase III

Non activées

82

Phase IV

612

115

22

30

11

Phase V 6 ( * )

161

89

19

48

5

Total

4 534

708

71

618

46

Source : ministère de l'intérieur

Si l'utilité de la déclaration de l'état d'urgence en réponse aux attentats du 13 novembre 2015 est communément admise, nombreux sont ceux qui s'interrogent en revanche, au vu de ce bilan statistique, sur l'efficacité et l'utilité de l'état d'urgence au cours des mois qui ont suivi.

À cet égard, votre commission partage l'idée selon laquelle il serait réducteur de résumer l'utilité et l'efficacité de ce dispositif exceptionnel au nombre de mesures ordonnées .

En effet, la très forte concentration des mesures au cours de la première phase s'explique, avant tout, par les nécessités liées, au lendemain des attentats, à la recherche des responsables ainsi qu'à la prévention de la commission de tout nouvel acte de terrorisme.

Comme votre rapporteur le soulignait dans son rapport sur la loi relative à la sixième prorogation de l'état d'urgence 7 ( * ) , le recours moins intensif aux outils de l'état d'urgence au cours des périodes suivantes, dont on ne peut que se féliciter, traduit par ailleurs une utilisation plus ciblée de ces mesures exceptionnelles , la voie judiciaire étant, dans la mesure du possible, privilégiée lorsque les éléments permettant d'ouvrir une enquête préliminaire ou une information judiciaire sont réunis.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, les mesures mises en place au cours de l'état d'urgence auraient permis de doter l'État, face à une menace terroriste qui demeure élevée, de moyens essentiels pour assurer la sécurité de la population. Les mesures prévues par l'article 5 de la loi du 3 avril 1955, notamment celles permettant la définition de périmètres de sécurité, auraient facilité la sécurisation d'événements d'ampleur , à l'instar de l'Euro 2016, constituant, en raison de leur nature ou tout simplement de leur fréquentation, des cibles privilégiées d'actes de terrorisme.

Les perquisitions administratives auraient également apporté une contribution non négligeable à la lutte contre le terrorisme , en permettant, dans certains cas, de « lever le doute » , voire de déjouer des actions en préparation. Ainsi, depuis la déclaration de l'état d'urgence en novembre 2015, « 30 procédures judiciaires ont été ouvertes par la section anti-terroriste du parquet de Paris des chefs d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste à la suite d'une perquisition administrative » 8 ( * ) .

Pour autant, votre commission souligne que, malgré l'utilité qui a pu être la sienne, l'état d'urgence ne saurait demeurer un horizon indépassable , notamment en ce qu'il implique, par les mesures exceptionnelles qu'il autorise, des atteintes substantielles aux libertés et droits fondamentaux.

Le législateur a certes, au gré d'une jurisprudence constitutionnelle très fournie du Conseil constitutionnel, renforcé la protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles dans la loi du 3 avril 1955 . Ainsi en est-il des saisies de données informatiques effectuées lors d'une perquisition, dont le régime juridique a été réécrit dans la loi du 21 juillet 2016, ou encore de l'interdiction de séjour prévue par l'article 5 de la loi du 3 avril 1955, qui a fait l'objet d'une révision par la loi relative à la sixième prorogation de l'état d'urgence adoptée définitivement le 6 juillet dernier.

Votre rapporteur se félicite également qu'un contrôle parlementaire accru et régulier de l'état d'urgence ait pu être mis en oeuvre dès le mois de novembre 2015. Le nouvel article 4-1 introduit dans la loi du 3 avril 1955 par la loi du 20 novembre 2015 prévoit ainsi que « l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence » . En application de cette disposition, les deux assemblées parlementaires sont ainsi destinataires, depuis le début de la quatrième phase, de l'ensemble des actes administratifs pris dans le cadre de l'état d'urgence.

Malgré ce contrôle renforcé, tant par la représentation nationale que par le juge constitutionnel, les dispositions de la loi du 3 avril 1955 demeurent exceptionnelles et fortement dérogatoires à notre état de droit.

Au demeurant, la pérennisation de l'état d'urgence sur notre territoire serait d'autant plus risquée qu'elle conduirait nécessairement, à terme, à son affaiblissement . En prolongeant indéfiniment l'utilisation de mesures créées pour être mises en oeuvre de manière exceptionnelle, nous nous priverions en effet de l'usage de dispositifs instaurés par le législateur pour répondre à des situations d'urgence ou de péril imminent. Or, dans un contexte de menace terroriste particulièrement élevé, notre démocratie se doit de conserver des régimes juridiques d'exception, lui permettant de doter les autorités administratives, lorsque les circonstances le justifient, des prérogatives nécessaires à la restauration rapide de la sécurité et de l'ordre publics.


* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 (M. Sofiyan I.)

* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 (Ligue des droits de l'homme).

* 5 L'article 4 de la loi du 3 avril 1955 prévoit en effet que « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ».

* 6 Au 30 juin 2017.

* 7 Rapport n° 591 (2016-2017) de M. Michel Mercier, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Le rapport est disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/rap/l16-591/l16-591.html.

* 8 Exposé des motifs du projet de loi relatif à la sixième prorogation de l'état d'urgence.

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