EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 52 (Art. 1600 du code général des impôts) - Création d'un fonds de modernisation et de péréquation entre les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et d'une ressource propre pour CCI France
Commentaire : le présent article vise, d'une part, à créer un fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière doté de 20 millions d'euros et alimenté par la taxe affectée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), et d'autre part, à attribuer à CCI France une fraction de cette taxe affectée sous forme de ressource propre.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE RÉSEAU DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE
Placées sous la tutelle de l'État 28 ( * ) et administrées par des chefs d'entreprises élus, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont des établissements publics chargés de missions de service public et d'intérêt général, et qui peuvent aussi exercer des activités marchandes . Aux termes de l'article 710-1 du code de commerce, le réseau des CCI contribue notamment « au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations » . Plus précisément, les CCI exercent quatre types de missions : la représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics ; l'accompagnement des entreprises , qu'il s'agisse de leur création, de leur développement (y compris à l'international) ou de leur transmission ; le financement et l'organisation de certaines activités de formation professionnelle initiale 29 ( * ) et de formation continue ; la gestion d'équipements tels que les ports et les aéroports (le plus souvent en concession), ainsi que des parkings, des palais des congrès, des musées, des ponts routiers etc.
La loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a profondément réformé les missions et l'organisation des CCI , dans le sens d'une régionalisation de leur financement et de leur gouvernance. Les chambres de commerce et d'industrie territoriales (CCIT) demeurent autonomes, mais sont désormais rattachées à la chambre de commerce et d'industrie régionale (CCIR) de leur ressort.
En métropole, le réseau est composé de 145 chambres de commerce et d'industrie , réparties en 22 CCIR et 123 CCIT. Il faut y ajouter CCI France, l'établissement national fédérateur du réseau, ainsi que les 6 chambres départementales d'Île-de-France, dépourvues de la personnalité morale, et les 6 chambres d'outre-mer 30 ( * ) . Conformément aux objectifs de la loi de 2010, un mouvement de rationalisation de la carte consulaire est actuellement engagé, avec un objectif d'environ 90 CCIT au cours de la mandature 2016-2021.
B. UN FINANCEMENT PAR TAXE AFFECTÉE EN FORTE BAISSE
Aux termes de l'article 1600 du code général des impôts (CGI), le réseau des CCI est financé par une taxe affectée appelée « taxe pour frais de chambre » (TFC) , qui remplace l'ancienne taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP), supprimée en 2010. Le produit de la taxe pour frais de chambre est collecté et réparti par les CCIR entre les différentes CCIT de leur circonscription, déduction faire de la quote-part revenant à CCI France.
La taxe pour frais de chambre est composée de deux contributions :
- d'une part, la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises (TA-CFE) , dont le taux est régional et voté annuellement par chaque CCIR, étant précisé que ce taux ne peut être supérieur au taux de l'année précédente. Depuis 2013, le produit de la TA-CFE est soumis à un plafond, fixé à 549 millions d'euros pour 2016 par l'article 14 du présent projet de loi de finances, montant constant depuis 2013. L'excédent est reversé au budget général de l'État ;
- d'autre part, la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) , dont le taux est national et le produit réparti entre les différentes CCIR (cf. infra ). Depuis 2013, le produit de la TA-CVAE est aussi soumis à un plafond, fixé 376 millions d'euros pour 2016 par l'article 14 du présent projet de loi de finances tel que modifié par l'Assemblée nationale 31 ( * ) , en baisse de 130 millions d'euros par rapport à 2015. L'excédent est reversé au budget général de l'État.
Au total, les ressources fiscales affectées aux CCI devraient représenter pour l'année 2016 un montant total de 925 millions d'euros 32 ( * ) , en baisse de 12,3 % par rapport à 2015 et de 33,6 % par rapport à 2012. Par ailleurs, les CCI ont été soumises à un prélèvement exceptionnel de 170 millions d'euros en 2014 33 ( * ) et de 500 millions d'euros en 2015 34 ( * ) . Il faut toutefois souligner qu'en temps normal, la TFC, qui finance les missions non marchandes des CCI, ne représente qu'un tiers de leurs ressources , le reste étant notamment constitué de recettes commerciales et financières, ainsi que d'autres subventions pour charges de service public.
Évolution des ressources fiscales
affectées aux CCI
* après écrêtement au profit du budget de l'État (plafonnement). ** en l'état actuel du présent projet de loi de finances pour 2016. Source : commission des finances du Sénat. |
Sous le double effet de ces baisses de recettes et de la loi précitée du 23 juillet 2010, les CCI ont engagé une réduction de leurs coûts et se sont montrées plus sélectives dans leurs investissements . Le rapport sur l'impact de la réduction des ressources fiscales des CCI remis au Parlement en septembre 2015 35 ( * ) signale notamment que cette situation a conduit les CCI à « adopter fin 2014 un plan emploi consulaire qui se traduira par le départ de près de 1 600 personnes (hors DOM), soit 8,8 % des personnels des CCI concernées, pour un coût total d'environ 130 millions d'euros, (...) à réaménager sensiblement leur offre et, surtout, leur tarification en matière d'appui aux entreprises ou de formation, (...) et à revoir leurs projets d'investissements, avec une baisse de l'ordre de 37 % en 2015 par rapport au point haut de 2013, mais aussi à mettre en oeuvre une véritable stratégie de gestion de leur patrimoine immobilier ».
C. DES RESSOURCES FISCALES QUI NE CORRESPONDENT PLUS À LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES
La particularité de la TA-CVAE est que son produit transite par un fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région (FFCCIR) , géré au niveau national par le ministère chargé de l'économie, et est ensuite réparti entre les différentes CCIR, selon un mécanisme assez complexe qui vise à préserver la répartition « historique » des ressources des différentes chambres.
Les modalités de répartition de la TA-CVAE entre les CCIR Lors de la création de la TA-CVAE, il n'existait pas de base de départ pour fixer la répartition de son produit entre les différentes CCIR. Il a donc été décidé de choisir une clé de répartition « historique » correspondant à une part de l'ancienne taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) perçue par les chambres. Concrètement, l'article 1600 du code général des impôts prévoit de calculer, pour chaque CCIR, un montant « plancher » correspondant à 60 % de ses recettes de TA-CFE de 2010, laquelle correspondait elle-même - dans la période transitoire qui faisait suite à la suppression de la TATP - grosso modo aux recettes de la TATP de 2009. Ce plancher a été minoré de 4 % pour 2011, de 8 % pour 2012 et de 15 % pour 2013 et les années suivantes. Depuis 2013, le plancher correspond à la somme de 554 millions d'euros pour l'ensemble des CCIR . |
Ensuite, l'article 1600 du code général des impôts prévoit deux méthodes possibles de répartition : 1° si le produit de la TA-CVAE est supérieur ou égal au plancher de 554 millions d'euros, celui-ci est réparti, dans la limite des 554 millions d'euros, entre les différentes CCIR en vertu de la répartition « historique » des recettes de la TATP, et le surplus est affecté à chaque CCIR proportionnellement à la valeur ajoutée imposée dans leur circonscription . En d'autres termes, seul « l'excédent » de TA-CVAE, supérieur au plancher historique, tient compte de la dynamique économique des régions ; 2° si le produit de la TA-CVAE est inférieur au plancher de 554 millions d'euros, celui-ci est exclusivement réparti selon les critères « historiques », en application d'un « coefficient unique d'équilibrage » qui permet d'appliquer la répartition de l'ancienne TATP aux montants disponibles. Il n'existe donc pas dans ce deuxième cas de répartition en proportion de la valeur ajoutée crée sur le territoire de chaque CCIR. Des dispositions similaires sont prévues pour la CCI de Mayotte. Source : commission des finances du Sénat |
Aujourd'hui, en raison du plafonnement de la TA-CVAE, le produit de cette taxe (376 millions d'euros) est inférieur au plafond de 554 millions d'euros. C'est donc le deuxième cas de figure qui s'applique. Par conséquent, la répartition du produit de la TA-CVAE entre les différentes CCIR est aujourd'hui figée par l'application de critères qui datent de 2009, et ne correspondent plus à la réalité économique des territoires .
Cette situation, cumulée à la baisse des plafonds de la taxe pour frais de chambre, entraîne des problèmes de deux types :
- d'une part, certaines CCI peuvent éprouver des difficultés à s'adapter à la réduction de leurs recettes fiscales ;
- d'autre part, certaines CCI peuvent être conduites à différer ou à remettre en cause certains projets d'investissements, pourtant nécessaires compte tenu de la dynamique économique de leur territoire : centres de formation, écoles, infrastructures, centres d'affaires etc.
Or il n'existe à ce jour aucun dispositif de péréquation entre les différentes CCIR , qui permettrait d'atténuer ces problèmes par un mécanisme de solidarité entre les différentes chambres.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
En réponse à ces problèmes, le présent article propose de créer un fonds de péréquation et de modernisation en faveur des CCI, doté de 20 millions d'euros. L'article 1600 du code général des impôts serait modifié à cette fin.
Concrètement, les 20 millions d'euros seraient prélevés chaque année sur le produit de la TA-CVAE affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région (FFCCIR), le montant restant, soit 356 millions d'euros en 2016, étant affecté aux différentes CCIR selon les règles exposées ci-dessus 36 ( * ) . Le plafonnement de la TA-CVAE n'est pas remis en cause par le présent article.
Le fonds de péréquation aurait vocation à :
- « financer des projets spécifiques d'investissement des chambres » ;
- ou à « contribuer à la solidarité financière à laquelle une chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) serait contrainte au titre de l'article L. 711-8 du code de commerce », c'est-à-dire au titre de sa mission d'animation du réseau des CCIT de sa circonscription. Il s'agit, en d'autres termes, de venir en aide à une CCIT rencontrant des difficultés financières ponctuelles.
Aux termes du présent article, le fonds de péréquation serait régi par les règles suivantes :
- l'affectation des sommes, dans la limite du plafond global de 20 millions d'euros, serait déterminée par délibération de l'assemblée générale de CCI France , prise au plus tard le 30 juin de chaque année, dans des conditions précisées par décret ;
- l'éventuel reliquat demeurant au sein du fonds de péréquation au 30 juin de l'année N+1 serait reversé au budget général de l'État : il est donc impossible d'accumuler de la trésorerie sur ce fonds de péréquation d'année en année.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques modifiant le présent article, à l'initiative, d'une part, de Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial, de Monique Rabin et de plusieurs de leurs collègues, et d'autre part, de Joël Giraud et de plusieurs de ses collègues, avec un avis de sagesse du Gouvernement.
Ces amendements, qui réécrivent largement le dispositif, visent :
- d'une part , à préciser la vocation du fonds de 20 millions d'euros, celui-ci étant nommé fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière (FMRSF) , et inscrit à l'article 711-16 du code de commerce 37 ( * ) . Son affectation est également précisée, conformément à sa vocation : 18 millions d'euros serviront à « financer des projets structurants de modernisation des chambres ou à contribuer à la solidarité financière », et 2 millions d'euros serviront à « financer des projets d'intérêt national en faveur de l'innovation et de la modernisation du réseau », c'est-à-dire, pour l'essentiel, les projets portés par CCI France. L'emploi de ces sommes ainsi que l'activité nationale de CCI France font l'objet d'une « information annuelle mise à disposition de l'autorité de tutelle », c'est-à-dire la direction générale des entreprises (DGE).
- d'autre part, à affecter une ressource propre à CCI France, sous la forme d'une fraction de la taxe pour frais de chambre , alors qu'aujourd'hui CCI France est financée par une contribution des CCIR votée chaque année en assemblée générale. Le montant est fixé à 2,2 % des plafonds cumulés de la TA-CFE et de la TA-CVAE, soit 19,88 millions d'euros , un montant identique à celui qu'avait adopté l'assemblée générale de CCI France : le passage d'une contribution à une taxe affectée est donc financièrement neutre en 2016 .
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
1. Le fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière : la nécessité d'éviter le saupoudrage
Le fonds de 20 millions d'euros proposé par le présent article constitue une mesure bienvenue, qui devrait contribuer à la fois :
- à la solidarité au sein du réseau des CCI , étant entendu que celle-ci doit s'effectuer au bénéfice des seules chambres rencontrant des difficultés ponctuelles, et ne pas servir à « couvrir » une gestion non rigoureuse ou un refus des efforts de rationalisation ;
- à l'impérative modernisation du réseau des CCI , dans un contexte financier contraint par l'effort demandé au titre de la réduction de la fiscalité pesant sur les entreprises, et alors que les défis à relever sont nombreux : réorganisation territoriale du réseau, mutualisation des moyens, adaptation aux enjeux de l'économie numérique etc. À cet égard, le présent article répond à la recommandation n° 5 du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale du 16 septembre 2015 38 ( * ) , qui proposait notamment de « mettre en place un fonds de modernisation qui aurait un caractère incitatif, en aidant les CCI s'engageant dans ces processus de mutualisation à disposer de moyens supplémentaires pour les mener à bien ».
La création de ce fonds de 20 millions d'euros permettra dans une certaine mesure de préserver les investissements des CCI . À ce titre, le présent article est complémentaire de la clause d'exclusion de certains investissements du champ du prélèvement de 500 millions d'euros prévu par l'article 33 de la loi de finances pour 2015, adopté notamment grâce à l'initiative de la commission des finances du Sénat, reprise et modifiée par l'Assemblée nationale. Il est en effet précisé dans cet article que les données prises en compte pour le calcul du prélèvement exceptionnel « excluent les services budgétaires portuaires et aéroportuaires et les ponts gérés par les chambres de commerce et d'industrie. Elles excluent également les montants affectés en 2014 et 2015 à des investissements en faveur de centres d'apprentissage ou de formation en alternance, et ayant fait l'objet d'une décision d'autorisation du Premier ministre avant le 1 er novembre 2014 dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ».
Toutefois, le montant de 20 millions d'euros consacrés à la péréquation et à la modernisation semble bien faible au regard des 925 millions d'euros de recettes fiscales des CCI . Certes, vos rapporteurs spéciaux comprennent l'attachement des CCI à la répartition « historique » des recettes fiscales, afin de ne pas bouleverser l'équilibre économique de chacune d'entre elles. Cependant, compte tenu de la faiblesse de ce montant, il est impératif d'éviter le « saupoudrage » sur des dizaines, si ce n'est des centaines, de projets portés par les différentes CCI.
Vos rapporteurs spéciaux avaient donc proposé un amendement tendant à flécher ces montants sur un nombre restreint de projets structurants, de portée nationale ou régionale .
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale va dans le même sens . D'une part, celui-ci « réserve » 2 millions d'euros sur les 20 millions d'euros pour les projets de portée nationale, notamment le projet « CCI de demain » , qui comprend le portail de services en ligne « e-CCI » ou encore une plateforme de données à disposition du réseau. D'autre, l'intitulé du « fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière » explicite les objectifs de celui-ci. L'amendement initialement proposé par vos rapporteurs spéciaux a donc été satisfait .
Vos rapporteurs spéciaux estiment toutefois que l'instauration d'un fonds de péréquation ne saurait être qu'une mesure transitoire, dans l'attente d'une refonte totale des modalités de répartition de la taxe pour frais de chambre entre les CCIR . En effet, la référence aux bases fiscales de l'année 2009 n'est pas une solution pérenne, dans la mesure où elle implique un décalage croissant avec la réalité économique des territoires et la demande de services rendus par les CCI. Ceci dit, une réforme d'une telle ampleur ne peut pas être envisagée dès cette année, pour deux raisons . D'une part, elle suppose une évaluation précise de l'impact des récentes baisses de ressources fiscales affectées aux CCI sur le périmètre et la qualité de leurs missions non marchandes, qu'il est trop tôt pour effectuer 39 ( * ) . D'autre part, il apparaît préférable d' attendre la constitution des nouvelles CCIR , qui seront établies en 2017 afin que leur circonscription corresponde à la nouvelle carte des régions créées au 1 er janvier 2016.
2. La création d'une ressource propre pour CCI France : l'autonomie financière, garantie de la modernisation du réseau ?
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale vient également conforter l'autonomie financière de CCI France , en affectant à la tête de réseau une ressource propre constituée d'une fraction de la taxe affectée. Le montant de 20 millions d'euros est en baisse par rapport à la contribution de l'année 2015, qui était de 23,3 millions d'euros.
Vos rapporteurs spéciaux saluent ce changement viendra - à effort d'économies constant - renforcer la capacité d'initiative de la tête de réseau des chambres de commerce et d'industrie, dans un contexte où la priorité est à des efforts de rationalisation. La création d'une ressource propre pour CCI France était notamment l'une des recommandations de nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat 40 ( * ) . Celle-ci a été reprise par notre collègue députée Monique Rabin dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, mais pas par notre collègue Catherine Vautrin, également rapporteure 41 ( * ) . Si ce choix est par ailleurs soutenu par la majorité des CCI, il ne fait pas l'unanimité : il appartiendra dès lors à CCI France de rendre compte du bon emploi de cette autonomie financière.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 53 (Art. 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003) - Création de trois taxes affectées au financement des centres techniques industriels (CTI) et harmonisation de l'ensemble des taxes affectées aux CTI et aux comités professionnels de développement économique (CPDE)
Commentaire : le présent article vise à créer trois taxes affectées au profit de l'institut des corps gras (ITERG), du centre technique des industries de la fonderie (CTIF) et du nouveau centre technique industriel de la plasturgie et des composites (CTIPC), ainsi qu'à harmoniser l'utilisation et les modalités de recouvrement des taxes affectées à l'ensemble des centres techniques et industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE).
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES CENTRES TECHNIQUES INDUSTRIELS ET ORGANISMES ASSIMILÉS
Créés par la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948, les centres techniques industriels (CTI) sont des établissements d'utilité publique qui exercent diverses missions de développement économique et technique au service des entreprises d'une filière. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de la recherche, les CTI « ont pour objet de promouvoir le progrès des techniques, de participer à l'amélioration du rendement et à a garantie de qualité dans l'industrie 42 ( * ) ». À cet effet, ils exercent notamment les activités suivantes :
- recherche et développement , et notamment recherche appliquée via des tests en laboratoire. Certains tests, études et autres services sont facturés à leurs clients ;
- transfert de technologie au bénéfice des entreprises de la filière ;
- normalisation , certification et contrôle de la qualité ;
- veille stratégique et technologique des marchés ;
- formation , notamment par la gestion d'instituts supérieurs.
Les CTI sont dotés de la personnalité civile et jouissent de l'autonomie administrative et financière. Celles de leurs missions qui sont financées par des ressources publiques (cf. infra ) doivent faire l'objet d'une comptabilité distincte de la part du CTI.
Le pilotage des CTI est assuré par un conseil d'administration , qui comprend des chefs d'entreprise de la branche, des représentants du personnel, des représentants de l'enseignement technique supérieur, et des personnalités compétentes. La tutelle de l'État est assurée par un commissaire du Gouvernement représentant le ministre chargé de l'industrie, qui dispose d'un droit d'opposition sur les délibérations du conseil d'administration 43 ( * ) .
Il existe aujourd'hui onze CTI relevant du ministre chargé de l'industrie et donc de la mission « Économie » 44 ( * ) . Ils emploient au total 3 200 collaborateurs et oeuvrent dans des secteurs d'activités divers, caractérisés par un tissu de nombreuses PME.
Deux CTI sont particulièrement concernés par le présent article :
- le centre technique des industries de la fonderie (CTIF) , qui mène notamment des actions recherche et développement mutualisées pour le secteur de la fonderie, des missions de normalisation, d'expertise, de veille scientifique, technique et réglementaire, et de formation initiale et continue. Le secteur de la fonderie représente un chiffre d'affaires de 5,4 milliards d'euros, 450 entreprises de toutes tailles (la première réalise 10 % du chiffre d'affaires du secteur) et 36 000 emplois ;
- l'institut des corps gras (ITERG) , qui mène des actions de même nature au profit des industries des corps gras d'origine animale et végétale : triturateurs, raffineurs, conditionneurs, margarinerie, coproduits animaux, premiers transformateurs de la lipochimie industrielle. Au total, cette filière représente un chiffre d'affaires annuel de 7 milliards d'euros.
Par ailleurs, il n'existait pas jusqu'à maintenant de CTI pour le secteur de la plasturgie , industrie relativement jeune en comparaison des filières du métal, du verre, du textile ou encore du bois. Or ce secteur, qui représente 4 070 entreprises et près de 210 000 salariés 45 ( * ) , est à 90 % constitué de PME, dont 70 % d'entre elles ne dépassent pas 20 salariés. Aussi celles-ci ont-elles un accès difficile à l'innovation , qui requiert des structures lourdes à la portée des seules grandes entreprises, alors même qu'il s'agit d'un secteur où l'innovation est cruciale (plastiques cicatrisables, écrans souples, aéronautique, recyclage etc.), et où la France dispose d'un avantage comparatif. Il existe certes un pôle européen de la plasturgie (PEP) 46 ( * ) , mais celui-ci est une association loi 1901 qui ne dispose ni du statut ni des moyens d'un CTI.
C'est pourquoi la fédération de la plasturgie et une majorité de la profession ont travaillé l'année dernière à la création d'un centre technique industriel de la plasturgie et des composites (CTIPC) , en lien avec la direction générale des entreprises (DGE) qui a cofinancé l'étude de faisabilité et mené la concertation 47 ( * ) . Le CTPIC pourra financier des actions mutualisées de recherche et de développement, et favoriser ainsi la croissance et la montée en gamme de la plasturgie française. Le CTIPC sera lancé en 2016 ; ses moyens seront notamment issus de ceux pôle européen de la plasturgie et il devrait compter 50 nouveaux salariés à horizon 2021, majoritairement employés dans la recherche et le développement.
Les comités professionnels de développement économique (CPDE) ont été créés par la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 . Initialement distincts des CTI et centrés sur des missions de compétitivité et d'adaptation au marché, les CPDE ont vu leurs missions considérablement élargies par la loi en 2004 et en 2007, au point que ceux-ci peuvent aujourd'hui mener à peu près tout type d'action en faveur de leur secteur . En effet, aux termes de l'article 2 de la loi de 1978 modifiée, les CPDE « exercent une mission de service public qui a pour objet de concourir à la préservation de l'emploi et à l'équilibre de la balance des paiements en organisant l'évolution des structures de création, de production et de commercialisation pour assurer leur compétitivité, en contribuant au financement d'actions d'intérêt général n'entravant pas la concurrence et facilitant cette évolution, en aidant au développement des jeunes entreprises innovantes , en accroissant la productivité par une meilleure diffusion de l'innovation et des nouvelles technologies, en améliorant l'adaptation aux besoins du marché et aux normes environnementales, en soutenant les actions de promotion, en accompagnant le développement international des entreprises, en encourageant la formation et la préservation des savoir-faire et du patrimoine , en procédant à toutes études concernant les domaines d'activité intéressés, en diffusant les résultats, en soutenant les actions de lutte contre la contrefaçon et en favorisant toutes les initiatives présentant un intérêt pour l'ensemble de la profession ».
Il existe aujourd'hui quatre CPDE : le comité de développement et de promotion de l'habillement (DEFI), le comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB), le centre technique du cuir (CTC) et le comité Francéclat (horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et arts de la table). Les deux derniers exercent aussi des activités de CTI. Au total, les CTI représentent environ 45 000 entreprises et 320 000 emplois.
B. LE FINANCEMENT PAR DOTATION BUDGÉTAIRE : UN MODÈLE DÉPENDANT DES ÉQUILIBRES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L'ÉTAT
Le financement public des CTI et des CPDE peut prendre deux formes : une subvention du budget de l'Etat , portée par le programme 134 de la mission « Économie 48 ( * ) », ou une taxe affectée . Les ressources des CTI et des CPDE proviennent également d'activités de nature commerciale, qui sont facturées à leurs commanditaires, telles que les tests et études techniques, et autres prestations de services.
Sept organismes bénéficient d'une subvention budgétaire : le centre technique des industries de la fonderie (CTIF), l'institut des corps gras (ITERG), l'institut français du textile et de l'habillement (IFTH), l'institut français de la mode (IFM), l'institut technologique Forêt-Cellulose-Bois-Construction-Ameublement (FCBA), le centre technique de la teinture et du nettoyage (CTTN), et le centre technique du papier (CTP).
Le financement par dotation du budget de l'État est toutefois caractérisé par une forte baisse depuis plusieurs années , justifiée par la situation générale des finances publiques, mais qui complique l'exercice de leurs missions par les CTI et les CPDE. Ainsi, le montant des dotations aux CTI et organismes assimilés dépendant de la mission « Économie » est passé de 34,4 millions d'euros en 2008 à 20 millions d'euros en 2015, soit une baisse de 42 % 49 ( * ) . Clotilde Valter qualifie cette baisse des dotations de « véritable choc budgétaire » pour les CTI et les CPDE. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un montant de 17,01 millions d'euros pour l'ensemble de ces dotations budgétaires 50 ( * ) .
Synthèse du financement des CTI et CPDE en 2013
(en millions d'euros)
Source : «
Les CTI et CPDE au service
du redressement productif
», rapport au Premier ministre
de
Clotilde Valter, députée du Calvados, 7 octobre 2014
Le présent article vise notamment (cf. infra ) à modifier le mode de financement de deux CTI :
- le centre technique des industries de la fonderie (CTIF) , dont la dotation budgétaire s'élevait à 5,7 millions d'euros en 2014, soit près de la moitié du budget total de 11,7 millions d'euros. Les effectifs du CTIF s'élèvent à 120 personnes ;
- l'institut des corps gras (ITERG) , dont la dotation budgétaire s'élevait à 695 000 euros en 2014, soit environ un dixième du budget total de 6,8 millions d'euros. Les effectifs de l'ITERG s'élèvent à 78 personnes.
C. LE FINANCEMENT PAR TAXE AFFECTÉE : AUTONOMIE ET STABILITÉ
1. Le financement par taxe affectée : le droit commun des CTI
Le financement par taxe affectée est le modèle le plus courant de financement public des CTI et des CPDE 51 ( * ) . Il existe au total six taxes affectées, prévues par l'article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 52 ( * ) .
L'assiette de ces taxes affectée est fixée par la loi et précisée par l'arrêté ministériel « produits » du 22 janvier 2004 fixant la liste des produits et services soumis aux taxes affectées aux actions collectives de développement économique et technique de certains secteurs industriels. Cet arrêté a été modifié plusieurs fois. Il convient également de préciser que les produits importés sont inclus dans l'assiette.
Ces taxes sont plafonnées par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances initiale pour 2012 , relatif au plafonnement des ressources de divers organismes chargés d'une mission de service public (cf. infra ). En cas de recettes supérieures aux plafonds fixés, l'excédent est écrêté au profit du budget général de l'État.
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un montant de 134,8 millions d'euros pour l'ensemble de ces taxes affectées 53 ( * ) , relativement constant depuis plusieurs années puisque leur assiette dépend largement de la conjoncture économique de la filière concernée.
La généralisation du mode de financement par taxe affectée est l'une des principales préconisations de Clotilde Valter sur l'avenir des CTI et des CPDE remis au Premier ministre le 7 octobre 2014. Notre collègue députée suggère de « supprimer la dotation du budget de l'État et généraliser la taxe affectée en harmonisant leur assiette et en corrigeant le plafonnement des recettes pour accompagner la dynamique des filières industrielles ».
2. Une collecte et une affectation par les CTI et CPDE eux-mêmes
Au-delà des différences d'assiette et de taux par définition spécifiques à chaque filière industrielle, les dispositions applicables aux six taxes affectées présentent des caractéristiques communes, qui laissent une large place à l'autonomie des CTI et des CPDE .
Elles sont notamment collectées et contrôlées par les organismes bénéficiaires , par dérogation au droit commun de la procédure fiscale, qui confie cette mission à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le paiement intervient à l'occasion du dépôt d'une déclaration semestrielle ou annuelle par l'entreprise redevable. Les organismes sont chargés d'établir eux-mêmes le modèle de la déclaration que doivent souscrire les entreprises redevables d'une taxe affectée.
De manière plus marginale, les dispositions régissant les taxes affectées au centre technique des industries mécaniques (CETIM) et au centre technique des matériaux et composants pour la construction (CTMCC) présentent certaines imprécisions et ambiguïtés, notamment en matière de définition de l'assiette. Il importe de sécuriser ces dispositions.
Par ailleurs, et surtout, les possibilités d'affectation de ces taxes sont très étendues et diffèrent en fonction des organismes bénéficiaires . En application des dispositions actuelles, ces taxes peuvent financer, sans restriction, les missions dévolues aux organismes bénéficiaires, soit par la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948 fixant le statut juridique des centres techniques industriels (CTI), aujourd'hui abrogée et codifiée au sein du code de la recherche, soit par la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 concernant les comités professionnels de développement économique (CPDE). Dans les deux cas, le périmètre est très large (cf. supra ) et laisse une grande marge de manoeuvre au conseil d'administration dans l'affectation du financement public .
Dans rapport précité, Clotilde Valter aboutit à la conclusion suivante : « pour leur permettre de gagner en efficacité collective et de contribuer plus encore au redressement productif de notre pays, une remise à plat s'impose pour confirmer la mission d'intérêt général et le financement public des CTI et CPDE. Celle-ci doit s'accompagner d'une tutelle plus vigilante sur l'utilisation des moyens publics et plus soucieuse de l'évaluation des dispositifs publics ». L'une de ses recommandations porte par conséquent sur la nécessité de « clarifier les statuts des CTI et des CPDE autour des missions d'intérêt général ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LA CRÉATION DE TROIS NOUVELLES TAXES AFFECTÉES
1. Assiette, taux et procédure applicable aux nouvelles taxes
Le présent article vise tout d'abord à instituer trois nouvelles taxes affectées, respectivement au profit du CTIF et de l'ITERG à la place de leur dotation budgétaire, et au profit du nouveau CTIPC créé en 2016 . À cette fin, il est ajouté un G, un H et un I à l'article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 précitée qui prévoit les taxes affectées aux CTI.
Les règles de taux et d'assiette simplifiées sont exposées dans le tableau ci-après. L'arrêté ministériel du 22 janvier 2004 (cf. supra ) sera modifié pour établir le recensement détaillé des produits concernés.
Le rendement potentiel théorique de ces taxes en régime de croisière est estimé à 700 000 euros pour l'ITERG, 5,8 millions d'euros pour le CTIF, et 5,8 millions d'euros pour le CTIPC.
Ces taxes sont toutefois plafonnées par l'article 14 du présent projet de loi de finances , qui modifie l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances initiale pour 2012 (cf. supra ). Les plafonds sont les suivants : 404 000 euros pour l'ITERG ; 1 159 000 euros pour le CTIF ; 3 millions d'euros pour le CTIPC.
Au-delà des particularités de taux et d'assiette propres à chaque filière économique, ces trois taxes affectées obéissent à des règles communes, qui sont étendues par le présent article à l'ensemble des taxes affectées aux CTI (cf. infra ).
Description simplifiée des trois taxes
affectées
instituées par le présent article
Bénéficiaire |
Assiette simplifiée |
Taux |
ITERG
|
Volume des produits issus de la transformation des corps
gras végétaux et animaux
: huiles
végétales, huiles raffinées, margarines et matières
grasses tartinables, suifs et saindoux.
|
2,25 € par tonne de produits commercialisés
en 2016.
|
CTIF
|
Vente ou location des produits issus de la
fonderie
, définie comme un procédé de formage des
métaux consistant à couler un métal ou nu alliage dans un
moule pour reproduire une pièce donnée par refroidissement.
|
0,1 % du CA hors taxes des fabricants de produits issus de la fonderie (ou valeur en douane des produits). |
CTIPC
|
Vente ou location de produits de la transformation des
matières plastiques
et des composites à matière
organique : plaques, feuilles et tubes en plastique, emballages,
éléments pour la construction, pièces automobiles et
toutes autres pièces techniques ou pour la consommation courante.
|
Fraction du CA hors taxes
des fabricants de
produits issus de la transformation des matières plastiques (ou valeur
en douane des produits) :
|
Source : commission des finances du Sénat.
2. Le maintien transitoire de la dotation budgétaire
La création des trois taxes affectées s'accompagne d'une diminution corrélative des dotations budgétaires du CTIF et de l'ITERG , et a donc un impact positif sur le budget de l'État.
Toutefois, il est prévu de maintenir partiellement les dotations budgétaires en 2017 et en 2018, à titre transitoire , en attendant la montée en charge des taxes affectées. Les plafonds prévus à l'article 14 du présent projet de loi de finances sont ainsi inférieurs au rendement estimé des taxes en régime de croisière.
Ainsi, le programme 134 de la mission « Économie » prévoit pour l'année 2016 une dotation de 4,63 millions d'euros pour le CTIF , soit près de 80 % de sa dotation votée en 2015, et une dotation 300 000 euros pour l'ITERG , soit près de 30 % de sa dotation votée en 2015.
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du financement public de l'ITERG (corps gras), du CTIF (fonderie) et du CTIPC (plasturgie). À partir de 2017, il s'agit seulement d'une évolution prévisionnelle : le montant de la dotation budgétaire sera adapté afin de tenir compte des recettes fiscales effectivement constatées et du plafond qui leur aura été attribué. À partir de 2018, les trois CTI seront intégralement financés par leur taxe affectée .
Évolution prévisionnelle du financement
public
de l'ITERG, du CTIF et du CTIPC
(en euros)
Bénéficiaire |
Financement public |
PLF 2015 |
PLF 2016 |
2017 (prévision) |
2018 et pérenne |
ITERG
|
Taxe affectée plafonnée |
0 |
404 000 |
700 000 |
700 000 |
Dotation budgétaire |
720 071 |
304 550 |
Complément |
0 |
|
Total financement public |
720 071 |
708 550 |
700 000 |
700 000 |
|
CTIF
|
Taxe affectée plafonnée |
0 |
1 159 137 |
3 100 000 |
5 800 000 |
Dotation budgétaire |
5 800 000 |
4 636 548 |
2 700 000 |
0 |
|
Total financement public |
5 800 000 |
5 795 685 |
5 800 000 |
5 800 000 |
|
CTIPC
|
Taxe affectée plafonnée |
3 000 000 |
6 500 000 |
6 500 000 |
|
Dotation budgétaire |
0 |
0 |
0 |
||
Total financement public |
3 000 000 |
6 500 000 |
6 500 000 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de finances pour 2015, le projet de loi de finances pour 2016 et l'évaluation préalable.
B. L'HARMONISATION DES DIFFÉRENTES TAXES AFFECTÉES AUX CTI
Le présent article vise également à sécuriser et à harmoniser les dispositions législatives encadrant l'ensemble des taxes affectées aux CTI , qu'il s'agisse des trois nouvelles taxes ou des six taxes existantes. Ceci implique également des modifications de l'article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 précité.
1. Des taxes exclusivement affectées aux missions de recherche et de transfert de technologie
Premièrement, l'harmonisation porte sur les missions que peuvent financer ces neuf taxes affectées .
Il est ainsi précisé que chaque taxe affectée a pour objet de « financer les missions de recherche, de développement et de transfert de technologie qui lui sont dévolues en application de l'article L. 521-2 du code de la recherche », c'est-à-dire les missions d'un CTI, et non plus d'un CPDE , dont le périmètre d'intervention était devenu très large (cf. supra ). L'harmonisation proposée par le présent article consiste donc à réduire l'objet des taxes affectées, pour le recentrer sur les seules missions de recherche, de développement et de transfert de technologie , à l'exclusion de toute autre.
Il est également précisé que « les opérations (...) qui peuvent être financées au moyen du produit de [chaque] taxe sont précisées par décret en Conseil d'État » . Il s'agit là d'une restriction supplémentaire : actuellement, aucun texte réglementaire ne restreint la faculté des CTI et des CPDE de choisir l'affectation à telle ou telle opération du produit de la taxe, pourvu que celle-ci entre dans le large périmètre de leurs missions.
2. Le rôle de la DGFiP dans le contrôle et le recouvrement en cas de non-paiement des taxes
Deuxièmement, le présent article harmonise les procédures de recouvrement, de contrôle et de recours applicables à l'ensemble des taxes affectées .
Il est précisé que le paiement des taxes intervient au moment du dépôt de la déclaration. Le modèle de cette déclaration serait établi par arrêté du ministre chargé de l'industrie, et non plus par le CTI ou le CPDE comme c'est le cas actuellement.
Surtout, si le recouvrement demeurerait comme aujourd'hui assuré par les CTI et les CPDE eux-mêmes, il est proposé que la direction générale des finances publiques (DGFiP) prenne le relais en cas de non-paiement de la taxe par les entreprises redevables .
Plus précisément, la procédure applicable lorsque la déclaration est déposée par l'entreprise sans le paiement correspondant serait la suivante :
- au moment du dépôt de la déclaration sans le paiement, les directeurs des CTI et des CPDE, ou leurs représentants, adressent au redevable par lettre recommandée avec avis de réception un rappel l'informant que le montant de la taxe est majoré de 10 % lorsque le paiement intervient plus de dix jours après la date limite de déclaration ;
- à défaut de paiement dans les trente jours après réception de cette lettre, un titre de perception est émis par l'organisme (CTI ou CPDE), visé par le contrôleur général économique et financier et rendu exécutoire par le préfet du département du débiteur ;
- le recouvrement de ce titre est alors effectué par le comptable compétent de la DGFiP, « selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les impôts directs » . Pour les sommes recouvrées par la DGFiP, des frais de perception sont prévus ; leur taux est fixé par arrêté du ministre chargé du budget, dans la limite de 5 % des sommes recouvrées.
En cas de non dépôt de la déclaration par l'entreprise redevable, une procédure similaire est prévue. Plus précisément, le CTI ou le CPDE chargé du recouvrement adresse une lettre de mise en demeure à l'entreprise lui enjoignant de régulariser sa situation. À défaut de régularisation dans un délai de trente jours à compter de la réception de cette mise en demeure, il est procédé à une taxation d'office , sur la base du chiffre d'affaires ou du volume des produits commercialisés, avec une majoration de 40 % du montant des droits. Le recouvrement est effectué par les services de la DGFiP dans les conditions exposées ci-dessus . Le titre de perception est émis par le CTI ou le CPDE trente jours après réception par le redevable de la réponse à ses observations, ou, en l'absence d'observations, trente jours après la date de notification des rectifications, ou, en cas de taxation d'office, trente jours après la notification des droits.
Aux termes du présent article, le contrôle des déclarations relève aussi de l'administration fiscale, et non plus des CTI et CPDE . Lorsque la DGFiP constate une insuffisance, une inexactitude ou une omission, les rectifications correspondantes sont notifiées au redevable qui dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. Les droits notifiés sont assortis d'une majoration de 10 %. La DGFiP peut faire usage de son droit de communication pour demander aux redevables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations déposées, sous réserve des garanties relatives au secret professionnel.
Le présent article prévoit également les dispositions suivantes, qui se rapprochent du droit commun des procédures fiscales tout en tenant compte des spécificités des taxes affectées et de leur procédure particulière de recouvrement. Sur le fond, ces règles harmonisées diffèrent peu des règles actuelles :
- les organismes chargés du recouvrement (CTI et CPDE) peuvent exercer leur droit de reprise jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ;
- le délai de prescription de l'action en recouvrement de la DGFiP est de quatre ans à compter du jour où le titre de perception a été rendu exécutoire ;
- les taxes ne sont pas mises en recouvrement si leur montant annuel est inférieur à un certain seuil , fixé à 20 euros, 40 euros, 75 euros ou 500 euros selon les taxes concernées ;
- les réclamations contentieuses relatives à l'assiette de la taxe sont traitées par les directeurs des CTI ou CPDE ou leurs représentants, et sont « présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière d'impôts directs », c'est-à-dire notamment qu'elles relèvent du juge administratif ;
- les contestations relatives au recouvrement et aux poursuites sont « présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière d'impôts directs », c'est-à-dire qu'elles relèvent normalement du juge administratif.
Il convient de préciser que l'harmonisation proposée par le présent article ne concerne pas les règles d'assujettissement, d'assiette et de taux des taxes affectées , qui demeurent inchangées. Les redevables demeurent les entreprises fabriquant les produits recensés par la loi et l'arrêté « produits » du 22 janvier 2004.
Les autres modifications apportées par le présent article corrigent quelques ambiguïtés dans la définition de l'assiette des taxes affectées au centre technique des industries mécaniques (CETIM) et au centre technique des matériaux et composants pour la construction (CTMCC), et procèdent à des modifications rédactionnelles et de coordination .
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté vingt-huit amendements au présent article, chacun ayant reçu un avis favorable du Gouvernement :
- sept amendements de Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial, prévoyant que les missions des CTI pouvant être financées par le produit des taxes affectées sont « précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d'État pris en application de l'article L. 521-13 » du code de la recherche ». Ceci revient à préserver le rôle des conseils d'administration des CTI dans la détermination des missions pouvant être financées par les taxes affectées , comme c'est aujourd'hui le cas, le décret n'intervenant que de manière subsidiaire (et non plus exclusive comme dans la rédaction initiale) ;
- deux amendements identiques , déposés respectivement par Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial, et Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis, précisant que les missions pouvant être financées par les taxes affectées aux CPDE sont bien l'ensemble des missions confiées à ceux-ci en application de la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 , et non pas les seules missions de recherche et de transfert de technologie comme le prévoit le texte initial de l'article ;
- six amendements identiques , dont l'un à l'initiative de Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial, et l'un à l'initiative de Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis, visant à préserver le rôle des CTI et des CPDE dans le contrôle des déclarations des redevables , comme c'est actuellement le cas, sur la base d'un droit de communication spécifique aux filières professionnelles. L'intervention de l'administration fiscale dans le contrôle demeurerait possible mais subsidiaire , celle-ci conservant en revanche le rôle que lui confère le présent article en cas de non-paiement, de défaut de déclaration etc. ;
- trois amendements déposés par Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis, précisant que le modèle de déclaration est le formulaire Cerfa 54 ( * ) actuellement utilisé ;
- sept amendements déposés principalement par Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis, disposant que les missions attribuées par la loi aux CPDE sont le cas échéant précisées par le décret en Conseil d'État portant leur création ;
- trois amendements de précision relatifs à l'assiette et aux assujettis de certaines taxes affectées, adoptés à l'initiative de Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial.
IV. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Les missions de coopération et de mutualisation menées par les CTI et les CPDE jouent un rôle important pour le tissu économique français . En effet, les TPE et les PME, qui n'ont par définition qu'un accès restreint à l'innovation, peuvent compter sur les outils techniques et les compétences pointues de ces organismes pour trouver des relais de croissance - et ainsi favoriser l'emploi sur le territoire. En un mot, comme l'écrit notre collègue députée Clotilde Valter dans son rapport au Premier ministre, « les CTI ont fait leurs preuves ».
Plus particulièrement, les CTI et les CPDE sont appelées à jouer un rôle important dans le cadre du plan « Industrie du futur » annoncé par le Président de la République le 14 avril 2015.
Toutefois, en dépit de son utilité et de ses réussites, le système des CTI et des CPDE souffre d'un certain nombre de faiblesses qui tiennent à la conjonction entre, d'une part, l'étendue de leurs missions toujours plus diversifiées, et d'autre part, des ressources publiques contraintes , notamment par la baisse tendancielle des dotations budgétaires.
1. Vers la généralisation du financement par taxe affectée : une évolution souhaitable mais inachevée
Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux estiment que la création de trois nouvelles taxes affectées proposée par le présent article constitue un progrès significatif . Le passage d'une dotation budgétaire à une taxe affectée, conforme aux préconisations du rapport de Clotilde Valter, présente en effet plusieurs avantages :
- une pérennité et une stabilité des ressources financières des CTI : par contraste avec les dotations budgétaires qui sont en baisse tendancielle, les taxes affectées aux CTI produisent un rendement relativement constant (environ 135 millions d'euros ces dernières années pour les taxes existantes), en raison de la stabilité de leurs assiettes ;
- une contribution des acteurs étrangers, dans la mesure où les produits importés sont inclus dans l'assiette des taxes affectées ;
- absence d'impact sur le solde du budget de l'État ;
- une plus grande implication des acteurs de la filière - fédérations et chefs d'entreprise - dans les décisions prises par les CTI, le paiement d'une taxe et plus généralement le consentement à l'impôt créant un lien plus étroit qu'une dotation budgétaire.
Cette solution fait d'ailleurs l'objet d'un large consensus au sein des professions concernées . L'évaluation préalable signale que la fédération nationale des industries des corps gras (FNCG) a formellement donné son accord sur le paiement d'une taxe affectée par une lettre du 10 juillet 2015, tandis que le conseil d'administration de la fédération Forge-Fonderie a émis un avis favorable le 18 décembre 2013. La fédération de la plasturgie et des composites a également informé vos rapporteurs spéciaux du plein soutien qu'elle apporte à ce dispositif, soulignant que « la création de cette taxe affectée a fait l'objet d'un consensus large », et que « le périmètre de la taxe a été établi en commun accord avec les représentants des autres secteurs industriels, afin d'éviter tout effet de bord éventuel (double taxation etc.) ».
Par ailleurs, la création de ces trois taxes affectées est conforme aux orientations fixées par l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 55 ( * ) :
- le I de cet article définit les critères justifiant l'institution ou le maintien d'une imposition de toutes natures affectée à des tiers. Il est notamment prévu qu' une taxe affectée est justifiée dès lors que « la ressource finance, an sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions d'intérêt commun » , ce qui est le cas ici : la taxe affectée repose sur les entreprises qui sont les bénéficiaires des services rendus par les CTI. Elle est une quasi-redevance qui répond à une logique de mutualisation des ressources ;
- le III de cet article prévoit que les taxes affectées à des tiers doivent être plafonnées, ce qui est effectivement le cas (cf. article 14 du présent projet de loi de finances modifiant l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances initiale pour 2012). Certes, le II du même article 16 prévoit également que la création d'une nouvelle taxe affectée s'accompagne de la suppression d'une ou plusieurs taxes affectées d'un rendement équivalent. Si aucune taxe affectée n'est supprimée dans le projet de loi de finances pour 2016, l'esprit de la loi est respecté dans la mesure où le plafond de la taxe affectée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) est diminué à hauteur de 130 millions d'euros 56 ( * ) - soit un montant largement supérieur aux 10,3 millions d'euros que devraient produire les trois nouvelles taxes en régime de croisière.
Trois remarques peuvent être faites.
Premièrement, le principe du plafonnement est une chose, mais la fixation de son juste niveau en est une autre . Les montants retenus à l'article 14 du projet de loi de finances sont calculés, ce qui est normal, pour maintenir constantes les recettes des CTI et des CPDE par rapport à l'année dernière. À cet égard, vos rapporteurs spéciaux appellent à un réexamen attentif des plafonds dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 , afin de tenir compte des nouvelles conditions financières des CTI et des CPDE au regard de l'évolution de leurs missions d'intérêt général et de la dynamique des différentes filières industrielles.
Deuxièmement , dans la mesure où le financement par taxe affectée semble être la solution la plus adaptée au modèle des CTI et des CPDE, vos rapporteurs appellent à engager la transition vers le modèle de la taxe affectée pour les organismes qui demeurent financés par une dotation budgétaire , à savoir l'institut français du textile et de l'habillement (IFTH), l'institut français de la mode (IFM), l'institut technologique Forêt-Cellulose-Bois-Construction-Ameublement (FCBA), le centre technique de la teinture et du nettoyage (CTTN), et le centre technique du papier (CTP).
Troisièmement, la généralisation du modèle de la taxe affectée n'est pas exclusive d'un regroupement de certains CTI et CPDE à moyen terme , comme l'envisage le rapport de Clotilde Valter, afin de mutualiser leurs moyens et d'approfondir les synergies existantes. Ceci permettrait de diminuer le nombre de taxes affectées. On notera par ailleurs que certaines filières industrielles ne sont à ce jour rattachées à aucun CTI, notamment en raison de leur apparition récente : celles-ci pourraient alors être rattachées à un CTI existant. C'est par exemple le cas des techniques de « fabrication additive », également connue sous le nom d'impression 3D , qui ont notamment des applications en matière de métaux mais ne relèvent pas du procédé de fonderie.
2. L'harmonisation des procédures : la nécessité de préserver le rôle des CTI et des CPDE dans le contrôle des déclarations
Vos rapporteurs spéciaux approuvent également l'harmonisation de la procédure de recouvrement des taxes affectées aux CTI et aux CPDE . Le recouvrement demeurerait comme aujourd'hui assuré par les organismes professionnels, qui disposent de l'expérience et de l'expertise nécessaires (eu égard notamment à la complexité des assiettes), mais serait renforcé par les nouvelles missions confiées à la DGFiP en cas de non-paiement, et sécurisé par l'application des procédures fiscales de droit commun .
En revanche, l'harmonisation des procédures de contrôle et leur transfert à la DGFiP apparaissent moins souhaitables , pour deux raisons. D'une part, le système actuel de contrôle des déclarations des redevables, qui est exercé par les CTI et les CPDE eux-mêmes, a largement fait ses preuves, comme l'a rappelé notre collègue député Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial : « l'efficacité du droit de communication dont bénéficient les CTI et les CPDE a été amplement démontrée en pratique. Nous sommes favorables au maintien de cette procédure qui améliore les conditions dans lesquelles la taxe est recouvrée en permettant aux établissements collecteurs, préalablement à tout contrôle éventuel de l'administration des impôts, de recueillir toutes les informations nécessaires à la vérification des déclaration ». Il s'agit là, de fait, d'un élément important de la bonne organisation des filières et de l'acceptation de l'impôt par les professionnels. D'autre part, il n'est pas opportun de confier à la DGFiP, dont les effectifs diminuent cette année encore de 2 130 ETP, de nouvelles tâches de contrôle - et ceci d'autant que les assiettes des taxes affectées sont particulièrement complexes.
À cet égard, vos rapporteurs spéciaux estiment que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, qui rétablissement le rôle des CTI et des CPDE dans le contrôle des déclarations des redevables , constituent une modification bienvenue du texte initial.
3. Les opérations financées par les taxes affectées : la nécessité d'un périmètre large au service des filières économiques
Enfin, le point du texte initial qui a suscité les réserves les plus importantes de la part des CTI et des CPDE, et également de certains professionnels 57 ( * ) , est la limitation des missions pouvant être financées par les taxes affectées aux seules missions de recherche, de développement et de transfert de technologie , à l'exclusion de toute autre, les opérations éligibles étant précisées par décret en Conseil d'État.
Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'une telle restriction n'est pas opportune . En effet, les CTI et plus encore les CPDE mènent un grand nombre d'actions au bénéfice de leurs filières, qui, selon les spécificités propres à chaque secteur, dépassent largement les seules actions à caractère scientifique et technique . On citera par exemple les actions de promotion en France et à l'étranger, les aides à l'exportation, ou encore le soutien aux jeunes entreprises innovantes. Ces aides sont d'une importance cruciale pour des filières composées d'un grand nombre de PME et qui font face à une concurrence internationale est exacerbée .
À titre d'exemple, le comité Francéclat (horlogerie, bijouterie, joaillerie etc.) consacre près de 70 % de son budget à la promotion de ses produits en France et à l'international. La fédération française de prêt-à-porter féminin souligne quant à elle dans un courrier transmis à vos rapporteurs spéciaux qu'avec la restriction des missions du comité de développement et de promotion de l'habillement (DEFI) finançables au moyen de la taxe affectée « l'ensemble des actions collectives de soutien à l'exportation de nos professions mais aussi les actions de promotion de la place de Paris comme capitale de la mode (...) qui ne trouveront plus de financement ». Il en va de même pour le centre technique du cuir (CTC), qui est à la fois un CTI et un CPDE.
Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux vous avaient initialement proposé un amendement visant à permettre que les taxes affectées aux CTI et aux CPDE financent des actions d'intérêt général correspondant à l'ensemble des missions qui leurs sont dévolues par la loi , et non plus seulement des actions de recherche, de développement et de transfert de technologie.
Toutefois, l'objet de cet amendement a été satisfait par les modifications apportées par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire :
- d'une part, la précision que les taxes affectées aux CPDE peuvent bien financer l'ensemble des missions confiées à ceux-ci en application de la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 , et non pas les seules missions de recherche et de transfert de technologie comme le prévoit le texte initial de l'article. D'après les auteurs de ces amendements, la restriction du texte initial de l'article résultait en fait d'une erreur rédactionnelle ;
- d'autre part, la préservation du rôle des conseils d'administration des CTI dans la détermination des missions pouvant être financées par les taxes affectées , comme c'est aujourd'hui le cas, le décret n'intervenant que de manière subsidiaire (et non plus exclusive comme dans la rédaction initiale).
Ces précisions permettent de maintenir le lien nécessaire entre la gouvernance professionnelle des CTI et des CPDE et les missions que ceux-ci peuvent exercer . Pour mémoire les conseils d'administration des CTI et des CPDE sont constitués de chefs d'entreprises, de représentants des salariés, de représentants techniques et de personnalités qualifiées.
Enfin, dès lors que les taxes affectées sont plafonnées, le risque de dérive financière est écarté : si les CTI et les CPDE venaient à élargir encore leurs actions au service des entreprises, elles devraient alors financer celles-ci par leurs recettes commerciales, ou le cas échéant par une contribution volontaire obligatoire (CVO) instituée au niveau de la filière.
V. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances n'a pas souscrit à l'analyse présentée par les rapporteurs spéciaux et vous propose de d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.
ARTICLE 53 bis (Art. L. 621-5-3 du code monétaire et financier) - Harmonisation d'une contribution due à l'AMF à l'occasion d'une émission
Commentaire : le présent article vise à corriger une différence de traitement entre les titres donnant accès au capital d'une part, et les parts sociales et certificats mutualistes d'autre part, pour le calcul de la contribution due à l'autorité des marchés financiers (AMF) à l'occasion d'une opération d'émission, de cession ou d'introduction.
I. LE DROIT EXISTANT
L'Autorité des marchés financiers (AMF), autorité publique indépendante créée par la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 58 ( * ) , dispose de l'autonomie financière. Son financement est assuré par le produit de diverses contributions dues, prévues à l'article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, et assises sur l'activité des émetteurs de la place de Paris.
En l'espèce le 2° du II de l'article L. 621-5-3 précité prévoit une contribution exigible à l'occasion de la soumission d'un document d'information sur une émission, une cession dans le public ou une introduction sur un marché réglementé , soumis au visa de l'AMF, en application l'article L. 621-8 du code monétaire et financier.
Celle-ci est assise sur la valeur des instruments financiers, des parts sociales 59 ( * ) ou des certificats mutualistes 60 ( * ) lors de l'opération. Son taux, fixé par décret, ne peut être supérieur à 0,2 pour mille lorsque l'opération porte sur des titres pouvant donner accès au capital, et, depuis la loi du 29 décembre de finances rectificative pour 2014 61 ( * ) , sur des parts sociales ou des certificats mutualistes. Il ne peut être supérieur à 0,05 pour mille lorsque l'opération porte sur des titres de créance.
Actuellement, deux situations sont prévues :
- lorsqu'il s'agit d'une opération donnant accès ou pouvant donner accès au capital d'une entité, le montant de cette contribution ne peut être inférieur à 1 000 euros ;
- dans les autres cas, le montant de cette contribution ne peut être supérieur à 5 000 euros.
Dès lors, il existe une différence de traitement entre les titres donnant accès au capital d'une part, qui relèvent du plancher de 1 000 euros, et les parts sociales et certificats mutualistes d'autre part, qui relèvent du plafond de 5 000 euros.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Afin de corriger cette différence de traitement, le présent article vise à étendre aux opérations concernant les parts sociales et les certificats mutualistes le plancher de 1 000 euros de la contribution due par l'émetteur de titres donnant accès au capital.
Cet article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté avec l'avis favorable de la commission des finances.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article constitue une mesure de cohérence qui vise à harmoniser, et donc à rendre plus lisible et équitable, un régime juridique complexe qui s'applique à différents types d'opérations financières.
En outre, il contribue à la sécurisation du financement de l'AMF puisqu'il augmenterait ses recettes en établissant un montant minimal - et non plus maximal - pour les contributions qui ont fait l'objet d'une harmonisation dans la loi du 29 décembre de finances rectificative pour 2014.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 28 La tutelle de CCI France est assurée par la direction générale des entreprises (DGE), ancienne direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS). La tutelle des chambres consulaires est assurée par le préfet de région.
* 29 Le réseau des CCI comprend 29 écoles supérieures de commerce, 56 écoles de gestion et de commerce ainsi que 10 écoles d'ingénieurs.
* 30 Source : rapport d'information n° 3064 du 16 septembre 2015 de Monique Rabin et Catherine Vautrin, en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.
* 31 L'article 14 du projet de loi de finances pour 2016 prévoyait dans sa version initiale un plafond de 356 117 000 euros pour ta TA-CVAE, en baisse de 150 millions d'euros par rapport à 2015. Sur proposition de Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, l'Assemblée nationale a adopté un amendement modérant la baisse de 20 millions d'euros, soit un plafond de 376 117 000 euros pour une baisse de 130 millions d'euros par rapport à 2015.
* 32 Hors prélèvement en faveur de France Télécom. Ce prélèvement, institué en 2003 en compensation de l'assujettissement de France Télécom aux impositions directes locales et taxes additionnelles dans les conditions de droit commun, est constant depuis 2010, à 29 millions d'euros.
* 33 Article 51 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances initiale pour 2014.
* 34 Article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances initiale pour 2015.
* 35 Rapport du Contrôle général économique et financier (CGEFi) sur l'impact de la réduction des ressources fiscales affectées aux chambres de commerce et d'industrie, établi en application de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances initiale pour 2015.
* 36 La rédaction proposée modifie uniquement les dispositions relatives à la seconde méthode de répartition de la TA-CVAE, c'est-à-dire dans le cas où son produit est inférieur à la base historique de 554 millions d'euros (cf. supra ). Ceci dit, cette rédaction ne semble pas poser problème dans la mesure où cette situation est appelée à perdurer. Dans le cas éventuel où le produit de la TA-CVAE dépasserait à nouveau le montant de 554 millions d'euros, une répartition en fonction de la valeur ajoutée imposée sur chaque territoire s'appliquerait de toute façon.
* 37 Cet article donne la liste des missions de CCI France, qui sera chargée de la gestion du FMRSF.
* 38 Rapport d'information n° 3064 du 16 septembre 2015 de Monique Rabin et Catherine Vautrin, en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.
* 39 À cet égard, de premiers éléments sont fournis par le rapport du Contrôle général économique et financier (CGEFi) sur l'impact de la réduction des ressources fiscales affectées aux chambres de commerce et d'industrie, établi en septembre 2015 en application de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances initiale pour 2015. Toutefois, une évaluation approfondie ne pourra avoir lieu que sur la base des conventions d'objectifs et de moyens (COM) signées entre les CCIR et l'État au cours de l'année 2015, qu'il est encore trop tôt pour évaluer.
* 40 Recommandation n° 1 du rapport n° 712 (2013-2014) fait par Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et de la commission des affaires économiques du Sénat, « Réforme des chambres de commerce et d'industrie : des résultats régionaux contrastés », déposé le 9 juillet 2014.
* 41 Source : rapport d'information n° 3064 du 16 septembre 2015 de Monique Rabin et Catherine Vautrin, en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.
* 42 L'alinéa suivant est ainsi rédigé : « À cet effet, notamment, ils coordonnent et facilitent les initiatives. Ils exécutent ou font exécuter les travaux de laboratoire et d'ateliers expérimentaux indispensables, et en particulier, dans le cadre de la législation existante et en accord avec les organismes habilités à cette fin, ils participent aux enquêtes sur la normalisation et à l'établissement des règles permettant le contrôle de la qualité. Ils font profiter la branche d'activité intéressée des résultats de leurs travaux ».
* 43 Les CTI sont également soumis au contrôle économique et financier de l'État et, en tant qu'organismes bénéficiant de ressources publiques, aux vérifications de l'inspection générale des finances (IGF) et de la Cour des comptes.
* 44 Auxquels s'ajoutent deux CTI suivis par le ministère de l'écologie et huit centres techniques relevant du ministère de l'agriculture.
* 45 Source : fédération de la plasturgie et des composites.
* 46 Également appelé centre technique de la plasturgie et des composites.
* 47 Le rapport de Clotilde Valter remis au Premier ministre le 7 octobre 2014 précise toutefois que « cette demande ne fait pas complétement l'unanimité dans la profession, le syndicat de la plasturgie pour le BTP de même que le syndicat national des entreprises de l'emballage plastique et souple (ELIPSO qui n'est plus membre de la fédération de la Plasturgie est des composites) ont fait connaître spontanément leur opposition auprès de la mission. Pour autant, c'est un projet très intéressant et porteur pour la filière et en même susceptible d'engager un processus de coopération transversale avec d'autres filières dont par exemple la mécanique et les matériaux de construction ».
* 48 Action n° 03 « Action en faveur des entreprises industrielles » du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».
* 49 Source : projet de loi de finances pour 2008 et projet de loi de finances pour 2015 (AE = CP).
* 50 Source : projet de loi de finances pour 2016 (AE = CP).
* 51 Le comité professionnel des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB) et l'institut technologique forêt-cellulose-bois-construction-ameublement (FCBA) sont également en partie financés par une contribution volontaire obligatoire (CVO), décidée et collectée par les fédérations professionnelles.
* 52 Certaines taxes affectées bénéficient à plusieurs CTI, ce qui explique qu'il n'en existe que six.
* 53 Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.
* 54 Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs.
* 55 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
* 56 L'article 14 du présent projet de loi de finances prévoyait une baisse de 150 millions d'euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) affectée aux CCI. Celle-ci a été atténuée de 20 millions d'euros, soit une baisse de 130 millions d'euros, par un amendement de l'Assemblée nationale. Pour mémoire, le plafond de la TACVAE a connu trois diminutions consécutives en 2013, 2014 et 2015.
* 57 À titre d'exemple, la Fédération des industries mécaniques a ainsi fait état de sa crainte que « cette nouvelle rédaction n'entraîne la rupture d'un équilibre historique trouvé dans le fonctionnement [des CTI] entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics », les professionnels du secteur étant « très attachés à une gouvernance reposant sur leur conseil d'administration »..
* 58 Article 1 er de la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière.
* 59 Les parts sociales sont régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Une part sociale désigne l'unité de division du capital des sociétés de personnes (sociétés à responsabilité limitée - SARL, commandite simple) et des sociétés civiles. Elle se distingue de l'action, unité de division du capital des sociétés de capitaux.
* 60 Les certificats mutualistes ont été créés par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et permettent aux sociétés d'assurance mutuelles et aux sociétés de groupe d'assurance mutuelle d'émettre de tels titres auprès de leurs sociétaires, des sociétaires des entreprises appartenant au même groupe d'assurance et de certaines sociétés et groupes d'assurance mutuelle, afin d'alimenter leur fonds d'établissements (art. L. 322-26-8 du code des assurances).
* 61 Articles 22 et 23 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.