II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉPONSE MODESTE ET JURIDIQUEMENT INCERTAINE À UNE QUESTION LÉGITIME ET PRÉOCCUPANTE

S'inscrivant dans la continuité des travaux de notre ancien collègue, M. Jean-Claude Peyronnet, la présente proposition de loi de nos collègues MM. Yannick Botrel et René Vandierendonck vise à ancrer territorialement les parlementaires, en définissant des modalités d'association à la vie politique et institutionnelle locale, « dans la perspective de meilleure prise en considération des retours de terrain et des expériences locales. »

Entendu par votre rapporteur, M. Yannick Botrel, premier signataire de la présente proposition de loi, a relevé que, dans certains territoires, les parlementaires pouvaient être totalement déconnectés des réflexions et des enjeux de leur territoire d'élection, d'où un risque de cloisonnement des mandats électifs et l'émergence de parlementaires « hors sol ». Pour y répondre, sa proposition de loi propose d'associer les parlementaires aux travaux de commissions locales qualifiées de stratégiques en raison de l'importance qu'elles peuvent revêtir pour la vie institutionnelle des territoires.

A. UNE PROPOSITION DE LOI DESTINÉE À RENFORCER L'ANCRAGE TERRITORIAL DES PARLEMENTAIRES DE DEMAIN

1. La participation des parlementaires, en tant que membres de droit, dans les commissions départementales de coopération intercommunale (article 1er)

L'article 1 er tend à élargir la composition des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) aux parlementaires de chaque département, qui en seraient membres de droit. Ils pourraient ainsi participer aux travaux des CDCI sans pour autant disposer du droit de vote. La proposition de loi vise ainsi à créer un nouveau collège de membres au sein de ces commissions, qui réuniraient les parlementaires qui ne seraient pas membres de celles-ci au titre d'un autre collège.

En effet, en application de l'article L. 5211-43 du code général des collectivités territoriales, les CDCI sont composées à raison de :

- 40 % de représentants des communes ;

- 40 % de représentants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

- 5 % de représentants des syndicats mixtes et des syndicats de communes ;

- 10 % de représentants du conseil départemental ;

- 5 % de représentants du conseil régional.

En formation plénière, le nombre minimal de membres d'une CDCI est fixé à 40, en vertu de l'article R. 5211-19 du code général des collectivités territoriales. Une majoration du nombre de sièges est possible qui tient compte de la population du département, du nombre de communes du département et de leur importance démographique, du nombre d'EPCI à fiscalité propre.

Ces commissions sont présidées par le représentant de l'État dans le département, assisté d'un rapporteur général et de deux assesseurs élus parmi les maires 13 ( * ) . Elles exercent trois missions 14 ( * ) :

- l'établissement et la tenue à jour de l'état de la coopération intercommunale 2 ;

- l'élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale et sa révision tous les six ans 15 ( * ) ;

- la formulation de propositions tendant à renforcer la coopération intercommunale 2 .

Elles disposent d'une certaine latitude pour organiser ses travaux : elles entendent, à leur demande, des représentants des collectivités concernées par la carte intercommunale ; plus largement, elles peuvent auditionner toute personne qu'elles souhaitent entendre 2 . Ses réunions sont publiques ; toutefois, la CDCI peut les organiser à huis clos 16 ( * ) .

2. L'élargissement des conférences territoriales de l'action publique aux parlementaires (article 2)

L'article 2 propose d'élargir la composition des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) à l'ensemble des parlementaires de la région. Ainsi, outre les membres de droit et les membres désignés, les parlementaires composeraient un nouveau collège de membres de droit. Il est toutefois précisé qu'ils ne disposeraient pas d'un droit de vote au sein de ces conférences.

Les CTAP ont été créées par l'article 4 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles 17 ( * ) .

Créées dans chaque région, en Corse, dans les régions d'outre-mer et les collectivités uniques de Guyane et de Martinique, elles sont des instances de concertation entre les représentants des collectivités territoriales de la région. Présidées par le président du conseil régional, elles sont chargées de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics. Elle rend des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice des compétences et à la conduite des politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre collectivités locales. Ce ne sont pas des instances de décision mais de dialogue et de concertation. C'est pourquoi le Parlement n'avait pas précisé les modalités de droit de vote en leur sein. Leur fonctionnement s'inspire de l'exemple réussi du « B15 » 18 ( * ) en Bretagne 19 ( * ) .

Au sein des CTAP, on distingue 20 ( * ) :

1. d'une part, les membres de droit (le président du conseil régional, les présidents des conseils départementaux de la région, les présidents des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 30 000 habitants de la région) ;

2. d'autre part, les membres élus ou désignés :

- un représentant des EPCI de moins de 30 000 habitants de chaque département ;

- un représentant des communes de plus de 30 000 habitants de chaque département ;

- un représentant des communes entre 3 500 et 30 000 habitants de chaque département ;

- un représentant des communes de moins de 3 500 habitants de chaque département ;

- un représentant des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales situés en zones de montagne.

En moyenne, le nombre de membres dans une CTAP avoisine 70 membres. Lors des débats parlementaires de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi « Maptam ») 21 ( * ) , le Sénat avait souligné l'effectif pléthorique des conférences ce qui pouvait être source de lourdeur dans l'organisation de leurs travaux.

Le représentant de l'État dans la région est informé des réunions de la CTAP. Il y participe lorsque la conférence donne son avis sur une demande d'une collectivité territoriale ou d'un EPCI à fiscalité propre pour obtenir la délégation de l'exercice d'une compétence de l'État. Il participe aux autres séances à sa demande 22 ( * ) .

La CTAP peut également associer à ses travaux tout élu ou organisme non représenté et solliciter l'avis de toute personne ou de tout organisme compétent sur un sujet de l'ordre du jour de ses séances.

3. L'information des parlementaires sur les projets subventionnés par l'État au titre de certaines dotations (article 3)

L'article 3 prévoit la communication obligatoire aux parlementaires des projets d'investissement subventionnés par l'État, au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de la dotation « politique de la ville », par le représentant de l'État dans le département . Si, aujourd'hui, la communication de ces informations aux parlementaires n'est pas obligatoire mais dépend de la courtoisie républicaine des représentants de l'État, la liste des projets retenus serait obligatoirement adressée aux parlementaires. Selon les auteurs de la proposition de loi, ces derniers bénéficieraient ainsi d'une information utile qui faciliterait leur activité de contrôle au Parlement sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » 23 ( * ) .

La dotation d'équilibre des territoires ruraux (DETR) a été créée par l'article 179 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011, issue de la fusion de la dotation globale d'équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DDR). Sont éligibles à cette dotation les communes et les EPCI remplissant certaines conditions démographiques et de richesse fiscale, en application de l'article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales.

Article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales

Peuvent bénéficier de la dotation d'équipement des territoires ruraux :

1° Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre :

a) Dont la population n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer ;

b) Dont la population est supérieure à 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer et n'excède pas 60 000 habitants, et dont :

- soit toutes les communes répondent aux critères d'éligibilité indiqués au 2° ;

- soit le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de même catégorie et dont toutes les communes ont une population inférieure à 15 000 habitants ;

À compter de 2012, peuvent bénéficier de la dotation d'équipement des territoires ruraux les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui ne forment pas un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou de plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants, en prenant en compte la population issue du dernier recensement.

bis Les établissements publics de coopération intercommunale éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement des communes ou à la dotation de développement rural ainsi que les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 5711-1 et les syndicats de communes créés en application de l'article L. 5212-1 dont la population n'excède pas 60 000 habitants ;

2° Les communes :

a) Dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

b) Dont la population est supérieure à 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer et n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants ;

c) Les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient de la dotation ;

d) Les communes nouvelles issues de la transformation d'établissements publics de coopération intercommunale éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux l'année précédant leur transformation ou issues de la fusion de communes dont l'une d'entre elles était éligible à cette dotation l'année précédant leur fusion sont réputées remplir, pendant les trois premiers exercices à compter de leur création, les conditions de population mentionnées aux a et b.

À titre dérogatoire en 2011 et en 2012, sont également éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux les communes éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement des communes ou à la dotation de développement rural.

Pour l'application du présent article, sauf mention contraire, la population à prendre en compte est celle définie à l'article L. 2334-2.

L'article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a transformé la dotation de développement urbain (DDU) en une dotation politique de la ville (DPV), et inscrit l'utilisation des crédits relevant de cette nouvelle dotation dans la programmation des contrats de ville définis à l'article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Les actions financées à ce titre doivent répondre aux enjeux prioritaires identifiés à l'issue du diagnostic réalisé dans le cadre de l'élaboration de ce contrat.

Chaque année, une instruction ministérielle précise les catégories d'opérations qui sont prioritairement financées par ces deux dotations. Pour la DETR, une commission départementale composée de maires et de présidents d'EPCI fixe chaque année les catégories d'opérations éligibles et la fourchette de taux de subvention pour chacune de ces catégories. Elle émet également un avis sur tous les projets retenus par le préfet dont la subvention est supérieure ou égale à 150 000 euros. Un appel à projets est diffusé chaque année à tous les maires et présidents d'EPCI éligibles à la DETR, qui rappelle les conditions d'éligibilité et les catégories d'opérations retenues par la commission, et précise les modalités d'attribution de la subvention.


* 13 Article L. 5211-42 du code général des collectivités territoriales.

* 14 Article L. 5211-45 du code général des collectivités territoriales.

* 15 Article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 16 Article R. 5211-40 du code général des collectivités territoriales.

* 17 Aujourd'hui codifié à l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales.

* 18 Créée fin 2004, par M. Jean-Yves Le Drian, président du Conseil régional de Bretagne, la Conférence territoriale, appelée Breizh 15 ou « B15 », associait autour du président du Conseil régional de Bretagne, les présidents des quatre départements composant la région et des dix communautés d'agglomérations bretonnes. Cette instance de concertation se réunissait pour évoquer les grands projets structurants pour l'avenir de la Bretagne (exemples de la reconquête de la qualité de l'eau, approvisionnement énergétique, développement d'énergies nouvelles, etc.).

* 19 Cf . rapport n° 272 (2010-2011) de Mme Jacqueline Gourault et M. Didier Guillaume, « Rénover le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales : une nécessité pour une démocratie apaisée », fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r10-272/r10-2721.pdf

* 20 II de l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales.

* 21 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 22 III de l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales.

* 23 Les crédits de ces deux dotations figurent à l'action n° 01 du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » qui regroupe l'ensemble des subventions d'investissement de l'État aux collectivités territoriales ainsi que les compensations de transferts de compétences.

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