CHAPITRE II Déontologie du personnel

Article 14 Fixation des règles déontologiques du personnel des autorités
administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 14 impose aux autorités administratives et publiques indépendantes de fixer un cadre déontologique applicable à son personnel ainsi que, lorsque l'autorité y recourt, à ses collaborateurs et experts. La commission d'enquête, qui suggérait cette règle dans sa proposition n° 5, précisait que « les obligations déontologiques doivent s'étendre aux collaborateurs, même occasionnels, de ces autorités qui peuvent avoir, par rapport à un membre du collège, une importance plus déterminante dans le processus décisionnel, lors de la préparation de la décision. »

Or, « parmi les 42 autorités administratives indépendantes [reconnues actuellement comme telles] , seules 17 disposent d'une charte déontologique ou d'un règlement intérieur comportant des règles déontologiques applicables aux agents de l'institution, 2 prévoyant des clauses similaires dans les contrats de travail. Les autres agents sont uniquement soumis au « droit commun » de la fonction publique et des autorités administratives indépendantes ».

Le collège serait ainsi chargé, par l'adoption du règlement intérieur, de fixer ces règles déontologiques. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent la détermination de telles règles au sein du règlement intérieur de l'autorité , prescrit par l'article 16 du présent texte, comme un gage de souplesse et d'adaptation aux missions et au fonctionnement de chaque autorité . La fixation au niveau de la loi paraîtrait peu adaptée car ne permettant pas de prendre en compte la diversité des services placés auprès des autorités, sans commune mesure avec les différences entre collèges.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

TITRE III FONCTIONNEMENT DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES

Article 15 Moyens humains, techniques et financiers des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 15 vise à consacrer le principe selon lequel les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes disposent des moyens humains, techniques et financiers nécessaires à l'accomplissement de leurs missions .

En effet, comme le rappelait le doyen Patrice Gélard, « une autorité ne peut être indépendante que si elle dispose de moyens suffisants pour exercer ses missions. Les moyens budgétaires et humains alloués à l'autorité déterminent (...) son indépendance fonctionnelle, qui lui permet de mettre en oeuvre efficacement ses prérogatives » 18 ( * ) .

Les dépenses des vingt autorités administratives et publiques indépendantes retenues par l'article 1 er de la proposition de loi 19 ( * ) représentent, au total, 369,5 millions d'euros .

Dépenses des AAI et API (en millions d'euros)

Autorités

Dépenses en 2014

Autorités

Dépenses en 2014

Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

8,2

Commission de régulation de l'énergie (CRE)

17,7

Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

1,6

Commission nationale de contrôle des techniques de

renseignement (CNCTR)

0,6 20 ( * )

Autorité
de la concurrence

19,4

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

16,5

Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAF)

10,4

Commission nationale des comptes de campagne et des

financements politiques (CNCCFP)

5,3

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

21,5

Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

35

Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)

8,8

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)

4,0

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

50,5

Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES)

14,6

Autorité des marchés financiers (AMF)

91,5

Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)

9,3

Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

0,8

Haute autorité de santé (HAS)

52,2

Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

1,6

TOTAL

369,5

Source : Commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création,
de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendante.

Des moyens suffisants constituent l'une des conditions de l'indépendance et de l'efficacité des autorités administratives et publiques indépendantes.

Or, certaines autorités considèrent que leur équilibre financier a été fragilisé par l'attribution de nouvelles missions sans compensation financière préalable . M. Jean-Luc Harousseau, président de la Haute autorité de santé (HAS), a par exemple déclaré devant la commission d'enquête que son autorité a « accepté des missions supplémentaires sans moyens supplémentaires (...). Nous avons donc besoin d'un socle budgétaire revu et de financements pour les missions nouvelles. Une rebudgétisation s'impose » 21 ( * ) .

Face à cette difficulté, le présent article propose de fixer le principe selon lequel les autorités administratives et publiques indépendantes disposent des moyens humains et techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions ainsi que des crédits correspondants , dans les conditions fixées par les lois de finances.

Elle étend à l'ensemble des autorités administratives et publiques indépendantes un principe aujourd'hui explicité pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) 22 ( * ) .

Votre commission a adopté un amendement COM-19 de son rapporteur qui substitue à la notion de « crédits » accordés aux autorités administratives indépendantes et aux autorités publiques indépendantes celle de « ressources ». Si les autorités administratives indépendantes sont en effet financées à partir des crédits budgétaires inscrits au budget général de l'État, les autorités publiques indépendantes peuvent bénéficier, outre la dotation de l'État, de l'affectation d'une imposition de toute nature. Dès lors, la notion de ressources permet de mieux rendre compte de la diversité des sources de financement de ces autorités.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16 Élaboration et contenu du règlement intérieur des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 16 vise à préciser les conditions d'élaboration et le contenu du règlement intérieur des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

En l'état du droit, toutes ces autorités peuvent élaborer un règlement intérieur, parfois adopté sous la dénomination de « règlement général » .

L'exemple du règlement général
de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié son règlement général au Journal officiel du 13 septembre 2015. Adopté par son collège, il est mis en oeuvre par son président (art. 37).

Ce règlement général comporte deux titres :

- le titre I er concerne les règles d'organisation et de fonctionnement de la Haute Autorité. Il précise notamment les principes déontologiques applicables à ses membres (art. 1 er à 16) et l'organisation des séances du collège (art. 7 à 11) ;

- le titre II porte sur les procédures applicables. Il prévoit, à titre d'exemple, que les injonctions de la Haute Autorité de faire cesser un conflit d'intérêts sont notifiées à la personne concernée par lettre recommandée avec avis de réception (art. 32).

En l'état du droit, le régime juridique applicable au règlement intérieur des autorités administratives et publiques indépendantes diffère toutefois d'une autorité à l'autre :

- l'existence de ce règlement intérieur n'est pas consacrée au niveau législatif pour neuf des vingt autorités retenues par la présente proposition de loi 23 ( * ) ;

- ses modalités d'élaboration divergent. À titre d'exemple, le règlement intérieur du Haut conseil du commissariat aux comptes est fixé par son collège sur proposition de son directeur 24 ( * ) alors que le « règlement général » de l'Autorité des marchés financiers et le règlement intérieur de l'Autorité de la sûreté nucléaire présentent la spécificité d'être homologués par les ministres compétents 25 ( * ) ;

- la loi ne précise que rarement le contenu du règlement intérieur 26 ( * ) ;

- sa publication au Journal officiel n'est prévue que pour certaines autorités comme la Commission de régulation de l'énergie ou l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires 27 ( * ) .

L'objet du présent article est ainsi d' unifier les modalités d'élaboration et le contenu du règlement intérieur des autorités administratives et publiques indépendantes .

Il dispose tout d'abord que le règlement intérieur est élaboré par le collège de ces autorités sur proposition de leur président . Ce pouvoir de proposition paraît cohérent avec le rôle central dévolu à ce dernier.

Le contenu du règlement intérieur serait également précisé : il comporterait « les règles d'organisation et de fonctionnement » de chacune des autorités administratives et publiques indépendantes.

Enfin, sa publication au Journal officiel serait systématisée. Il permettrait également de déterminer les règles déontologiques applicables aux agents, collaborateurs et experts de l'autorité concernée, comme le prévoit l'article 14 de la proposition de loi.

Un décret en Conseil d'État fixerait les modalités d'application du présent article, notamment en précisant la procédure d'adoption et le contenu du règlement intérieur.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification.


* 18 Cf . Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, rapport n° 404 (2005-2006) de M. Patrice GÉLARD, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, p. 90.

* 19 Autorités dont la liste est annexée à la proposition de la loi ( Cf. commentaire de l'article 1 er ).

* 20 Pour la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).

* 21 Un État dans l'État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler , rapport n° 126 (2015-2016) de M. Jacques MÉZARD, fait au nom de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, tome II, p. 428.

* 22 Articles L. 832-4 du code de la sécurité intérieure, article 12 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013. Le titre V de la proposition de loi procède à leur coordination avec le présent article 15.

* 23 Soit l'ARAF, l'ARCEP, la CADA, la CNIL, la CNCCFP, le CSA, le CGLPL, l'HCERES et la HAS.

* 24 Article L. 161-43 du code du commerce.

* 25 Articles L. 621-6 du code monétaire et financier et L. 592-13 du code de l'environnement.

* 26 Alors que l'article L. 592-13 du code de l'environnement précise que le règlement intérieur de l'Autorité de sûreté nucléaire « fixe les règles relatives à son organisation et à son fonctionnement » , une telle précision est par exemple absente des dispositions législatives applicables à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

* 27 Articles L. 133-5 du code de l'environnement et L. 6361-11 du code des transports.

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