II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. Un effort d'exécution réel mais en partie majoré par des reports, annulations et mesures de périmètre
Hors prise en compte du nouveau programme 343, l'exécution 2015 de la mission « Économie » est inférieure de 5,6 % en CP à l'exécution 2014 , à 1,85 milliard d'euros contre 1,96 milliard d'euros l'année précédente (- 109 millions d'euros). Bien que l'on observe une légère hausse de 1,5 % de l'exécution en AE (+ 27 millions d'euros), la mission « Économie » contribue donc cette année encore à l'effort de maîtrise des finances publiques.
Ce constat, quoique positif, appelle plusieurs réserves.
Premièrement, l'effort s'atténue nettement par rapport à l'exercice précédent , l'exécution 2014 ayant été, pour mémoire, inférieure de 22 % en AE (511 millions d'euros) et de 11,3 % en CP (249 millions d'euros) à l'exécution 2013.
Deuxièmement, les crédits consommés excèdent de 2,7 % en CP (49 millions d'euros) les crédits votés en loi de finances initiale , limités à 1,8 milliard d'euros. Et encore cette sur-exécution a-t-elle été « atténuée » par des annulations de crédits importantes, soit 44,8 millions d'euros en AE et 52,5 millions d'euros en CP , afin notamment de financer les nouvelles priorités du plan de lutte contre le terrorisme annoncé en janvier 2015 (opération Sentinelle etc.). A contrario , les dépassements s'expliquent aussi partiellement par le redéploiement de 100 millions d'euros en faveur de l'action 04 du programme 134, en loi de finances rectificative, pour financer des actions du PIA (cf. infra ).
Troisièmement, la diminution effective de la dépense publique doit être corrigée , dans la mesure où elle tient notamment :
- d'une part, à d'importants reports sortants sur 2016, soit 90,8 millions d'euros dont 50 millions d'euros au titre des aides au transport de presse prévues par l'accord État-Presse-Poste du 23 juillet 2008, déjà reportées pour le même montant de 2014 à 2015, et 10 millions d'euros au titre des garanties de Bpifrance ;
- d'autre part, à une série de mesures de périmètre 63 ( * ) , dont les deux principales sont le transfert de la subvention d'Atout France (30,4 millions d'euros en loi de finances initiale 2015) vers la mission « Action extérieure de l'État 64 ( * ) », et le transfert des crédits du laboratoire national d'essais (LNE) (10,2 millions d'euros) vers la mission « Recherche et enseignement supérieur 65 ( * ) » ;
D'une manière générale, les constantes modifications de périmètre que subit la mission « Économie » font qu'il est extrêmement difficile de porter une appréciation sur l'exécution budgétaire , et ceci d'autant que les données ne sont pas fournies à périmètre constant.
Au-delà des programmes permanents de la mission, les crédits exécutés sur le programme 343 « Plan France très haut débit » s'élèvent à 1 104 millions d'euros en AE, au lieu des 1 412 millions d'euros ouverts en LFI . Cette situation s'explique par les retards pris par les services du Premier ministre dans l'instruction des dossiers et les décisions de financement, mais elle n'a, en l'occurrence, pas lieu d'inquiéter 66 ( * ) . Il s'agit d'autorisations d'engagement, non de crédits de paiement, et le reliquat de 308 millions d'euros est donc reporté sur 2016. Ce décalage dans l'exécution ne remet pas en cause l'engagement de financement apporté par l'État pour le très haut débit , soit 3 milliards d'euros d'ici 2022, dont 2,1 milliards d'euros au titre du programme 343.
2. Les dispositifs d'intervention : une rationalisation bienvenue, mais qui ne doit pas porter seule l'effort budgétaire
Dans la mesure où les crédits de personnel représentent la moitié des crédits de la mission « Économie » et où les crédits de fonctionnement sont en grande partie constitués de subventions à d'autres acteurs (cf. infra ), les principales marges de manoeuvre budgétaires se trouvent sur les dépenses d'intervention, en partie discrétionnaires , qui représentent 16 % des crédits de la mission.
Les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises, et plus particulièrement des PME, relèvent du programme 134 . Celui-ci affiche une exécution de 946,8 millions d'euros en CP en 2015, contre 1 031,9 millions d'euros en CP en 2014, soit une baisse de 8,2 % (85,1 millions d'euros) 67 ( * ) . Les documents budgétaires étant largement inexploitables pour ce programme, il est nécessaire d'opérer des retraitements qui font apparaître que les dépenses d'intervention du programme 134 connaissaient une baisse très forte de 28,4 % (55 millions d'euros en CP) , s'établissant à 139,3 millions d'euros exécutés en 2015, pour 194,4 millions d'euros en 2014.
Les dispositifs d'intervention en faveur des
entreprises
|
||||
(crédits de Titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros) |
||||
Action |
Dispositif d'intervention |
2014 |
2015 |
Évolution |
02 |
Aide au départ des commerçants |
6,2 |
8,2 |
32,3% |
17 |
Subventions aux mouvements de consommateurs |
9,9 |
8,6 |
-13,1% |
02 |
Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) |
34 |
12,3 |
-63,8% |
02 |
Développement des PME (commerce, artisanat et services) |
8,5 |
7,25 |
-14,7% |
02 |
Comité professionnel de distribution de carburant (CPDC) |
2,9 |
0 |
-100,0% |
02 |
Mission des services à la personne |
2,6 |
0,99 |
-61,9% |
21 |
Subventions diverses au développement de l'activité touristique |
3,1 |
2,62 |
-15,5% |
03 |
Subventions aux centres techniques industriels (CTI) |
19,1 |
17,4 |
-8,9% |
03 |
Subventions à l'agence française de normalisation (AFNOR) |
9,8 |
8,9 |
-9,2% |
03 |
Subventions à l'agence pour la création des entreprises (APCE) |
2,9 |
2,6 |
-10,3% |
03 |
Subventions diverses à la politique industrielle |
35,2 |
30 |
-14,8% |
04 |
Remboursements à la Poste (courrier au Président de la République) |
1,4 |
1,4 |
0,0% |
04 |
Subventions aux organismes internationaux |
11,4 |
9,8 |
-14,0% |
03 |
Mutations industrielles (versement à STX France) |
2,2 |
||
03 |
Subvention au Comité français d'accréditation (Cofrac) |
0,19 |
0,19 |
0,0% |
20 |
Activité « Garantie » de Bpifrance |
40 |
26 |
-35,0% |
Divers |
7,1 |
|||
Total (après retraitements) : |
194,4 |
139,26 |
-28,4% |
|
Hors crédits relavant du PIA (133 millions d'euros en 2014 et 100 millions d'euros en 2015), ni les aides au transport de presse (100 millions d'euros en 2014 et 130 millions d'euros en 2015). Source : commission des finances du Sénat, d'après la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 de la Cour des comptes et les documents budgétaires. |
Cette diminution globale, très marquée, appelle plusieurs remarques et précisions particulières :
- la principale réduction porte sur la subvention versée au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) , qui s'établit à 12,3 millions d'euros en AE et en CP, soit une baisse de 63,8 % (21,7 millions d'euros), et ceci en dépit de la reprise des aides aux stations-service (cf. infra ). Après plusieurs années de forte diminution, cette subvention doit maintenant se stabiliser, et ceci tant que le FISAC n'aura pas fait la preuve de sa capacité à financer - sans effets d'aubaine 68 ( * ) - les projets véritablement prioritaires , notamment en matière d'accessibilité et de sécurité, dans les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville. À cet égard, la réforme prévue par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE) constitue une opportunité. Celle-ci vise à passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, dans la limite de l'enveloppe budgétaire initiale . Si cette réforme est parfaitement justifiée dans son principe, il conviendra de rester attentif aux conditions concrètes de sa mise en oeuvre ;
- si de nombreux dispositifs sont réduits, peu sont en réalité supprimés, la seule exception notable étant l'indemnité de départ (IDD) des artisans ou commerçants faisant valoir leurs droits à la retraite, supprimée par l'article 92 de la loi de finances pour 2015 en raison de son inadéquation avec les besoins. L'extinction est toutefois plus lente que prévu, avec 8,2 millions d'euros exécutés en AE et en CP en 2015 au lieu des 5 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2015, qui devraient amener à revoir à la hausse la prévision de 4 millions d'euros pour 2016 ;
- le maintien, via une ligne spécifique du FISAC, d'une partie des aides aux stations-service de proximité anciennement distribuées par le comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), pour un montant exécuté de 2 millions d'euros en CP, est une mesure importante pour les territoires ruraux, pour laquelle plusieurs de nos collègues sénateurs, issus de tous les groupes politiques, s'étaient mobilisés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Toutefois, vos rapporteurs spéciaux avaient également soulevé la question du traitement des quelques 2 200 dossiers du CPDC restés en souffrance , puis déposé lors du projet de loi de finances pour 2016 un amendement de crédits de 12,5 millions d'euros visant à assurer leur traitement . Ce montant, alors contesté par le Gouvernement, avait été ramené à 3,12 millions d'euros. Le récent décret de transfert n° 2016-631 du 19 mai 2016, qui vient « débloquer » le reste des 12,5 millions d'euros, confirme finalement le bien-fondé des remarques de vos rapporteurs spéciaux .
Plus généralement, il convient de saluer la poursuite, cette année encore, de l'effort de réduction du format de ces multiples instruments de soutien aux entreprises, à la compétitivité et à l'emploi. Toutefois, cet effort s'apparente davantage à un « rabot » qu'à une véritable rationalisation, pourtant nécessaire tant ces dispositifs demeurent éclatés et régis par des règles complexes . Les prochaines lois de finances initiales devraient être l'occasion d'entreprendre cette rationalisation, qui doit notamment passer par un allègement des procédures et un ciblage plus précis des projets prioritaires, à commencer par ceux qui permettent de revitaliser les zones rurales ou les zones urbaines sensibles .
Par ailleurs, la réalisation d'économies budgétaires sur des dépenses par nature discrétionnaires (aides du FISAC, aides à la reconversion etc.) ne constitue pas une voie souhaitable à long terme. Ces dépenses sont les plus « faciles » à réduire, mais elles sont aussi celles qui matérialisent de véritables choix politiques et économiques , à l'inverse des dépenses de personnel et de fonctionnement, plus rigides. Sans effort sur ces dernières, la puissance publique se prive, à terme, de la possibilité de « faire des choix » - certes de manière toute relative s'agissant du seul programme 134.
3. Une surestimation des dépenses de personnel en loi de finances initiale, qui masque une exécution stable et contrainte
Les dépenses de personnel représentent 49,5 % des dépenses de la mission « Économie », soit 916,4 millions d'euros en exécution, à un niveau stable (-0,1 %) par rapport à l'exécution 2014 , la légère baisse constatée sur le programme 220 étant neutralisée par la légère hausse sur les programmes 134 et 305 - dans ce dernier cas principalement à cause de la baisse du taux de change de l'euro, qui a un impact direct sur la valeur des indemnités versées aux agents des services économiques du Trésor en poste à l'étranger.
Certes, les dépenses de titre 2 exécutées en 2015 affichent une baisse plus importante de 2,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, qui s'élevaient à 939,1 millions d'euros. Toutefois, les crédits de personnel ouverts en loi de finances initiale sont de toute évidence fixés à un niveau trop élevé , alors même que l'exécution est très stable d'une année sur l'autre, de sorte que les plafonds d'emplois ne constituent pas une véritable contrainte en exécution . Tout au plus permettent-ils d'afficher à peu de frais un effort budgétaire global sur la mission, et de « gonfler » les reports sortants.
La même remarque vaut pour le plafond d'emplois de la mission , fixé à 12 556 ETPT et exécuté à hauteur de 12 131 ETPT : pourquoi avoir prévu un plafond initial si élevé, bien supérieur au niveau d'exécution 2014, soit 12 232 ETPT ?
Le schéma d'emplois s'élève quant à lui à -124 ETP en exécution , à mi-chemin entre l'objectif fixé en loi de finances initiale à -143 ETP et le schéma révisé à -112 ETP, pour tenir compte des nouvelles missions confiées à l'Arcep, à l'Autorité de la concurrence et à l'Agence des participations de l'État (APE) par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Il s'agit là d'un bon résultat , mais celui-ci ne se traduit pas entièrement dans les dépenses de personnel du fait de l'augmentation concomitante du nombre d'agents de catégorie A et du glissement vieillesse-technicité. Par ailleurs, il est partiellement dû aux difficultés récurrentes de recrutement rencontrées par l'Autorité de la concurrence et l'administration centrale - les difficultés liées au déménagement de l'Insee à Metz, relevées par vos rapporteurs spéciaux l'année dernière, s'étant en partie résorbées.
Le plafond d'emplois des opérateurs est lui-aussi sous-exécuté , à 2 582 ETPT au lieu des 2 637 ETPT prévus en loi de finances initiale. A l'inverse du plafond d'emplois de la mission, toutefois, l'objectif initial n'était pas excessivement éloigné de l'exécution 2014, qui était de 2605 ETPT, signe d'un pilotage plus resserré .
4. Administrations, AAI, opérateurs et Banque de France : un éclatement qui complique les économies de fonctionnement
Les dépenses de fonctionnement, qui représentent au total 29,2 % des crédits de la mission « Économie » en 2015, affichent une baisse globale de 44,6 millions d'euros, soit -7,6 %, pour une exécution 2015 à 540,5 millions d'euros en CP (hors plan France Très haut débit).
Toutefois, les marges de manoeuvre de l'État lui-même doivent être relativisées, dans la mesure où une part substantielle des crédits de fonctionnement correspond à la subvention à la Banque de France au titre des prestations réalisées pour le compte de l'État (14,7 % des dépenses de la mission exécutées en CP en 2015), et aux subventions aux opérateurs d'autre part (7,7 % des dépenses de la mission, mais 80 % des dépenses de titre 3 du programme 134).
Les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs ne varient pas par rapport à l'exercice 2014 (cf. infra ). La diminution dont font état les documents budgétaires s'explique seulement par des mesures de périmètre (LNE et Atout France, cf. supra ).
En exécution, la subvention versée à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État (secrétariat des commissions de désendettement, tenue du compte du Trésor etc.) s'élève quant à elle à 272,7 millions d'euros en 2015 contre 290 millions d'euros en 2014, soit une baisse de 6 % (17,3 millions d'euros) . La subvention à la Banque de France est censée diminuer progressivement ces prochaines années (251,6 millions d'euros), grâce aux gains d'efficience et à l'allègement des procédures permis par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Ceci dit, les indicateurs de performance du programme 3015 suggèrent que les négociations avec l'État continueront à être serrées : certes, le délai moyen de traitement d'un dossier de surendettement a diminué, à 3,77 mois en 2015 contre 4,03 mois en 2014 (indicateur 4.1), mais dans le même temps, le coût complet du traitement d'un dossier a augmenté, à 904 euros en 2015 contre 859 euros en 2014. De nouvelles simplifications apparaissent donc souhaitables : par exemple, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique prévoit de supprimer la phase de conciliation pour les débiteurs qui ne sont pas propriétaires immobiliers.
Si l'on exclut ce qui relève de la Banque de France et des opérateurs, les gains en matière de fonctionnement courant sont en réalité modestes , et par ailleurs inégaux en fonction des administrations. On peut notamment s'inquiéter de la hausse de 2,5 % des dépenses de titre 3 de l'Insee (programme 220), qui s'établissent à 58,4 millions d'euros en exécution, alors que les progrès de la dématérialisation de la collecte et du traitement des données 69 ( * ) devraient produire des gains importants en matière de frais de déplacement, d'affranchissement ou encore d'impression. Plusieurs pistes prometteuses doivent toutefois être saluées, à l'instar de la possibilité, prévue par le projet de loi pour une République numérique, de calculer une partie de l'indice des prix à la consommation (IPC) en accédant automatiquement aux données de caisse des distributeurs , plutôt que d'effectuer de coûteux et fastidieux relevés physiques.
Les trois autorités administratives indépendantes (AAI) du programme 134 réalisent un effort plus important : par rapport à l'exécution 2014, les crédits exécutés en 2015 en CP diminuent de 1,5 % pour l'Autorité de la concurrence, et de 1,7 % pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Ils augmentent certes de 2 % pour la Commission de régulation de l'énergie (CRE), mais celle-ci doit assumer de nouvelles missions (mise en oeuvre du « paquet énergie » et de la loi sur la transition énergétique, etc.). En dépit de ces bons résultats, il demeure pourtant de grandes marges de manoeuvre, notamment en matière de dépenses immobilières . Le rapport de notre collègue Jacques Mézard, fait au nom de la commission d'enquête sur les AAI 70 ( * ) , a ainsi montré la cible de 400 euros par mètre carré (hors taxes et hors charges) fixée par France Domaine pour les prises à bail à Paris était dépassé par l'Arcep (477 euros) et par la CRE (448 euros) - et au total par 12 des 42 AAI. La cible de 12 mètres carrés par agent est par ailleurs peu respectée. Nathalie Morin, cheffe du service France Domaine, indiquait ainsi à la commission d'enquête qu'en pratique, « les relations entre France Domaine et les AAI sont compliquées car mal assises juridiquement. (...) La relation entre France Domaine et les AAI dépend donc essentiellement de la bonne volonté des présidents de ces AAI ».
5. L'activité concurrentielle de Business France : une réponse à la rigidité des subventions aux opérateurs de la mission ?
Les subventions pour charges de service public (SCSP) aux trois des cinq opérateurs rattachés à la mission « Économie » (programme 134) s'élèvent à 142,1 millions d'euros en exécution 2015, c'est-à-dire à un niveau quasiment identique à celui de l'exercice 2014 (-0,3 %) , ce qui conduit à relativiser la diminution de 3,6 % prévue en loi de finances initiale.
Subventions pour charges de service public
(SCSP)
|
|||||
(en millions d'euros) (en CP) |
|||||
Exécution
|
LFI
|
Exécution 2015 |
Exé 2015 / LFI 2015 |
Exé 2015 /
|
|
ANFr - Agence nationale des fréquences |
31,88 |
31,99 |
30,67 |
-4,1% |
-3,8% |
Business France ( fusion AFII et Ubifrance ) |
104,10 |
108,77 |
105,37 |
-3,1% |
1,2% |
Epareca - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux |
6,53 |
6,70 |
6,08 |
-9,2% |
-6,8% |
FNPCA - Fonds national de promotion du commerce et de l'artisanat |
financement par une ressource affectée (9,91 M€ en 2015). |
||||
INPI - Institut national de la propriété industrielle |
financement par une ressource affectée (239,95 M€ en 2015). |
||||
Total SCSP : |
142,50 |
147,46 |
142,11 |
-3,6% |
-0,3% |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires. |
Toutefois, cette stabilité globale en exécution ne doit pas occulter les efforts réalisés par l'ANFr et l'Epareca , modestes en valeur absolue mais bien réels en comparaison du montant de leur SCSP, laquelle diminue respectivement de 3,8 % et de 6,8 % par rapport à l'exécution 2014. Les marges de manoeuvre demeurent toutefois limitées.
Quant à la hausse de 1,2 % de la subvention versée à Business France en 2015 par rapport aux financements publics attribués à Ubifrance et à l'Agence française des investissements internationaux (AFII) en 2014, elle est inhérente à toute fusion administrative : dans un premier temps, les effets de l'alignement à la hausse du traitement des agents l'emportent sur les gains de mutualisation, pourtant bien réels. Cette hausse est d'ailleurs moindre que celle anticipée en loi de finances initiale.
D'ailleurs, la création de Business France au 1 er janvier 2015 par l'ordonnance n° 2014-1655 du 22 décembre 2014, dans le but de rassembler au sein d'une même entité les activités « Export », « Invest » et « Promotion », s'accompagne d'une volonté de diversifier les recettes de cet opérateur, qui pourrait à terme contribuer à la maîtrise des dépenses de la mission « Économie » .
Concrètement, la facturation est adaptée en trois phases : gratuité (avec un ticket modérateur) pour l'accompagnement collectif et les premiers conseils, qui relèvent de la mission de service public ; facturation de 50 % des coûts pour la phase d'accompagnement personnalisé et d'amorçage ; facturation à coût complet avec une marge pour l'accompagnement récurrent et les services aux grands groupes, qui relèvent de l'activité concurrentielle de Business France 71 ( * ) .
Dans cette perspective, le contrat d'objectifs et de performance 2015-2017 de Business France, signé le 6 octobre 2015, prévoit la hausse graduelle des recettes commerciales . Dès l'année 2015, celles-ci ont atteint 90,7 millions d'euros (46 % des ressources de l'opérateur), au lieu des 80 millions d'euros prévus dans le budget initial, permettant de dégager un résultat net d'exploitation de 3,6 millions d'euros 72 ( * ) . À terme, ces recettes pourraient représenter plus de la moitié des recettes de l'opérateur. Vos rapporteurs spéciaux saluent cette stratégie, bénéfique à la fois pour l'équilibre budgétaire de la mission et pour Business France . Il s'agit d'ailleurs d'un cercle vertueux : comme l'ont montré les entretiens de vos rapporteurs spéciaux avec les services de Business France pour l'Amérique du Nord, le simple fait de facturer des prestations autrefois proposées gratuitement au titre du service public a permis d'envoyer un « signal » positif aux entreprises , qui comparent désormais ces prestations à celles réalisées par un cabinet de conseil privé, ce qui en retour contribue à la motivation et à la professionnalisation des agents. En l'occurrence, la hausse des tarifs a donc conduit à un accroissement de la demande.
Business France se rapprocherait ainsi du modèle de l'INPI , aujourd'hui intégralement financé par des redevances - ce qui n'exclut pas une bonne gestion de son parc immobilier, comme en témoigne la vente de quatre immeubles en 2015. En conclusion, la réforme de l'opérateur Business France est l'une des traductions de la forte volonté politique de soutenir les entreprises dans leur développement , et notamment à l'international, ce qui ne peut que favoriser la croissance et l'emploi en France.
6. Les dépenses fiscales : un effet nettement positif du CICE et du suramortissement, qui contraste avec l'évaluation défaillante de nombreux autres dispositifs
Le coût constaté des 72 dépenses fiscales rattachées à la mission « Économie » est évalué à 19,8 milliards d'euros en 2015 , soit plus de dix fois le montant des crédits budgétaires : en France, la politique en faveur des entreprises passe bien davantage par des incitations fiscales que par des aides directes telles que celles du programme 134.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) représente à lui seul 12,5 milliards d'euros milliards d'euros en 2015 , soit au-delà des 10 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale, alors que le montant exécuté en 2014 était inférieur à la prévision (6,4 milliards d'euros contre 9,8 milliards d'euros). Cette hausse, qui explique l'essentiel de la hausse de 3 milliards d'euros des dépenses fiscales de la mission, est le signe qu'après une période de montée en charge plus lente que prévu, le CICE a atteint sa maturité et est désormais maîtrisé et utilisé par les entreprises , que ce soit pour créer des emplois, augmenter les salaires, rétablir leurs marges, diminuer les prix ou investir.
L'effet de cette mesure sur la reprise de l'économie est indéniable . En outre, s'il est vrai que le CICE bénéficie à toutes les entreprises employant des salariés, la limite de 2,5 SMIC permet de l'orienter davantage vers les PME, et moins vers les grands groupes - lesquels bénéficient par ailleurs d'autres dispositifs fiscaux (aides à l'exportation, possibilité d'optimisation de leurs prix de transfert etc.). Ainsi, les micro-entreprises, les PME et les ETI ont reçu les deux tiers (66 %) des créances fiscales enregistrées au titre de 2014 , soit 8,9 milliards d'euros sur un total de 13,5 milliards d'euros 73 ( * ) . Autre illustration : 87 % de la masse salariale du secteur de l'hébergement et de la restauration est éligible au CICE, mais seulement 43 % de la masse salariale de l'industrie chimique.
Estimé à 13 milliards d'euros par le projet de loi de finances pour 2016, le montant du CICE est encore appelé à augmenter, à la suite de la récente décision du Président de la République 74 ( * ) de porter celui-ci à 7 % du montant de la masse salariale brute des salariés dont la rémunération n'excède pas 2,5 fois le SMIC, contre 6 % aujourd'hui. La baisse concomitante du taux d'impôt sur les sociétés pour les PME , dont l'ampleur reste à préciser, est aussi à saluer. Ces deux mesures représentent au total 5 milliards d'euros, redéployés au sein de l'enveloppe du Pacte de responsabilité.
Le complément nécessaire au CICE, qui est de portée générale, est une mesure ciblée sur l'investissement productif , qui vos rapporteurs spéciaux avaient appelé de leurs voeux dès la fin de l'année 2014 75 ( * ) . Avec le « suramortissement » exceptionnel de 40 % instauré par l'article 142 de la loi « Macron » du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le Gouvernement a fait un choix pertinent, là encore salué par les entreprises. Vos rapporteurs spéciaux se félicitent donc de la prolongation d'un an du dispositif, jusqu'au 14 avril 2017, et de son élargissement, notamment aux co-investissements dans les réseaux de fibre optique dans le cadre du plan France Très haut débit, mesure adoptée à une large majorité dans le cadre de l'examen du projet de loi pour une République numérique.
D'une manière générale, les principales évolutions des dépenses fiscales de la mission « Économie » forment une politique cohérente, en direction des entreprises et de l'investissement, et donc in fine de la croissance et de l'emploi . Elles répondent ainsi aux réformes évoquées ci-dessus, à commencer par la réforme de Business France.
De même, et même si l'on peut en discuter les paramètres et les critères, les quatre principales sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) , évaluées au total à 865 millions d'euros, visent à orienter l'épargne des particuliers vers PME , et donc à soutenir la croissance et l'emploi de proximité : réduction « ISF-PME 76 ( * ) », exonération partielle des parts ou actions de sociétés objets d'un engagement collectif de conservation (dispositif « Dutreil »), exonération partielle des titre détenus par les salariés et les mandataires sociaux, exonération des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital d'une PME.
Au total, et hors CICE, les dépenses fiscales progressent de 6,2 % (400 millions d'euros) par rapport à l'exécution 2014. Il est toutefois regrettable que de trop nombreuses mesures ne soient pas évaluées, à commencer par le suramortissement de 40 % (estimé à 350 millions d'euros lors de son adoption), ce qui fragilise considérablement l'estimation globale.
La fiabilité des prévisions de dépenses fiscales fait d'ailleurs l'objet de l'indicateur de performance 1.3 du programme 305, dont les résultats sont... « non disponibles » . Il en va de même pour la fiabilité des prévisions de recettes fiscales (indicateur 1.2), ce qui est très étonnant pour un document annexé à la loi de règlement.
Parmi les mesures non évaluées, certaines mesures ont un coût trop faible pour que celui-ci soit connu : il faudrait engager une revue détaillée de celles-ci . D'autres ont un coût important, à l'instar des quatre mesures relatives à l'ISF précitées, dont la fiabilité est un simple « ordre de grandeur », et dont l'exécution diffère fortement de la prévision. Compte tenu des montants en jeu, une telle approximation est problématique, comme le souligne d'ailleurs la Cour des comptes.
7. Des indicateurs de performance souvent sans rapport avec les objectifs de la mission
L'indicateur 2.1 du programme 220 , qui mesure le pourcentage de communes pour lesquelles l'enquête annuelle de recensement de l'Insee a été traitée dans les délais prescrits, ne figure plus parmi les indicateurs « représentatifs » de la mission, conformément à la recommandation formulée par vos rapporteurs spéciaux l'année dernière . Celui-ci affiche en effet une réalisation constante de 100 % depuis des années, et concerne un aspect assez marginal de la mission « Économie », qui est avant tout une mission d'intervention et de régulation économiques .
Toutefois, d'une manière générale, les indicateurs présentés dans le rapport annuel de performances sont toujours aussi peu pertinents.
Ainsi, l'indicateur 2.1 du programme 220 précité a été remplacé par le rang de classement de la France dans l'étude « Doing Business » de la Banque mondiale, qui donne une idée générale mais ne rend compte ni de la qualité, ni de l'efficience, ni de l'efficacité des dispositifs de la mission ou de la gestion des responsables de programme . Accessoirement, on peut se demander pourquoi l'objectif fixé pour 2016 est de figurer au 24 e rang sur 34 de ce classement, alors que la France s'y classe aujourd'hui au 19 e rang...
Par ailleurs, de nombreux indicateurs fixent des objectifs trop complaisants, de sorte qu'ils ne constituent pas une véritable contrainte . Ainsi par exemple de l'indicateur 1.1 du programme 220, qui mesure le « nombre de jours de retard cumulés entre les dates de diffusion et les dates prévues » pour les statistiques transmises à Eurostat, qui reste stable à 0 jours d'année en année, ou encore de l'indicateur 2.1 du même programme, qui retrace le « pourcentage de communes pour lesquels l'enquête de recensement a été traitée dans les délais prescrits », qui atteint chaque année 100 %.
D'autres indicateurs, enfin, sont trop « étroits » dans la vision qu'ils donnent : l'indicateur 1.2 du programme 134, qui mesure l'écart entre le taux de survie à trois ans des entreprises aidées par Bpifrance et celui de l'ensemble des entreprises créées en France, constitue l'autre indicateur « représentatif » de la mission : pourquoi ce dispositif, et pas un autre, alors que le programme en compte tant ? De fait, il n'existe pas d'indicateur synthétique portant sur l'ensemble des dispositifs d'intervention du programme 134 , alors que ceux-ci pourraient être appréhendés selon de nombreux critères, au-delà même de leur simple montant. Il n'existe pas non plus d'indicateur synthétique sur l'ensemble des dépenses fiscales .
Au-delà des indicateurs suivis dans les documents budgétaires, une grande part de la démarche de performance de la mission « Économie » repose sur les contrats d'objectifs et de performance (COP) des nombreux opérateurs et AAI qui en dépendent . Or les documents budgétaires n'en rendent pas compte : il serait dès lors souhaitable qu'un tableau synthétique annuel du respect des COP puisse être élaboré, celui-ci pouvant d'ailleurs constituer un indicateur « représentatif » de la mission. D'autre part, certains opérateurs n'ont à ce jour toujours pas transmis leur COP, à l'instar de l'Epareca et du FNPCA, ce qui est problématique.
* 63 S'y ajoute la suppression de l'action 05 du programme 134 « Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés », dont les crédits sont désormais imputés sur le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risques » de la mission « Engagements financiers de l'État », doté de 1,4 milliard d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP en loi de finances initiale pour 2015. Toutefois, l'exécution 2014 de l'action 05 du programme 134 n'avait été que de 103 euros en CP, ce qui rend cette mesure de périmètre sans impact.
* 64 Sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », le ministère des affaires étrangères et du développement international ayant repris en 2014 des compétences en matière de tourisme.
* 65 Sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ».
* 66 Ces retards se lisent aussi dans l'indicateur de performances 1.1 du programme 343 : 38 % des logements et locaux professionnels relevant des réseaux d'initiative publique (RIP) sont éligibles au très haut débit en 2015, soit un résultat légèrement en deçà de l'objectif de 40 % fixé en loi de finances initiale, mais néanmoins en nette progression par rapport à 2014 (25 %).
* 67 L'exécution affiche en revanche une hausse de 8,3 % par rapport à la loi de finances initiale, mais celle-ci s'explique par le redéploiement de 100 millions d'euros sur l'action 03 « Actions en faveur des entreprises industrielles » au titre du PIA. Sans prise en compte de ce redéploiement, l'exécution est en diminution de 2,8 % (27,8 millions d'euros en CP) par rapport à la loi de finances initiale.
* 68 Le saupoudrage, les effets d'aubaine et les dysfonctionnements du FISAC ont été identifiés par la Cour des comptes dans un référé du 31 juillet 2014, qui a conduit à la réforme de 2014.
* 69 Les ambitions affichées par certains projets informatiques peuvent parfois laisser songeur. Au sujet du projet Coltrane, l'une des deux « opérations d'envergure » mises en valeur par l'Insee en 2015, on lit que celui-ci « rendra la réponse aux enquêtes plus aisées en offrant aux répondants divers services tels que des formulaires [...] pour réinitialiser un mot de passe perdu ou pour communiquer avec les services compétents ». Il s'agit là de fonctionnalités tout à fait basiques, dont l'usage est généralisé dans le secteur privé depuis plus de dix ans.
* 70 Rapport n° 126 (2015-2016) de Jacques Mézard, au nom de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, « Un État dans l'État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler », 28 octobre 2015.
* 71 Source : questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 72 Source : compte de résultat 2015 de Business France, questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 73 Source : rapport du comité de suivi du CICE, septembre 2015. Les chiffres fournis par le rapport sont ceux connus en juillet 2015.
* 74 Interview dans Les Échos du 30 juin 2016.
* 75 Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, vos rapporteurs spéciaux avaient déposé un amendement tendant à instituer un amortissement dégressif, c'est-à-dire plus avantageux au début, pour les matériels et outillages industriels acquis par les PME. Cet avantage de trésorerie, au fort effet de relance mais neutre à moyen terme sur l'équilibre budgétaire, avait été adopté à une large majorité par le Sénat.
* 76 Y compris pour l'investissement via un FIP (fonds d'investissement de proximité) ou un FCPI (fonds commun de placement dans l'innovation).