TITRE II DÉONTOLOGIE AU SEIN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
CHAPITRE IER Déontologie des membres

Article 10 Indépendance et réserve des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 10 affirme deux exigences déontologiques qui découlent de l'indépendance de leurs fonctions , comme le recommandait la commission d'enquête avec la proposition n° 5.

D'une part, le premier alinéa énonce que les membres des autorités administratives et publiques indépendantes « ne reçoivent et ne sollicitent d'instruction d'aucune autorité ». Ce principe, présent sous des rédactions voisines dans de nombreux statuts particuliers de ces autorités, est la conséquence première de l'appartenance de ces autorités à la catégorie des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Il fonde même l'originalité de ces organismes qui ne relèvent pas, contrairement aux services des ministères ou aux opérateurs de l'État, de l'autorité du Gouvernement ou, à tout le moins, de sa tutelle.

D'autre part, le second alinéa impose un « devoir de réserve » à la charge de chaque membre d'une de ces autorités sur les affaires relevant de la compétence de cette autorité. Cette règle n'est pas sans évoquer l'obligation faite aux membres du Conseil constitutionnel, à l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de « ne prendre aucune position publique » sur les questions relevant de la compétence du Conseil.

Cette obligation s'impose dans le périmètre de compétence de l'autorité au sein de laquelle siège le membre et ne porte que sur les expressions « à titre personnel ». Ainsi, elle n'exclurait pas, contrairement aux craintes formulées par M. Bruno Genevois, président de l'Agence française de lutte contre le dopage, dans sa contribution écrite adressée à votre rapporteur, que les membres puissent représenter l'autorité au sein d'évènements ou de colloques et s'exprimer en son nom, sous la réserve de ne pas excéder, par leur propos, la réserve qui leur est imposée, notamment en formulant publiquement des critiques ou des opinions dissidentes qui affaibliraient la légitimité des décisions de l'autorité.

Suivant l'avis favorable de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-8 présenté par notre collègue Alain Richard et les autres membres du groupe socialiste et républicain, visant à compléter ce « devoir de réserve » en l'imposant aux anciens membres de ces autorités pendant un an à compter de la cessation de leur mandat. En outre, cette disposition imposerait le secret des délibérations aux membres et anciens membres, sans limitation de durée.

Ces dispositions sont directement inspirées des règles prévues, depuis 2013, pour les membres et anciens membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel par le cinquième alinéa de l'article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 Incompatibilités professionnelles et électorales des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 11 institue des incompatibilités électorales et professionnelles applicables aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, reprenant et généralisant des règles qui leur sont déjà applicables.

Il en est ainsi particulièrement de l'incompatibilité, prévue au premier alinéa du présent article, entre le mandat de membre et un mandat électif local . Depuis 2013, les articles L.O. 145 et L.O. 297 du code électoral rendent déjà incompatibles avec le mandat parlementaire la présidence d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante, de manière absolue, et avec la qualité de membre d'une de ces autorités « sauf si le [parlementaire] y est désigné en cette qualité ».

Cette particularité a conduit votre commission à adopter un amendement COM-18 de son rapporteur afin de ne pas assujettir les parlementaires siégeant au sein de ces autorités à cette incompatibilité électorale. La situation des parlementaires n'était pas distinguée par rapport aux autres membres alors qu'ils sont déjà soumis à des règles d'incompatibilité, relevant du domaine de la loi organique en application de l'article 25 de la Constitution, avec les mandats électifs locaux, particulièrement à l'article L.O. 141 du code électoral et au futur article L.O. 141-1 du même code.

De même, une incompatibilité serait édictée entre le mandat de membre d'une de ces autorités et la détention, directe ou indirecte, d'intérêts en lien avec le secteur dont l'autorité a la charge d'assurer « le contrôle, la surveillance ou la régulation » afin d'éviter tout soupçon de conflit d'intérêts dans l'exercice du mandat.

En outre, compte-tenu de l'importance des missions attachées à la présidence d'une autorité administrative ou d'une autorité publique indépendante, une incompatibilité est instituée entre cette fonction et l'exercice d' une autre activité professionnelle ou d' un autre emploi public . Cette incompatibilité, instituée par le deuxième alinéa du présent article, est particulièrement justifiée pour assurer une totale disponibilité du président.

Cette règle est étendue « aux membres dont la fonction est exercée à temps plein », une telle précision résultant de dispositions spécifiques à chaque autorité concernée. Ainsi, lorsque le législateur prévoirait que les membres d'une autorité administrative et publique indépendante exercent leur mandat à temps plein, cette précision aurait pour conséquence d'interdire, sur le fondement de cette incompatibilité, un cumul d'activité professionnelle. Au regard de la diversité des tâches, notamment en termes de volume horaire, assumées par les membres des différentes autorités, les auteurs de la proposition de loi n'ont pas généralisé cette incompatibilité, renvoyant à une appréciation au cas par cas. Actuellement, cette règle viserait l'intégralité du collège du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ainsi que les vice-présidents de l'Autorité de la concurrence.

Une incompatibilité, introduite par le troisième alinéa du présent article, empêche à tout membre siégeant au sein d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante d'exercer des fonctions juridictionnelles au sein des juridictions administratives de droit commun (Conseil d'État, cours administratives d'appel, tribunaux administratifs) ou des juridictions financières (Cour des comptes et chambres régionales des comptes) 16 ( * ) . Cette nouvelle incompatibilité est motivée par les motifs justifiant traditionnellement l'introduction d'une incompatibilité professionnelle, à savoir assurer une plus grande disponibilité pour exercer le mandat, prévenir tout forme, même apparente, de conflit d'intérêts et garantir l'indépendance du titulaire du mandat. Elle repose également sur un parallélisme avec le mandat parlementaire frappé par des incompatibilités rappelées précédemment. C'est pourquoi, sans distinguer la situation particulière de la présidence avec le mandat des autres membres, l'incompatibilité réserve-t-elle, comme pour un parlementaire, le cas où le membre serait désigné ès-qualité au sein de l'autorité.

La portée de l'incompatibilité resterait limitée au vu de l'état de la composition des collèges et des commissions des sanctions que la présente proposition de loi ne modifie pas et qui comprend régulièrement un magistrat administratif, un magistrat financier ou un membre du Conseil d'État. Pour mémoire, la commission d'enquête relevait que « parmi les 544 sièges occupés au sein des autorités administratives indépendantes [actuellement reconnues] , 167 sièges sont occupés, dans l'ordre décroissant, par des membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation. Ensemble, ceux-ci occupent ainsi plus de 30 % des sièges au sein des autorités administratives indépendantes ».

Les auteurs n'ont cependant pas fixé cette incompatibilité en considération de la place institutionnelle des « grands corps de l'État » mais l'ont retenue eu égard à la nature juridictionnelle des fonctions exercées. C'est pourquoi ils ne l'ont pas limitée aux juridictions suprêmes. L'originalité des autorités administratives et publiques indépendantes, dégagées de la tutelle gouvernementale mais placées sous le contrôle du Parlement, plaide en faveur de règles évitant une présence excessive de représentants du pouvoir juridictionnel alors même que l'intérêt de cette composition réside justement, sauf exception, dans sa diversité, particulièrement pour leurs collèges.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 12 Mise à disposition des déclarations d'intérêts des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 12 prévoit la possibilité pour tout membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante de consulter la déclaration d'intérêts d'un autre membre de l'autorité.

Les membres des autorités administratives et publiques indépendantes sont tenus d'adresser au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en application du 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, une déclaration d'intérêts et une déclaration de situation patrimoniale.

Cette déclaration porte sur les intérêts détenus couvrant éventuellement les cinq années précédant la déclaration. Le président de l'autorité est destinataire de ces déclarations d'intérêts. En revanche, ces déclarations d'intérêts ne sont pas , contrairement à la volonté du législateur et à la lettre de la loi, publiées en raison de la réserve émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 octobre 2013 17 ( * ) .

La règle retenue par cet article, d'ailleurs limitée à la seule déclaration d'intérêts, ne contreviendrait pas à la réserve formulée par le juge constitutionnel dans la mesure où elle n'instituerait pas un droit de communication que quiconque pourrait faire valoir mais serait réservée à un nombre extrêmement limité de personnes afin de s'assurer de l'absence de conflit d'intérêts. En ce sens, elle ne s'assimile pas à une publication de la déclaration.

Au demeurant, une règle identique existe au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sans que le Conseil constitutionnel, lors de l'examen de la loi du 11 octobre 2013 au sujet de laquelle il a formulé la réserve d'interprétation précitée, ne l'ait censuré.

Votre commission a adopté l'article 12 sans modification .

Article 13 Règles de déport ou d'abstention applicables aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 13 précise les règles de déport et d'abstention applicables aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. En effet, en application de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsqu'ils estiment se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, « les membres des collèges d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante s'abstiennent de siéger ». En ce cas, « les personnes qui exercent des compétences propres au sein de ces autorités sont suppléées suivant les règles de fonctionnement applicables à ces autorités ».

En raison du champ d'application retenu par l'article 3 de la présente proposition de loi, le présent article s'appliquerait non seulement aux collèges, comme la disposition précitée, mais également aux membres des commissions des sanctions. Son champ est également plus large puisqu'il proscrit de participer à « une délibération, une vérification ou un contrôle ».

Enfin, il précise la notion de conflit d'intérêts définie à l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 en indiquant les cas où un conflit d'intérêts est présumé, à savoir une affaire où :

- le membre a un intérêt à l'affaire ;

- la personne morale au sein de laquelle le membre exerce des fonctions ou détenu un mandat est en lien avec cette affaire ;

- le membre représente une partie intéressée.

Ces hypothèses valent également pour les trois années précédant la décision.

Si elle précise indéniablement le principe contenu à l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013, cette disposition n'exclut pas son application à des hypothèses non couvertes par le présent article mais qui constituerait un conflit d'intérêts au sens de la loi du 11 octobre 2013.

Votre commission s'est bornée à adopter un amendement de précision rédactionnelle COM-28 présenté par son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .


* 16 La même incompatibilité est prévue pour les magistrats de l'ordre judiciaire par l'article 3 de la proposition de loi organique.

* 17 Dans sa décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que « pour des personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n'étant pas élues par les citoyens, l'objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci est directement assuré par le contrôle des déclarations d'intérêts par la Haute autorité et par l'autorité administrative compétente » mais que la publicité des déclarations serait disproportionnée au regard de l'atteinte ainsi portée au respect de la vie privée protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

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