EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'OCTROI DE MER, UNE TAXE ANCIENNE DONT LE RÉGIME A ÉTÉ MODIFIÉ SOUS L'INFLUENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE

A. UNE TAXE HÉRITÉE DE L'ANCIEN RÉGIME

L'octroi de mer constitue l'une des plus anciennes taxes du système fiscal français. Il tire son nom de la taxe d'« octroi » qui, à partir du XVII e siècle, pouvait être mise en place par les municipalités sur les marchandises franchissant l'enceinte de leur ville.

L'octroi de mer apparaît sous une forme voisine en 1670, avec la création d'un « droit des poids » en Martinique, qui frappait les produits importés. Supprimé à la Révolution, il réapparaît en 1819 sous la forme d'un « octroi aux portes de mer » et est étendu en 1825 à la Guadeloupe, en 1850 à La Réunion et en 1878 à la Guyane.

Le senatus consulte du 4 juillet 1866 assoit l'existence juridique de cette taxe et lui donne sa dénomination actuelle d'« octroi de mer ». Levée par les conseils généraux, après approbation du pouvoir central, cette taxe n'a alors qu'une seule vocation : assurer une rentrée financière pour les communes de ces départements .

L'octroi de mer est maintenu en 1946, lors du vote de la loi de départementalisation, et en 1982 à l'occasion de l'adoption des lois de décentralisation.

La loi n° 84-747 du 2 août 1984 a transféré aux conseils régionaux le pouvoir de fixer son taux et a prévu la possibilité pour ces derniers de mettre en place un « droit additionnel à l'octroi de mer » (DAOM).

B. UN RÉGIME ENCADRÉ PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Le régime de l'octroi de mer en vigueur avant le 1 er janvier 1992 concernait les seules importations réalisées sur le territoire des départements d'outre-mer. Ce dispositif était, par conséquent, susceptible de constituer un ensemble de mesures « d'effet équivalent » aux droits de douane en principe prohibés par le droit communautaire tel qu'issu de l'Acte unique européen de 1986 (articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

Reconnaissant le caractère spécifique des territoires ultramarins français , le Conseil des communautés européennes a toutefois estimé, dans sa décision n° 89/688 du 22 décembre 1989, que l'octroi de mer constituait « un élément de soutien aux productions locales qui sont soumises aux difficultés de l'éloignement et de l'insularité » ainsi qu' « un instrument essentiel d'autonomie et de démocratie locale, dont les ressources doivent constituer un moyen de développement économique et social des départements d'outre-mer ».

Le Conseil précisait en outre qu'il apparaissait « opportun d'autoriser les autorités locales à exonérer, totalement ou partiellement, selon les besoins économiques, les activités locales de l'application de ce nouvel octroi de mer pour une période de temps ne dépassant pas en principe dix années ».

Cette décision apparaît donc doublement fondatrice dans la mesure où :

- d'une part, elle a doté l'octroi de mer français d'une base juridique solide en définissant un cadre juridique européen qui lui faisait jusqu'à présent défaut ;

- d'autre part, elle a rappelé que, si le principe d'une taxe spécifique dans les territoires ultramarins n'était pas, en soi, contraire au droit communautaire, la France devait procéder à divers ajustements et notamment généraliser l'octroi de mer à l'ensemble des productions tant locales que provenant de l'extérieur, sous réserve d'exonérations partielles ou totales et, en tout état de cause, transitoires, rappelant ainsi la primauté du principe de non-discrimination prévu à l'article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne .

Les articles 28, 30 et 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Article 28 (ex-article 23 TCE)

1. L'Union comprend une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent , ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.

2. Les dispositions de l'article 30 et du chapitre 3 du présent titre s'appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.

Article 30 (ex-article 25 TCE)

Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal.

Article 110 (ex-article 90 TCE)

Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.

La loi du 17 juillet 1992 1 ( * ) a transposé en droit interne la décision du 2 décembre 1989 précitée en étendant l'octroi de mer aux productions locales tout en prévoyant la mise en place d'une exonération de plein droit pour les entreprises dont le chiffre d'affaires était inférieur à 530 000 euros et d'un mécanisme de déduction proche de celui de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La décision du Conseil du 2 décembre 1989 prévoyait la prolongation du régime de l'octroi de mer français pour une durée de dix ans à compter du 1 er janvier 1993.

Le dispositif issu de la loi du 17 juillet 1992 précitée arrivant à échéance le 31 décembre 2002, la France a demandé à l'Union européenne sa prolongation pour une nouvelle période de dix ans.


* 1 Loi n° 92-676 relative à l'octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du conseil des ministres des communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989.

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