PREMIÈRE PARTIE : UNE POLITIQUE DE MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UN ESPACE AÉRIEN EURO-MÉDITERRANÉEN
Le présent traité contribue à la mise en oeuvre progressive de la politique européenne de voisinage, en matière de transports aériens, dans le cadre de son volet méridional.
Un de ses objectifs est la création d'espaces aériens communs avec les pays voisins de l'Union, à l'intérieur desquels est établi un cadre concurrentiel équitable ainsi qu'une harmonisation des réglementations aux fins d'une plus grande sécurité.
I. UNE APPROCHE PRAGMATIQUE
A. DES ACCORDS BILATÉRAUX AUX TRAITÉS EUROPÉENS
1. A l'origine, des traités bilatéraux
A titre liminaire , votre rapporteure souhaite rappeler que la compétence de l'Union européenne en matière de transport aérien international entre les Etats membres et les pays tiers s'est tout d'abord traduite par des accords bilatéraux .
Leur cadre juridique résulte de l'application de la Convention relative à l'aviation civile internationale de 1944 6 ( * ) . Son article 1 er pose le principe de la souveraineté complète et exclusive des Etats contractants sur l'espace aérien au-dessus de leur territoire. En conséquence, aux termes de son article 6, « aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un État contractant, sauf permission spéciale ou tout autre autorisation dudit État conformément aux conditions de cette permission ou autorisation ».
Il revient à la jurisprudence d'avoir consacré la compétence européenne. Il s'agit des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 novembre 2002 7 ( * ) , relatifs à des accords bilatéraux entre certains Etats membres et les Etats-Unis d'Amérique.
Bien que n'ayant pas suivi la position de la Commission qui estimait que la Communauté disposait d'une compétence exclusive pour conclure des accords de transport aérien avec des pays tiers, la Cour a toutefois jugé que certaines dispositions des accords bilatéraux conclus par les Etats membres empiétaient sur la compétence communautaire 8 ( * ) .
Votre rapporteure a précédemment souligné 9 ( * ) que les conclusions des arrêts précités ont été prises en compte par les institutions européennes afin de résoudre les problèmes juridiques ainsi soulevés. Tout d'abord, le Conseil « Transport » du 5 juin 2003 a autorisé la Commission à négocier un accord communautaire avec les Etats-Unis d'Amérique visant à établir un espace aérien sans frontière avec l'Union européenne afin de remplacer les accords bilatéraux de l'ensemble des Etats membres.
Le Conseil de juin 2003 a également permis à la Commission de négocier des accords communautaires avec l'ensemble des pays tiers afin de remplacer certaines dispositions des accords bilatéraux, telles que celles relatives aux conditions de désignation des transporteurs aériens par les Etats membres, contraires au principe de la liberté d'établissement.
Puis, le Conseil a défini une approche générale concernant la négociation par les Etats membres d'accords bilatéraux avec des pays tiers, traduite dans le cadre de l'adoption d'un règlement 10 ( * ) du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004.
2. La consécration de la politique européenne de création d'espace européen commun
L'émergence de la compétence de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation marquée par les arrêts de 2002 a été suivie par la définition de ses principaux objectifs par la Commission européenne, lors sa communication du 11 mars 2005 intitulée « Développer l'agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté », puis validés par le Conseil « Transport » de juin 2005.
L'un des volets de mise en oeuvre de cette politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation civile est le développement de « l'espace aérien commun » avec les pays de la politique européenne de voisinage (Algérie, Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Egypte, Géorgie, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, territoires palestiniens occupés, Syrie, Tunisie et Ukraine) .
Figure n° 1 : Carte des accords aériens conclus avec les pays du voisinage européen
Source : Direction générale de l'aviation civile
Figure n° 2 : Rappel sur la politique européenne de voisinage (PEV)
La politique européenne de voisinage a été mise en place en 2004 dans le but d'encourager des relations plus étroites avec les pays limitrophes de l'UE, [...] afin de promouvoir la prospérité, la stabilité et la sécurité dans ces régions. À ce jour, la PEV compte seize partenaires : l'Algérie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Belarus, l'Égypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la République de Moldavie, les territoires palestiniens occupés, la Syrie, la Tunisie et l'Ukraine. La PEV offre à l'UE les moyens de renforcer les relations bilatérales avec ces pays. Cette politique s'appuie sur un engagement mutuel en faveur de valeurs communes telles que la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit, la bonne gouvernance, les principes de l'économie de marché et le développement durable. Or, la PEV ne se limite pas à la mise en place d'accords de coopération ou de commerce, mais elle permet également une association politique, une intensification de l'intégration économique, une amélioration de la mobilité et un renforcement des contacts entre les peuples. Les pays qui souhaitent renforcer leurs relations avec l'UE concluent à cet effet des plans d'action bilatéraux communs. Ces derniers prévoient un programme de réformes politiques et économiques pour une période de trois à cinq ans. À ce jour, douze plans d'action ont déjà été convenus (dont certains de « seconde génération »), alors que la PEV n'est pas encore entièrement « activée » pour l'Algérie, le Belarus, la Libye et la Syrie. La PEV est en outre portée par plusieurs formes de coopération régionale, comme le partenariat oriental, l'Union pour la Méditerranée et la synergie de la mer Noire. Source : Service européen pour l'action extérieure http://eeas.europa.eu/enp/index_fr.htm |
* 6 Convention conclue à Chicago le 7 décembre 1944.
* 7 Cour de justice de l'Union européenne : http://curia.europa.eu/ - Affaires C-466/98, C-467/98, C-468/98, C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98 et C-476/98 concernant le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Allemagne.
* 8 La Cour a également jugé que certaines dispositions des accords représentaient une entrave à la liberté d'établissement. Les dispositions visées par la Cour sont de nature tarifaire ou relatives aux systèmes informatisés de réservation et à la gestion des créneaux horaires.
* 9 Cf. Rapport n° 434 (2013-2014) de Mme Josette Durrieu, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
* 10 Règlement (CE) n° 847/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la négociation et la mise en oeuvre d'accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers.