TITRE II - DE LA MODERNISATION DES DROITS ET DES OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES
CHAPITRE IER - Du renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles

Article 10 (art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et art. 71 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011) - Renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leurs ayants-droit

Le présent article procède à la réécriture de l'article 11 du titre I er du statut général des fonctionnaires afin de clarifier les droits dont bénéficient les agents publics et leurs ayants-droit dans le cadre de la protection fonctionnelle.

1. La protection fonctionnelle des agents publics

La protection fonctionnelle, ou protection juridique, est traditionnellement définie comme la « garantie statutaire accordée par l'administration aux agents publics à raison de leur mise en cause par des tiers dans l'exercice de leurs fonctions ». Érigée en principe général du droit par le Conseil d'État 124 ( * ) , elle est due aux agents publics dans deux types de situation :

- lorsque les agents publics sont victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions ;

- lorsque les agents publics, ou anciens agents publics, voient leur responsabilité civile ou pénale mise en cause à l'occasion de faits commis dans l'exercice de leurs fonctions, à condition qu'ils ne résultent pas d'une faute personnelle détachable du service ( cf . l'encadré ci-dessous).

Conformément à la jurisprudence, il ne peut être dérogé à cette obligation de protection de l'administration, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général 125 ( * ) .

La notion de faute personnelle détachable du service

Notions élaborées de manière prétorienne pour établir les responsabilités, la faute personnelle se définit par opposition à la faute de service , commise par un agent dans l'exercice de ses fonctions, c'est-à-dire pendant le service, avec les moyens du service et en dehors de tout intérêt personnel (Tribunal des conflits, 19 octobre 1998, n° 03131).

Est ainsi qualifiée de faute personnelle la faute commise par l'agent en dehors du service ou pendant le service à condition qu'elle revête une particulière gravité ou révèle la personnalité de son auteur et les préoccupations d'ordre privé qui l'animent au point qu'elle apparaît incompatible avec le service public ou les « pratiques administratives normales ».

La faute personnelle est caractérisée notamment :

- lorsque l'acte se détache matériellement ou temporellement de la fonction, par exemple à l'occasion d'une activité privée en dehors du temps de travail et/ou hors du lieu de travail ;

- lorsque l'acte se détache de la fonction par le caractère inexcusable du comportement de l'agent au regard des règles déontologiques (Conseil d'État, 28 décembre 2001, n° 213931, à propos d'une erreur médicale commise par un médecin) ou par l'intention qui l'anime, en particulier dans le cas de détournement de fonds ou encore de crime (Conseil d'État, 12 mars 1975, n° 94206, à propos d'un homicide commis par un gendarme mobile avec son arme de service) ;

- lorsque l'acte constitue une faute caractérisée, par exemple le fait pour un agent d'un centre de secours dans l'exercice de ses fonctions, de conduire un véhicule privé sous l'empire d'un état alcoolique pour transporter des personnes auprès d'un malade (Conseil d'État, 9 octobre 1974, n° 90999).

Source : commission des lois du Sénat d'après la circulaire B8 n° 2158
du 5 mai 2008 de la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

2. Une clarification du dispositif légal

Le présent article clarifie le dispositif de la protection fonctionnelle figurant à l'article 11 du titre I er du statut général en distinguant :

- dans un I, le principe de la protection fonctionnelle dont il est rappelé qu'elle est assurée pour le fonctionnaire comme pour l'ancien fonctionnaire, le cas échéant, par la collectivité publique qui l'emploie ou l'employait à la date des faits en cause ou des faits lui ayant été imputés de façon diffamatoire ;

- dans un II, la protection fonctionnelle à raison de la mise en cause de la responsabilité civile de l'agent ;

- dans un III, la protection fonctionnelle à raison de sa mise en cause pénale ;

- dans un IV, la protection fonctionnelle de l'agent victime.

3. Une amélioration des conditions de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle

S'inspirant des recommandations de la mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes remises au ministre de l'intérieur le 13 juillet 2012, le présent article étend, par ailleurs, la portée de la protection fonctionnelle à plusieurs égards.

3.1. L'extension du champ matériel couvert par la protection fonctionnelle

Si le principe même de la protection fonctionnelle, en particulier l'exclusion de la faute personnelle, demeure inchangé, le champ des situations y ouvrant droit est élargi.

S'agissant de l'agent mis en cause à raison de sa responsabilité pénale, la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire a prévu sa protection « dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales ». La jurisprudence a interprété cette expression comme déclenchant la protection fonctionnelle dès lors que l'action publique a été mise en mouvement, ce qui inclut essentiellement la mise en examen. Le présent article étend le bénéfice de la protection fonctionnelle à l'agent entendu en qualité de témoin assisté 126 ( * ) , placé en garde à vue ou se voyant proposer une mesure de composition pénale 127 ( * ) , afin de permettre la prise en charge de l'assistance par un avocat de l'agent.

Quant à l'agent considéré comme victime, le droit en vigueur n'accorde la protection fonctionnelle à l'agent qu'en cas de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. Le présent article introduit les notions d'atteinte volontaire à l'intégrité de la personne et d`agissements constitutifs de harcèlement comme fondement de l'octroi de la protection . Il consacre ainsi la jurisprudence du Conseil d'État qui a estimé que les attaques à l'encontre de l'agent couvertes par la protection fonctionnelle pouvaient porter atteinte à son intégrité physique et psychique, incluant en particulier le harcèlement moral 128 ( * ) .

3.2. L'extension du champ des bénéficiaires de la protection fonctionnelle

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, la protection fonctionnelle « s'applique à tous les agents publics , quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions » 129 ( * ) . Cela est réaffirmé par le présent projet de loi : si l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa nouvelle rédaction ne cite que les fonctionnaires et, le cas échéant, les anciens fonctionnaires, il est créé un nouvel article 32 rendant applicable aux contractuels les présentes dispositions 130 ( * ) .

En revanche, les ayants-droit de seulement quelques catégories de fonctionnaires peuvent également en bénéficier, dans certaines hypothèses, en vertu de dispositions spécifiques, à l'instar des conjoints, enfants et ascendants directs des fonctionnaires de police et des gendarmes (articles L. 113-1 du code de la sécurité intérieure et L. 4321-10 du code de la défense). Constatant que le régime le plus avantageux était celui des ayants-droit des agents publics de l'administration pénitentiaire, qui couvrait non seulement les conjoints mais également les concubins et partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) de ces personnels (article 16 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire), le rapport de la mission indépendante de réflexion précitée préconisait « d'aligner «par le haut« le champ de la protection fonctionnelle étendue dont bénéficient certains ayants-droit d'agents publics sur le modèle de ce qui est prévu pour l'administration pénitentiaire ».

Le présent article est la traduction de cette recommandation. Le V du nouvel article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 étend ainsi le bénéfice de la protection fonctionnelle aux conjoints, concubins et partenaires liés par un pacte civil de solidarité, ainsi qu'aux enfants et ascendants directs de l'agent public , lorsque ces personnes :

- sont elles-mêmes victimes d'atteintes volontaires à leur intégrité du fait des fonctions exercées par l'agent public ;

- engagent une instance civile ou pénale à l'encontre des auteurs d'atteintes volontaires à la vie de l'agent en raison de ses fonctions, selon un ordre de priorité (la protection n'est accordée aux enfants ou, à défaut, aux ascendants directs que dans le cas où le conjoint, concubin ou partenaire de PACS n'en a pas déjà bénéficié).

La nouvelle rédaction de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée reprend, par ailleurs, dans un VI les dispositions relatives à la faculté pour la collectivité publique d'être subrogée aux droits de la victime pour obtenir remboursement des frais qu'elle a engagés, le cas échéant, pour réparer le préjudice subi par son agent ou ses ayants-droit.

3.3. L'encadrement par la voie réglementaire de la prise en charge par la collectivité

Enfin, un VII renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions et limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales, notamment en plafonnant ces derniers. Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, l'administration laissant à son agent toute latitude de choix de son avocat, elle n'est pas tenue de prendre à sa charge l'intégralité des frais exposés 131 ( * ) .

Cette disposition est conforme à celle introduite à l'article 23 du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société, en cours d'examen devant le Parlement.

Le II du présent article précise les modalités d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions. Dans sa version initiale, le projet de loi indiquait que le nouveau régime de la protection fonctionnelle ne serait applicable qu'aux faits survenant après l'entrée en vigueur de la présente loi . Par un amendement, la commission des lois de l'Assemblée nationale a préféré se référer à l'entrée en vigueur du chapitre I er du titre II de la loi. La date d'entrée en vigueur étant la même, votre commission a jugé plus opportun de renvoyer à l'entrée en vigueur de la loi.

Par le même amendement COM-121 de son rapporteur, elle n'a en outre pas estimé nécessaire d'abroger l'article 71 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit dès lors que cette disposition disparaîtrait lors de l'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dans sa nouvelle rédaction.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis (art. 413-14 [nouveau] du code pénal) - Protection de l'identité des membres des forces spéciales et des membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme

Introduit par l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, le présent article a pour objet de renforcer la protection de l'identité des personnels militaires membres des forces spéciales et des personnels membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. À cet effet, il tend à réprimer plus sévèrement la révélation et la divulgation de toute information susceptible de conduire à la découverte de l'identité de ces personnes.

L'article 413-13 du code pénal punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende la « révélation de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à la découverte [...] de l'identité réelle » d'un agent des services de renseignement ou d'un service désigné par décret en Conseil d'État autorisé à recourir aux techniques employées par les services de renseignement 132 ( * ) . Cette disposition permet de protéger l'identité des membres des services de renseignement en réprimant les actes et paroles visant à révéler des informations d'état civil les concernant.

La protection de l'identité des membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, par exemple le Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) ou le RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), et des membres des forces spéciales (personnels militaires du ministère de la défense) s'opère, quant à elle, dans le cadre de l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifié par la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. Ce dernier dispose que : « Le fait de révéler, par quelque moyen d'expression que ce soit, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d'agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat, est puni d'une amende de 15 000 euros. »

L'annexe de l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale 133 ( * ) , pris en application de ces dispositions, mentionne explicitement les brigades de recherche et d'intervention, les groupes d'intervention de la police nationale et les groupes d'intervention de la gendarmerie nationale, qui regroupent notamment le RAID et le GIGN. De même, l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de militaires et de personnels civils du ministère de la défense rend applicable l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse aux membres des forces spéciales 134 ( * ) .

Ainsi, en l'état du droit, les membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme et des forces spéciales bénéficient d'une protection moindre de leur identité par rapport aux agents assurant des missions de renseignement.

Le présent article vise à octroyer aux membres des forces spéciales désignées comme telles par arrêté du ministre de la défense et aux membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme désignées comme telles par arrêté du ministre de l'intérieur une protection inspirée de celle dévolue aux agents du renseignement.

L'intitulé de la section 3 du chapitre III du titre I er du livre IV du code pénal serait modifié pour préciser qu'il concerne « certains services ou unités spécialisés » et non plus exclusivement les services spécialisés de renseignement, afin d'y inclure les unités susmentionnées.

Un nouvel article 413-14 serait créé au sein de la même section pour punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende la révélation ou la divulgation de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à l'identification d'une personne comme membre des unités des forces spéciales ou des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. Ces peines pourraient être aggravées et portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque la révélation de l'identité des personnes mentionnées causerait une atteinte à leur intégrité physique ou psychique ou leur mort mais aussi celle de leurs familles. La peine ne serait toutefois que de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende en cas de révélation par imprudence ou négligence.

Votre commission a adopté l'article 10 bis sans modification.

Article 10 ter (art. 656-1 du code de procédure pénale) - Protection de l'identité des membres des forces spéciales et des membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme au cours des procédures judiciaires

Résultant de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, le présent article vise à compléter le dispositif prévu à l'article 10 bis du projet de loi en garantissant l'anonymat des personnels militaires membres des forces spéciales et des personnels membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme lorsqu'ils sont amenés à témoigner devant les juridictions françaises pour des faits dont ils ont eu à connaître dans le cadre de leur mission.

Il étend à cette fin aux membres des forces spéciales et des unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, le régime des auditions des membres des services de renseignement, qui figure à l'article 656-1 du code de procédure pénale.

Pour assurer la protection de l'identité des agents des services de renseignement lors du recueil de leur témoignage dans le cadre de procédures judiciaires, cet article 656-1 dispose tout d'abord que l'identité réelle des personnes auditionnées pour des faits dont elles auraient eu à connaître dans le cadre de leur mission intéressant la défense et la sécurité nationale « ne doit jamais apparaître au cours de la procédure ». Il revient à l'autorité hiérarchique de la personne auditionnée d'attester, le cas échéant, de son identité et de la mission qui lui a été confiée. Les questions posées ne peuvent conduire à révéler, directement ou indirectement, son identité. De même, la confrontation entre un agent des services de renseignement et une personne mise en examen s'inscrit dans une procédure spécifique et permet à l'agent d'être auditionné à distance en application de l'article 706-61 du code de procédure pénale.

Le présent article complète donc ce dispositif afin de le rendre applicable aux membres des forces spéciales et des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, telles que le GIGN ou le RAID. Il renvoie ainsi aux arrêtés du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur mentionnés à l'article 413-14 du code pénal le soin de désigner les services qui en bénéficieraient.

En conséquence, il complète également l'intitulé du titre IV bis du livre IV du code de procédure pénale relatif à la manière dont sont reçues les dépositions des personnels des services de renseignement, pour préciser qu'il concerne aussi « certains services ou unités spécialisés ».

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-177 rectifié ainsi que l'article 10 ter ainsi modifié .

Article 10 quater - Application à certains fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure de certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre

Issu de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, cet article a pour objet l'extension de certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) servant en affectation ou en mission présentant une dangerosité particulière, ainsi qu'à leurs ayants-droit.

Les agents civils des services de sécurité extérieure - anciennement rattachés au service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), devenu direction générale de la sécurité extérieure - sont régis par un statut autonome fixé par le décret du 3 avril 2015 fixant le statut des fonctionnaires de la DGSE 135 ( * ) , en vertu de l'article 2 de la loi n° 53-39 du 3 février 1953 relative au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement des services civils pour l'exercice 1953 (Présidence du Conseil).

Pour ce qui est de leur protection sociale et juridique, ces personnels et leurs ayants-droit sont soumis aux dispositions du droit commun, en dehors de deux exceptions prévues par le décret susmentionné : ils relèvent en effet du régime des pensions civiles et militaires pour leur retraite (article 55 du décret) et peuvent bénéficier d'une promotion - échelon, grade ou classe immédiatement supérieurs - s'ils ont accompli un acte de bravoure ou ont été mortellement ou grièvement blessés (article 50 du décret).

Le présent article aligne les garanties offertes aux fonctionnaires de la DGSE les plus exposés ainsi qu'à leurs ayants-droit sur les garanties ouvertes aux militaires participant à des opérations extérieures ainsi qu'à leurs ayants cause par l'article L. 4123-4 du code de la défense. Ces garanties sont les suivantes :

- le droit à pension en cas de blessures, de maladies ou d'infirmités résultant du service ou aggravées par celui-ci (articles L. 2, L. 3 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) ;

- les différentes infirmités servant de base au calcul de la pension (article L. 12 du même code) ;

- les majorations du pourcentage d'invalidité (article L. 15 du même code) ;

- les conditions dans lesquelles les conjoints peuvent bénéficier d'une pension de réversion (septième alinéa de l'article L. 43 du même code) ;

- les conditions d'accès à la sécurité sociale (article L. 136 bis du même code) ;

- les conditions d'attribution de la carte du combattant et les avantages associés (article L. 253 ter du même code) ;

- les emplois réservés (articles L. 393 à L. 396 du même code) ;

- le régime relatif aux Pupilles de la Nation (articles L. 461 à L. 490 du même code) ;

- le transfert et la restitution des corps et la sépulture perpétuelle (articles L. 493 à L. 509 du même code) ;

- et la délivrance par « SNCF Mobilités » d'un permis permettant aux membres de la famille du défunt mort pour la patrie de se rendre gratuitement de leur lieu de résidence au lieu d'inhumation (article L. 515 du même code).

Cet article rend également applicables à ces agents de la DGSE les dispositions législatives et réglementaires dont l'office national des anciens combattants et victimes de guerre est chargé d'assurer l'application (article L. 520 du même code).

En outre, il leur permet de bénéficier de la qualification de grand mutilé de guerre (article L. 36 du même code) et celle de grand invalide (article L. 37 du même code).

Enfin, il renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions d'application de ces dispositions.

Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-122 de son rapporteur et l'article 10 quater ainsi modifié .

Article 11 (art. 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et art. 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) - Rétablissement dans ses fonctions ou reclassement provisoire du fonctionnaire suspendu et faisant l'objet de poursuites pénales

Le présent article vise à clarifier la situation du fonctionnaire suspendu et faisant l'objet de poursuites pénales en privilégiant le maintien de l'agent dans l'emploi dans des conditions compatibles avec l'intérêt du service et le respect, le cas échéant, des obligations du contrôle judiciaire auquel il est soumis.

1. La suspension d'un fonctionnaire en cas de faute grave

En application de l'article 30 du titre I er du statut général de la fonction publique, un fonctionnaire ayant commis une faute grave ne peut être suspendu de ses fonctions par l'autorité disciplinaire, dans l'attente du prononcé d'une sanction disciplinaire, pour une période de plus de quatre mois sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales.

En effet, le droit en vigueur impose le règlement définitif de la situation du fonctionnaire dans un délai de quatre mois et prévoit le rétablissement dans ses fonctions de celui-ci si aucune décision disciplinaire n'est intervenue dans ce délai. En revanche, si le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales, la prolongation de la suspension peut être décidée aussi longtemps que dure l'action pénale .

Il est vrai qu'en vertu du principe de l'autonomie de la sanction disciplinaire par rapport à la répression pénale, l'autorité disciplinaire n'est pas tenue d'attendre l'issue de la procédure pénale engagée à raison des mêmes faits 136 ( * ) . Cependant, l'étude d'impact jointe au projet de loi indique que cette situation de prolongation de la suspension de fonctions au-delà de quatre mois est assez fréquente dans la mesure où l'administration demeure liée par les appréciations du juge pénal pour l'établissement des faits, en particulier lorsqu'il s'agit de fautes commises en dehors du service ou, dans le cas de fautes commises en service, lorsqu'il existe un doute sur la culpabilité de l'agent.

La suspension de fonctions dans la fonction publique

L'article 30 du titre I er du statut général de la fonction publique prévoit qu'en cas de faute grave, l'autorité disciplinaire peut suspendre le fonctionnaire. Une telle faute peut consister soit en un manquement aux obligations professionnelles, soit en une infraction de droit commun, c'est-à-dire sans lien avec l'exercice de son emploi au sein de la fonction publique.

Cette mesure de suspension est prise avant le déclenchement des poursuites disciplinaires et, en tout état de cause, avant la réunion du conseil de discipline, puisqu'elle ne constitue pas en elle-même une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire . Elle ne préjuge en rien de la suite de la procédure disciplinaire.

Mesure provisoire , la suspension n'est pas prononcée a priori pour une période déterminée, étant susceptible de prendre fin à tout moment, soit que le conseil de discipline ait été réuni et que l'autorité disciplinaire ait statué, soit que le juge pénal se soit prononcé. Cependant, elle ne peut être prononcée pour une durée initiale de plus de quatre mois. L'autorité disciplinaire ne peut la renouveler, par un nouvel arrêté, que pendant le temps où la procédure pénale est en cours.

Au cours de la première période de quatre mois, le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. En cas de prolongation en revanche, l'autorité disciplinaire peut décider une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération initiale, le fonctionnaire continuant toutefois de percevoir le supplément familial de traitement. Non obligatoire, cette retenue devra en outre être remboursée si, au terme de la procédure disciplinaire, l'agent n'est pas sanctionné ou si la sanction prononcée est l'avertissement, le blâme ou la seule radiation du tableau d'avancement. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette retenue serait systématique dans la fonction publique de l'État.

Cette mesure de suspension peut être contestée devant le juge sans attendre l'intervention de la sanction. Son illégalité peut engager la responsabilité de l'administration.

Cette situation est insatisfaisante à plusieurs égards :

- du point de vue du fonctionnaire tout d'abord qui, bien que suspendu, est considéré comme étant en activité. Il reste donc soumis à ses obligations statutaires, y compris en matière d'incompatibilités. Pourtant, dans le même temps, il peut se voir infliger une retenue sur son traitement le privant d'une partie de ses moyens de subsistance ( cf . l'encadré ci-dessus) ;

- du point de vue de l'administration, ensuite, qui voit un de ses agents tenu en dehors du service avec maintien total ou partiel de sa rémunération pour une période dont elle ne peut maîtriser la durée, laissée à l'appréciation de la justice pénale, et ne peut, pour autant, constater une vacance d'emploi ;

- du point de vue, enfin, du principe de la présomption d'innocence.

2. La préférence désormais accordée au maintien dans l'emploi

C'est pourquoi, s'inspirant des recommandations du rapport de la mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes, remis au ministre de l'intérieur le 13 juillet 2012, le présent article inverse la logique qui prévaut actuellement en privilégiant le rétablissement du fonctionnaire dans ses fonctions et propose, à défaut, un mécanisme de « reclassement provisoire » à l'expiration du délai de suspension de quatre mois . Ces propositions ne vaudraient toutefois que dans l'hypothèse où le fonctionnaire n'est pas placé en détention provisoire. Elles pourraient s'appliquer si le fonctionnaire fait l'objet d'un contrôle judiciaire .

Le contrôle judiciaire

En application des articles 137 et 138 du code de procédure pénale, une personne mise en examen au cours d'une enquête judiciaire ou dans l'attente de son procès peut être placée sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. Deux conditions doivent alors être réunies : que le contrôle judiciaire soit requis par les nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, d'une part, et que la personne encoure une peine d'emprisonnement, d'autre part.

La personne est astreinte à une ou plusieurs obligations ordonnées par le juge parmi celles énumérées par le code de procédure pénale, qui comprennent en particulier :

- des limitations de la liberté de déplacement : interdiction de sortir de certaines limites territoriales fixées par le juge, interdiction de se rendre dans certains lieux ;

- des mesures de surveillance : obligation de pointage au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, interdiction de rencontrer certaines personnes, obligation de se soumettre à un suivi socio-éducatif (activité professionnelle ou formation) ;

- des interdictions d'ordre divers : interdiction de conduire un véhicule, interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ou sociales (lorsque l'infraction a été commise dans leur cadre et qu'un renouvellement est à redouter), interdiction de détenir une arme...

En cas de non-respect de ces obligations, le juge des libertés et de la détention peut ordonner le placement en détention provisoire de la personne (article 141-2 du code de procédure pénale).

Quatre solutions seraient envisagées successivement :

- l'administration aurait l'obligation de rétablir le fonctionnaire dans ses fonctions si ni les mesures décidées par l'autorité judiciaire, ni l'intérêt du service n'y font obstacle ;

- à défaut, le fonctionnaire pourrait être affecté provisoirement dans un autre emploi correspondant à son grade dont l'occupation est compatible avec les obligations du contrôle judiciaire, sous réserve de l'intérêt du service ;

- de manière supplétive, le fonctionnaire pourrait être détaché d'office, à titre provisoire, au sein d'un autre corps ou cadre d'emploi sous les mêmes réserves de compatibilité avec les obligations découlant du contrôle judiciaire ;

- enfin, si le fonctionnaire n'a pu ni être rétabli dans ses fonctions, ni être affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi, il pourrait voir sa suspension prolongée et sa rémunération en partie retenue, comme dans le droit en vigueur.

L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prendrait fin lorsque la situation du fonctionnaire serait définitivement tranchée par l'autorité disciplinaire ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rendrait impossible sa prolongation (modification des obligations dans le cadre du contrôle judicaire, détention...).

Le présent article introduit une obligation d'information tant de l'autorité judiciaire - magistrat ayant ordonné le contrôle judiciaire et procureur de la République -, que de la commission administrative paritaire du corps ou cadre d'emplois d'origine du fonctionnaire sur la situation administrative du fonctionnaire concerné.

3. La suppression de la position actuelle du détachement d'office dans la fonction publique de l'État

Prenant acte de la création de cette nouvelle forme de détachement d'office, le présent article supprime la possibilité du détachement d'office en vigueur dans la seule fonction publique de l'État.

Le détachement est la situation du fonctionnaire placé dans un corps ou cadre d'emplois différent de son corps ou cadre d'origine. En application de l'article 45 du titre II du statut général, ce détachement se fait soit à la demande du fonctionnaire, soit à l'initiative de l'administration - il s'agit alors du détachement « d'office ».

Cette dernière situation est à distinguer du déplacement d'office qui constitue une sanction disciplinaire 137 ( * ) .

Selon le Gouvernement, cette suppression serait d'autant plus justifiée qu'elle n'existerait que pour la seule fonction publique de l'État et qu'une extension aux autres fonctions publiques ne serait pas souhaitable dès lors qu'elle ne serait que peu utilisée. Une disposition transitoire règle la situation des fonctionnaires actuellement placés dans cette position en les y maintenant jusqu'au terme de leur période de détachement.

Votre commission a adopté l' amendement de précision COM-123 de son rapporteur et l'article 11 ainsi modifié .


* 124 Conseil d'État, 26 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon, n° 42783 et 8 juin 2011, n° 312700.

* 125 Conseil d'État, 14 février 1975, Teitgen, n° 87730.

* 126 Le statut de témoin assisté, intermédiaire entre celui de simple témoin et de mis en examen, offre certaines garanties (assistance d'un avocat, accès au dossier d'instruction, confrontation avec les personnes le mettant en cause) par rapport au statut de simple témoin tandis que les éléments à charge pesant sur le témoin sont moins lourds que pour un mis en examen.

* 127 La composition pénale est une procédure qui permet au procureur de la République de proposer une ou plusieurs mesures alternatives aux poursuites à une personne ayant commis certaines infractions, permettant d'éviter le procès pénal.

* 128 Conseil d'État, 12 mars 2010, n° 308974 : « Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que des agissements répétés de harcèlement moral étaient de ceux qui pouvaient permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; ».

* 129 Conseil d'État, 8 juin 2011, n° 312700.

* 130 Cf . le commentaire de l'article 14 du présent projet de loi.

* 131 Conseil d'État, 2 avril 2003, n° 249805 : « Considérant que, si les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 font obligation à l'administration d'accorder sa protection à l'agent victime de diffamation dans l'exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d'une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu'il a lui-même introduites, elles n'ont pas pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité de ces frais ; ».

* 132 L'article L. 811-4 du code de sécurité intérieure dispose : « Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, désigne les services, autres que les services spécialisés de renseignement, relevant des ministres de la défense et de l'intérieur ainsi que des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, qui peuvent être autorisés à recourir aux techniques mentionnés au titre V du présent livre dans les conditions prévues au même livre. Il précise, pour chaque service, les finalités mentionnées à l'article L. 811-3 et les techniques qui peuvent donner lieu à autorisation . »

* 133 NOR : IOCJ1107319A.

* 134 NOR : DEFD1107135A.

* 135 Décret n° 2015-386 du 3 avril 2015 fixant le statut des fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure.

* 136 Conseil d'État, 9 juillet 1948, Sieur Archambault, n° 91885 : « Considérant que, si en cas de poursuite devant un tribunal répressif le conseil de discipline a la faculté de surseoir à émettre son avis jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal, il ne résulte d'aucun texte de loi ou de règlement ni des principes généraux applicables en matière disciplinaire qu'il en ait l'obligation ; ». Solution confirmée par le Conseil d'État : « Considérant qu'il appartient au juge disciplinaire de statuer sur une plainte dont il est saisi sans attendre l'issue d'une procédure pénale en cours concernant les mêmes faits ; que, cependant, il peut décider de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal lorsque cela paraît utile à la qualité de l'instruction ou à la bonne administration de la justice ; » (Conseil d'État, 30 décembre 2014, n° 381245, cons. 3)

* 137 Cf . le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi.

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