EXPOSÉ GÉNÉRAL

Madame, Monsieur,

Votre commission est appelée à se prononcer sur le projet de loi n° 41 (2015-2016) relatif à la déontologie, aux droits et aux obligations des fonctionnaires, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée le 7 octobre 2015.

Initialement déposé le 17 juillet 2013 sur le bureau de l'Assemblée nationale, ce texte a fait l'objet d'une lettre rectificative en date du 17 juin 2015. L'objectif du Gouvernement était alors de réduire le volume du projet de loi en ne conservant que 25 articles 1 ( * ) et en renvoyant ses autres dispositions à des habilitations à légiférer par ordonnances. Force est de constater l'échec de cette méthode, le projet de loi adopté par les députés comportant 80 articles.

Votre rapporteur déplore la dispersion entre plusieurs textes adoptés depuis 2013 des dispositifs destinés à renforcer la transparence de la vie publique et, de ce fait, le manque d'approche globale. Il aurait par exemple semblé plus cohérent que le présent projet de loi soit examiné en même temps que ceux relatifs à la transparence de la vie publique 2 ( * ) : les objectifs sont les mêmes et les dispositifs sont comparables.

En dépit de ces remarques, votre commission a tenu à examiner ce projet de loi dans un esprit constructif.

Ce texte comporte plusieurs apports. Il permet, d'une part, de clarifier les obligations déontologiques des agents publics dans la logique de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen selon lequel  « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Il s'agit, d'autre part, de traduire sur le plan législatif les résultats du dialogue social dans la fonction publique et, partant, d'octroyer de nouveaux droits aux fonctionnaires. Les règles statutaires applicables à ces agents ont en effet vocation à évoluer pour éviter toute disparité injustifiée par rapport au secteur privé mais également entre les trois versants de la fonction publique (territoriale, hospitalière et d'État). Ces droits doivent toutefois être conciliés avec les impératifs des employeurs publics, le contexte de tension des finances publiques conduisant ces derniers à rénover l'organisation et la gestion de leurs ressources humaines.

Face à ces enjeux, votre commission a simplifié les procédures relatives à la déontologie afin d'accroître leur efficacité et renforcé les droits des agents publics tout en préservant les marges de manoeuvre des employeurs.

I. LE STATUT GENERAL, UN SOCLE FONDAMENTAL APTE À ÉVOLUER

A. LOIN D'ÊTRE INTANGIBLE, LE STATUT GÉNÉRAL S'EST ADAPTÉ AUX EVOLUTIONS DES MODES D'EXERCICE DE L'ACTION PUBLIQUE

1. Un socle juridique applicable à 5,4 millions d'agents

La fonction publique comprend 5,4 millions d'agents répartis entre les versants étatique (44 % des agents), territorial (35 %) et hospitalier (21 %). Si le total des effectifs a augmenté chaque année de 0,7 % entre 2002 et 2013, l'évolution à périmètre courant 3 ( * ) varie d'un versant à l'autre.

Évolution des effectifs dans les trois versants de la fonction publique
(base 100 au 31 décembre 2002)

Source : Rapport 2015 sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, p. 10

La grande majorité de ces agents est fonctionnaire même si le nombre de contractuels a progressivement augmenté pour atteindre 17,2 % des agents en 2013.

Composition de la fonction publique

Source : Commission des lois du Sénat à partir du rapport précité
sur l'état de la fonction publique

Les agents de la fonction publique sont régis par un statut général constitué entre 1983 et 1986 et dont les principes initiaux n'ont pas été remis en cause : fonction publique de carrière 4 ( * ) , calcul du traitement à partir d'une grille indiciaire, mobilité entre les fonctions publiques, etc .

Comme l'indiquait M. Anicet Le Pors après avoir exercé les fonctions de ministre de la fonction publique entre 1981 et 1984, si le statut a résisté, c'est en partie car « son unité (est) fondée sur des valeurs républicaines : égalité, indépendance, responsabilité » 5 ( * ) .

Le statut général de la fonction publique

Le statut est composé de quatre titres, chacun correspondant à une loi et à un périmètre donnés :

- titre I er : loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (applicable à toute la fonction publique) ;

- titre II : loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- titre III : loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- titre IV : loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

2. De nombreuses évolutions

Ce statut n'est toutefois pas intangible : il a évolué pour répondre à l'évolution des modes d'exercice de l'action publique. Dans son rapport sur la fonction publique, M. Bernard Pêcheur dénombre ainsi 212 lois ayant modifié le statut général depuis 1983 6 ( * ) .

Si certaines modifications ont été marginales, d'autres ont concerné des points substantiels comme le dialogue social dans la fonction publique ou le cadre juridique applicable aux contractuels.

Les modifications récentes du statut général de la fonction publique

Trois textes récents ont apporté des modifications substantielles au statut :

- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui visait notamment à réduire les obstacles au détachement et à l'intégration entre corps et cadres d'emploi ;

- la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, qui a élargi le champ du dialogue social dans la fonction publique et modernisé les conditions de représentativité des syndicats ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (dite « loi Sauvadet ») relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique qui a notamment ouvert la possibilité de titulariser des agents non titulaires par l'intermédiaire d'examens professionnels, de concours réservés ou de recrutements sans concours 7 ( * ) .

Ces deux derniers textes sont la traduction législative d'accords négociés entre l'État et les organisations syndicales.


* 1 Sur un total de 59 articles dans le projet de loi initial déposé le 17 juillet 2013.

* 2 Dont sont issues la loi n° 2013-907 et la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013.

* 3 Ces chiffres ne prennent pas en compte les conséquences des transferts de compétences entre employeurs publics, et notamment entre l'État et les collectivités territoriales.

* 4 Par opposition au système de l'emploi, un fonctionnaire du système de carrière est recruté dans un corps soumis à un statut particulier et au sein duquel il progresse tout au long de sa carrière.

* 5 Cahiers de la fonction publique, « Entretien avec Anicet Le Pors » , n° 329, 2013, p. 17.

* 6 Rapport au Premier ministre sur la fonction publique, 29 octobre 2013, p. 11.

* 7 Ce dernier cas (recrutements sans concours) est circonscrit aux corps ou cadres d'emplois de catégorie C.

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