EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. FACE À LA PERSISTANCE D'UN NIVEAU ÉLEVÉ DE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE, LE GOUVERNEMENT A DÉCIDÉ DE FAIRE DE SA RÉSORPTION L'UNE DES PRIORITÉS DE SA POLITIQUE DE L'EMPLOI
A. LA FRANCE SE CARACTÉRISE PAR UN CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE TRÈS IMPORTANT, QUELS QUE SOIENT LES CRITÈRES DE MESURE RETENUS
Depuis maintenant plus de 30 ans, la France est confrontée à un taux de chômage très élevé , que les gouvernements successifs n'ont jamais réussi à faire régresser.
Quasi inexistant jusqu'au milieu des années 1970, le chômage est apparu avec les crises économiques consécutives aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 avant de s'ancrer dans la société en raison de la persistance d'une croissance faible . Alors que le taux de chômage s'élevait à seulement 3,3 % en 1975 , il était passé à 8,5 % à la fin de l'année 1985, soit un triplement du nombre de chômeurs en une décennie . Ce taux, après avoir atteint 9,7 % en 1995 , avait connu une légère décrue pour s'établir à 8,5 % en 2005 . A la suite d'une courte embellie économique, la situation de l'emploi s'était améliorée, conduisant à un taux de chômage de 6,8 % au premier trimestre 2008 , son plus bas niveau depuis le début des années 1980. La crise économique internationale de 2008, puis les incertitudes liées à la soutenabilité des dettes souveraines européennes à partir de 2012, ont ravivé cette profonde crise de l'emploi : le taux de chômage est passé à 9,3 % au second trimestre 2012 ( + 37 % en quatre ans) et s'est élevé à 10,6 % au troisième trimestre 2015 .
Graphique n°
1
: Evolution
comparée du taux de croissance du produit intérieur brut et du
taux de chômage en France
depuis 1975
Source : Insee
Ces données de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) mesurent le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), qui ne prend en compte que les personnes sans emploi, disponibles pour en prendre un dans les 15 jours et en cherchant activement un. Elles sont à distinguer des chiffres de Pôle emploi , qui répartit les demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois (DEFM) sur ses listes en cinq catégories , dont les trois premières, auxquelles est associée une obligation d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, sont couramment utilisées pour commenter l'évolution des chiffres du chômage.
Il s'agit des catégories :
- A , qui rassemble les personnes sans emploi tenues de faire des actes positifs de recherche d'emploi ;
- B , où figurent les demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi et qui ont exercé une activité d'une durée inférieure à 78 heures au cours du mois précédent ;
- C , qui regroupe les demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi et qui ont exercé une activité réduite de plus de 78 heures au cours du mois précédent ;
- D , pour les demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi car suivant un stage ou une formation, étant signataires d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ou se trouvant en arrêt maladie ;
- E , pour les demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi et en emploi, c'est-à-dire principalement les bénéficiaires de contrats aidés.
Ainsi, si le nombre de chômeurs au sens du BIT était de 2,9 millions au quatrième trimestre 2014, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en catégories A, B et C en décembre 2014 s'élevait à 5,2 millions , dont 3,5 millions en catégorie A, 0,7 million en catégorie B et 1 million en catégorie C. Dès lors, la notion de chômage de longue durée peut connaître plusieurs définitions.
Elle est communément entendue, notamment par l'Insee, Eurostat ou l'OCDE, comme regroupant les situations de chômage ininterrompu de plus de douze mois . Toutefois, l'évolution du marché du travail a conduit à une diversification des situations de chômage de longue durée. Les successions de contrats de travail précaires, entrecoupés de périodes d'inactivité, sont désormais la norme en début de carrière pour une partie des jeunes actifs ou pour les personnes les moins qualifiées. Cette récurrence du chômage , liée à la discontinuité de parcours professionnels qui ne reposent plus sur le principe d'un emploi pérenne au sein d'une même entreprise ou sur des mobilités choisies et anticipées, est étudiée par Pôle emploi à travers les demandeurs d'emploi cumulant au moins douze mois d'inscription sur ses listes au cours des vingt-quatre derniers mois 1 ( * ) . Cet éloignement à l'emploi concernait ainsi, en décembre 2013, 57 % des demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C, soit 2,94 millions de personnes, tandis que 24 % étaient inscrits sans interruption depuis au moins vingt-quatre mois.
L'enracinement du chômage de masse en France a eu pour conséquence logique de voir se développer un chômage de longue durée que seule une croissance économique vigoureuse, comme le postule la loi d'Okun 2 ( * ) , aurait permis de résorber. En son absence (cf. supra ), la France n'a jamais vu, depuis le début des années 1990, la part des chômeurs de longue durée être inférieure à 34 % de l'ensemble des chômeurs. Elle s'élevait, en 2014 , à 42,8 % , ce qui représente 4,4 % de la population active.
Graphique n° 2 : Evolution de la part de chômeurs de longue durée en France depuis 1995
(en %)
Source : Eurostat
En comparaison internationale , le niveau français est très largement supérieur à celui que connaissent les Etats-Unis ( 23 % ) et se situe au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE ( 35,1 % en 2013). Toutefois, au sein de l'Union européenne , la France se situe en dessous de la moyenne ( 49,5 % en 2014) et du niveau atteint par la plupart des économies continentales, qu'elles aient connu la crise (Espagne : 52,8 % ; Portugal : 59,6 % ; Italie : 61,4 % ; Grèce : 73,5 % ) ou qu'elles en aient été préservées (Allemagne : 44,3 % ). Le modèle scandinave assure néanmoins un retour à l'emploi plus rapide, puisqu'au Danemark seuls 25,2 % des demandeurs d'emploi le sont depuis plus d'un an, et en Suède seulement 18,9 % . Enfin le Royaume-Uni, s'il a subi une forte augmentation du chômage de longue durée à partir de 2010 ( + 46 % entre 2009 et 2014), n'a pas dépassé la France et a même bénéficié, entre 2013 et 2014, d'une légère décrue ( - 1 % ), à 35,8 %.
Graphique n° 3 : La part de chômeurs de longue durée dans les pays de l'Union européenne en 2014
Source : Eurostat
* 1 Le chômage de longue durée : vers une mesure de « l'éloignement à l'emploi » de longue durée ?, Pôle emploi, Etudes et recherches, n° 2, décembre 2014.
* 2 Voir sur ce point le rapport n° 229, tome I (2015-2016) fait au nom de la commission des finances par notre collègue Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015 (9 décembre 2015), p. 16.