III. BUSINESS FRANCE, LE BRAS ARMÉ DE L'ÉTAT STRATÈGE À L'EXPORTATION
1. Business France, un acteur devenu très vite incontournable pour l'internationalisation des PME et ETI françaises
La création de Business France au 1 er janvier 2015 par l'ordonnance n° 2014-1655 du 22 décembre 2014 avait pour objectif de rassembler au sein d'une même agence les activités « Export » (soutien à l'exportation), « Invest » (attraction des investissements étrangers) et « Promotion » (promotion de l'image économique de la France).
Au-delà des aspects budgétaires évoqués supra , le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2015-2017 de Business France est fondé sur les objectifs suivants 38 ( * ) :
- pour l'activité « Export », la cible de 10 000 PME et ETI ayant engagé un plan d'action à l'export accompagnées d'ici 2017 , ainsi que la cible de 10 000 volontaires internationaux en entreprise (VIE) en 2017 ;
- pour l'activité « Invest », de 500 projets d'investissements aboutis en 2017 (contre 400 projets en 2014), ces projets devant permettre de créer ou de maintenir 15 500 emplois ;
- pour l'activité « Promotion » , il s'agit de déployer une stratégie d'influence auprès des décideurs économiques internationaux, qui se traduit notamment par l'organisation d'événements et de rencontres.
De fait, moins de deux ans après la fusion, le bilan est très positif : s'agissant par exemple de l'objectif de 10 000 PME et ETI accompagnées à l'export, celui-ci devrait être atteint avec 14 mois d'avance, fin 2016 39 ( * ) . D'une manière générale, la réussite de Bpifrance est largement reconnue par les acteurs concernés . Ainsi, lors du déplacement de vos rapporteurs spéciaux à Seattle et à San Francisco en avril 2016 40 ( * ) , de très nombreux interlocuteurs - entrepreneurs, investisseurs, responsables publics etc. - ont évoqué le rôle-clé des équipes de Business France dans le succès de la « French Tech » à l'étranger .
Toutefois, des pistes d'amélioration demeurent pour que Business France puisse pleinement trouver sa place en tant qu'instrument d'un nouvel État stratège à l'exportation. Parmi celles-ci, une présence renforcée sur les territoires, et une meilleure coordination avec ses partenaires .
2. Renforcer la présence territoriale de Business France
Aujourd'hui, Business France dispose de quelques 92 implantations dans 70 pays, relayées le cas échéant par les services économiques de la DG Trésor (cf. supra ) : sa présence à l'international, répartie selon une logique géographique ou une expertise sectorielle 41 ( * ) , est très satisfaisante.
En revanche, Business France manque à ce jour d'une présence forte dans les territoires français, pourtant indispensable pour « sourcer » (c'est-à-dire identifier) et accompagner les entreprises ayant un potentiel de développement à l'international. Sur les 1 523 agents de Business France, une quarantaine seulement sont actuellement dans les régions françaises . En outre-mer, l'agence ne dispose d'aucun collaborateur, alors même que les PME locales auraient grand besoin de son expertise (mise en place d'un site web, aide à la traduction etc.) pour profiter des importantes possibilités de développement à l'international, notamment dans les zones voisines (Amérique du Sud pour la Guadeloupe et la Martinique, Afrique de l'Est pour la Réunion etc.). Certes, Bpifrance dispose d'un important réseau de correspondants en région , sur lequel pourrait le cas échéant s'appuyer Busines France, mais l'expertise et les priorités de ces deux acteurs ne sont pas les mêmes (cf. infra ).
Pourtant, il existe bien dans les territoires une compétence en la matière : le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) emploie ainsi 400 « conseillers en développement international » , chargé d'orienter les PME et de leurs offrir des prestations adaptées à leurs projets (diagnostic export, mission commerciale, aide à la création d'une filiale etc.) 42 ( * ) . C'est d'ailleurs sur ces conseillers en développement international que repose l'accord de partenariat signé le 11 mars 2015 entre Business France et CCI France : les CCI se chargent d'identifier les PME dans le tissu économique local, Business France les accompagne dans la phase de « projection », et le réseau des chambres consulaires à l'étranger prend le cas échéant le relais pour asseoir leur implantation. Malheureusement, ce partenariat ne semble pas produire les résultats escomptés : l'objectif de 30 000 PME « identifiées » d'ici mi-2017 ne sera vraisemblablement pas atteint... d'autant que parmi les entreprises identifiées par les CCI, beaucoup étaient en fait déjà connues de Business France. De fait, les difficultés sont nombreuses : les CCI disposent certes d'une expertise territoriale, mais l'expertise sectorielle (par exemple : vin, luxe, numérique etc.) leur fait largement défaut, alors qu'elle est l'une des forces de Business France . En outre, l'accord du 11 mars 2015 est très inégalement mis en oeuvre au niveau de chacune des 154 CCI.
Afin de pallier cette faiblesse et de renforcer la présence territoriale « propre » de Business France, il pourrait être envisagé de transférer une partie des 400 conseillers en développement international des CCI vers Business France , qui les formerait et les intègrerait à sa stratégie générale.
Sur le plan budgétaire, cette réforme se traduirait par l'affectation d'une fraction de la « taxe pour frais de chambre » affectée aux CCI à Business France , le cas échant par le biais de CCI France, la tête de réseau des CCI. Ce transfert pourrait représenter environ 30 millions d'euros, permettant de reprendre environ la moitié des conseillers en développement international des CCI. Pour mémoire, la taxe pour frais de chambre représente une ressource annuelle de 865 millions d'euros 43 ( * ) , à comparer avec le budget d'environ 100 millions d'euros de Business France.
Ce modèle « centralisé » a d'ailleurs été retenu avec succès par le Royaume-Uni : l'agence britannique de soutien à l'exportation a « absorbé » les personnels chargés de cette mission au sein du réseau consulaire territorial, et dispose maintenant de 3 000 collaborateurs permanents au sein du tissu économique local , contre 40 agents pour Business France.
3. Clarifier la répartition des rôles avec Bpifrance et les autres partenaires de Business France, sur le plan opérationnel comme sur le plan de la communication
Depuis sa création en 2015, Business France s'est engagé dans une politique de partenariats ambitieuse avec des acteurs très divers , visant à tirer parti de leurs complémentarités : Bpifrance, administrations centrales (DGE et DG Trésor), réseau consulaire en France et à l'international, Agence française de développement (AFD), Expertise France ou encore Régions de France, avec l'accord-cadre du 29 septembre 2016. Le partenariat signé avec l'AFD le 24 avril 2015, notamment, semble donner d'excellents résultats et receler un grand potentiel : la première année, il a permis à Business France d'associer quelques 800 PME françaises et de mener 30 opérations en lien avec les actions de l'AFD 44 ( * ) .
Pourtant, dans certains cas, le recoupement des actions de Business France avec celles de certains de ses partenaires est problématique , et nuit à l'efficacité et à la cohérence de la politique publique de soutien à l'export et à l'internationalisation des entreprises françaises. En matière de promotion des produits agroalimentaires, une clarification bienvenue des champs de compétence est intervenue récemment : en 2016, Business France a récupéré le volet « promotion à l'export » des missions de la Sopexa (Société de promotion des produits agricoles) , avec la quinzaine d'agents chargés de cette mission (qui représente encore 10 % à 20 % des 70 millions d'euros de chiffre d'affaires de cette société créée en 1960, mais dont l'État n'est plus actionnaire depuis 2008 45 ( * ) ). À compter de 2017, la Sopexa ne participera plus à des salons à l'étranger, et se recentrera sur ses missions nationales, dans le cadre d'une nouvelle stratégie (qui passe notamment par un nouveau nom, Comexposium). Symétriquement, Business France ne devrait plus répondre à des appels d'offre privés de promotion, où il se trouvait en concurrence avec la Sopexa.
Mais le cas le plus significatif est celui de l'articulation des missions de Business France d'une part, et de Bpifrance d'autre part . En principe, les deux institutions sont tout à fait complémentaires : Business France accompagne les entreprises à l'exportation (expertise marché), tandis que Bpifrance leur donne accès à des financements (expertise financière).
Sur le plan opérationnel, la répartition des rôles est d'ailleurs très claire et ne pose généralement aucun problème . Ceci dit, alors même que les responsables de Bpifrance assurent n'exercer rien d'autre que les missions d'une banque et d'investisseur, les initiatives récentes prises en matière d'accompagnement des entreprises (cf. supra : Bpifrance Excellence , Initiative Conseil , les trois accélérateurs, mais aussi l'organisation de salons internationaux et d'événements) pourraient tout aussi bien relever d'une mission de Business France dès lors qu'il s'agit d'exportation . Il n'est pas forcément illégitime qu'une institution telle que Bpifrance prenne de telles initiatives, mais à tout le moins cela devrait-il se faire de manière concertée avec les autres acteurs , afin que les complémentarités l'emportent sur la concurrence. Là encore, il s'agit in fine d'une question de volonté politique.
Sur le plan de la communication, la situation est encore plus préoccupante : le message est parfois brouillé, au détriment le plus souvent de Business France dont les moyens financiers en la matière sont incomparablement plus modestes. À terme, cette situation pourrait contribuer à brouiller et à affaiblir ce qui fait la spécificité de l'offre de Business France, c'est-à-dire la dimension internationale , par rapport à l'offre plus généraliste de financement proposée par Bpifrance.
L'exemple du programme « Ubi i/o » est à cet égard éloquent : ce programme d'accélération de jeunes start-up, dont l'édition 2016 a permis d'accompagner 18 entreprises (10 à San Francisco et 8 à New York) pendant 10 semaines (avril-juin 2016), est mené et financé conjointement par Business France et Bpifrance - le nom « Ubi i/o » est d'ailleurs une référence au nom Ubifrance, qui est à l'origine du programme 46 ( * ) . Pourtant, les supports de communication aux couleurs de Bpifrance sont largement plus présents et plus diffusés que ceux de Business France.
D'une manière plus générale, l'efficacité du soutien public à l'internationalisation des entreprises dépend de la capacité à transmettre un message clair. Il est ainsi regrettable que le logo du label « French Tech », très reconnaissable, ait vu son image brouillée par l'ajout de treize logos correspondant aux « Métropoles French Tech » , une initiative pilotée en lien avec les collectivités territoriales. Sur le plan national, il est légitime de souhaiter promouvoir l'attractivité de chaque métropole - mais lorsqu'il s'agit de promouvoir les start-up françaises à l'étranger, ne serait-il pas préférable de faire cause commune ?
Le logo « French Tech » et les logos des « Métropoles French Tech »
|
|
Source : mission French Tech
* 38 Source : COP 2015-2017 de Business France.
* 39 Source : audition de Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France (19 octobre 2016).
* 40 Dans le cadre d'une mission d'une délégation de la commission des finances aux États-Unis.
* 41 Par exemple, Business France dispose de 9 bureaux au Canada et aux États-Unis, chacun avec une spécialisation : infrastructures/transport/industrie/environnement ; agrotechs/alimentaire/vins ; mode/habitat ; nouvelles technologies ; santé/medtechs/biotechnologies.
* 42 Source : CCI France.
* 43 Ce montant est fixé par l'article 17 du présent projet de loi de finances, relatif au plafonnement des taxes affectées.
* 44 Source : audition de Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France (19 octobre 2016).
* 45 Source : Usine nouvelle , 18 septembre 2015.
* 46 Le programme Ubi i/o a été rebaptisé « Impact » à partir de 2017, un nom également donné à son équivalent en Chine.