III. DES RESSOURCES EXTRA-BUDGÉTAIRES SUR LESQUELLES LE PARLEMENT NE DISPOSE SOUVENT QUE D'UNE INFORMATION LIMITÉE, VOIRE INEXISTANTE

Entendu par la commission des finances du Sénat le mercredi 30 septembre 2015, le secrétaire d'État au budget a souligné qu'il convenait de ne pas réduire l'action du Gouvernement en faveur de l'environnement aux seuls crédits budgétaires : « « Pourquoi mesurer l'action du Gouvernement sur l'environnement uniquement à l'aune du budget du ministère ? N'oubliez pas le fonds de financement de la transition énergétique doté d'un milliard et demi d'euros, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui aura coûté 900 millions d'euros au lieu des 800 millions d'euros attendus. L'an prochain, il devrait s'élever à 1,4 milliard d'euros. (...) La contribution au service public de l'électricité (CSPE) passera de 7 milliards d'euros en 2015 à 8,2 milliards d'euros en 2016 » 12 ( * ) .

Il est vrai que la transition écologique et énergétique bénéficie d'un certain nombre de ressources extrabudgétaires, d'un montant très significatif, à commencer par les dépenses fiscales.

Pour autant, le Parlement ne dispose que d'une information restreinte, voire inexistante, sur l'évolution et l'efficacité de certains de ces moyens .

A. LES DÉPENSES FISCALES

Le montant des dépenses fiscales sur impôts d'État ou sur impôts locaux prises en charge par l'État rattachées à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports est estimé à 4,5 milliards d'euros en 2016 13 ( * ) .

Dépenses fiscales de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales sur impôts d'État ou sur impôts locaux prises en charge par l'État contribuant de manière principale ou subsidiaire aux programmes de la mission « EDMD » hors transports

Chiffrage initial 2015

Chiffrage révisé 2015

Chiffrage 2016

Exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en faveur des successions et donations pour les propriétés non bâties situés dans les sites Natura 2000, les réserves naturels et autres sites remarquables

2

5

5

Réduction d'impôt sur le revenu (IR) sur les dépenses réalisées sur certains espaces naturels pour le maintien et la protection du patrimoine naturel

0,5

1

1

Exonération en faveur des parcelles Natura 2000

1

1

1

Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) - 620 en 2014

890

900

1 400

Taux réduit de taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone

-

120

235

Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre de la directive 2003/87/CE

nc 14 ( * )

82

182

Réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel à l'état gazeux destiné à être utilisé comme carburant repris à l'indice 36 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes

44

126

127

Taux réduit de TIC pour les butanes et propanes utilisés comme carburant sous condition d'emploi

110

105

104

Taux réduit de TIC sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL)

104

77

65

Taux de 5,5 % pour la fourniture par réseaux d'énergie renouvelable

40

50

50

Exonération de TIC sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d'affaires

3

7

11

Exonération des produits de la vente d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil

2

2

2

Exonération de TICPE pour l'électricité produite à bord des bateaux

nc

nc

nc

Exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés pour les besoins de l'extraction et de la production du gaz naturel

nc

nc

nc

Exonération des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie et des sociétés agréées pour le financement des télécommunications

nc

nc

nc

Dégrèvement égal au quart des dépenses à raison des travaux d'économie d'énergie, sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte (SEM)

150

100

150

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés

1 770

1 120

1 120

Dépenses engagées à raison de travaux dans le cadre de la prévention des risques technologiques

1

1

1

Déduction de dépenses de réparation et d'amélioration

900

960

960

Exonération des intérêts des livrets de développement durable

200

195

150

Total

4 217,5

3 852,0

4 514,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexés aux projets de lois de finances pour 2015 et 2016

À la lecture du tableau, on constate que certaines de ces dépenses fiscales ne répondent pas à une logique favorable à l'environnement . En outre, on relève l'écart très sensible existant entre la prévision initiale du coût des dépenses fiscales de la mission pour 2015, à hauteur de 4 217,5 millions d'euros, et le montant actualisé , à hauteur de 3 852 millions d'euros. Entre la prévision et l'exécution, le coût des dépenses fiscales diminue ainsi de 8,7 % (- 365,5 millions d'euros).

Or, le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016 ne fournit aucune explication sur l'évolution du montant des dépenses fiscales par rapport à la prévision .

Part du CITE et du taux de TVA à 5,5 % en faveur des travaux de rénovation énergétique dans le coût total des dépenses fiscales de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016

De la même manière, on observe une hausse de 17 % du coût des dépenses fiscales entre 2015 et la prévision pour 2016 (+ 662 millions d'euros). Celle-ci tient principalement à l'explosion du coût du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui a remplacé le crédit d'impôt développement durable (CIDD) en 2015 (+ 56 %).

Alors que le coût du CIDD avait été contenu depuis 2013, repassant sous le milliard d'euros (673 millions d'euros en 2013), les dernières réformes opérées sur ce dispositif ont induit une nouvelle progression forte de ces dépenses .

Cette situation appellerait au minimum des éléments d'information relatifs à l'efficacité de ce crédit d'impôt , d'autant plus que l'article 40 du projet de loi de finances pour 2016 prévoit sa prorogation pour une durée d'un an 15 ( * ) .

Votre rapporteur spécial relève à cet égard qu'une étude de l'UFC-Que Choisir présentée le 28 octobre 2015 dresse un réquisitoire sévère contre ce dispositif dont elle pointe l'inefficacité 16 ( * ) .

De façon plus générale, aucune explication n'est fournie, ni sur la prévision, ni sur l'efficacité des dépenses fiscales rattachées à la mission.

Enfin, trois dépenses fiscales ne font l'objet d'aucune information sur leur chiffrage.

Au vu de ces différentes carences, votre rapporteur spécial invite le Gouvernement à enrichir les documents budgétaires d'une information relative à l'estimation du coût des dépenses fiscales et à l'évaluation de leur efficacité.

C'est aussi pour répondre à cette problématique que votre commission des finances a sollicité la réalisation d'une enquête de la Cour des comptes au titre de l'article 58-2 de la LOLF relative à l'efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable .


* 12 Compte-rendu de l'audition de Michel Sapin et Christian Eckert sur le projet de loi de finances pour 2016 devant la commission des finances du Sénat le mercredi 30 septembre 2015.

* 13 Le tableau ci-après ne mentionne pas les dépenses fiscales dont le montant est inférieur à 0,5 million d'euros.

* 14 13 millions d'euros en 2014.

* 15 Pour mémoire, l'article 23 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 dispose que « pour toute mesure, entrée en vigueur pour une durée limitée à partir du 1 er janvier 2015, de création ou d'extension d'une dépense fiscale (...) le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années. Cette évaluation présente notamment les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et apporte des précisions sur son efficacité, sa contributions aux indicateurs de qualité de vie et de développement durable (...), son impact sur l'emploi, l'investissement et la transition écologique et énergétique et son coût ».

* 16 « Rénovation énergétique des logements : le crédit d'impôt, une mesure à grand frais qui manque sa cible environnementale », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2015.

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