CONCLUSION

La politique de sécurité et de défense commune a été théorisée à une époque où le terrorisme n'avait pas encore frappé, à quatre reprises, le territoire de l'Union et où les questions de sécurité n'étaient pas aussi essentielles qu'elles le sont devenues.

D'abord guidée par des nations surtout intéressées par les possibilités d'intervention extérieure au plan civil, cette politique mérite d'être actualisée. Tel était le sens du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 consacré à la défense, qui a décidé de la révision de la stratégie globale européenne, sur laquelle porte la résolution.

Ce texte pousse la réflexion sur la politique de sécurité et de défense commune pour la rendre plus opérante en renforçant sa dimension militaire et sécuritaire. Cette position, très française, n'est pas forcément partagée par les autres États membres de l'Union.

Mais, si la France cessait de porter cette idée de défense des valeurs européennes au travers d'une politique de sécurité et de défense commune (PSCD), personne ne le ferait et ce serait manquer à l'espoir des citoyens européens d'une Europe capable de relever les nouveaux défis de sécurité et de défense.

C'est dans cette perspective de responsabilité que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté cette résolution européenne. Elle devrait être devenue définitive avant le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains 10 ( * ) .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 juin 2016 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de MM. Jacques Gautier et Daniel Reiner et du texte proposé par la commission pour la proposition de résolution européenne n° 619 (2015-2016) présentée en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Nous examinons le rapport et le texte proposé par la commission sur la proposition de résolution sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune qui a été présentée au nom de la commission des affaires européennes par nos collègues Gisèle Jourda et Yves Pozzo di Borgo. Ce dossier est inscrit à l'ordre du jour du Conseil européen, les 28 et 29 juin prochains. Nous aurons l'occasion de poursuivre notre réflexion en l'approfondissant dans les mois à venir. En effet, faute de connaître le vote britannique, le livre blanc des Allemands ou les conclusions du sommet de Varsovie de l'OTAN, nous ne pouvons guère nous livrer qu'à une réflexion d'étape.

Mme Gisèle Jourda , auteur de la proposition de résolution . - Un mot sur l'état d'esprit qui a présidé à l'élaboration de cette proposition de résolution européenne. Depuis 2003, aucun document sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense n'a été publié au sein de l'Union européenne. Ce manque d'actualisation des textes a laissé l'Europe démunie face à l'évolution du monde depuis un an et demi, notamment face à l'arrivée massive des réfugiés à ses portes. La défense relève de la souveraineté des États et nous n'avons pas encore bâti l'Europe politique. La difficulté vient donc de la différence des regards portés sur la question. La politique de sécurité et de défense européenne ne peut s'appliquer qu'en dehors des frontières de l'Union européenne. Compte tenu des évolutions géostratégiques, il faut repenser les choses, en faisant preuve de mesure. Cette proposition de résolution européenne (PPRE) n'est qu'une base de réflexion ; elle se limite aux champs qui sont de notre ressort. Certains de vos amendements précisent notre texte, je m'en réjouis. Je souhaite que nos discussions continuent de s'inscrire dans cet esprit de conciliation et ce souci de mesure.

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Je salue le travail effectué en amont par Gisèle Jourda et Yves Pozzo Di Borgo, qui ont déjà intégré dans le texte un certain nombre de nos propositions.

Nous voici donc saisis de nouveau de ce thème, trois ans après notre rapport d'information « Pour en finir avec l'Europe de la défense - vers une défense européenne », mission dont nos collègues Xavier Pintat, et André Vallini étaient co-présidents, avec nos rapporteurs. Nous y soutenions l'ambition de relancer le projet politique européen et réconcilier l'Europe avec ses citoyens. Nous affirmions que l'Europe ne pouvait se résumer à un grand marché et qu'elle devait pouvoir compter sur une défense autonome si elle souhaitait devenir une puissance et rester dans l'histoire. Grande déception, le Conseil européen de décembre 2013 n'a pas permis l'évolution forte que nous appelions de nos voeux.

Toutefois, le contexte a beaucoup évolué. Les défis de sécurité auxquels l'Union est confrontée se sont accrus. La PPRE rappelle justement le continuum désormais évident entre sécurité intérieure et sécurité extérieure (alinéa 15). Elle souligne ainsi que les crises régionales qui perdurent à la périphérie de l'Union, tant sur son flanc Est que sur son flanc Sud (alinéa 14), ont des répercussions croissantes avec les actions terroristes commises à Paris en janvier et novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016, et qu'elles font peser sur la sécurité intérieure des États membres des menaces multiformes (alinéa 13).

Le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 consacré à la défense s'est tenu dans un climat très différent de celui de 2013, après une première prise de conscience. Le principal résultat de ce sommet européen, mentionné aux alinéas 16 et 19, a été de donner mandat à la Haute représentante de l'Union européenne, Federica Mogherini, d'entamer une revue de la stratégie européenne de sécurité pour aboutir à la mise en place d'une nouvelle stratégie globale de l'Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité.

Faut-il voir dans cette feuille de route un réel espoir alors que l'Union européenne ne s'est pas montrée capable de faire face à la crise économique et que son incapacité à dégager des solutions probantes à la crise des réfugiés nourrit les interrogations ?

Pour la première fois depuis la création de l'Union, la défense et la sécurité sont une priorité des Européens, presque au même rang que la création d'emplois et la demande de prospérité. Sept Européens sur dix se déclarent favorables à une politique de sécurité et de défense commune, même si dans leur esprit la sécurité prime sur la défense. Ils sont plus nombreux que ceux qui soutiennent la politique étrangère commune ou l'Union économique et monétaire. Cette demande de sécurité intérieure et extérieure traduit l'inquiétude de nos concitoyens, notamment après les attentats qui nous ont frappés. Elle montre aussi que les citoyens européens gardent suffisamment confiance en l'Union européenne pour lui adresser une demande cruciale : satisfaire leur espoir et leur désir de sécurité. Cette adhésion forte doit figurer dans le dispositif que nous vous proposons d'adopter et sera l'objet d'un amendement.

L'autre raison d'espérer que la défense européenne puisse enfin susciter la mobilisation de nos partenaires est l'ampleur de la réponse à la demande de la France au titre de l'article 42-7 le 16 novembre 2015. Cet article, que nous avons préféré à l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, stipule qu'« au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir ». La proposition de résolution se félicite à juste titre des contributions militaires proposées à la France dans cette perspective (alinéa 17 et 18), même si elle souligne - soyons lucides - leur caractère pour le moins divers.

Au Levant, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont participé aux frappes en Syrie. Les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique et l'Italie ont également soutenu l'engagement français. Au Mali, de nombreux pays ont renforcé leurs contingents au sein de la MINUSMA, dont l'Allemagne, la Roumanie, la République tchèque, l'Autriche, la Finlande, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie et la Belgique. D'autres ont apporté leur appui tactique, comme la Suède, le Danemark et la Norvège. Certains ont annoncé leur participation à EUTM Mali, comme la Bulgarie, l'Estonie, le Luxembourg, le Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie. Enfin, l'opération Barkhane a bénéficié de moyens de transport tactique (C130) de l'Allemagne, la Belgique, la Norvège et l'Autriche. En République centrafricaine, une compagnie portugaise supplémentaire a été envoyée au sein de la MINUSCA au deuxième semestre 2016 et la participation de la Pologne, la Belgique et l'Espagne au sein d'EUTM RCA a été accrue.

La demande de sécurité et de défense adressée par les 500 millions de citoyens européens et la mobilisation de nos partenaires exige que nous aboutissions rapidement. L'enjeu est d'abord politique : il s'agit de redonner souffle à l'Union européenne et de répondre aux attentes de ses citoyens. La proposition de résolution souligne l'importance du couple franco-allemand (alinéa 29), et nous vous proposerons un amendement pour renforcer cette orientation.

L'enjeu stratégique est évident : les défis et les menaces qui caractérisent notre environnement rendent indispensable la définition d'une réponse européenne adaptée. La nouvelle stratégie globale de l'Union devra être examinée par le Conseil des 28 et 29 juin prochains, quel que soit le résultat du référendum britannique sur le Brexit. Cela fera l'objet d'un autre amendement. Le Royaume-Uni est un partenaire important de la défense européenne, au premier rang avec la France pour ce qui est des contributions militaires, pour la recherche comme pour l'opérationnel. Tout en souhaitant son maintien au sein de l'Union, nous estimons que la stratégie globale ne doit en aucun cas être repoussée. Elle a été écrite en tenant compte du contexte britannique et le résultat du référendum, quel qu'il soit, ne la rendra pas caduque. Notre coopération avec le Royaume-Uni dans le domaine de la défense perdurera grâce à des accords bilatéraux - nous nous félicitons régulièrement au sein de notre commission de la réussite des accords de Lancaster House.

Le prochain sommet de l'OTAN se tiendra à Varsovie les 8 et 9 juillet. La Commission européenne doit également présenter son plan d'action pour la défense à l'automne. La stratégie globale européenne devra être présentée avant ces échéances si nous ne voulons pas que l'Union européenne soit reléguée en deuxième rang dans cette réflexion.

Pour que ce document ne soit pas un coup d'épée dans l'eau, il est essentiel que cette stratégie ne soit pas un compromis au rabais des objectifs de politique étrangère acceptables par chaque État membre. Elle doit au contraire comporter une composante défense substantielle, comme le note l'alinéa 20. Elle doit également être déclinée dans les meilleurs délais, dans un document stratégique plus détaillé et précis de type « livre blanc », comme le recommandait Michel Barnier lors de son audition devant notre commission le 1 er juin. C'est l'objet de l'un de nos amendements. Un vrai livre blanc impliquerait une adoption par les parlements nationaux, ce qui rallongerait le processus ; mais le document de déclinaison devrait néanmoins comporter une analyse partagée des menaces et mettre en face la typologie des moyens pour y répondre.

La future stratégie globale doit prendre en compte tant le continuum entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure (alinéa 21), que l'articulation entre l'Union européenne et l'OTAN. Elle doit actualiser les modalités de coopération et de partenariat entre l'Union et l'Alliance tout en respectant la spécificité et l'autonomie de chacune (alinéa 22). De même, il convient de veiller lors du sommet de Varsovie à la cohérence des stratégies respectives des deux organisations (alinéa 23).

Enfin, la proposition de résolution mentionne « l'établissement d'une relation approfondie avec la Russie ». Nous vous proposerons une rédaction plus large prévoyant que la future stratégie globale aborde la question des relations de l'Union européenne avec son voisinage, en particulier avec la Russie, dans le respect du droit international.

La cohésion est un autre enjeu de la réflexion sur la stratégie globale de l'Union. En l'absence de défense européenne, des initiatives se mettent en place sans que leur effet centrifuge ne soit forcément pris en compte. S'il s'agit de coopération bilatérale entre deux pays membres de l'Union européenne, il n'y a pas de raison que les intérêts de l'Union ne soient pas automatiquement pris en compte.

Les coopérations bilatérales ou multilatérales mises en oeuvre en dehors de la coopération structurée permanente doivent éviter certains écueils. Ainsi, il est important de favoriser la base industrielle de défense européenne plutôt que les intérêts d'un seul pays, aussi grande soit la tentation, en période de croissance ralentie, de privilégier les entreprises nationales. Si ces coopérations se développent dans le cadre de l'OTAN sur la base du concept de nation-cadre, ou framework nations concept (FNC), elles doivent rester compatibles avec les concepts et périmètres européens. Le concept de dissuasion de l'OTAN n'est pas exactement celui de notre pays. De même, six pays de l'Union n'appartiennent pas à l'OTAN : l'Autriche, Chypre, la Finlande, l'Irlande, Malte, et la Suède.

Ce concept de nation-cadre, apport politique de l'Allemagne au Sommet de Newport, propose une approche limitée et pragmatique de la planification de défense. Il s'agit de créer de plus petits groupes de nations, menés par un grand pays fournissant une infrastructure de défense dotée d'un éventail complet de capacités. L'OTAN a adopté ce concept en vue d'encourager les alliés à travailler « au niveau multinational au développement conjoint des forces et des capacités dont l'Alliance a besoin, travail facilité par une nation-cadre », et mettre ainsi à sa disposition « des ensembles cohérents de forces et de capacités, en particulier en Europe ». Les objectifs sont louables, mais ces coopérations ne doivent pas gêner le développement ultérieur et la cohésion de la défense européenne. C'est le sens d'un de nos amendements.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - La politique de sécurité et de défense commune a été théorisée par Javier Solana à une époque où le terrorisme ne nous avait pas encore frappé et où les questions de sécurité n'étaient pas aussi essentielles qu'elles le sont devenues. D'abord guidée par des nations surtout intéressées par les possibilités d'intervention extérieure au plan civil, cette politique mérite d'être actualisée. D'où la sollicitation du Conseil européen pour que nous lui fassions des propositions.

Ce texte pousse la réflexion sur la politique de sécurité et de défense commune pour la rendre plus opérante en renforçant sa dimension militaire et sécuritaire. Cette position, très française, n'est pas forcément partagée par les autres États membres de l'Union. Le pessimisme voudrait que l'on se rallie à ce que rappelait Hubert Védrine, à savoir que la majorité des pays considèrent que l'outil de défense européen, c'est l'OTAN. La France défend la position inverse depuis longtemps, et même depuis l'origine, puisqu'à la suite de la CECA et de l'Euratom, elle a proposé de créer une communauté européenne de la défense (CED), proposition qu'elle finira paradoxalement par faire échouer car l'opinion publique ne pouvait envisager, au lendemain de la guerre, que des soldats français soient placés sous commandement allemand. L'OTAN s'est repu de cet échec de la CED : on ne peut lui faire reproche de ne pas avoir favorisé une défense commune, même si l'Alliance apparaît désormais comme un obstacle. En revanche, si la France cesse de porter cette idée de défense des valeurs européennes au travers d'une politique de sécurité et de défense commune (PSDC), personne ne le fera et ce sera sans espoir. Tel est l'enjeu du présent exercice.

La PSDC a connu de réels succès même si elle se heurte à l'essoufflement de la volonté politique européenne : l'opération navale Atalante, la lutte contre les trafics en Méditerranée, la mission de stabilisation en RCA mais aussi les opérations de formation militaires au Mali et en Somalie ou encore la mission de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine. Au titre des missions de gestion civile des crises, l'Union assure une dizaine de missions de police et de soutien aux forces de sécurité ou à la justice, au Kosovo, en Moldavie et en Ukraine ; dans les territoires palestiniens, au Moyen-Orient ; au Mali, au Niger ou au Soudan du Sud. Enfin, elle assure également des missions d'assistance au contrôle des frontières, en particulier autour de la bande de Gaza où elle a un rôle de médiation.

Toutefois, la PSDC reste absente de la gestion des principales crises régionales récentes, notamment en Libye, en 2011. Les interventions françaises au Mali et en République centrafricaine ont été interprétées comme une réponse au retrait de l'Union européenne, repliée sur des missions civiles, sanitaires ou humanitaires, dites de « Petersberg ».

L'un des obstacles auxquels se heurte la PSDC tient à la non-utilisation des instruments mis à sa disposition. Le mécanisme de financement européen d'urgence prévu par l'article 41-3 n'a jamais été activé. Lorsque les instruments financiers dédiés au financement de la sécurité et de la défense sont utilisés, ce n'est pas de façon optimale : ainsi en est-il de l'instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP) ou de l'initiative « Renforcer les capacités pour favoriser la sécurité et le développement ».

Les services juridiques de la Commission européenne ne doivent pas vider ces instruments de leur sens par une interprétation trop restrictive. Nous vous proposerons d'inciter la France à participer plus activement à la mise en place des normes et des dispositifs juridiques qui assoupliront leur mise en oeuvre. Ne laissons pas cela aux seuls Anglo-saxons.

De même, les dispositions innovantes du traité sur l'Union européenne ne sont pas mobilisées, qu'il s'agisse des coopérations renforcées ou des coopérations innovantes. Les formations militaires existantes ne sont pas non plus suffisamment sollicitées : les groupes tactiques de l'Union européenne restent inutilisés tout comme la brigade franco-allemande, réduite à quatorze hommes présents sur le terrain dans l'un de ses rares engagements opérationnels. Nous vous présenterons un amendement pour inciter le Conseil et les États membre à y remédier.

Le rapport de Jean-Marie Bockel à l'AP-OTAN indique que les budgets de défense européens, qui avaient tendance à baisser, connaissent un rebond dans nombre de pays. Les uns et les autres tentent de s'approcher de l'objectif des 2 % de PIB annoncé à Newport, dont 20 % seraient consacrés à l'investissement.

Le paquet défense a été mis en place pour nourrir la PSDC, avec deux directives européennes, dont une sur les marchés publics. Sur les 28 pays qui ont ratifié cette procédure d'ouverture des marchés à l'ensemble des pays européens, la France a été la seule à demander la préférence communautaire. C'est un vrai sujet : pas de base communautaire industrielle sans assurer la préférence communautaire en matière d'acquisition de matériel. Idem pour les transferts de licences. Michel Barnier était désolé de constater que chaque État continuait d'utiliser une clause de souveraineté en matière d'équipement militaire.

On a également exploré le partage et la mutualisation, ou « pooling and sharing », des dépenses de défense. Cette mutualisation via l'Union, avec le concours de l'Agence européenne de défense (AED), soulève des réticences liées à la souveraineté nationale, notamment de la part des Britanniques. Dotée d'un budget réduit, l'Agence peine à se développer alors qu'elle est un outil essentiel pour la mutualisation des équipements mais aussi pour la réflexion sur les normes européennes en matière de défense et d'interopérabilité. Mieux vaudrait lui donner du grain à moudre. Nous vous proposerons un amendement pour renforcer le rôle et les moyens de l'AED. Il serait également intéressant d'envisager un rapprochement avec l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (Occar). Il faudrait enfin consentir des efforts sur le financement des équipements, en utilisant par exemple les fonds d'investissement, avec pour modèle le fonds Juncker. Nous présenterons un amendement en ce sens.

L'opinion publique est prête à ce que l'Union européenne fasse un pas de plus en matière de défense. Il semble que Bruxelles n'envisage rien de très déterminant. La France doit pousser encore plus fort. La défense relève de la souveraineté nationale ; les États peuvent néanmoins coopérer sans perdre leur souveraineté nationale. Nous vous proposerons d'institutionnaliser un conseil des ministres de la défense qui se réunirait notamment une fois par an en prévision du Conseil européen. On s'assurera ainsi que la sécurité et la défense seront à l'ordre du jour quelles que soient les circonstances. Chacun sait en effet que le prochain Conseil européen, trop dicté par l'urgence de l'actualité, risque d'être placé sous le signe du Brexit ou non Brexit...

Certains fonds de soutien sont mal utilisés. Pour sortir de cette ambiguïté, nous vous proposerons d'inscrire dans les perspectives financières 2021-2027 la création d'un fonds structurel en matière de sécurité et de défense.

Enfin, la Commission prépare un plan d'action défense qui devrait être présenté à l'automne et met en place une action préparatoire sur la recherche en matière de sécurité et de défense. Sur le plan juridique, la tentation est grande de ne considérer que la sécurité. À nous de remettre l'ouvrage sur le métier pour que la défense soit également prise en compte. La Commission romprait un tabou en instaurant cet investissement. L'action préparatoire, qui atteindrait entre 70 et 100 millions d'euros, est en réalité le ballon d'essai d'un vaste programme qui serait intégré dans le futur programme cadre pour 2021-2027. Elle est essentielle pour construire une industrie de défense européenne capable de rivaliser avec celle des autres continents. Nous vous présenterons un amendement pour inciter le gouvernement français à s'investir pleinement dans cette action préparatoire et à faire des propositions pour bénéficier de ces crédits de financement.

Nous vous proposons d'adopter cette proposition de résolution européenne sous réserve des amendements que nous vous présenterons.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Je passe la parole à André Trillard qui conduit la délégation du Sénat à la Conférence interparlementaire sur la PESD-PSDC.

M. André Trillard . - Je me suis rendu avec Josette Durrieu et Joël Guerriau à la Conférence interparlementaire des 28 sur la politique de sécurité et de défense commune à La Haye en avril. Nous avons obtenu une chose : que tous les pays indiquent unanimement souhaiter le vote du PNR européen ( passenger name record ). C'est déjà bien, si l'on considère que chaque délégation ne dispose en tout et pour tout que d'une minute de temps de parole ! Il faut être lapidaire et prêt à entendre des aberrations telles que : « les attentats en France et en Belgique ne sont rien à côté de ce que souffre l'Ukraine » , ou bien, en 2014, « nous sommes prêts à engager 1 million d'euros pour résoudre la crise des migrants en Europe » ... On est à mille lieues de la réalité. L'Ancienne République yougoslave de Macédoine ou Malte parlent aussi longtemps que la France ... Notre stratégie est d'accrocher un sujet à chaque fois ; forcément, il s'agira plus de sécurité que de défense car comment concevoir une défense commune avec des États qui ne veulent pas en entendre parler, qui attendent tout de l'OTAN ou qui, pour quatre d'entre eux, ne veulent se battre que contre les Russes ? Que pouvons-nous faire de plus ? N'aurait-il pas mieux valu que les délégués à cette conférence soient mieux associés à la réflexion initiale sur ces sujets ?

Il faut continuer à défendre la position de la France et la diffusion des idées françaises au niveau européen. C'est un travail d'influence. La PESD ne fait pas consensus. Quand j'entends certains rêver que l'Europe intervienne jusqu'en Asie, j'ai envie de rire... Ce n'est pas concevable dans le siècle qui vient. Cette proposition de résolution donne de la grandeur au projet. C'est un espoir pour les prochaines décennies. En tant que délégués à la Conférence interparlementaire, nous ne pouvons qu'avancer à petits pas.

Mme Josette Durrieu . - Personne n'a connaissance ici de cette Conférence interparlementaire dont André Trillard vient de nous parler. Elle s'est réunie pour la première fois, il y a quatre ans, à Chypre. Il s'agissait de recréer l'Assemblée parlementaire des pays de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) dont notre collègue Jean-Pierre Masseret a été l'un des derniers présidents et qui offrait un lieu de rencontre exceptionnel pour parler de sécurité et de défense. On a malheureusement dissout cette assemblée avant d'en recréer un substitut au rabais sous la forme de la Conférence interparlementaire pour la sécurité qui se réunit tous les six mois. Notre commission n'y va qu'une fois par an, ce qui fragilise notre autorité dans la continuité. Pour préparer ces sessions, nous avons obtenu que l'ordre du jour de la troïka nous soit communiqué à l'avance. Cette institution garantit pourtant la contribution des parlements nationaux dans l'élaboration de la stratégie européenne. Ce n'est pas rien.

Enfin, la mission confiée à Mme Mogherini consiste à « poursuivre le processus de réflexion stratégique en vue de préparer une stratégie globale de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité en étroite coopération avec les États membres (...) pour le Conseil européen de juin 2016 ». Le mot « défense » ne figure pas !

M. Yves Pozzo di Borgo . - Nos collègues des commissions permanentes ont toujours du mal à comprendre le rôle de la commission des affaires européennes. Le Conseil constitutionnel indique depuis 2004 que le droit européen relève de cette commission et la réforme de 2008 lui a donné un statut constitutionnel - qu'elle est seule à avoir.

Je remercie MM. Reiner et Gautier d'avoir travaillé de manière positive et regrette de ne pas avoir associé André Trillard. Josette Durrieu était membre de l'UEO, cette assemblée parlementaire qui a disparu sous les coups de boutoir des Anglais. Je regrette que l'assemblée interparlementaire qui l'a remplacée ne soit pas davantage investie. Je regrette également que M. Trillard et son équipe ne bénéficient pas de moyens plus importants.

Cette résolution s'adresse au Gouvernement français. Les résolutions du Sénat français sont lues attentivement à Bruxelles. Ce texte sera examiné en priorité par Mme Mogherini. Faut-il indiquer que l'Allemagne et la France travaillent ensemble ? Des pays comme la Pologne pourraient se sentir vexés d'avoir été exclus.

M. Xavier Pintat . - Je félicite MM. Gautier et Reiner pour leur présentation exhaustive. Sans vouloir contrarier M. Pozzo di Borgo, cette inflation de résolutions franco-françaises n'est pas forcément judicieuse à la veille du Brexit. Je suis heureux que nos rapporteurs aient repris certaines propositions de notre rapport de 2013, notamment celle d'impliquer les chefs d'État une fois par an dans un Conseil consacré à la défense européenne.

La deuxième proposition phare de ce rapport était de créer un groupe pionnier sur la défense commune européenne. Ce qui est difficile sans le Royaume-Uni qui représente avec la France entre 50 % et 60 % des capacités de défense de l'Union ! Je comprends en revanche la proposition d'Yves Pozzo di Borgo qui souhaite rappeler à la veille du sommet européen la complémentarité entre l'Union européenne et l'OTAN. La Russie doit faire l'objet d'une stratégie particulière. Certains sujets sont très sensibles, comme la défense anti-missiles ou l'élargissement de l'OTAN.

Si vis pacem, para bellum : une décision importante a été prise au pays de Galles pour créer un plan de réactivité de l'OTAN, dont j'ai été rapporteur pour l'AP-OTAN. La question sera abordée à Varsovie. L'Europe doit pouvoir disposer d'une force d'action rapide, crédible et efficace, soutenue par une orientation politique ferme. C'est la seule manière de se faire respecter.

M. Jacques Legendre . - Je me retrouve tout à fait dans les propos de mes collègues. Il est nécessaire que la France continue à rappeler que l'Europe doit se comporter comme une puissance. Nous ne pouvons pas être réduits aux missions de Petersberg.

M. Gilbert Roger . - Ma famille politique est mobilisée par la loi Travail, je n'ai pas eu d'informations sur cette PPRE. Peut-être faudrait-il que la commission mette l'accent, dans l'information des commissaires, sur l'examen des PPRE que nous pouvons amender.

Je trouve profondément gênant que l'on puisse sembler écrire que le Brexit n'aura finalement pas d'importance. J'ai été de ceux qui ont appelé à voter « oui » lors du referendum français ; les citoyens ont voté « non » et la France a fait comme si de rien n'était. J'ai dit que si les Anglais choisissaient le Brexit, on pourrait offrir un aller pour Douvres aux pauvres gens qui attendent à Calais - mais on ne peut pas considérer que le Brexit n'aura aucune conséquence sur l'Europe. À continuer ainsi, les démocrates que nous sommes finiront par être balayés.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Une précision : la convocation de la commission précise bien le délai limite pour le dépôt d'amendements sur ce texte, fixé au 13 juin, à 12 heures. C'est la procédure habituelle. Nous veillerons naturellement à attirer au mieux votre attention quand il s'agit d'examiner un texte. Pour aujourd'hui, nos rapporteurs ont la possibilité de rectifier les amendements s'ils le souhaitent.

Mme Nathalie Goulet . - L'argent est le nerf de la guerre. On prépare le budget pour 2020-2030. N'est-ce pas l'occasion de reprendre les suggestions que Thierry Breton avait formulées lors de sa brillante audition pour abonder le fonds d'une manière différente ?

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Thierry Breton mène en effet des entretiens de très haut niveau sur ce sujet en ce moment même. Attendons de voir comment son initiative prospère.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Daniel Reiner , rapporteur . - L'amendement n° COM-2 après l'alinéa 16 prend acte de la préoccupation des citoyens européens pour la défense et la sécurité. Il s'agit de dire que le moment est bien choisi pour relancer la défense européenne.

M. Gilbert Roger . - Historiquement, la première étape de la construction européenne a été la CECA. Par conséquent, au deuxième paragraphe de l'objet de cet amendement, je préfèrerais que l'on écrive : « Consciente de la nécessité de garantir à notre continent la paix » plutôt que « Née pour garantir à notre continent la paix ». Il faudrait aussi ajouter après « États membres », « sans pour autant tendre à une harmonisation sociale ».

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - La commission se prononce sur le dispositif et non sur l'objet de l'amendement.

M. Gilbert Roger . - Il n'en faut pas moins rendre cet objet d'amendement historiquement précis.

M. Jean-Marie Bockel . - Votre rapport est remarquable. En matière de défense européenne, on a parfois l'impression de prêcher dans le désert. Pour autant, on a raison de le faire. Le paysage va se décanter. Quand les pays de l'Union européenne sauront affirmer leur voix à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, tout ira mieux.

M. Yves Pozzo di Borgo . - J'ai découvert cet amendement à mon retour de l'Assemblée interparlementaire de La Haye. J'ai eu la même impression qu'André Trillard, celui d'une étrange solitude, tant par rapport aux attentats dont quatre pays ont été victimes que par rapport à l'idée d'une défense commune. Cet amendement présuppose que les Européens sont très intéressés par une politique de défense commune, or ce n'est pas le cas. Cependant, sur le fond, je soutiens cet amendement.

L'amendement n° COM-2 est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - L'amendement n° COM-3 propose d'écrire, après l'alinéa 19 : « Rappelle que le Royaume-Uni est un partenaire important de la défense européenne, et tout en souhaitant son maintien au sein de l'Union, estime que, quel que soit le résultat du référendum britannique sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, cette nouvelle stratégie globale de l'Union européenne doit être examinée par le Conseil des 28 et 29 juin prochains, tant elle apparaît fondamentale et nécessaire pour répondre aux défis de sécurité intérieure et extérieure des États membres de l'Union européenne ». Cet alinéa ne porte aucun jugement sur le Brexit. Il affirme la nécessité d'inscrire la stratégie globale européenne à l'ordre du jour du Conseil européen.

M. Gilbert Roger . - Sans être en désaccord avec cet amendement, j'aimerais en préciser la rédaction. A la place de « quel que soit le résultat du référendum », mieux vaudrait écrire : « connu le résultat du référendum » ; et à la place de « doit être examinée », il faudrait écrire : « devra être examinée ». L'expression « quel que soit » donne le sentiment que le résultat n'importe pas.

Mme Josette Durrieu . - On souhaite le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Il ne s'agit pas de dire que le résultat nous importe peu.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - L'expression « connu le résultat » donne l'impression qu'on fait un pronostic. Le « quel que soit » est plus neutre. Mieux vaut le conserver. En revanche, l'emploi du futur « devra être » est judicieux. Nous écrirons donc, si les rapporteurs acceptent cette rectification : « cette nouvelle stratégie globale de l'Union européenne devra être examinée par le Conseil des 28 et 29 juin prochains ».

L'amendement n° COM-3-rect., ainsi modifié, est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - L'amendement n° COM-4 appelle à renforcer la coopération franco-allemande. Yves Pozzo di Borgo propose d'introduire après « une association par le gouvernement français du gouvernement allemand », « et de tous les autres gouvernements qui le souhaiteraient », afin de ménager notamment à la Pologne un rôle éventuel en la matière, ce qui est judicieux.

Mme Josette Durrieu . - En matière de défense, l'Allemagne est sur une position modérée.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Chacun a bien compris le sens de cet amendement. Il s'agit de rallumer le moteur franco-allemand, quelles que soient les politiques européennes. L'ajout de M. Pozzo di Borgo se conçoit pour des raisons de diplomatie.

M. Gilbert Roger . - Au lieu de « Estime que », je suggère : « Si nous estimons que », et je préciserai le terme « association » par « inclusive des autres pays membres de l'Union européenne ».

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Dans la mesure où, après l'alinéa 16, tous les alinéas commencent par un verbe conjugué, nous sommes enclins à conserver « Estime ».

M. Gilbert Roger . - Je tiens à ma seconde proposition : « une association inclusive des autres pays membres de l'Union européenne ». On peut être inclusifs ou ne pas l'être.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Nous le sommes. Dans notre rapport, nous avons écrit que rien ne pouvait se faire sans la France et sans l'Allemagne, sans exclure l'intervention d'autres pays. Nous avions utilisé la formule : « ceux qui le veulent et ceux qui le peuvent ». C'est une formule à conserver. Si l'on écrit que l'association est «inclusive des autres pays membres de l'Union européenne », tout le monde ira et personne ne fera rien.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Nous nous en tiendrons à la proposition de M. Pozzo di Borgo, en ajoutant « et tous les gouvernements qui le souhaiteraient ».

L'amendement n° COM-4-rect., ainsi modifié, est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Comme l'a dit Josette Durrieu, le risque existe que le mot « défense » ne figure pas dans le document stratégique présenté par la Haute représentante. Nous tenons à ce qu'il soit mentionné. Nous souhaitons également une réflexion partagée sur les menaces et les moyens d'y parer sous la forme d'un document « de type livre blanc ».

M. Jacques Gautier , rapporteur . - On introduit ainsi une incitation supplémentaire.

L'amendement n° COM-6 est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - L'amendement n° COM-7 supprime dans l'alinéa 22 « ainsi que l'établissement d'une relation approfondie avec la Russie ». En effet, l'alinéa 22 traite de la relation entre l'Union européenne et l'OTAN. Il semble souhaitable de traiter la relation avec la Russie dans un alinéa séparé, comme le propose l'amendement n° COM-8 qui crée un alinéa nouveau ainsi rédigé : « Souhaite que la future stratégie globale aborde la question des relations de l'Union européenne avec son voisinage, en particulier avec la Russie, dans le respect du droit international ; ». L'idée est de distinguer les relations avec l'OTAN de celles avec la Russie.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Cet amendement a, en outre, le mérite d'intégrer la politique de voisinage. Lorsque M. Gorbatchev a accepté l'éclatement des frontières de l'Union soviétique, un accord oral prévoyait que les frontières de l'OTAN s'arrêteraient aux pays de l'Est. Il n'a pas été respecté. D'où la stratégie de Poutine de créer des conflits gelés en Moldavie, en Ukraine et en Géorgie pour éviter que ces pays rejoignent l'OTAN. Avec Mme Jourda et M. Allizard, nous avons produit un rapport étoffé sur la politique de voisinage qui sera bientôt publié. C'est un sujet sensible pour la Russie. Il ne faut pas l'ignorer pour autant.

En revanche, plutôt que d'écrire « en particulier avec la Russie » à l'alinéa 23, je reprendrai « ainsi que l'établissement d'une relation approfondie avec la Russie ». C'est une phrase qui est tirée du rapport de 2013.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Il faut surtout conserver « dans le respect du droit international », qui est un point majeur.

M. Jacques Legendre . - Ces amendements me paraissent tout à fait équilibrés.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Il est plus logique de traiter d'une part les relations entre l'Union européenne et l'OTAN à l'alinéa 22, d'autre part la politique de voisinage et les relations avec la Russie dans un nouvel alinéa. On évite ainsi de mélanger la politique de l'Union européenne et celle de l'OTAN.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Tel qu'il est conçu, l'amendement n° COM-8 concerne plus l'OTAN que l'Union européenne. Cela dit, je m'incline.

L'amendement n° COM-7 est adopté, de même que l'amendement n° COM-8.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Après l'alinéa 24, l'amendement n° COM-9 rectifié « propose l'institutionnalisation du conseil des ministres de la défense, chargé, notamment, de préparer la réunion annuelle du Conseil européen consacré aux questions de sécurité et de défense ». Il nous semble en outre nécessaire que le conseil des ministres propose la création d'un « fonds d'urgence permettant, en cas de crise sécuritaire grave, d'accompagner un pays intervenant pour la résoudre ». Enfin, il conviendrait de prévoir dans les prochaines perspectives européennes la création d'un fonds structurel dédié aux dépenses de sécurité et défense. Ne rêvons pas : une telle proposition ne sera pas prise en compte immédiatement, mais nous apportons du levain pour faire lever la pâte !

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Nous préparons les perspectives financières européennes 2021-2027.

M. Gilbert Roger . - Je parlerais plutôt d'un conseil « permanent » des ministres de la défense. En outre, j'ajouterais, à la fin de l'alinéa : « c'est pourquoi il faudrait une coordination des ministres chargés de la sécurité intérieure et extérieure ». Il y a une vraie différence d'appréciation entre les pays du Nord, les pays baltes et la Pologne d'une part, et les pays du flanc méditerranéen d'autre part concernant l'importance de la lutte contre Daech et contre le terrorisme...

Mme Josette Durrieu . - D'accord pour mettre en place un conseil des ministres de la défense, qui appuie sur la nécessité d'une structure approfondie. Face aux superpouvoirs de l'exécutif, les propositions des parlementaires sont bien peu prises en compte. Il serait heureux que la Conférence interparlementaire puisse adresser ses propositions directement au conseil des ministres.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - L'association des parlementaires aux questions de défense est un vaste sujet... Au Parlement européen, sécurité et défense relèvent d'une simple sous-commission de la commission Affaires étrangères. Faut-il pour autant ajouter un alinéa demandant l'association des parlementaires nationaux ?

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - C'est un vrai sujet, mais attention à ne pas déployer des ailes de géant qui nous empêcheraient de marcher et faire de cette résolution l'albatros de Baudelaire... La proposition de résolution est en elle-même une initiative parlementaire.

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Cet alinéa est déjà riche et appelle clairement à renforcer le budget européen de la défense.

M. Joël Guerriau . - La rédaction est assez lourde. Plutôt que « accompagner » un pays intervenant, je préférerais « soutenir » qui montre mieux qu'il s'agit d'un soutien financier et non d'une intervention militaire.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - D'accord, l'amendement est rectifié en ce sens.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - C'est donc l'amendement n° COM-9 rectifié bis que je mets aux voix.

L'amendement n° COM- 9 rectifié bis, ainsi modifié, est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - À l'alinéa 27, l'amendement n° COM-10 recommande le recours au Corps européen, qui est fait pour cela.

L'amendement n° COM-10 est adopté.

L'amendement de coordination n° COM-5 est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - À l'alinéa 31, l'amendement n° COM-11 invite à mettre en place une « réflexion partagée » sur les budgets de défense, formule qui nous parait plus douce que celle de « planification concertée », très ambitieuse.

M. Jean-Paul Emorine . - Le point de comparaison, ce sont les budgets de défense des États-Unis, de la Chine, de la Russie. Si nous atteignions l'objectif de 2% du PIB, nous serions plus près de 42 milliards d'euros que de 32 milliards... Enfin, il me semble souhaitable de préciser, au début de l'alinéa 31, que l'on vise bien la ressource « financière » publique.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Les rapporteurs sont d'accord, je mets donc aux voix un amendement n° COM-15 nouveau qui insère « financière » entre « ressource » et « publique » à l'alinéa 31.

L'amendement n° COM-15 est adopté.

Mme Gisèle Jourda . - Sur l'amendement n° COM-11, je reste dubitative. Cette proposition de résolution européenne manifeste un grand volontarisme ; pourquoi refuser de parler de « planification » ?

M. Jacques Gautier , rapporteur . - C'est trop rigide, trop soviétique !

Mme Gisèle Jourda . - De nombreux pays nullement soviétiques ont eu un Plan, à commencer par la France ! Je suis réticente au remplacement de « planification » par « réflexion », qui ne me semble guère justifié.

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Nous insistons sur le caractère « partagé » de cette réflexion : l'analyse des menaces et des réponses à apporter doivent être partagées.

L'amendement n° COM-11 est adopté.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Je laisse Mme Aïchi nous présenter son amendement n° COM-1, qui insère un alinéa après l'alinéa 31.

Mme Leila Aïchi . - Il « invite le Gouvernement français, alors que le dérèglement climatique est aujourd'hui reconnu comme un risque stratégique à part entière, à promouvoir un instrument de concertation et de coordination politique au niveau européen afin d'anticiper et de répondre efficacement aux crises qu'engendrent le dérèglement climatique et la montée des tensions autour de l'accès aux matières premières ».

Vous connaissez mon engagement et le travail que nous avons accompli au sein de notre commission sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique. Le 14 octobre 215, à l'initiative du Sénat et du ministère de la défense, s'est tenu à Paris le sommet international des ministres de la défense sur le climat ; tous ont reconnu le risque climatique comme un risque stratégique à part entière et M. Le Drian a admis que le Livre blanc avait sous-estimé la problématique. Le lien entre dégradation socio-environnementale et conflit doit être réaffirmé. Longtemps considéré comme un simple effet multiplicateur, le changement climatique est un risque stratégique à part entière de par le caractère inédit, multidimensionnel et global de ses conséquences. C'est ce qui a été à nouveau réaffirmé lors de la réunion, présidée par Gérard Larcher, qui a fait suite de l'accord de Paris, en présence de Ségolène Royal et de la ministre marocaine de l'environnement, Mme El Haite.

La sécurité de chacun des membres de l'Union européenne ne saurait être assurée individuellement face aux risques climatiques et environnementaux ; seule l'Europe a la taille critique pour anticiper et répondre efficacement à ces crises.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Avis favorable.

M. Alain Néri . - Je proposerais d'ajouter, à la toute fin de l'alinéa, « et en particulier l'accès à l'eau ».

Mme Leila Aïchi . - Tout à fait d'accord.

M. Joël Guerriau . - D'accord sur le fond. Sur la forme, je proposerais de commencer par « Alors que le dérèglement climatique est reconnu comme un risque stratégique »...

M. Jacques Gautier , rapporteur . - Il faut commencer par un verbe.

M. Joël Guerriau . - Par ailleurs, je proposerai « crises climatiques » plutôt que « crises qu'engendrent le dérèglement climatique ».

Mme Leila Aïchi . - Je tiens à insister sur la force du dérèglement climatique.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Le climat peut engendrer des crises qui ne sont pas climatiques mais sociales, par exemple.

M. Jeanny Lorgeoux . - Romorantin ayant subi de plein fouet le dérèglement climatique, je souscris à 120 % à cet amendement !

Mme Éliane Giraud . - Dommage de ne pas faire référence à l'accord de Paris, ni à la feuille de route pour la ratification. Derrière, il y a aussi notre stratégie vis-à-vis de la Russie, je pense à l'Arctique par exemple... L'Europe travaille sur l'innovation, apporte le financement. Le chemin sera long, cette référence serait bienvenue.

Mme Leila Aïchi . - Je rectifie mon amendement en ce sens : « Invite le Gouvernement français, après l'accord de Paris, ... », le reste sans changement puis, à la fin, « autour de l'accès aux matières premières et en particulier l'accès à l'eau ».

L'amendement n° COM-1- rect. est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - Après l'alinéa 32, l'amendement n° COM-12 rectifié vise à conforter et renforcer le rôle de l'Agence européenne de défense (AED). Nous reprenons une proposition du rapport d'étude qui préconisait le rapprochement avec l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (Occar).

L'amendement n° COM-12 rectifié est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - À l'alinéa 34, l'amendement n° COM-14 vise à adapter au domaine de la sécurité et de la défense la notion de « semestre européen », chère à la commission des affaires européennes, mais que nous aurions volontiers supprimée. Mieux vaut donner l'initiative au Conseil dans ce domaine.

L'amendement n° COM-14 est adopté.

M. Daniel Reiner , rapporteur . - À l'alinéa 36, l'amendement n° COM-13 invite le Gouvernement français à soutenir pleinement le projet d'action préparatoire sur la recherche de défense, qui préfigure les perspectives financières de l'Union après 2020.

L'amendement n° COM-13 est adopté.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . - Je me réjouis de cette unanimité.

SÉNAT

15 JUIN 2016

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PERSPECTIVES DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE

n° 619 (2015-2016)

TABLEAU DES SORTS

Texte de la résolution

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

2

Prend acte de la préoccupation des citoyens européens pour la défense et la sécurité

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

3

Nécessité d'un examen de la stratégie globale par le Conseil européen des 28 et 29 juin quel que soit le résultat du référendum britannique

Adopté avec modification

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

4

Appelle à renforcer la coopération franco-allemande.

Adopté avec modification

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

6

Recommande la rédaction d'un "livre blanc" pour décliner la stratégie globale

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

7

Recentre l'alinéa sur les relations entre l'Union européenne et l'OTAN

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

8

Aborder les relations de voisinage de l'Union, notamment avec la Russie, dans le respect du droit international

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

9

Institutionnaliser le Conseil des ministres de la défense

Adopté avec modification

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

10

Recommande le recours au Corps européen

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

5

Amendement de coordination avec l'amendement n°4

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

11

Mettre en place une réflexion partagée sur les budgets de défense

Adopté

Mme AÏCHI

1

Prendre en compte le dérèglement climatique comme risque stratégique

Adopté avec modification

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

15

Préciser que la concertation sur les budgets de défense s'effectue dans un contexte de rareté de la ressource publique

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

12

Conforter et renforcer le rôle de l'Agence européenne de défense (AED)

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

14

Adapter le "semestre européen" au secteur de la défense

Adopté

M. J. GAUTIER, et D. REINER, rapporteurs

13

Soutenir l'action préparatoire sur la recherche de défense

Adopté


* 10 Voir annexe II : procédure applicable aux propositions de résolutions européennes.

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