N° 307
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2015 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung . |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
798 (2013-2014) et 308 (2014-2015) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La crise économique et sociale profonde que nous connaissons est issue d'une crise financière dont l'ampleur s'explique notamment par les difficultés et les défaillances d'établissements financiers majeurs . Les conséquences de la faillite de Lehman Brothers en 2008 ont conduit les gouvernants de tous les pays à venir en aide à leurs établissements en crise, qu'il s'agisse de Northern Rock, de Royal Bank of Scotland, de Hypo Real Estate, de Commerzbank ou encore de Dexia, s'agissant de la France. Ainsi, le niveau des besoins en financement lors d'une crise bancaire, ainsi que les conséquences potentielles d'une faillite sèche pour l'ensemble de l'économie, ont mis les États « au pied du mur » et les ont contraints à apporter un soutien public massif , sous la forme de garanties ou de recapitalisations.
Tirant les leçons de cet aléa moral qui permet aux banques systémiques de prendre des risques en sachant qu'elles seront sauvées par le contribuable en raison de leur taille et des conséquences d'une faillite sur l'économie, l'un des principaux chantiers de régulation bancaire a été la mise en place d'un système dit de « résolution », c'est-à-dire de gestion des défaillances bancaires . Ainsi, dans la déclaration finale du sommet de Pittsburgh, les États membres du G 20 s'étaient engagés à « développer des outils et des cadres pour un règlement efficace des faillites des groupes financiers afin d'atténuer les perturbations résultant des faillites d'institutions financières et de réduire l'aléa moral à l'avenir » 1 ( * ) . Ainsi, la résolution bancaire permet non seulement de réduire le coût économique et budgétaire des éventuelles défaillances bancaires à venir, mais, en limitant l'aléa moral dont ont bénéficié les banques jusqu'alors, elle contribue à modérer certains comportements risqués au sein des établissements et, ainsi, à réduire la probabilité de leur occurrence.
Au sein de la zone euro, ce chantier s'est inscrit dans le cadre de l'union bancaire , projet visant à briser le cercle vicieux entre la dette bancaire et la dette souveraine en réduisant au maximum le risque d'un appel au contribuable national en cas de défaillance bancaire par un mécanisme de résolution unique (MRU) adossé à un fonds de résolution unique (FRU) alimenté par l'ensemble des banques de la zone. L'accord dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification vise, précisément, à permettre à ce fonds de résolution unique européenne de fonctionner, en permettant le transfert des contributions bancaires depuis les États membres vers le fonds et en organisant la mutualisation, progressive sur une période transitoire de huit ans, de ces mêmes contributions .
La mise en place du mécanisme de résolution unique a suscité de nombreux débats et de longues négociations entre les États membres, d'abord sur les modalités de la mutualisation, définies par l'AIG, puis sur le calcul des contributions des banques, défini par des actes d'exécution et délégué. Le point de départ de cette dernière négociation était très défavorable aux banques françaises, qui étaient handicapées par cette particularité de disposer d'un montant total de passif important, assorti d'un montant total de dépôts relativement faible, en raison de la captation de l'épargne par l'épargne réglementée et l'assurance-vie. Estimé, au terme de la négociation, à un montant d'environ 15 milliards d'euros, soit un niveau proche de la contribution des banques allemandes, le montant des contributions des banques françaises reste important au regard, non seulement, de leurs faibles risques, tels que mesurés par les récents tests de résistance conduits par la Banque centrale européenne et de l'Autorité bancaire européenne, mais aussi de la faible probabilité que la résolution des établissements français puisse être utilement financée par un fonds de résolution disposant de seulement 55 milliards d'euros à horizon 2024.
Le mécanisme de résolution unique et, par conséquent, la ratification de l'accord intergouvernemental sont absolument nécessaires pour permettre la stabilité de la zone euro et garantir la solidité du paysage bancaire européen. Pour autant, la vigilance du Parlement français s'impose afin de s'assurer que cette stabilité et cette solidité ne se fassent pas au détriment du financement de l'économie française par les banques françaises .
Souscrivant à l'objectif d'organiser une gestion commune des crises bancaires au sein de la zone euro et d'en mutualiser, quoique progressivement, le financement au travers d'un fonds de résolution unique, votre commission des finances vous propose donc d'adopter le présent projet de loi . Elle l'a cependant complété d'un article additionnel visant à prévoir que le Parlement est annuellement informé des conditions de mise en place de ce dispositif ainsi que de celui de garantie des dépôts, afin de mesurer précisément les conséquences de ces règles européennes sur le bilan des banques françaises et le financement des entreprises.
* 1 Déclaration finale du sommet du G 20 à Pittsburgh, 24 et 25 septembre 2009.