III. L'ACCORD-CADRE DE COOPÉRATION ET DE PARTENARIAT, UN PRÉALABLE À DE FUTURES COOPÉRATIONS
A. UN ACCORD MIXTE, QUI NÉCESSITE L'APPROBATION PARLEMENTAIRE DE LA FRANCE
Le 27 juillet 2009, le Conseil de l'Union européenne a autorisé la Commission européenne à négocier un accord-cadre de partenariat et de coopération avec la Mongolie. Les négociations ont été engagées en janvier 2010 à Oulan-Bator et se sont achevées en octobre 2010. L'accord a été paraphé en décembre 2010 et signé en avril 2013 .
Il s'agit d'un accord mixte, qui porte à la fois sur des matières de la compétence de l'UE et sur des matières relevant en partie au moins des Etats membres . A ce titre, il doit être approuvé par les Etats membres. Parmi les matières qui relèvent de la compétence de l'UE, l'accord prévoit entre autres une coopération dans le domaine des migrations, une coopération en matière d'énergie, ou encore une coopération en matière de transport. Parmi les compétences relevant des Etats membres, l'accord évoque notamment des actions de coopération en matière de lutte contre le terrorisme, ou encore de protection des données à caractère personnel.
Il convient de rappeler que la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie en 2014 par la Commission sur l'accord de libre-échange UE-Singapour, afin de lui demander de trancher la question de savoir s'il s'agit d'un accord mixte. La CJUE n'a pas encore à ce jour rendu son avis, mais il est susceptible d'influencer à l'avenir les solutions retenues en matière de ratification parlementaire par les Etats membres des accords conclus par l'UE. La France estime que les accords de coopération doivent faire l'objet d'une ratification nationale afin de respecter les dispositions prévues en la matière et d'associer aussi étroitement que possible les Parlements nationaux à l'élaboration des relations entre l'Union et les pays tiers.
L'accord-cadre de partenariat et de coopération UE-Mongolie nécessite une approbation parlementaire en vertu de l'article 53 de la constitution. L'accord prévoit notamment une coopération en matière de lutte contre le terrorisme ainsi que dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Or cette coopération s'appuie sur des échanges d'informations qui, dès lors qu'elles contiendraient des données à caractère personnel, seraient couvertes par la législation française en matière de protection des données personnelles.
B. UN ACCORD AYANT VOCATION À COUVRIR L'ENSEMBLE DE LA RELATION UE-MONGOLIE
1. Un champ de coopération très large
La coopération entre l'Union européenne reposait jusqu'à présent sur un accord de coopération économique et commerciale signé en 1993 . L'APC signé en 2013 remplace sans l'abroger l'accord de 1993. Il renouvelle le cadre juridique de la relation UE-Mongolie et étend le nombre de secteurs de coopération envisagés.
L'accord de 1993 ne traitait en effet que du volet économique et commercial. Le nouvel accord couvre l'ensemble de la relation UE-Mongolie . Il témoigne de la volonté de l'UE d'engager ses partenaires dans une relation globale qui ne se limite plus à une dimension économique mais comporte une dimension politique.
L'accord est ainsi similaire à d'autres accords signés par l'UE avec la Corée en 2010 ou avec le Vietnam et les Philippines en 2012 . Des accords du même type ont été paraphés et sont en passe d'être signés avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande et Singapour. Ces accords ont tous vocation à définir un cadre très large de coopération.
L'accord couvre ainsi l'ensemble des « secteurs d'intérêt commun » , qui sont listés à l'article 2 : commerce et investissement, politique macro-économique et services financiers, petites et moyennes entreprises, justice, coopération juridique, protection des données, migrations, trafics illicites, criminalité organisée, terrorisme, énergie, environnement et ressources naturelles, agriculture et développement rural, santé, médias, science et technologie, éducation et culture.
La structure de l'accord reflète la diversité des matières traitées . L'accord est constitué de neuf titres comptant au total soixante-quinze articles :
Le titre Ier précise la nature et la portée de l'accord . Le titre II est consacré à la coopération bilatérale, régionale et internationale . Le titre III traite de la coopération dans le domaine du développement durable . Le titre IV porte sur la coopération en matière de commerce et d'investissement . Le titre V est relatif à la coopération dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité . Le titre VI détaille les autres domaines de coopération . Le titre VII précise les modalités de la coopération , le titre VIII le cadre institutionnel et le titre IX est consacré aux dispositions finales .
2. Des stipulations peu contraignantes
En matière de coopération bilatérale , régionale et internationale, le titre Ier souligne que les parties s'engagent à dialoguer et à coopérer dans toutes les instances et organisations régionales et internationales compétentes. Le titre II précise que les parties s'engagent à coopérer notamment à l'ONU, à l'OMC et à l'ASEM.
En matière sociale et environnementale , les engagements de coopération s'articulent autour des objectifs de développement durable et de réduction de la pauvreté, qui font l'objet du titre III. Par ailleurs, l'accord-cadre accorde une importance particulière aux enjeux environnementaux dans les dispositions visant à favoriser le commerce bilatéral (titre II). La coopération dans le domaine des matières première (article 25) inclut des coopérations sur le cadre réglementaire régissant le secteur. Les enjeux environnementaux sont également pris en compte dans les articles consacrés à la coopération en matière de développement, de transports et d'agriculture (titre VI). L'accord prévoit également une coopération dans le domaine de l'énergie (article 44) afin de favoriser le développement des énergies renouvelables.
En matière économique , l'accord élargit les matières qui figuraient dans l'accord de 1993. Les engagements en matière de commerce et d'investissement, qui font l'objet du titre IV, sont plus précis que dans l'ancien accord. L'accord de 2013 reprend les principaux engagements de l'accord de 1993 (développement et diversification du commerce bilatéral), mais prévoit plus spécifiquement des engagements sur les questions sanitaires et phytosanitaires, la coopération douanière, l'investissement, la politique de la concurrence, les services, les mouvements de capitaux, les marchés publics, la transparence dans l'administration, les matières premières (cadre réglementaire, commerce, respect de l'environnement) ou la protection de la propriété intellectuelle.
En matière de justice , l'accord fait une place particulière aux droits de l'homme. L'engagement des parties en matière de droits de l'homme est rappelé dans les considérants de l'accord et constitue le premier des principes généraux gouvernant l'accord (article 1). Les parties s'engagent à approfondir leur coopération dans ce domaine (article 29 et 35). Une coopération en matière de justice internationale est prévue à l'article 5. Le respect des droits de l'homme constitue aux termes de l'article 1 un « élément essentiel » de l'accord. En conséquence, la violation des engagements en matière de droits de l'homme constitue un « cas d'urgence spéciale » qui justifie que l'une des parties prenne unilatéralement des « mesures appropries » sans aucune condition préalable (article 59).
En matière de sécurité, l'accord précise l'engagement des parties à coopérer face à différentes menaces transversales : trafics d'armes légères et de petit calibre, terrorisme et son financement, drogues illicites, criminalité organisée, corruption, etc. (article 3, 4, 6 et titre V). L'article 3 stipule que la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs inclut le respect des obligations contractées au niveau international en matière de désarmement et de non-prolifération. Comme pour les stipulations en matière de droit de l'homme, il s'agit aux termes de cet article d'un « élément essentiel de l'accord », dont la violation constitue ainsi un « cas d'urgence spéciale » (article 59).
En matière de migrations, les parties s'engagent à coopérer pour prévenir l'immigration clandestine et la présence illégale de leurs ressortissants sur leurs territoires respectifs (article 31). Elles s'engagent à la réadmission de leurs ressortissants respectifs ne remplissant pas les conditions de présence ou de séjour en vigueur sur le territoire de l'autre partie.
L'accord encourage également la coopération dans d'autres domaines (titre VI), incluant notamment l'éducation et la culture, le tourisme, la société de l'information, la santé, la société civile et la gestion des risques de catastrophe.