EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 14 octobre 2015, sous la présidence de M. Jacques Gautier, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Gournac sur le projet de loi n° 559 (2014-2015) autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs états membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part, adopté le 25 juin 2015 par l'Assemblée nationale après déclaration de la procédure accélérée.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau . - Je suis tout à fait d'accord avec vous, la Géorgie a une excellente opinion de la France. C'est un petit pays qui compte 3,7 millions d'habitants et représente donc un petit marché. Avez-vous une idée des perspectives d'évolution des investissements en Géorgie ?

M. Alain Gournac, rapporteur . - Certes, ce pays est petit, mais ce n'est pas tant la taille du marché qui importe que la stabilité régionale que cet accord d'association pourrait contribuer à installer. S'agissant des perspectives d'investissement en Géorgie, je crois réellement au potentiel agricole de ce pays. Je pense qu'il est tout à fait possible de développer les exportations de vins géorgiens et les eaux minérales qui bénéficiaient d'une grande renommée avant l'effondrement de l'empire soviétique. J'insiste de plus sur la nécessité de stabiliser les règles juridiques applicables dans une zone, c'est cela qui permet de développer les investissements.

M. Michel Billout . - Mes chers collègues, je ne vous cacherai pas que le groupe communiste n'a que peu d'appétence pour ce type d'accord d'association qui insiste avant tout sur la libéralisation économique. Sommes-nous certains de l'adhésion des peuples concernés ? La question se posait déjà pour la Moldavie. Cela nous avait conduits à nous abstenir, considérant qu'il y avait une adhésion importante du peuple moldave. Dans le cas de l'Ukraine, la question était encore différente tant l'impact politique de la signature de cet accord d'association a été immense, notamment en termes de relations avec son voisin russe. Le moment de la signature de cet accord d'association était mal choisi, le président Poutine ayant pu y voir une provocation, voire une agression contre sa population. Il me semble que l'accord d'association avec la Géorgie a le même défaut. Nous ne sommes pas en Ukraine mais nous sommes tout de même dans la région du Caucase. Il existe là encore des conflits gelés qui, dans le contexte actuel que connaissent la Syrie et l'Irak d'une part, et la Turquie d'autre part, ne doivent pas être négligés. Mon groupe s'opposera à ce projet de loi.

Mme Josette Durrieu . - Pour répondre à l'intervention de mon collègue, je voudrais rappeler que nous avons à faire à des peuples indépendants, responsables des choix qu'ils font. Je me dis que les propositions d'associations qui ont été faites aux pays du Partenariat oriental pourraient peut-être être faites également à la Russie. Cela mettrait un terme aux interrogations que nous nous posons sur les accords d'association avec la Moldavie, l'Ukraine et la Géorgie. Je note que ces accords d'association excluent les conflits gelés, les deux territoires concernés ayant de plus des statuts différents, l'un étant reconnu comme indépendant par la Russie, l'autre ne l'étant pas. Si l'on veut que ces conflits se « dégèlent », cela ne se fera, au vu des expériences précédentes, que par le biais de l'ouverture économique. J'ai notamment pu le constater lors d'une mission à la frontière entre l'Ukraine et la Transnistrie où la volonté de poursuivre les échanges économiques a largement influencé les comportements des acteurs en place.

M. Jacques Gautier . - Je voudrais tout d'abord saluer le travail de notre rapporteur. On voit bien une demande forte et une appétence réelle des pays frontaliers de la Russie à se tourner vers l'Union européenne mais aussi vers l'OTAN. Nos positions sont très claires à ce sujet : nous ne soutiendrons l'adhésion de ces pays ni à l'Union ni à l'OTAN. Pour autant, il convient de leur proposer des perspectives porteuses d'espoir. Cet accord association me semble aller dans le bon sens, il offre des perspectives économiques et une réelle reconnaissance à ces pays. Je reviens de la session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN) qui s'est tenue à Stavanger, en Norvège, du 9 au 12 octobre. La délégation française, que je conduisais, a pu constater la pression exercée par la Géorgie et l'Ukraine pour adhérer à l'OTAN. Nous sommes constants dans nos positions, et nous nous y opposons. Ce n'est pas le moment d'agiter ce qui sera perçu comme une provocation. L'OTAN va en revanche intégrer le Monténégro l'année prochaine, comme l'a recommandé l'AP-OTAN. Nous ne pouvons pas aller dans ce sens pour les pays du Caucase mais nous pouvons comme le propose l'OTAN à l'Ukraine ou à la Géorgie mettre en place un partenariat renforcé. La démarche de cet accord d'association avec l'Union obéit à la même logique de partenariat politique et économique renforcé. Je suis donc très favorable à cet accord.

Mme Gisèle Jourda . - Je suis également totalement favorable à cet accord même si je me pose des questions. Ils ont été mis en évidence par notre collègue rapporteur, je pense notamment à la limite d'application de l'accord d'association qui exclut les territoires concernés par les conflits gelés. Je me demande quel est le ressenti de la population de ces territoires tout en ayant conscience qu'il ne faut pas donner à la Russie l'argument d'une nouvelle provocation sur ces questions.

M. Jeanny Lorgeoux . - Nous sommes tous favorables à la signature d'accords d'association qui permette de soutenir le développement économique de ces pays. Les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption doivent être suivis avec attention. L'économie souterraine -voire mafieuse- est une réalité.

Mme Nathalie Goulet . - Je rappelle que l'accord association concerne également la lutte contre le terrorisme et comporte des mesures fiscales. La lutte contre le terrorisme est un point essentiel quand on connaît la porosité de la frontière géorgienne avec la frontière tchétchène. Il me semble également important de souligner que cet accord d'association vient à point nommé alors que le clergé géorgien est hostile aux musulmans, la Géorgie étant un pays chrétien, dont les voisins sont musulmans. La Géorgie dépend énergétiquement de ses voisins à cause de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, elle est sous perfusion financière notamment de son voisin turc, il est donc important que l'association avec l'Union européenne rééquilibre les forces dans cette zone. La deuxième chose que je voulais souligner, c'est la politique de non visa de la Géorgie, qui permet à un flux d'affaires légales, mais aussi illégales, de se développer. Enfin, il est très important que le report dans le temps de l'application des dispositions de l'accord d'association aux territoires concernés par les conflits gelés n'entraîne pas la reconnaissance de l'occupation de ces territoires. Ce ne sont pas les conflits qui sont gelés mais les solutions.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Lors d'une mission en Géorgie, nous avions rencontré un responsable géorgien chargé du suivi des activités de la mafia géorgienne, qui étend ses activités jusqu'en métropole parisienne. Dans le cadre des travaux de la commission des affaires européennes, j'ai proposé que soit étudiée la philosophie du partenariat oriental. Lors d'une visite dans cette zone, effectuée avec le Président de la République française, je l'ai entendu s'étonner du fait que l'Ukraine ne signe pas réciproquement des accords avec la CEI. Il existe des tensions fortes sur les accords d'association avec l'Union européenne, dont on peut comprendre la logique. Je suis beaucoup plus nuancé sur les partenariats mis en place entre l'Ukraine et l'OTAN ou entre la Géorgie et l'OTAN alors que j'ai en tête les termes de l'accord entre les présidents Bush et Gorbatchev qui prévoyait que l'OTAN s'arrête aux frontières de l'ancien empire soviétique.

M. Alain Gournac , rapporteur . - En réponse à vos interrogations, je me dois de souligner que son volet économique ne résume pas cet accord. La mise en place de cet accord a favorisé une réforme du parquet destinée à accroître son indépendance, une réforme de la détention administrative et de la situation des prisonniers. La police a également été réformée, une loi anti discrimination a été adoptée, etc.

Il faut également noter que 85 % des Géorgiens soutiennent l'adhésion de leur pays à l'Union européenne et 78 % de la population est favorable à l'adhésion à l'OTAN. J'avoue pour ma part être réservé sur l'ouverture récente d'un centre d'entraînement de l'OTAN à proximité de Tbilissi, je crains que Moscou n'y voie une provocation.

Il est certain que la mafia géorgienne existe et que des progrès doivent encore être réalisés dans ce domaine. La Géorgie est toutefois sur la bonne voie comme le prouve sa progression de six places dans le classement « Doing business » entre 2013 et 2015. C'est un pays que je connais depuis 20 ans, un pays que je vois avancer vers la démocratie. Il faut donner de l'espoir à ce peuple. J'y contribue -modestement- notamment en créant des bibliothèques françaises grâce au soutien d'Emmaüs. Mes chers collègues, il ne faudrait pas donner un mauvais signal à ce peuple, nous ne devons pas être des donneurs de leçons au monde mais nous devons soutenir la progression de la Géorgie en ratifiant cet accord association.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté sans modification le projet de loi, M. Billout et Mme Demessine votant contre.

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