III. LES POINTS DE VIGILANCE ET LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
A. UNE ACTUALISATION DONT LA VÉRITÉ SERA DANS L'EXÉCUTION : LES LEVIERS DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
Les ajustements de notre outil de défense et, en particulier, le rehaussement des moyens financiers et humains de celui-ci auxquels tend à procéder le présent projet de loi ne trouveront la confirmation de leur pertinence qu'à l'épreuve des faits. Votre commission, dans le cadre de son activité habituelle de contrôle de l'action conduite par le Gouvernement, entend bien évidemment exercer la plus grande vigilance sur la manière dont sera effectivement mise en oeuvre cette actualisation de la LPM et ainsi poursuivie la traduction concrète de la programmation militaire établie pour la période courant jusqu'en 2019.
Dans cette perspective, le présent projet de loi introduit lui-même une nouvelle « clause de revoyure », fixée à 2017 . Cependant, les dispositions de la LPM touchant à l'évaluation de sa mise en oeuvre, introduites en 2013 par votre commission - en particulier les prérogatives du contrôle « sur pièces et sur place » -, demeureront en vigueur ; elles permettront au Parlement, dès avant ce nouveau rendez-vous, de mener toutes les investigations et, le cas échéant, les interpellations du Gouvernement nécessaires au bon suivi de l'exécution de la loi.
1. Le régime d'actualisation de la LPM : la nouvelle clause de « revoyure » de 2017
Le présent projet loi, en son article 4, prévoit qu' un rapport d'évaluation des dispositions de la LPM - actualisées par le présent projet de loi - relatives aux ressources financières et aux effectifs du ministère de la défense 24 ( * ) sera remis au Parlement en 2017, par le Gouvernement, expressément en vue, le cas échéant, d'une nouvelle actualisation de cette programmation. La Représentation nationale pourra ainsi apprécier, au vu du document que lui présentera l'Exécutif, si de nouveaux ajustements de notre outil de défense s'avèrent nécessaires. L'évaluation devra naturellement s'effectuer à la lumière tant de l'évolution du contexte international et des besoins de sécurité sur le territoire national que du début de la mise en oeuvre des mesures portées par le présent projet de loi, en termes de majoration du budget de la défense - en particulier au profit de la trajectoire d'équipement des forces - et de moindre réduction des effectifs.
Toutefois, compte tenu des échéances électorales devant intervenir au printemps 2017, votre commission, à l'initiative du rapporteur, a souhaité préciser que ce rapport d'évaluation devra être transmis au Parlement, au plus tard, à la fin du premier trimestre 2017 , soit le 31 mars.
Au demeurant, les dispositions de l'article 6 de la LPM subsisteront, aux termes desquelles, notamment, la programmation militaire, d'une façon générale, « fera l'objet d'actualisations [qui] permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la [LPM] et les réalisations. Elles seront l'occasion d'affiner certaines des prévisions [...] inscrites [dans la LPM] , notamment dans le domaine de l'activité des forces et des capacités opérationnelles, de l'acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l'engagement des réformes au sein du ministère de la défense . Ces actualisations devront également tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de la défense représentant 2 % du produit intérieur brut. Elles seront l'occasion d'examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l'objectif de le solder et de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques [...] ».
2. Le contrôle « sur pièces et sur place » : un premier bilan positif des prérogatives introduites dans la LPM de 2013
Introduit à l'initiative de votre commission en 2013, l'article 7 de la LPM relatif aux pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place », désormais reconnus aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense afin de suivre et contrôler l'application de la programmation militaire, constitue un outil précieux de contrôle parlementaire sur l'action conduite par le Gouvernement .
Loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 - article 7 « Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des forces armées suivent et contrôlent l'application de la programmation militaire. Aux fins d'information de ces commissions, cette mission est confiée à leur président ainsi qu'à leurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances dans leurs domaines d'attributions et, le cas échéant, pour un objet déterminé, à un ou plusieurs des membres de ces commissions spécialement désignés. A cet effet, ils procèdent à toutes auditions qu'ils jugent utiles et à toutes investigations nécessaires sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense et des organismes qui lui sont rattachés ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l'économie et des finances. Ceux-ci leur transmettent, sous réserve du second alinéa, tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif utiles à l'exercice de leur mission. « La mission des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et les pouvoirs mentionnés au premier alinéa du présent article ne peuvent ni s'exercer auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat. » Source : Légifrance |
Sur le fondement de ces dispositions nouvelles, votre commission a déjà eu recours par deux fois à ce mode d'investigations, avec profit.
Un premier contrôle « sur pièces et sur place » a été mené en juin et juillet 2014, sur les ressources exceptionnelles (REX) prévues par la LPM, auprès du secrétariat d'État au budget et de la direction générale de l'armement 25 ( * ) . Ce contrôle a notamment permis d'établir que les REX attendues des recettes de cessions de fréquences hertziennes, compte tenu en particulier des contraintes de calendrier qui s'imposent à la réalisation de ces dernières, ne pouvaient pas être disponibles à temps pour abonder comme prévu, en 2015 et après, le budget de la défense 26 ( * ) . Le constat, pris en compte lors de l'examen par votre commission du projet de loi de finances pour 2015, a participé du vote de rejet émis par le Sénat sur les crédits de la mission « Défense » inscrits dans ce projet 27 ( * ) .
Un deuxième contrôle de cette sorte est intervenu en mars 2015, visant la mise en place des sociétés de projet (SPV) du ministère de la défense 28 ( * ) ou, le cas échéant, de solutions alternatives, auprès des ministères chargés des finances et de l'économie 29 ( * ) . Ce contrôle, quant à lui, a permis à votre commission de faire le point sur le dispositif des SPV alors envisagé et, à nouveau, de signaler les difficultés tenant au calendrier prévisionnel d'encaissement et au niveau élevé des REX programmées pour le budget triennal 2015-2017 de la défense.
Ces investigations ont évidemment pesé en faveur de la décision finalement prise par le Gouvernement de sécuriser le budget de la défense , sur l'ensemble de la durée de la programmation militaire, en remplaçant la majeure part des REX initialement inscrites dans la LPM par des crédits budgétaires, ainsi que le prévoit le présent projet de loi. Votre commission s'en félicite et, forte de ce résultat, elle entend pour l'avenir continuer à faire usage de ses pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place » autant que de besoin.
3. Les autres moyens de contrôle
D'autres moyens de contrôle sont encore à la disposition du Parlement, en vertu des dispositions introduites par votre commission, en 2013, dans la LPM, en vue de s'assurer de l'exécution convenable de celle-ci.
Un bilan semestriel de l'exécution budgétaire et de la LPM est effectué par le Gouvernement en application de l'article 8 de cette loi, qui prescrit que, « chaque semestre, le ministre de la défense présente aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission "Défense" de la loi de finances et de la loi de programmation militaire ».
D'autre part, un rapport annuel sur l'exécution de la LPM doit être présenté par le Gouvernement conformément à l'article 10 de cette loi, qui prévoit que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, un rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire. » L'article précise que « ce rapport fait l'objet d'un débat » et doit comprendre la description de la stratégie définie par le Gouvernement en matière d'acquisition des équipements de défense ; de la mise en oeuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux instaurés pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense ; et de la ventilation, en dépenses, des ressources issues des recettes exceptionnelles. L'Assemblée nationale, en introduisant l'article 4 bis du présent projet de loi, a enrichi ces éléments attendus du rapport d'un volet consacré à la politique de gestion des ressources humaines du ministère de la défense.
Rappelons en outre que l' article 4 de la LPM prévoit l'intervention d'un débat annuel au Parlement sur les opérations extérieures (OPEX) en cours, et exige que « le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier » de ces opérations . Par ailleurs, conformément à l' article 11 de la LPM, le rapport annuel sur les exportations d'armement de la France, autre vecteur de contrôle concernant le contexte d'application de la programmation militaire, est désormais adressé au Parlement, au plus tard, le 1 er juin de chaque année.
* 24 Respectivement, les articles 3 et 5 de la LPM du 18 décembre 2013, dans leur rédaction résultant des articles 2 et 3 du présent projet de loi.
* 25 Contrôle effectué par notre collègue Jean-Louis Carrère, en sa qualité de président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et nos collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier, rapporteurs pour avis du programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense ». Il a donné lieu à une communication à votre commission le 8 juillet 2014.
* 26 Cf. les rappels supra (II, A, 1).
* 27 Cf. le rapport pour avis n° 110 (2014-2015) de nos collègues Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat et la séance publique du 3 décembre 2014.
* 28 Cf. les rappels supra (II, A, 1).
* 29 Contrôle effectué par votre rapporteur, en sa qualité de président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et nos collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier, rapporteurs pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». Une communication a été faite à votre commission, à la suite de ce contrôle, le 1 er avril dernier.