II. L'URGENCE D'UN « CHOC DE SIMPLIFICATION » DANS LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

A. S'ATTAQUER RÉSOLUMENT AU CHANTIER DE LA TARIFICATION

1. L'absence d'avancées significatives depuis plusieurs années
a) Le contre-exemple de la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile

Entamée dès 2007, la réforme de la tarification des Ssiad a donné lieu à la construction d'équations tarifaires particulièrement complexes, régulièrement ajustées au fil des années. Sept ans après, au regard des conséquences trop lourdes qu'emporterait la mise en application de la réforme sur le secteur, celle-ci a été ajournée. Elle devrait être envisagée à nouveau dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'ensemble des services, notamment les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), qui regroupent des Ssiad et des services d'aide à domicile.

Cela revient à reporter à un terme indéfini toute réforme en la matière. Le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement contient des mesures relatives aux Spasad dans le cadre d'expérimentations dont la durée a été fixée à deux ans. Celles-ci devront notamment permettre d'apprécier la faisabilité d'un modèle fondé sur une organisation, un fonctionnement et un financement intégrés de ces services. Si la fongibilité des enveloppes de financement peut apparaître comme la solution la plus rationnelle pour le fonctionnement de ces services, elle pourrait également s'avérer complexe et longue à mettre en oeuvre.

Au final, beaucoup de temps et d'énergie ont été consacrés à la construction d'un nouveau modèle de tarification des Ssiad dont il apparaît désormais clair qu'il risque de ne jamais entrer en vigueur.

b) Un processus de réforme qui peine à s'engager s'agissant des personnes handicapées

Dans le champ des personnes handicapées, le rapport commun publié par l'Igas et de l'Inspection générale des finances (IGF) en octobre 2012, a permis de dresser un certain nombre de pistes en matière de réforme de la tarification 8 ( * ) . Ce chantier a été inscrit à l'ordre du jour des travaux du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap). Un comité de pilotage a été installé qui s'est réuni les 24 avril 14 juin 2013.

Aucune mesure concrète ne semble pour le moment se dégager de ces travaux. Les fédérations auditionnées par votre rapporteur ont ainsi fait part de leur déception face à des efforts qui ne leur semblent pas à la hauteur des engagements pris il y a deux ans.

Les enjeux sont pourtant connus et largement documentés. Ils impliquent en premier lieu de clarifier les partages de responsabilités entre financeurs avant, à terme, d'envisager les transferts de charges nécessaires.

La situation des foyers d'accueil médicalisé (FAM) et des maisons d'accueil spécialisées (MAS) est particulièrement emblématique en la matière. Les FAM font l'objet d'une double tarification, par l'ARS au titre des soins délivrés, et par le conseil général pour l'hébergement et l'accompagnement des personnes. Or la répartition des charges entre les deux financeurs est loin d'être précisément définie. Au-delà d'une clarification en la matière, l'opportunité d'un rapprochement avec les MAS mériterait d'être étudiée. Si les publics pris en charge semblent en effet bien souvent présenter des profils proches, une analyse plus approfondie pourrait être menée afin d'apprécier la faisabilité et les modalités selon lesquelles pourrait s'opérer un tel rapprochement.

c) Les évolutions qui restent à construire concernant la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Le rapport annexé au projet de loi relatif à l'adaptation de la société prévoit le lancement de travaux relatifs à la tarification des Ehpad : « le chantier de la réforme de la tarification sera ouvert, avec en perspective la mise en place d'une allocation plus simple et plus objective des financements des établissements, en tenant mieux compte des besoins des résidents et de la qualité des prises en charge. Une meilleure connaissance des coûts des différentes composantes de la prise en charge des résidents, ainsi qu'une révision des outils de mesure des besoins d'accompagnement appuieront cette démarche » . Un groupe de travail devrait être installé à l'automne.

Certains enjeux sont connus de longue date. Il s'agit en particulier du partage des charges de personnels aides-soignants et aides médico-psychologique à hauteur de 70 % et 30 % entre l'ARS et le conseil général. Ce co-financement, outre qu'il est source de lourdeurs et peu lisible, peut créer des blocages au moment du renouvellement des conventions tripartites des établissements. Le transfert de l'ensemble de ces charges de personnel sur les dépenses d'assurance maladie, dont le coût pourrait être compris entre 1,4 et 1,7 milliard d'euros, nécessite cependant un arbitrage politique clair, difficile dans une période d'évolution contrainte des enveloppes de financement.

Si des pistes de réforme ont été engagées, elles sont jusqu'à présent peu concluantes. Ainsi, la mise en place de la tarification à la ressource , prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et censée rapprocher le financement des Ehpad de celui des établissements de santé tarifés à l'activité (T2A), n'est toujours pas effective en l'absence de la publication des mesures réglementaires nécessaires. Les expérimentations relatives à la modulation du forfait soins en fonction de critères de qualité et d'efficience ainsi qu'à l'intégration dans ce forfait des dépenses de médicaments pour les Ehpad n'ayant pas de pharmacie à usage intérieur ont quant à elles été abandonnées, faute d'avoir pu donner des résultats concluants.

Dans ce contexte d'incertitude, le processus de convergence tarifaire se poursuit. S'il concerne en pratique un nombre réduit d'Ehpad et ne permet de générer que des économies limitées, il est fortement contesté par plusieurs fédérations gestionnaires qui dénoncent le mode de fixation de ces plafonds et voient dans le processus une source d'inégalités entre établissements. A ce titre, le rapport précité de l'Igas publié en octobre 2013 recommande de réviser la procédure convergence tarifaire sur la base d'une tarification pluriannuelle et de la prise en compte de coûts élargis.

Au regard de ces éléments, qui pèsent sur le secteur mais sont également préjudiciables pour les résidents en Ehpad et leur famille, votre rapporteur sera particulièrement attentif à ce que les travaux engagés à l'automne aboutissent dans un délai raisonnable à des solutions concrètes.

2. Les conditions de la réussite

Votre rapporteur est parfaitement conscient que toute réforme ambitieuse de la tarification crée des gagnants et des perdants et s'avère par conséquent difficile à mener lorsque les enveloppes de financement progressent peu. Il estime que des solutions raisonnables peuvent malgré tout être trouvées à la condition de reposer sur des bases objectivées et sur un dialogue renforcé entre les structures et les autorités financeurs.

a) Faire des études nationales de coûts de véritables outils d'aide à la décision

Confiée à l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), l' étude nationale de coûts menée auprès des Ehpad a donné lieu à d'importants travaux préparatoires avant d'être réalisée auprès d'un échantillon de 50 Ehpad représentatifs entre juin et octobre 2013. Les premiers résultats de cette étude ont été présentés au comité de pilotage le 2 juillet 2014. Ils ont permis d'établir à 34 707 euros par an, soit 2 892 euros par mois, le coût total de la prise en charge en Ehpad, tout statuts juridiques confondus et en incluant les soins de ville.

Cette première vague de travaux doit être confortée par une deuxième enquête conduite entre juin et octobre 2014 à une plus grande échelle et dont les résultats devraient être connus au premier semestre 2015. L'objectif est de pouvoir aboutir à la construction d'une étude nationale de coûts qui puisse être publiée sur une base annuelle et permette la détermination d'un coût moyen journalier par typologie de résident.

Votre rapporteur estime essentiel de mener à bien ces travaux afin de pouvoir en faire des outils d'aide à la décision en matière de réforme de la tarification des Ehpad. Il juge par ailleurs nécessaire de pouvoir étendre ces études de coûts au secteur des personnes handicapées.

b) Renforcer le caractère pluriannuel des financements

La conclusion de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) constitue aujourd'hui le moyen le plus sûr de dépasser les lourdeurs de la procédure budgétaire contradictoire annuelle, d'assurer une meilleure allocation des ressources et la structuration de l'offre sur les territoires.

Votre rapporteur souligne à ce titre la nécessité d'une publication rapide de l'arrêté prévu par l'article L. 313-12-2 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi « HPST » et chargé de définir le seuil d'activité à partir duquel la conclusion des Cpom est obligatoire pour les établissements et services relevant de la compétence tarifaire exclusive du directeur général de l'ARS ou du préfet de région.

Les Cpom constituent aujourd'hui l'outil privilégié par le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement pour réformer la tarification des services d'aide à domicile. S'inspirant des travaux menés par l'Assemblée des départements de France (ADF) et les principales fédérations du secteur de l'aide à domicile, ce nouveau modèle de financement doit permettre aux gestionnaires ainsi qu'aux financeurs de disposer de davantage de visibilité mais également de contractualiser sur l'exercice de missions d'intérêt général, notamment de prévention, jusqu'à présent trop peu valorisées.

Les évolutions engagées s'agissant des services d'aide à domicile devraient pouvoir permettre d'éclairer l'ensemble des processus de réforme tarifaire engagés dans le secteur médico-social.


* 8 Inspection générale des affaires sociales, Etablissements et services pour personnes handicapées : offre et besoins, modalités de financement, octobre 2012.

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