CHAPITRE III - ACCÈS AU FINANCEMENT ET PLURALISME
Article 10 (art. 16-1 [nouveau] de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) - Création, missions et prérogatives du médiateur du financement des candidats et des partis politiques
L'article 10 du projet de loi institue un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Seraient fixées au niveau législatif les règles relatives à ses missions, sa nomination et ses prérogatives, leurs modalités d'application étant renvoyées à un décret en Conseil d'État. Il pourrait agir sur l'ensemble du territoire national.
Votre commission a adopté un amendement COM-68 de précision rédactionnelle présenté par son rapporteur , visant également à insérer ce dispositif au sein d'un nouvel article 16-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
1. Les missions et prérogatives du médiateur (I, II, II bis , II ter, IV et V).
L'objectif recherché est de faciliter le dialogue entre les candidats et partis ou groupements politiques et leurs prêteurs privilégiés, les établissements de crédit, afin de favoriser l'accès au crédit pour le financement des campagnes électorales et des activités politiques.
La création du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques s'inspire de l'institution en 2008, par un « accord de place » reconduit à échéances régulières depuis, d'un médiateur du crédit pour les entreprises.
Cette mesure apparaît comme une contrepartie à la restriction apportée par les articles 8 et 9 du projet de loi aux possibilités de prêt par une personne physique ou morale.
Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques serait investi uniquement d'une mission de conciliation, à l'exclusion de tout pouvoir coercitif à l'égard des établissements de crédit. Sa mission serait facilitée par deux moyens :
- il ne pourrait pas se voir opposer le secret professionnel protégé par l'article L. 511-33 du code monétaire et financier, généralement connu sous le nom de « secret bancaire » ;
- les constatations qu'il pourrait faire ou les déclarations qu'il pourrait recueillir dans le cadre de sa mission seraient couvertes par le secret qui, dans le cadre d'une action civile, ne pourrait être levé qu'avec l'accord des parties.
Il présenterait un rapport périodique au Parlement pour dresser un bilan de son activité et formuler des recommandations dans son périmètre d'activité. Adoptant un amendement COM-13 de notre collègue Jean-Pierre Grand , votre commission a précisé que le rythme de dépôt de ce rapport serait annuel.
La saisine du médiateur serait ouverte aux candidats et aux partis ou groupements politiques ayant vu rejetée une demande de prêt. Le médiateur pourrait alors engager une procédure de médiation avec les établissements ayant préalablement opposé un refus, qui demeureraient libres d'apprécier les garanties de solvabilité du candidat ou du parti ou groupement politique. Selon l'étude d'impact, « le médiateur du crédit fonde son analyse sur le seul risque de crédit ».
Votre commission a souscrit à la création d'un tel médiateur au regard du succès rencontré par la médiation opérée par son homologue depuis 2008 entre les établissements financiers et les entreprises. Elle a d'ailleurs souhaité, sur la proposition de son rapporteur, étendre sa mission aux difficultés rencontrées par un mandataire financier ou une association de financement de parti ou groupement politique en matière d'ouverture du compte bancaire ou postal ainsi que pour son fonctionnement ( amendement COM-69 du rapporteur ). Il interviendrait en matière de campagnes électorales comme de financement des partis ou groupements politiques. Dans ce dernier cas, le médiateur pourrait être saisi de cas relatifs à des prestations liées au compte ouvert qui seraient insatisfaisantes pour assurer le financement de la campagne électorale : accès limité aux moyens de paiement, nombre limité de chèques pouvant être encaissés, etc .
Par cohérence, votre commission a modifié sa dénomination en « médiateur du financement des candidats et des partis politiques » de manière à prendre en compte cette seconde mission ( amendement COM-69 ).
2. Les modalités de désignation du médiateur (III)
Le médiateur serait nommé pour un mandat de six ans non renouvelable. Pour asseoir sa légitimité, il serait nommé par le président de la République après avis du gouverneur de la Banque de France et des commissions permanentes compétentes du Parlement en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Votre commission n'a pas remis en cause cette procédure de nomination mais a adopté un amendement COM-70 de son rapporteur qui a supprimé une mention de la commission compétente pour l'entendre préalablement à sa nomination dans la mesure où la désignation de la commission permanente compétente relève de la loi du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution que modifie justement l'article 11 du projet de loi. En outre, elle a transformé l'avis simple du gouverneur de la Banque de France sur cette nomination en un pouvoir de proposition de ce dernier, évitant ainsi un « doublon » avec l'avis des commissions parlementaires. Le gouverneur de la Banque de France dresserait ainsi une liste de trois noms parmi lesquels le président de la République devrait choisir le médiateur, ce qui permettrait de renforcer les garanties de qualification devant présider au choix du médiateur.
Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .
Article 11 (tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution) - Désignation de la commission permanente compétente pour examiner la candidature à la fonction de médiateur du financement des candidats et des partis politiques
L'article 11 du projet de loi tend à indiquer la commission permanente appelée à émettre un avis, après une audition publique, au sein de chaque assemblée parlementaire, sur la nomination du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Il confie cette mission à la commission compétente en matière de lois électorales - soit la commission des lois - en complétant le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Cette disposition découle de l'ajout de cette fonction à la liste de celles soumises à la procédure du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution par l'article 10 du projet de loi organique.
Votre commission a approuvé cette disposition, sous réserve de l'adoption d'un amendement COM-71 rédactionnel de son rapporteur .
Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .
Article 12 (supprimé) - Habilitation à légiférer par ordonnance en vue de la création d'une « banque de la démocratie »
L'article 12 du projet de loi tend à habiliter, dans les conditions fixées à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour instaurer un dispositif assurant le financement des campagnes électorales et de la vie politique. Le Gouvernement disposerait d'un délai de douze mois à compter de la publication de la loi pour édicter ces règles, à charge pour lui de déposer un projet de loi de ratification dans le délai de trois mois suivant la publication de l'ordonnance.
Cet article a vocation à créer et à mettre en oeuvre la « banque de la démocratie » annoncée le 1 er juin par l'ancien garde des sceaux, M. François Bayrou. Il s'agit de remédier aux difficultés croissantes rencontrées par les partis et groupements politiques et les candidats pour obtenir des prêts, difficultés qui pourraient être aggravées par les restrictions posées aux articles 8 et 9 du projet de loi concernant les prêts consentis par les personnes physiques et morales. Le dispositif proposé couvrirait les « prêts, avances ou garanties ».
À ce stade, l'habilitation laisse ouverte la question de la forme juridique de ce dispositif. Il pourrait autant s'agir d'un établissement de crédit créé ex nihilo ou adossé à un établissement existant - comme la Caisse des dépôts et consignations qui a été évoquée - que d'un mécanisme de financement sans personnalité morale et géré par un établissement existant.
Une fois ce choix effectué, le pouvoir réglementaire aurait à déterminer les règles de fonctionnement du dispositif. La liberté du Gouvernement n'est encadrée que par l'objectif de concilier « des conditions garantissant à la fois l'impartialité des décisions prises, en vue d'assurer le pluralisme de la vie politique, et la viabilité financière du dispositif mis en place ». L'habilitation comme l'étude d'impact demeurent muettes sur les moyens envisagés pour y parvenir. Lors de son audition au Sénat, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé qu'« une mission va d'ailleurs être confiée à l'inspection générale de l'administration et à l'inspection générale des finances pour étudier les conditions de mise en place de cette structure ».
Saisi in extremis de cette disposition, le Conseil d'État a eu l'occasion de regretter son impréparation. Déplorant une étude d'impact « beaucoup trop sommaire », il a souligné dans son avis qu'« en raison de la très grande indétermination des choix du Gouvernement qui demande au Parlement une habilitation à légiférer avant même d'avoir fait procéder à une étude préalable de faisabilité, il ne lui est possible d'apprécier l'adéquation de la mesure envisagée au regard des objectifs annoncés ».
L'étude d'impact revendique un « champ d'habilitation (...) volontairement large » rendant possibles plusieurs options. Or, cette habilitation est de nature à conduire à porter atteinte à des principes constitutionnels tels que l'égalité devant la loi des candidats et des partis ou groupements politiques ou la garantie des expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. Ces exigences constitutionnelles imposent, si la puissance publique entend intervenir dans le financement de la vie politique, qu'elle respecte un principe de neutralité et d'impartialité dans ses choix. Il n'est pourtant apporté aucune précision sur les conditions de cette impartialité. Si l'étude d'impact évoque la nécessité de mécanismes « indépendants de toute pression de l'autorité politique » et évoque l'éventualité d'un « comité chargé d'examiner les demandes sur la base de seuls critères de solvabilité », ces garanties ne sont pas reprises au sein de l'habilitation.
Ces insuffisances sont de nature à rendre cette habilitation contraire à l'article 38 de la Constitution dans la mesure où, si le domaine d'intervention est précisé, les finalités des mesures susceptibles d'être prises sont incertaines.
Le Conseil constitutionnel a récemment durci sa jurisprudence lorsque l'habilitation est susceptible de porter atteinte à un principe constitutionnel 174 ( * ) .
La rédaction actuelle de l'habilitation ne met en mesure ni le Parlement, ni le Conseil constitutionnel, s'il était saisi, de s'assurer que les mesures prises dans le cadre de l'habilitation respecteraient les principes constitutionnels applicables.
À titre d'exemple, les décisions d'accord ou de refus seraient-elles prises sur la base de critères financiers ou en fonction de la représentativité électorale du candidat ou du parti ou groupement politique ? Reposeraient-elles, le cas échéant, sur une combinaison de ces deux types de critères ? Des interrogations similaires existent sur l'articulation de ce dispositif avec la création d'un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques : la saisine de ce dernier serait-elle un préalable obligatoire au bénéfice du dispositif envisagé ? Enfin, quels types de recours gracieux et contentieux seraient prévus ?
Dans ces conditions, votre commission a adopté trois amendements COM-72, COM-132 et COM-15 de suppression, proposés respectivement par son rapporteur, la commission des finances et notre collègue Jean-Pierre Grand.
Votre commission a supprimé l'article 12.
* 174 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017.