LES AMENDEMENTS DE LA COMMISSION : LES LIGNES DIRECTRICES POUR LA STRATÉGIE EUROPÉENNE
La commission a adopté 15 amendements.
LES AMENDEMENTS PRÉCISANT LE CONTEXTE DANS LEQUEL LA STRATÉGIE GLOBALE EUROPÉENNE S'INSCRIT
Premier impératif politique : répondre aux attentes des citoyens européens
L'amendement N° COM-2 prend acte de la préoccupation des citoyens européens pour la défense et la sécurité. Il introduit un considérant nouveau dans la PPRE afin de rappeler que la défense et la sécurité sont une des priorités des Européens.
Signe des temps, cette demande nouvelle de sécurité intérieure et extérieure traduit l'inquiétude de nos concitoyens, notamment après les attentats qui ont frappé durement nos pays. Toutefois, alors que l'Union européenne traverse une crise économique depuis plusieurs années, alors que l'incapacité à dégager des solutions probantes à la crise des réfugiés a fait grandir les interrogations sur l'Union, les Citoyens européens mettent en elle leur espoir et leur désir de sécurité. Cette adhésion forte doit être soulignée par la PPRE. La nouvelle stratégie globale se doit de répondre à cette attente.
Deuxième impératif politique : adapter la stratégie globale européenne dans les meilleurs délais
L'amendement N° COM-3 insère un nouvel alinéa dans la PPRE. Il rappelle qu'il est indispensable que la stratégie globale de l'Union européenne soit présentée au Conseil européen des 28 et 29 juin prochains pour répondre aux enjeux stratégiques actuels. Il est évident que le Royaume-Uni est un partenaire essentiel, notamment dans le domaine de la défense, dont la France souhaite le maintien au sein de l'Union européenne. Dans le domaine de la défense, les accords bilatéraux lient solidement la France et le Royaume-Uni : la réussite des accords de Lancaster House est régulièrement soulignée par notre commission.
Toutefois, les résultats du référendum sur son maintien au sein de l'Union ne doivent pas occulter l'urgence de la révision stratégique de la politique de sécurité et de défense européenne. Il n'est pas possible de temporiser dans le contexte international que nous connaissons, et alors que les citoyens européens, pourtant de plus en plus eurosceptiques, attendent une réaction de l'Union européenne dans ces domaines.
Il nous paraît essentiel d'examiner la stratégie globale dans les meilleurs délais pour pouvoir lui donner corps rapidement. Il est certain que la stratégie globale a été écrite en tenant compte de ce contexte particulier et qu'elle avait veillé à formuler les enjeux dans des termes parfaitement acceptables par le Royaume-Uni. En tout état de cause, la stratégie globale ne serait pas modifiée par le maintien ou le retrait du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Cette stratégie doit redonner un nouveau souffle à la politique étrangère européenne, et à la politique de sécurité et de défense, élan qui est d'autant plus nécessaire si l'Union européenne subit le choc d'une sortie d'un de ses membres. Si les murs tremblent, les fondations doivent être renforcées.
Troisième impératif politique : relancer le moteur franco-allemand et favoriser les coopérations dans le domaine de la défense
L'amendement N° COM-4-rectifié appelle à renforcer la coopération franco-allemande. Il s'agit là de rappeler l'importance du lien franco-allemand dans la construction européenne : il paraît inconcevable qu'une défense européenne commune puisse voir le jour si la France et l'Allemagne ne travaillent pas étroitement à son élaboration. Cet amendement explicite l'alinéa de la PPRE qui traite de la coopération franco-allemande, et qui est par conséquent supprimé par l'amendement de coordination N° COM-5 .
Il est important d'encourager les pays qui peuvent et qui souhaitent participer à des coopérations renforcées ou des coopérations spécifiques prévues par les textes européens. C'est pourquoi cet amendement précise également que tous les gouvernements qui souhaiteraient participer à ce type de coopération seraient les bienvenus.
Le second motif de cet amendement N° COM-4-rectifié est de rappeler que les coopérations bilatérales ou multilatérales qui sont mises en oeuvre en dehors des coopérations prévues par les traités doivent veiller à éviter un certain nombre d'écueils :
- si elles visent le développement de capacités, il est important qu'il favorise la base industrielle de défense européenne plutôt que les intérêts d'un seul pays ;
- si elles se développent dans le cadre de l'OTAN sur la base du concept de nation cadre, elles doivent veiller à rester compatibles avec les concepts et les périmètres européens. Le concept de dissuasion de l'OTAN n'est pas exactement celui de notre pays par exemple. De même rappelons que six pays de l'Union européenne n'appartiennent pas à l'OTAN : l'Autriche, Chypre, la Finlande, l'Irlande, Malte, et la Suède. Ces paramètres doivent être pris en compte.
Ce concept de nation-cadre, apport politique de l'Allemagne au Sommet de Newport de 2014, propose une approche limitée et pragmatique de la planification de défense. Il s'agit de créer de plus petits groupes de nations, menés par un grand pays fournissant une infrastructure de défense dotée d'un éventail complet de capacités.
L'OTAN a adopté ce concept en vue d'encourager les alliés à travailler « au niveau multinational au développement conjoint des forces et des capacités dont l'Alliance a besoin, travail facilité par une nation cadre », et mettre ainsi à disposition de l'OTAN « des ensembles cohérents de forces et de capacités, en particulier en Europe ». Les objectifs sont louables, mais ces coopérations ne doivent pas gêner le développement ultérieur et la cohésion de la défense européenne. Tel est le sens de l'amendement que la commission a adopté.
Prendre en compte l'environnement de l'Union européenne
Les relations entre l'Union européenne et l'OTAN sont définies de façon satisfaisante par la proposition de résolution qui estime que la structure stratégie globale doit actualiser les modalités de coopération et de partenariat entre ces deux institutions en respectant leur spécificité et leur autonomie respective.
Sur ces sujets, la France doit veiller à faire prospérer sa vision de l'autonomie de la défense européenne. Rappelons que l'identité entre la défense de l'Europe et l'OTAN a été rappelée par Hubert Védrine dans son rapport de 2012 8 ( * ) et que son analyse mérite d'être rappelée :
« Les mots doivent être employés à bon escient. " Europe de la défense " et encore moins " défense européenne " ne signifient, même pour leurs promoteurs les plus ardents, la défense militaire de l'Europe contre des menaces militaires, ce dont seule l'Alliance avec les moyens américains serait capable, si par malheur l'Europe était attaquée. (...) ».
Le prochain sommet de l'OTAN se tiendra à Varsovie les 8 et 9 juillet. La stratégie globale européenne devra être présentée avant cette échéance si nous ne voulons pas que l'Union européenne soit reléguée en deuxième rang dans cette réflexion.
Pour lui donner plus de poids, l'amendement N° COM-7 recentre l'alinéa 22 de la PPRE sur les relations entre l'Union européenne et l'OTAN. L'alinéa, tel que rédigé après l'adoption de l'amendement prévoit que la future stratégie globale rappelle et actualise les modalités agréées de coopération et de partenariat entre l'Union européenne et l'OTAN, en respectant la spécificité et l'autonomie de décision de chacune. En cela il forme un tout. Il semble souhaitable de traiter la relation avec la Russie dans un alinéa séparé, proposé par l'amendement suivant.
L'amendement N° COM-8 insère un alinéa nouveau dans la PPRE afin de prévoir que la future stratégie globale aborde la question des relations de l'Union européenne avec son voisinage, en particulier avec la Russie, dans le respect du droit international.
Inclure le dérèglement climatique comme un risque stratégique au niveau européen
L'amendement N° COM-1-RECT , présenté par Leïla AÏCHI invite le Gouvernement français, après l'accord de Paris, à reconnaitre que le dérèglement climatique est un risque stratégique et à promouvoir un instrument de concertation et de coordination politique au niveau européen. Il est essentiel que le Gouvernement français soit force de proposition dans l'Union européenne qui doit répondre efficacement aux crises qu'engendrent le dérèglement climatique et la montée des tensions autour de l'accès aux matières premières. Il a été précisé que ces tensions pouvaient être générées en particulier par la difficulté d'accéder à l'eau.
Cet amendement s'inscrit dans la ligne du rapport de notre commission « Climat : vers un dérèglement géopolitique ? », dont Cédric Perrin, Eliane Giraud et Leïla Aïchi étaient co-rapporteurs.
LES AMENDEMENTS VISANT À COMPLÉTER LE CONTENU DE LA STRATÉGIE GLOBALE
S'assurer que la stratégie globale définisse les menaces et les moyens d'y parer : l'introduction de la notion de « Livre blanc »
Il est essentiel que le contenu de la stratégie globale soit à la hauteur des enjeux internationaux, des menaces et des attentes citoyennes. Alors que l'euroscepticisme croît, que l'Union n'a pas répondu à tous les défis auxquels elle est confrontée, il importe que la communication présentée au Conseil européen des 28 et 29 joints prochains soit substantielle. Ce document ne doit pas être un coup d'épée dans l'eau. Pour cela, cette nouvelle stratégie ne peut pas, ne doit pas être un compromis a minima des objectifs de politique étrangère acceptables par chaque État membre.
Elle doit au contraire comporter une composante défense substantielle, comme le note la PPRE. Elle doit également être déclinée, comme l'a évoqué le 1er juin dernier devant notre commission Michel Barnier, dans un document stratégique plus détaillé et plus précis de type « livre blanc »dans les meilleurs délais, afin de lui donner corps.
L'amendement N° COM-6 propose une nouvelle rédaction d'un alinéa de la PPRE, afin de prévoir non seulement que le document stratégique présenté par la haute représentante comporte bien une composante défense substantielle mais aussi qu'il aboutisse à la rédaction d'un « livre blanc » pour décliner la stratégie globale. C'est-à-dire qu'il comporte une analyse des menaces et mette en face la typologie des moyens nécessaires pour y répondre.
Favoriser une coopération souple dans le domaine budgétaire
Il est certain que la crise économique ralentit le renversement espéré d'une tendance de long terme : la baisse des dépenses de défense, et éloigne la perspective d'une défense européenne dotée des moyens de ses ambitions.
En 1990, les budgets de défense européens représentaient en moyenne 2,7 % du PIB, ils sont tombés à 1,5 % en 2008 et 1,35 % en 2013. La baisse des budgets a entraîné une diminution des formats d'armées. Le nombre de soldats européens a ainsi décru de près de 500 000 hommes entre 2006 et 2012, pour atteindre 1,453 million de soldats. Il est à noter que, selon le SIPRI, qui fait référence en la matière, en valeur absolue (c'est-à-dire une fois l'inflation prise en compte), les dépenses militaires globales ont augmenté dans le monde de 1% par rapport à l'année 2014 : cela n'était plus arrivé depuis 2011.
En 2015, selon le récent rapport de Jean-Marie Bockel à l'AP-OTAN, la situation s'améliore en Europe avec une remontée en puissances des moyens militaires. La Grèce a consacré 2,4 % de son PIB aux dépenses de défense, la Pologne 2,2 %, le Royaume-Uni 2,1 %, l'Estonie 2 %.
Les autres pays sont en dessous des 2 % : la France avec 1,8 %, l'Allemagne, comme le Danemark et les Pays-Bas avec 1,2 %. Ces chiffres doivent être confirmés dans le temps mais la prise de conscience semble bien réelle.
L'amendement N° COM-11 modifie l'alinéa 31 de la PPRE et vise à mettre en place une réflexion partagée sur les budgets de défense plutôt qu'une planification concertée des budgets de défense comme le prévoyait initialement le texte de la résolution. Cet amendement est pragmatique, la mise en place d'un mécanisme si contraignant que la planification ne semble avoir que très peu de chances d'aboutir à des actions concrètes et pourrait même avoir des effets contreproductifs, en allant peut-être trop vite et trop loin. Instaurer une « réflexion concertée sur les budgets de la défense » des États membres et de l'Union européenne, serait déjà un progrès considérable et utile.
L'amendement N° COM-15 porte une modification rédactionnelle au même alinéa. Il s'agit de clarifier le dispositif en précisant que le contexte dans lequel s'inscrit la démarche de réflexion concertée sur les budgets de défense est celui de rareté de la ressource financière publique.
Les efforts budgétaires et les efforts de coordination des ressources financières publiques sont des axes importants de la politique de défense européenne. D'autres champs d'action doivent être poursuivis, notamment en vue de créer les conditions propices à l'instauration d'une base industrielle européenne de défense (BIED) solide, seule capable de garantir l'autonomie de long terme de la défense européenne.
Un des axes de desserrement de la contrainte budgétaire exploré pour développer la BIED consiste dans le partage et la mutualisation ou « pooling and sharing » des dépenses de défense.
Cette mutualisation via l'Union avec le concours de l'Agence européenne de défense (AED) soulève des réticences liées à la préservation de la souveraineté nationale. Il en découle que l'AED voit son rôle limité, les projets capacitaires définis sont de trop petite envergure et les États sont réticents à participer au Plan de développement des capacités. La définition de la stratégie globale pourrait redonner souffle à la mutualisation, et un amendement présenté ci-dessous s'attache à donner à l'AED les moyens d'y parvenir.
Un autre axe de développement de la BIED a été l'adoption du « paquet défense ». En 2009, deux directives européennes, l'une sur la passation des marchés publics et l'autre sur les transferts et les licences ont été adoptées afin de tenter d'améliorer l'efficience des marchés de défense en les ouvrant à la concurrence dans l'Union. Sept ans plus tard, les États membres ne les appliquent pas assez, préférant recourir à des compensations nationales dans la passation des marchés. Sur les 28 pays qui ont ratifié cette procédure d'ouverture des marchés à l'ensemble des pays européens, la France a été la seule à demander la préférence communautaire. C'est un vrai sujet : il n'y aura pas de base communautaire industrielle européenne sans assurer la préférence communautaire en matière d'acquisition de matériel. Il en va de même pour les transferts de licences. Lors de son audition le 1 er juin, Michel Barnier regrettait que chaque État continue d'utiliser une clause de souveraineté en matière d'équipement militaire.
L'amélioration du fonctionnement des marchés de défense devrait être l'un des axes du plan d'action « défense » que la Commission devrait présenter cet automne, qui sera évoqué ci-dessous. Des progrès ont déjà été réalisés puisqu'en 5 ans, le montant de ces marchés est passé de 0 à 20 milliards d'euro d'appels d'offre publiés.
Soutenir l'utilisation des moyens existants de la défense européenne : le cas du corps européen
L'amendement N° COM-10 complète la PPRE afin de recommander que l'engagement dans les opérations de la politique de sécurité de défense commune favorise le recours au Corps européen dit aussi Eurocorps, à laquelle la brigade franco-allemande est directement subordonnée.
Il s'agit en fait de soutenir l'initiative des auteurs de la proposition de résolution qui souhaitaient, à juste titre, inciter le Conseil et les États membres à recourir aux outils qui sont déjà à leur disposition et qui sont sous-utilisés.
LES AMENDEMENTS VISANT À PRÉCISER LE RÔLE DES ACTEURS DE L'UNION EUROPÉENNE
Réaffirmer le rôle des États membres pour relancer la défense européenne
L'amendement N° COM-9 rect- bis propose d'institutionnaliser le conseil des ministres de la défense réaffirmant ainsi le rôle-clé que les états membres doivent avoir dans la définition de la politique de défense européenne. Il reviendrait au Conseil de préparer la réunion annuelle du Conseil européen consacré aux questions de sécurité et de défense, d'évaluer les menaces, de proposer des modifications législatives permettant de favoriser l'émergence d'un marché et une base industrielle européens de la défense, et de favoriser la prise en compte des priorités de sécurité et de défense dans les orientations budgétaires communautaires. Ce dernier point est très important. Il est proposé de peser de cette façon sur la définition des perspectives financières communautaires 2021-2027. Ainsi le conseil des ministres serait chargé de soutenir la création :
- d'un fonds d'urgence permettant, en cas de crise sécuritaire grave, de soutenir financièrement un pays intervenant pour la résoudre,
- et de prévoir dans les prochaines perspectives européennes la création d'un fonds structurel dédié aux dépenses de sécurité et défense, afin d'accompagner les efforts des États membres en faveur du développement des capacités militaires et plus globalement des investissements de défense et de sécurité.
La création de tels outils financiers prend, à l'échelle européenne, plusieurs années, il est nécessaire de marquer dès à présent notre intérêt pour l'évolution du budget communautaire dans cette perspective. Ceci constitue une recommandation forte adressée au gouvernement français qui doit veiller à être une force de proposition au sein des institutions européennes.
L'amendement N° COM-14 modifie le texte original de la PPRE qui invitait les gouvernements à « proposer la mise en place d'un « semestre européen sur les capacités de défense », définissant des objectifs contraignants en matière de coopération et d'acquisitions capacitaires et de recherche-développement ». Il vise à donner au Conseil des ministres de la défense la mission d'adapter le "semestre européen" au secteur de la défense. En effet, ce concept de semestre européen ne paraît pas adapté au temps de l'investissement dans le domaine de la défense. De plus, il semble préférable de donner l'initiative au Conseil dans ce domaine, afin de discuter entre États membres de ces sujets et d'envisager les solutions qui pourraient être adaptées au domaine de la défense.
Soutenir l'action de la Commission, sous l'impulsion des Etats membres
L'amendement N° COM-13 , enfin, invite le gouvernement français à soutenir pleinement le projet d'action préparatoire et expérimentale et à proposer des initiatives s'inscrivant dans cette perspective.
Cet amendement permet d'affirmer le soutien de la France à l'action préparatoire sur la recherche de défense attendue pour 2017.
Sa mise en place par la Commission romprait un tabou en instaurant un investissement de l'Union européenne dans un domaine habituellement exclu de son financement : la défense. Elle est, en fait, le ballon d'essai d'un vaste programme qui serait intégré dans le futur programme cadre pour 2021-2027. Alors qu'elle pourrait représenter entre 75 et 100 millions d'euros, l'action préparatoire ouvrirait ensuite le champ à un investissement dont on lit aujourd'hui dans la presse spécialisée qu'il pourrait être compris entre 3 et 5 milliards d'euros. L'action préparatoire pourrait financer la mise au point d'un démonstrateur, peut-être dans le domaine des drones ou des systèmes anti-collision des drones, mais ni son budget ni son contenu ne sont encore arbitrés. Notons que l'action préparatoire ne sera un succès que si les industriels y sont représentés et s'y investissent, plus en tout cas qu'ils ne se sont investis dans le groupe de personnalités créé par le Commission pour définir une stratégie de recherche sur la sécurité pour l'Europe.
Il est très important que le gouvernement français investisse pleinement l'action préparatoire sur la recherche de défense dans la mesure où elle est le précurseur du plan d'action pour la défense que la Commission européenne devrait présenter cet automne. Ce plan d'action devra bien entendu faire l'objet de toute notre attention. Son objectif est de garantir que le marché européen, la base industrielle et le socle de compétences seront en mesure de fournir les capacités militaires prioritaires dont les États membres pourront avoir besoin pour répondre aux futurs besoins en matière de sécurité.
Conforter l'Agence européenne de défense
Créée en 2004 , l'Agence européenne de défense (AED) relevait d'une idée ambitieuse : être la courroie de transmission qui devait permettre de développer des programmes d'armement européens en partant de l'identification des capacités militaires nécessaires à l'Union européenne et en passant par l'organisation de l'industrie d'armement européenne et par la recherche commune de défense. L'AED devait être la preuve que l'Union européenne était une entité politique ayant une existence propre, ce qui devait la différencier de l'OTAN.
L'AED était un élément central du concept de partage et mutualisation dit « pooling and sharing » que l'Union européenne avait mis en oeuvre pour pallier la fragmentation de sa base industrielle de défense, le manque de moyens budgétaires et l'absence de préférence communautaire. Cette mutualisation via l'Union avec le concours de l'Agence européenne de défense (AED) soulève des réticentes liées à la préservation de la souveraineté nationale. Il en découle que l'AED voit son rôle limité, les projets capacitaires définis sont de trop petite envergure et les États sont réticents à participer au Plan de développement des capacités. Ainsi, en 2016, l'AED souffre de son manque de moyens et de la difficulté réelle qu'il y a à fonctionner avec 28 États membres, puisque les décisions sont rarement prises à la majorité dans cet organe intergouvernemental de la PSDC 9 ( * ) .
Il est également notable, en 2016, que l'AED effectue de plus en plus de "sous-traitance" au profit de la Commission européenne comme ce sera le cas avec l'action préparatoire en matière de recherche de défense, l'Agence disposant des compétences scientifiques que la commission ne possède pas pour suivre les projets qui seront financés. L'AED doit rester un organe intergouvernemental, qui reçoit ses impulsions des États membres, souverains dans ces domaines de compétence.
La définition de la stratégie globale pourrait redonner souffle à la mutualisation, si la volonté politique des États membres les amène à faire passer l'objectif de doter la défense européenne des capacités nécessaires, avant leur désir d'autonomie. Dans ce cadre, l'AED aurait toute sa place.
Mais pour cela, il faudrait également renforcer l'AED. La PPRE présente une piste intéressante en invitant les gouvernements à favoriser l'intégration des investissements capacitaires de défense des États, liés aux programmes d'équipements définis au sein de l'AED, aux contributions nationales au Fonds européen d'investissement stratégique, ou fonds Juncker, afin de ne pas les comptabiliser dans les dépenses prises en compte dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Ce levier financier est intéressant mais vu ce que représentent les investissements réalisés dans le cadre des programmes de l'AED, il risque d'être limité. La commission a donc décidé d'insérer avant cet alinéa un amendement visant à renforcer le rôle et les moyens de l'AED afin qu'elle soit en mesure de remplir pleinement sa mission, au service des États membres.
L'amendement N° COM-12 rect. vise ainsi à conforter et renforcer le rôle de l'Agence européenne de défense (AED) en la dotant des moyens nécessaires à ses missions. La soutenir c'est réaffirmer notre volonté politique de développer une défense européenne, qui trouverait en elle, peut-être renforcée par un rapprochement avec l'OCCAR, un opérateur intergouvernemental de qualité.
Il convient aussi de soutenir l'AED dans son rôle de définition des normes. Ce sont les États membres en son sein et non les institutions communautaires qui doivent définir les normes applicables, si importantes pour notre base industrielle. L'AED doit rester un organe intergouvernemental, qui reçoit ses impulsions des États membres, souverains dans ces domaines de compétence et qui exerce ses pleines compétences, notamment dans le domaine de la définition des normes applicables aux équipements de défense et de sécurité (telles que les critères de navigabilité, par exemple). Il paraît essentiel lorsque la stratégie globale aura été présentée au Conseil européen, que l'AED prenne toute la place qui doit être la sienne.
* 8 Rapport pour le Président de la République française sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, sur l'avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l'Europe de la défense - Hubert Védrine, 14 novembre 2012.
* 9 Bien qu'elle ne soit normalement pas soumise à la règle de l'unanimité, l'AED ne prend finalement jamais de décisions à la majorité, ce qui correspond de fait à son statut d'organe intergouvernemental de la PSDC.