EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 49 (Article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) - Proportionnalité de la majoration attribuée aux conjoints survivants des grands invalides de guerre selon la durée de mariage (ou de pacte civil de solidarité) et de soins
Commentaire : le présent article vise à abaisser la durée de mariage (ou de pacte civil de solidarité) et de soins prise en compte pour bénéficier de la majoration spéciale attribuée aux conjoints survivants des grands invalides de guerre, tout en instituant une progressivité.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose que les conjoints survivants des grands invalides de guerre (relevant de l'article L. 18 du même code) bénéficient d'une majoration spéciale de pensions destinée à compenser le temps consacré à accorder leurs soins à leur conjoint invalide décédé au détriment de leur activité professionnelle .
Cette majoration leur est accordée s'ils sont âgés de plus de soixante ans et s'ils justifient d'une durée de mariage et de soins donnés d'une manière constante pendant au moins dix années . Cette durée de dix ans résulte d'une modification introduite par la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 (précédemment, elle était de quinze ans).
La majoration est de 450 points 50 ( * ) pour les conjoints survivants des grands invalides aveugles, amputés de deux ou plus de leurs membres et des paraplégiques. Elle doit être augmentée de 50 points au 1 er janvier 2016 pour atteindre 500 points. Elle est de 360 points pour les autres grands invalides et doit être augmentée de 50 points au 1 er janvier 2016 pour atteindre 410 points.
Ces taux de majoration résultent de loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 qui a augmenté de 100 points les taux existants (50 points en 2015 et 50 points en 2016). La précédente revalorisation datait de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 49 propose de modifier l'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour :
• abaisser de cinq ans la durée de mariage et de soins requise pour en bénéficier, pour la ramener à cinq ans au lieu de dix ;
• tout en rendant progressive l'attribution de points supplémentaires aux conjoints survivants en fonction de la durée de mariage et de soins en instituant des paliers (au moins cinq ans, au moins sept ans , au moins dix ans), la majoration maximale restant fixée à 500 points 51 ( * ) pour les conjoints survivants des grands invalides aveugles, amputés de deux ou plus de leurs membres et des paraplégiques et à 410 points 52 ( * ) pour les autres.
Enfin, l'article fait également l'objet d'une précision rédactionnelle en citant expressément le conjoint pacsé 53 ( * ) .
D'après les évaluations du ministère de la défense, cette mesure aurait un coût de 1,9 million d'euros la première année (avec une entrée en vigueur à compter du 1 er juillet 2016) et de 3,8 millions d'euros en année pleine 54 ( * ) . Elle pourrait faire entrer dans le dispositif 1 370 personnes.
Pour mémoire, la réforme de l'année dernière avait fait entrer dans le dispositif environ 940 personnes, pour un coût estimé de 0,7 million d'euros la première année, puis de 1,3 million d'euros les années suivantes.
III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Nonobstant ses interrogations sur la nécessité de retoucher un dispositif un an seulement après l'avoir réformé, votre rapporteur spécial est favorable à cette mesure, dont le nombre de bénéficiaires est réduit, et qui s'inscrit dans une démarche d'équité vis-à-vis de personnes qui ont consacrées de longues années à prendre soin de leur époux grands invalides de guerre, le tout au détriment de leur propre carrière.
Votre rapporteur spécial préconise de proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 50 - Extension de l'attribution du bénéficie de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord aux pensions liquidées avant le 19 octobre 1999
Commentaire : cette mesure vise à permettre la révision des pensions de retraite liquidées en application du code des pensions civiles et militaires de retraite avant le 19 octobre 1999, sur la demande des intéressés, afin de prendre en compte le droit à campagne double au titre de leur participation à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc.
I. LE DROIT EXISTANT
La loi du 18 octobre 1999 55 ( * ) a substitué à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », qualifiant ainsi le conflit en Algérie de « guerre ». Il en a découlé que les personnes exposées à des situations de combat au cours de la guerre d'Algérie étaient susceptibles de bénéficier de la campagne double prévue par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce qui a été confirmé par le Conseil d'État dans sa décision n° 328282 du 17 mars 2010.
Le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord accorde ce droit aux militaires d'active et aux appelés pour toute journée durant laquelle ils ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu.
Cette bonification dite « campagne double » permet aux militaires, ainsi qu'aux fonctionnaires et civils assimilés, de compter trois jours dans le calcul de leur pension de retraite pour chaque jour de service pris en compte .
Il s'applique aux appelés du contingent et militaires d'active dont les pensions de retraite ont été liquidées à compter du 19 octobre 1999 , date d'entrée en vigueur de la loi du 18 octobre 1999.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 50 vise à permettre aux civils et militaires ayant participé à des actions de feu et de combat en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 et qui ont liquidé leur pension avant le 19 octobre 1999 de bénéficier, pour l'avenir, de l'attribution de la campagne double pour chaque jour où ils ont pris part à ces actions de feu et de combat.
Ce dispositif aurait un surcoût budgétaire annuel évalué à 0,6 million d'euros en 2016 , puis 0,5 million d'euros en 2017.
Ce coût budgétaire ne serait pas supporté par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », mais par le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » du compte d'affectation spéciale « Pensions » alimenté par les cotisations salariales et les contributions de l'Etat employeur.
Le gain individuel de cette mesure est estimé à 12 ou 13 euros par mois.
III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Votre rapporteur spécial est favorable à cette mesure d'égalité entre les combattants, dont les conséquences budgétaires sont limitées.
Votre rapporteur spécial préconise de proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 51 - Création d'une allocation de reconnaissance des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens supplétifs
Commentaire : le présent article vise à lever la forclusion qui empêche les conjoints survivants de supplétifs de déposer des demandes d'allocation de reconnaissance depuis le 20 décembre 2014.
I. LE DROIT EXISTANT
La reconnaissance de la Nation envers les harkis et anciens supplétifs prend la forme d'une l'allocation de reconnaissance versée selon différentes modalités :
• soit une allocation annuelle de 3 415 euros indexée sur l'inflation ;
• soit une allocation annuelle de 2 322 euros indexée sur l'inflation, complétée du versement d'un capital de 20 000 euros ;
• soit le versement, en lieu et place de l'allocation annuelle de reconnaissance, d'un capital de 30 000 euros.
Ce dispositif résulte de diverses lois, dont la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui a institué les différentes modalités de l'allocation de reconnaissance. La dernière revalorisation résulte de l'article 86 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.
L'article 52 de la loi n° 2013-158 du 23 février 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a mis en place une forclusion . Aucune nouvelle demande d'allocation de reconnaissance ne peut plus être déposée depuis le 20 décembre 2014 .
La population bénéficiaire de l'allocation de reconnaissance est de 4 159 harkis et 1 717 conjoints survivants 56 ( * ) .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 51 vise à revenir sur la forclusion instituée par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et rouvrir les droits à allocation de reconnaissance pour les conjoints et ex-conjoints survivants non remariés de membres de formation supplétive.
L'allocation allouée serait d'un montant égal à celle qui existe déjà, soit une rente annuelle de 3 415 euros indexée sur l'inflation.
La demande d'allocation pourrait être faite :
• jusqu'au 31 décembre 2016, dans l'hypothèse où le membre de formation supplétive est décédé avant l'entrée en vigueur de l'article ;
• dans l'année du décès du membre de formation supplétive dans les autres cas.
Selon les estimations du ministère de la défense, ce dispositif concernerait 218 personnes en 2016 , puis 109 conjoints ou conjoints survivants à partir de 2017. Son coût est estimé à 0,74 million d'euros en 2016, puis 1,1 million d'euros en 2017 57 ( * ) . Son coût à horizon 2020 serait de 2 millions d'euros.
III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Nonobstant le fait que cette mesure revient sur une forclusion votée récemment, votre rapporteur spécial y est favorable au nom de la nécessaire reconnaissance en faveur des harkis et de leurs familles.
Votre rapporteur spécial préconise de proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 51 BIS - Demande d'un rapport au Gouvernement sur le bilan du remplacement de l'aide différentielle aux conjoints survivants par l'aide complémentaire aux conjoints survivants et les possibilités de garantir aux veuves d'anciens combattants un revenu stable.
Commentaire : le présent article, inséré par l'Assemblée nationale après l'adoption de deux amendements identiques de François Rochebloine et de plusieurs de ses collègues et de Joël Giraud et de plusieurs de ses collègues, demande un rapport au Gouvernement avant le 1 er octobre 2016 sur le bilan du remplacement de l'aide différentielle aux conjoints survivants par l'aide complémentaire aux conjoints survivants.
En loi de finances pour 2015, l'aide différentielle aux conjoints survivants a été remplacée par l'aide complémentaire aux conjoints survivants à la suite du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2014 jugeant que l'aide différentielle aux conjoints survivants manquait de base légale. En projet de loi de finances pour 2016, l'aide sociale de l'ONAC-VG est entièrement refondue.
Le dispositif proposé, malgré un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, vise à obtenir un rapport avant le 1 er octobre 2016 sur le bilan du remplacement de l'aide différentielle aux conjoints survivants par l'aide complémentaire aux conjoints survivants et les possibilités de garantir aux veuves d'anciens combattants un revenu stable.
Il s'agit d'une disposition étrangère au domaine de la loi de finances tel qu'il résulte de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel à propos d'un article similaire sur l'action sociale de l'ONAC-VG, ajouté en loi de finances pour 2014 (décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013).
Par ailleurs, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire, évoquant ce risque d'inconstitutionnalité, a déclaré en séance à l'Assemblée nationale qu'il s'engageait à établir ce rapport « sans y être contraint pas la loi de finances ».
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article .
* 49 Décret n° 2014-555 du 28 mai 2014 relatif à certaines commissions administratives à caractère consultatif relevant du Premier ministre.
* 50 La valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité (PMI) est depuis le 1 er janvier 2015 fixée à 14 euros.
* 51 Soit une majoration annuelle de 7 000 euros, selon la valeur de point PMI fixée par arrêté du 14 octobre 2015.
* 52 Soit une majoration annuelle de 5 740 euros, selon la valeur de point PMI fixée par arrêté du 14 octobre 2015.
* 53 L'article L. 1 ter disposait déjà expressément que « le partenaire lié par un pacte civil de solidarité bénéficie des mêmes droits aux pensions d'invalidité et est soumis aux mêmes obligations que le conjoint cité dans le présent code ».
* 54 La dépense fiscale n'a pas été calculée.
* 55 Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».
* 56 Source : réponse du ministère de la défense.