D. DES TAUX D'INTÉRÊT QUI DEVRAIENT PROGRESSIVEMENT REMONTER APRÈS AVOIR ATTEINT DES NIVEAUX HISTORIQUEMENT BAS EN 2015

Les taux des obligations françaises sont restés historiquement bas en 2015, à court comme à moyen et long termes, ce qui a une nouvelle fois rendu totalement indolore l'augmentation de l'encours de la dette de l'État.

Ce phénomène a été amplifié par l'annonce le 22 janvier 2015 puis par le lancement effectif le 9 mars 2015 par la Banque centrale européenne (BCE) de sa politique d'achats d'actifs du secteur public ( Public Sector Purchase Programme ) qui a conduit l'Eurosystème à acheter 60 milliards d'euros d'actifs d'États de la zone euro par mois dans le but d'amplifier la diminution des taux d'intérêt de long terme pour stimuler la croissance.

Les taux des obligations françaises à court terme et à 10 ans entre 2012 et 2016

Source : AFT

1. Des taux à court terme négatifs pour encore quelques mois

La politique monétaire extrêmement accommodante menée actuellement par la BCE et l'excès de liquidités présentes sur le marché ont permis à l'État de bénéficier de taux négatifs lors de ses adjudications de BTF en 2015 .

Selon l'AFT, ces taux devraient rester négatifs au début de l'année 2016 puis redevenir positifs par la suite, tout en se maintenant à des niveaux très bas.

2. Des taux à 10 ans qui devraient prochainement repartir à la hausse

Source : AFT

Le taux moyen pondéré sur les émissions de dette à moyen et long terme ressort sur les trois premiers trimestres de l'année 2015 à 0,62 % , à comparer à un plancher historique à 1,31 % en 2014, et une moyenne de 4,15 % sur la période 1998-2007 .

Il a atteint un point bas en avril 2015 lorsque le taux à l'émission de l'OAT de référence à 10 ans est ressorti à 0,46 % et que le TEC 10 est descendu à 0,33 %, avant de remonter par la suite.

Il convient de noter que le spread à 10 ans avec l'Allemagne a atteint un minimum historique de 17 points de base au moment de l'annonce du lancement du Public Sector Purchase Programme , qu'il est remonté jusqu'à 48 points de base le 6 juillet 2015 en raison des incertitudes relatives aux négociations du nouveau plan d'aide à la Grèce et se situait à 36 points de base à la fin du mois d'août 2015 .

L'Agence France Trésor, dont votre rapporteur a entendu le directeur général, prévoit que les taux à 10 ans vont poursuivre leur redressement progressif dans les mois qui viennent et pourraient atteindre 1,4 % fin 2015 puis 2,4 % fin 2016 , en raison de la relative amélioration de la conjoncture économique.

Taux à l'émission des BTF à trois mois et des OAT à 10 ans en moyenne annuelle
selon le projet annuel de performances pour 2016

Taux à l'émission des BTF à 3 mois (moyenne annuelle)

Taux à l'émission des OAT à 10 ans (moyenne annuelle)

2004

2,00 %

4,20 %

2005

2,06 %

3,48 %

2006

2,84 %

3,73 %

2007

3,87 %

4,23 %

2008

3,59 %

4,37 %

2009

0,62 %

3,69 %

2010

0,37 %

3,17 %

2011

0,70 %

3,38 %

2012

0,04 %

2,70 %

2013

0,04 %

2,23 %

2014

0,07 %

1,87 %

2015 (prévision)

-0,2 %

0,9 %

2016 (prévision)

0,1 %

1,9 %

Source : projet annuel de performances pour 2016

3. Une hausse plus rapide que prévue des taux d'intérêt aurait un impact considérable sur la charge de la dette

Le montant de la charge de la dette dépend étroitement du niveau des taux d'intérêt auxquels la France souscrit ses emprunts de court terme comme de moyen et long termes.

Si la France a bénéficié ces dernières années de circonstances exceptionnellement favorables pour continuer à s'endetter, le réveil pourrait être très douloureux , ainsi que le montre sans ambiguïtés le graphique ci-dessous, fourni à votre rapporteur par l'AFT.

Ce graphique 4 ( * ) permet en effet de constater qu'une hausse imprévue de 100 points de base des taux d'intérêt sur l'ensemble de la courbe de la dette française provoquerait dès 2016 un alourdissement de la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros et se propagerait progressivement au stock de dette de moyen et de long termes au fur et à mesure de l'amortissement des emprunts arrivant à échéance. La charge de la dette atteindrait alors 61 milliards d'euros en 2025 !

Source : AFT

Sans vouloir jouer les Cassandre, votre rapporteur considère donc que le risque d'une remontée plus rapide que prévu des taux d'intérêt doit être pris au sérieux par le Gouvernement et conduire ce dernier à enfin adopter des mesures crédibles de réduction des dépenses de l'État , à même de rassurer les investisseurs et de restaurer notre crédibilité budgétaire.


* 4 L'évaluation réalisée par l'AFT est établie en optique « maastrichtienne », ce qui signifie qu'elle tient compte de l'ensemble des flux de paiements associés aux émissions de dette, en répartissant uniformément la dépense sur la durée de vie d'un titre. Elle agrège ainsi les intérêts courus et l'étalement des primes et décotes à l'émission.

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