D. L'ENJEU DE L'APPLICATION À LA GENDARMERIE DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE AU TEMPS DE TRAVAIL
Dans un rapport thématique de juillet 2015, le haut comité d'évaluation de la condition militaire retient parmi les risques à maîtriser celui d'une « banalisation de l'état militaire » , en raison notamment de l'évolution du droit communautaire 29 ( * ) .
En effet, la directive 2003/88/CE relative au temps de travail prescrit des périodes minimales de repos difficilement compatibles avec le principe de disponibilité inhérent au statut militaire. Ainsi, la durée maximale du travail hebdomadaire est fixée à 48 heures, tandis qu'un repos journalier de 11 heures consécutives et un repos d'une journée par période de 7 jours sont prévus.
Comme le rappelle le haut comité, « jusqu'à présent, la France a considéré que cette directive n'était pas applicable » aux militaires . Si l'article 1 er de la directive dispose qu'elle s'applique à « tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE », l'article 2 prévoit que la directive « n'est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante ».
Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a encadré cette exception en précisant qu'elle « ne saurait trouver à s'appliquer que dans le cas d'événements exceptionnels à l'occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel ayant à faire face à un événement de ce type accorde une priorité absolue à l'objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint » 30 ( * ) .
Dès lors, les forces de gendarmerie ne peuvent plus se prévaloir d'une exemption globale.
Or depuis l'entrée en vigueur de la loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 , la constitution d'associations professionnelles de militaires (APN) est désormais autorisée, pour mettre en conformité le droit français avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) 31 ( * ) .
Créée dans ce cadre, l'Association professionnelle « GENDXXI » indique dans une lettre adressée au ministre de l'intérieur et au DGGN « qu'aucun texte d'application général (décret) de cette directive n'a été promulgué » et que « certaines instructions ponctuelles, par exemple pour la gendarmerie (instruction dite « 1000 ») enfreignent de fait directement la directive », tout en précisant espérer « ne pas avoir à engager les procédures judiciaires » 32 ( * ) pour remédier à cette difficulté.
Compte tenu du risque croissant de recours, il apparaît nécessaire d'adapter à la marge le droit en vigueur .
Toutefois, votre rapporteur spécial soutient pleinement le refus par le haut comité d'une « application mécanique ou indifférenciée » 33 ( * ) de la directive , afin de préserver la portée du principe de disponibilité et de limiter les besoins supplémentaires en personnel qui pourraient résulter de sa transposition.
* 29 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, « Perspectives de la condition militaire », rapport thématique, juin 2015, p. 72
* 30 CJUE, 2006, affaire C-132/04, Commission européenne c/ Espagne.
* 31 Le 2 octobre 2014, la CEDH a rendu deux arrêts condamnant la France en raison de l'interdiction faite aux militaires d'adhérer à un syndicat ou à un groupement constitué pour soutenir des revendications d'ordre professionnel.
* 32 « Temps d'activité des Gendarmes et soldats, le gouvernement en infraction », GendXXI, 3 février 2015.
* 33 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, « Perspectives de la condition militaire », précité, p. 51