CHAPITRE III
RENFORCEMENT DES
DISPOSITIONS
DE NATURE RÉPRESSIVE
Article 3 (art. 421-1 du code pénal) - Ajout d'infractions en matière d'explosifs à la liste des infractions pouvant recevoir la qualification d'infractions terroristes
Le présent article complète l'article 421-1 du code pénal relatif aux infractions pouvant recevoir la qualification terroriste afin d'y inclure, d'une part, les infractions de diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction et, d'autre part, la détention de produits incendiaires ou explosifs ou d'éléments entrant dans la composition de produits ou engins explosifs.
Rappelons que le code pénal distingue deux catégories d'infractions terroristes :
- l'article 421-1 énumère les infractions de droit commun qui deviennent terroristes lorsque leur auteur poursuit un but terroriste, c'est-à-dire lorsqu'elles sont « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». La qualification terroriste a pour conséquence une aggravation des peines encourues par rapport aux infractions de base ;
- les articles 421-2 à 421-2-3 définissent des infractions terroristes autonomes, criminelles ou délictuelles : terrorisme écologique, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme, impossibilité pour une personne habituellement en relation avec des terroristes de justifier ses ressources.
Par ailleurs, indépendamment de tout but terroriste, l'article 322-6-1 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la diffusion à destination de non professionnels de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction. Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis par le biais d'un réseau de communication électronique à destination d'un public non déterminé.
De la même manière, l'article 322-11-1 du code pénal punit :
- de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs et d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions prévues par l'article 322-6 du code pénal (destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes) ;
- d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende la détention ou le transport, sans motif légitime, de substances ou produits explosifs permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 précité, dès lors que ces substances ou produits ne sont pas soumises, pour la détention ou le transport, à un régime particulier, ainsi que la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 et d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs, lorsque leur détention ou leur transport a été interdit par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public.
Le présent article complète ainsi l'article 421-1 du code pénal afin d'inclure ces délits en matière de produits explosifs dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification terroriste en raison du but poursuivi (1 ère catégorie de délits terroristes) .
Cette inclusion semble logique au regard de l'intention terroriste qui peut être associé à ces délits.
Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .
Article 4 - (art. 421-2-5 [nouveau] du code pénal ; art. 24, 24 bis, 48-1, 48-4 à 48-6, 52 et 65-3 de la loi du 29 juillet 1881) - Transfert des délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dans le code pénal
Le présent article a pour objet de transférer les délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse vers le code pénal.
Actuellement, l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit notamment de cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende le fait de provoquer 25 ( * ) directement aux actes de terrorisme définis par le titre II du livre IV du code pénal ou d'en faire l'apologie, dès lors que cette provocation ou cette apologie est faite par l'un des moyens énumérés à l'article 23 : discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics ; écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics ; placards ou affiches exposés au regard du public ; enfin tout moyen de communication au public par voie électronique.
L'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 « Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes : 1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ; 2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal. Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre I er du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines. Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi. Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1 er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie. Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe. Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner : 1° sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ; 2° l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. » |
De manière générale, la spécificité du régime des infractions de presse correspond à la volonté de mettre la liberté de la presse, éléments essentiels du régime démocratique, « à l'abri des excès de la répression 26 ( * ) ». Ainsi, l'exercice des poursuites en matière de presse est soumis aux règles de procédure suivantes :
- l'action publique en matière de presse se prescrit par trois mois (au lieu de un an - contraventions -, trois ans - délits - ou dix ans - crimes - selon le droit commun). Par exception, la prescription a été portée à un an pour la provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale, les injures et diffamations raciales, en raison de la difficulté d'en identifier les auteurs, en particulier sur internet ;
- la comparution immédiate est impossible ;
- dans de nombreux cas, le procureur de la République ne peut mettre en mouvement l'action publique qu'au vu d'une plainte préalable de la victime de l'infraction tandis que le désistement du plaignant ou de la partie poursuivante arrête les poursuites ;
- la détention provisoire est impossible sauf exceptions ;
- selon la jurisprudence, ni la juridiction de jugement ni le juge d'instruction ne peuvent modifier la qualification des faits telle que fixée par l'acte de saisine sauf à substituer une qualification de droit commun à une qualification prévue par la loi de 1881.
Toutefois, la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme a modifié la loi du 29 juillet 1881 afin d'allonger la prescription à un an en matière de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme, dans le but, dans la même logique que pour les délits racistes, de pouvoir appréhender l'activité des sites internet pendant une durée suffisante pour rassembler les preuves de l'infraction. La même loi a ajouté les délits précités à la liste des exceptions pour lesquelles la détention provisoire est possible.
Enfin, la loi du 14 mars 2011 (LOPPSI) a ouvert aux enquêteurs la possibilité d'employer une technique spéciale d'enquête pour le constat et la poursuite de ces infractions dès lors qu'elles sont commises par un moyen de communication électronique : l'enquête sous pseudonyme sur internet.
Afin de justifier ce transfert, l'étude d'impact énonce tout d'abord qu'« internet constitue aujourd'hui le vecteur principal de la propagande, du recrutement et de l'incitation au terrorisme », analyse confirmée par les personnes entendues par vos rapporteurs dans le cadre de la préparation du présent rapport.
Comme le souligne également l'étude d'impact, les principaux sites concernés par les signalements sont les réseaux sociaux (Facebook et Twitter au premier chef), pour 54 % du total, devant les blogs (14 %), les sites internet thématiques (13 %), Youtube (6 %), divers forums (6 %).
Or, selon l'étude d'impact, l'utilisation d'internet à des fins de provocation au terrorisme ou d'apologie du terrorisme ne constitue pas à proprement parler des délits relevant des abus de la liberté d'expression, mais plutôt de la participation à une entreprise terroriste . Pour autant, selon la jurisprudence actuelle, l'incitation à commettre des actes de terrorisme, perpétrée par exemple par un modérateur de site internet promouvant le jihad et utilisé par des personnes participant à une association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes, ne peut pas elle-même être qualifiée d'association de malfaiteurs mais relève de la provocation ou de l'apologie réprimées par la loi de 1881 (chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris, 17 décembre 2010). Dès lors, les enquêteurs et les juges ne peuvent pas poursuivre les personnes concernées sur le fondement du délit d'association de malfaiteurs.
Or, le régime procédural propre à la loi sur la liberté de la presse (cf. ci-dessus) serait de nature à « entraver ou à rendre moins efficace l'action des services d'enquête et des autorités judiciaires dans un contexte de lutte contre le terrorisme ».
Dès lors, le présent article propose de faire « sortir » la provocation au terrorisme et l'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 afin d'en faire des infractions réprimées par le code pénal, avec des règles procédurales plus favorables aux enquêteurs.
Le I de l'article 4 crée ainsi un article 421-2-5 au sein du code pénal, qui prévoit que « le fait, publiquement, par quelque moyen que ce soit, de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Cette définition de l'incrimination reprend celle qui figure actuellement dans l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 (« Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1 er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie. »). Toutefois, le renvoi aux moyens de commettre l'infraction prévus par l'article 23 de la loi de 1881 (cf . la liste de ces moyens ci-dessus) est remplacé par une formule générale : « publiquement, par quelque moyen que ce soit ».
Notons qu'il existe déjà au sein du code pénal des infractions du type de l'apologie ou de la provocation : ainsi la provocation au suicide et la propagande ou la publicité en faveur de produits, d'objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort (articles 223-13 et 223-14) ou la provocation à s'armer contre l'autorité de l'État ou contre une partie de la population (article 412-8).
La peine de cinq ans d'emprisonnement serait la même que celle prévue par la loi sur la liberté de la presse, mais la peine d'amende serait portée, par un souci d'harmonisation, de 45 000 euros actuellement à 75 000 euros : la majorité des délits punis de cinq ans dans le code pénal sont en effet punis d'une amende de ce montant. En revanche, le deuxième alinéa du nouvel article 421-2-5 prévoit une nouvelle circonstance aggravante: la peine sera portée à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne . Il existe déjà plusieurs exemples de ce type d'aggravation des peines dans le code pénal 27 ( * ) .
Par ailleurs, le choix d'insertion du nouvel article 421-2-5 au sein du chapitre II du titre II du livre IV du code pénal, intitulé « Des actes de terrorisme », a pour but de rendre applicables aux infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme les procédures dérogatoires prévues par le code de procédure pénale en matière de terrorisme. En effet, l'article 706-16 du code de procédure pénale prévoit que « les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ainsi que les infractions connexes sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent titre [titre XV du livre IV] », celles-ci prévoyant une série de règles de procédures spéciales destinées à permettre aux enquêteurs et à la justice de disposer de moyens juridiques à la hauteur de la gravité et de la complexité des affaires de terrorisme.
Les règles spécifiques en matière
de poursuite, d'instruction
La répression des infractions terroristes obéit à un régime de droit commun adapté. D'une part, les infractions terroristes sont soumises à la procédure dérogatoire applicable en matière de délinquance et de criminalité organisée, mise en place par la loi du 9 mars 2004. D'autre part, ces règles de procédure s'appliquent sous réserve des dispositions du titre XV du livre IV du code de procédure pénale, intitulé « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme ». Cette procédure particulière prévue par ces dernières dispositions se caractérise d'abord par l'exercice d'une compétence concurrente entre les juridictions territorialement compétentes et les juridictions spécialisées de Paris pour la poursuite, l'instruction et le jugement de ces infractions (article 706-17 du code de procédure pénale). Les juridictions locales sont invitées à se dessaisir au profit de Paris qui centralise l'ensemble du contentieux terroriste. En cas de désaccord entre les juridictions concernées, il est prévu un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. En outre, depuis la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, le contentieux de l'application des peines pour les condamnés terroristes est exclusivement centralisé à Paris, la juridiction parisienne prenant ses décisions après l'avis du juge territorialement compétent. Des règles particulières sont également prévues pour la poursuite et la conduite des investigations. Ainsi, l'article 706-24 prévoit la possibilité pour les officiers et agents de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, de s'identifier par leur numéro d'immatriculation administrative dans leurs actes de procédure, leurs dépositions ou leur comparution devant une juridiction en qualité de témoin. En outre, selon l'article 706-24-3, la durée maximale de la détention provisoire pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en matière terroriste est portée à trois ans. Elle est de quatre ans pour les infractions criminelles en matière terroriste. Aussi, l'article 706-25-2 prévoit que, dans le but de constater les infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire peuvent procéder à plusieurs actes d'infiltration policière par la voie du réseau internet sans en être pénalement responsables. In fine , l'article prévoit qu'à peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. Enfin, l'article 706-88-1 prévoit la possibilité de prolonger une mesure de garde à vue au-delà de 96 heures, à la condition qu'il ressorte des premiers éléments de l'enquête qu'existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger. Concernant le jugement des infractions terroristes, l'article 706-17-1 permet de délocaliser à titre exceptionnel les audiences dans tout autre lieu du ressort de la cour d'appel. Par renvoi de l'article 706-25, l'article 698-6 prévoit que la cour d'assises compétente en la matière est exclusivement composée de magistrats professionnels. Enfin, au titre de l'article 706-25-1, l'action publique pour les crimes et les délits terroristes se prescrit respectivement de trente et vingt ans. |
Toutefois, notons que l'article 6 du présent projet de loi exclut l'application à ces nouveaux délits de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme de trois de ces règles procédurales dérogatoires : la prescription de vingt ans, les perquisitions de nuit et la garde à vue de quatre jours (cf. le commentaire de l'article 6), ceci afin de se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle les techniques spéciales d'enquête doivent être réservées aux délits graves et complexes 28 ( * ) . S'appliqueront donc la prescription de trois ans, la garde à vue de quarante-huit heures et les perquisitions ordinaires.
Enfin, le dernier alinéa du nouvel article 421-2-5 prévoit que, lorsque les faits de provocation ou d'apologie sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, la détermination des personnes responsables se fait selon les règles spécifiques qui s'appliquent à ces matières :
- pour la presse écrite , la responsabilité dite « en cascade » prévue par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 : sont d'abord poursuivis les directeurs de publication ou les éditeurs, puis, à défaut, les auteurs, ensuite les imprimeurs, enfin les vendeurs, distributeurs et afficheurs ; les auteurs étant poursuivis comme complices des directeurs de publication ou éditeurs ;
- pour la voie audiovisuelle , l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui prévoit également une responsabilité en cascade : directeur de la publication, à défaut l'auteur, à défaut de celui-ci le producteur. L'auteur est également complice du directeur de la publication si celui-ci est mis en cause ;
- pour les services de communication au public en ligne , il convient de se reporter à l'article 6 de la loi n° 2004-575 de confiance dans l'économie numérique, qui, d'une part, renvoie lui-même au régime en cascade défini par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, d'autre part, prévoit une responsabilité des hébergeurs sauf exception de non connaissance de l'existence des données illicites hébergées.
Par ailleurs, par coordination, le 1° du II du présent article supprime le 6 ème alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relatif à la provocation au terrorisme et à l'apologie du terrorisme et effectue une série de corrections au sein de plusieurs articles de cette loi pour tenir compte de cette suppression.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur ayant pour objet d'étendre le champ d'application de l'incrimination de provocation au terrorisme aux propos non publics , alors que le projet de loi conservait la notion de publicité présente dans la loi du 29 juillet 1881, afin de pouvoir sanctionner des propos tenus dans des lieux privés, comme des prêches dans des lieux de culte « clandestins », ou sur des forums. En effet, la jurisprudence considère que, lorsque des propos sont tenus sur un compte de réseau social accessible à un nombre restreint de personnes agréées qui forment une communauté d'intérêt, ces propos sont privés.
En revanche, seule l'apologie publique du terrorisme serait réprimée car il s'agit, selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de l'expression d'une opinion qui n'incite pas directement à commettre une infraction.
Par ailleurs, afin de souligner la plus grande gravité des faits de provocation et d'apologie tenus en public, l'amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit que la provocation commise de manière non publique ne sera punie que de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (cinq ans et 75 000 euros pour la provocation publique et pour la provocation privée sur un réseau de communication au public en ligne et sept ans et 100 000 euros pour la provocation publique sur un réseau de communication au public en ligne).
La position de votre commission
Vos rapporteurs ont estimé qu'extraire de la loi du 29 juillet 1881 l'apologie et la provocation au terrorisme présentait certains inconvénients :
- certaines manifestations de l'apologie et la provocation au terrorisme restent bien des abus de la liberté d'expression. La modification proposée risque de constituer un précédent qui s'étendra à d'autres cas considérés comme également graves (provocation à l'assassinat, aux crimes racistes, etc.) ;
- le fait de placer cette nouvelle infraction dans les dispositions relatives aux actes terroristes dans le code pénal implique la possibilité de recourir aux techniques spéciales d'enquête , dont le Conseil constitutionnel a rappelé qu'elles ne devaient être mises en oeuvre que pour des infractions très graves et complexes (cf. la censure par le Conseil de l'utilisation de la garde à vue de quatre jours pour la corruption et de trafic d'influence ainsi que la fraude fiscale et douanière dans la loi sur la lutte contre la fraude fiscale) : compétence de la juridiction parisienne, surveillance, infiltration, interceptions de correspondances, sonorisations, captation de données informatiques, mesures conservatoires sur les biens saisis. Rappelons que la loi sur la presse permet déjà la détention provisoire et prévoit une prescription d'un an pour l'apologie et la provocation au terrorisme : on peut se demander si les autres techniques spéciales sont souvent nécessaires pour enquêter sur les faits d'apologie ou de provocation ;
- ainsi, le Gouvernement, afin de diminuer le risque de censure constitutionnelle, a écarté l'application de la prescription de vingt ans, de la garde à vue de quatre jours et des perquisitions de nuit, ce qui rend complexe le régime procédural applicable aux nouvelles infractions et montre la difficulté de concilier moyens d'investigations et garanties procédurales dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle ;
- il est déjà possible de poursuivre ceux qui tiennent des propos provoquant au terrorisme sous le chef de l'association de malfaiteurs, dès lors que cette infraction s'insère dans une véritable organisation terroriste. Toutefois, la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris a annulé la mise en examen d'une personne poursuivie pour association de malfaiteurs alors qu'elle était animatrice d'un site internet promouvant le jihad (arrêt du 17 décembre 2010).
Dès lors, vos rapporteurs ont estimé qu'il était préférable de mieux délimiter ceux des faits d'apologie et de provocation au terrorisme qui doivent relever du code pénal plutôt que de la loi sur la liberté de la presse .
À leur initiative, votre commission adopté un amendement ayant pour objet d'introduire dans le code pénal l'incrimination d'apologie publique du terrorisme et de provocation au terrorisme par la voie d'un service de communication au public en ligne .
L'utilisation du réseau internet présente en effet des caractéristiques objectives qui rendent des moyens d'enquête plus intrusifs légitimes : accessibilité et possibilité d'ajouter des contenus universelles, possibilité de messages plus complexes (vidéos, modes d'emplois d'engins explosifs), possibilité d'une prise de contact interactive avec des personnes, etc.
Une telle incrimination engloberait notamment l'administration ou l'animation d'un site internet comportant des messages d'apologie ou de provocation au terrorisme.
Les faits resteraient punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende comme dans le projet de loi initial.
Enfin, votre commission a adopté un amendement de coordination .
Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .
Article 5 (art. 421-2-6 [nouveau] et 421-5 du code pénal) - Création d'un délit d'entreprise terroriste individuelle
Le présent article tend à créer un délit d'entreprise terroriste individuelle afin d'étendre la répression judiciaire à la préparation, par un auteur unique, d'actes terroristes.
Il propose ainsi la création d'une nouvelle « infraction-obstacle 29 ( * ) » devant permettre aux services de police ou aux services de renseignement de « judiciariser » le suivi d'un individu en train de préparer un acte terroriste.
Selon l'étude d'impact, la principale infraction-obstacle existant actuellement en matière de terrorisme, l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste (article 421-2-1 du code pénal), n'est pas suffisante pour prévenir l'action d'individus auto-radicalisés.
L'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme Cette infraction est définie par l'article 421-2-1 du code pénal comme « le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme ». Elle est punie de dix ans d'emprisonnement et 225 000 euros d'amende pour les participants et vingt ans de réclusion criminelle et 500 000 euros d'amende pour les personnes qui dirigent ou organisent le groupement ou l'entente. Lorsqu'elle a pour objet la préparation des actes terroristes les plus graves (assassinat, destruction par substance explosive ou incendiaire et terrorisme écologique dès lors qu'ils sont susceptibles d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes), l'association de malfaiteurs est punie de vingt ans de réclusion criminelle et 350 000 euros d'amende pour la participation et trente ans de réclusion criminelle pour la direction ou l'organisation. Cette infraction est très largement utilisée par les services de l'État en charge de la lutte contre le terrorisme et par la justice pour traiter dans un cadre judiciaire la préparation d'actes terroristes. En effet, d'une part cette infraction est constituée dès la présence de deux personnes dans le groupement ou l'entente, d'autre part il était rare, au moins jusqu'à une période récente, qu'une personne ayant l'intention de perpétrer un acte terroriste ne reçoive pas l'aide d'au moins une personne. |
En effet, l'étude d'impact relève que « les cas d'individus isolés décidant de commettre une action violente, comme l'agression à l'arme blanche commise en mai 2013 à La Défense, sont de plus en plus nombreux. Ainsi les services de la police nationale ont-ils procédé au cours des derniers mois à l'interpellation de plusieurs individus caractérisés par une réelle propension à la violence pour des motifs généralement directement ou indirectement liés au Jihad ».
En outre, si la détention illégale d'armes ou d'explosifs constitue également une infraction-obstacle, les personnes détentrices légales d'armes aves lesquelles elles ont l'intention de commettre un acte de terrorisme ne peuvent pas être poursuivies, même si elles font des repérages, achètent des livres ou consultent des sites expliquant comment fabriquer des explosifs, suivent des formations idéologiques à l'étranger ou une formation au maniement des armes à l'étranger sans connexion avec la France. Dès lors, les services de police ou de renseignement ne peuvent que poursuivre leur surveillance en espérant que la commission d'une infraction-obstacle précède la tentative d'acte terroriste.
La nouvelle infraction serait définie par référence à trois éléments :
- d'abord, comme pour la définition des actes terroristes à l'article 421-1 du code pénal, l'acte incriminé devra être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Il s'agit du « dol spécial » qui permet de distinguer les actes terroristes des autres actes de violence ;
- en second lieu, devra exister un élément matériel de préparation : sera incriminé le fait de « rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Cette formulation, plus restrictive que celle de l'association de malfaiteurs qui évoque mais ne définit pas les « éléments matériels » nécessaires à la constitution de l'infraction, permet d'incriminer les personnes détenant des armes ou des substances de manière légale (les substances permettant de fabriquer certains explosifs étant accessibles dans le commerce);
- en troisième lieu, ces actes à visée terroriste devront constituer une préparation à la commission de certaines parmi les infractions terroristes définies par les articles 421-1 et suivants du code, à savoir celles que l'on peut considérer comme les plus graves : les atteintes aux personnes prévues par le 1° de l'article 421-1 et les atteintes aux biens les plus graves prévues par le 2° du même article, ainsi que le terrorisme écologique prévu à l'article 421-2.
Par ailleurs, le II de l'article 5 complète l'article 421-5 du code pénal pour préciser que le nouveau délit d'entreprise terroriste individuelle sera puni de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. La durée d'emprisonnement prévue est ainsi équivalente à celle prévue pour la participation à l'association de malfaiteurs tandis que le montant de l'amende prévu est inférieur à celui prévu pour cette même infraction (225 000 euros).
Les modifications introduites par l'Assemblée nationale
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté d'importantes modifications à la définition de la nouvelle infraction d'entreprise individuelle terroriste .
En effet, le rapporteur a estimé que l'élément matériel du délit n'était ni assez étoffé ni assez précisément défini pour « compenser » le passage de l'association de malfaiteurs à l'entreprise individuelle, de sorte que le Conseil constitutionnel aurait pu considérer que la nouvelle infraction ne respecte pas les principes de nécessité et de légalité des délits et des peines.
Les modifications apportées par le principal amendement du rapporteur sont les suivantes :
- concernant la nature des infractions terroristes préparées, les actes de terrorisme écologique concernés ne seraient que ceux qui sont « susceptibles d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes », afin d'éviter que ne puissent être incriminées des personnes qui auraient causé une pollution sans conséquence directe pour des personnes (pollution d'un étang avec un produit toxique pour les poissons mais sans effet sur l'homme) ;
- l'élément matériel de l'infraction comprendrait également la détention des objets ou substances dangereux, afin d'appréhender la situation des personnes qui, ayant un projet terroriste, détiennent déjà des armes ou des explosifs ;
- afin d'éviter de pénaliser la seule intention criminelle, le projet terroriste devrait se caractériser non seulement par la détention, la recherche ou l'obtention de produits ou de substances dangereux pour la personne, mais aussi par un second élément matériel parmi les suivants : repérages ; formation au maniement des armes, à la fabrication d'engins explosifs ou au pilotage ; consultation habituelle de site internet provoquant au terrorisme (sauf en cas de motif légitime lié à l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, à des recherches scientifiques ou si la consultation est réalisée afin de servir de preuve en justice).
L'article a également été modifié en séance publique. Les députés ont ainsi adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de préciser le second élément matériel de la nouvelle infraction. Cet amendement :
- remplace les termes « recevoir un entraînement ou une formation », qui impliquent nécessairement l'intervention d'un tiers, par l'expression « s'entraîner ou se former », qui permet d'inclure les personnes qui, dans un processus d'auto-radicalisation, s'entraînent ou se forment elles-mêmes ;
- ajoute à la formation, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives ou incendiaires, la formation à la fabrication de substances nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques ;
- ajoute à la consultation de sites Internet provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie ;
- complète cette liste par le fait d'avoir séjourné à l'étranger dans une zone où sont commis des actes terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.
La position de votre commission
Lors des travaux de votre commission ayant précédé l'examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, en décembre 2012, les acteurs de la lutte anti-terroriste entendus par notre collègue Jacques Mézard n'avaient pas préconisé la création d'un délit d'entreprise individuelle terroriste , bien que la question ait déjà été soulevée en raison des actes perpétrés par Mohammed Mérah en mars 2012. En effet, ils avaient considéré que l'incrimination d'association de malfaiteurs était suffisante pour traiter la plupart des affaires, la jurisprudence permettant notamment que cette incrimination soit mise en oeuvre même en l'absence de deuxième auteur présumé identifié .
A l'issue des auditions qu'ils ont menées en vue de l'examen du présent texte, vos rapporteurs ne peuvent que constater l'évolution de cette situation . Dans plusieurs affaires récentes en effet, une information judiciaire sur le chef de l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'infractions terroristes a dû être abandonnée ou a été annulée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris pour la raison qu'elle ne visait qu'un seul auteur présumé. En outre, compte tenu du phénomène actuel de l'auto-radicalisation par la consultation de messages et de sites internet alimentés par des groupes terroristes, de tels cas risquent de se produire plus fréquemment à l'avenir.
Par ailleurs, la définition de l'infraction d'entreprise individuelle de préparation d'un acte terroriste a été utilement précisée et complétée par les députés . La présence de deux faits matériels, qui, bien entendu, doivent toujours être combinés avec l'intention terroriste dont la définition n'évolue pas (« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes ... »), semble de nature à garantir le respect du principe de légalité et de nécessité des peines.
Dès lors, vos rapporteurs ont approuvé la création de cette infraction, tout en souhaitant lui apporter de nouvelles précisions.
A leur initiative, la commission a d'abord adopté un amendement complétant la liste des faits pouvant constituer le second élément matériel de l'infraction par l'hypothèse où une personne effectue des préparatifs logistiques permettant de mettre en oeuvre les moyens de destruction évoqués par le a) (objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui), tels l'achat ou la location d'un boxe ou d'un ou plusieurs véhicules.
Par ailleurs, elle a également adopté un amendement tendant à préciser l'expression « recueillir des renseignements relatifs à un lieu, à une ou plusieurs personnes ou à la surveillance de ces personnes », afin d'écarter les cas où un tel recueil de renseignements est effectué sans aucune visée concrète (renseignements recueillis sur une personnalité, sur un monument, etc., dans une démarche purement informative ou culturelle). La formulation proposée vise ainsi à prévoir que ces renseignements devront avoir une dimension opérationnelle : « recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ce lieu ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes. »
Concernant le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie », votre commission a adopté un amendement ayant pour objet de supprimer la mention « sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice ». En effet, il n'est pas nécessaire de préciser que ces actions ne font pas partie des faits matériels constitutifs de l'infraction : d'une part, l'intention terroriste est toujours exigée, d'autre part, cette exception était mentionnée, il faudrait ajouter une mention similaire dans les autres hypothèses pour exclure, par exemple, le fait pour un policier de se former au maniement des armes.
S'agissant des formations éventuellement suivies par les personnes concernées et qui peuvent constituer un élément d'appréciation de l'infraction, votre commission a adopté un amendement complétant la mention du « pilotage des aéronefs » par celle de la « conduite des navires », plusieurs attentats ayant été commis à l'aide de bateaux (par exemple les attaques de Bombay en 2008).
Enfin, elle a supprimé la mention des déplacements « dans une zone où sont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité ». En effet, selon vos rapporteurs, une telle mention introduit une certaine confusion dans la définition d'une infraction qui est censée viser des faits de nature terroriste .
Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .
Article 5 bis (art. 227-24 du code pénal) - Incrimination des messages à caractère terroriste
Actuellement, l'article 227-24 du code pénal réprime le fait « soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message », lorsque ce message est susceptible d'être vu par un mineur . La peine prévue est de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Issu d'un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs de ses collègues adopté par les députés en séance publique, le présent article tend à ajouter les messages relatifs à « un acte terroriste réel ou simulé » parmi les messages qu'il est interdit de montrer à un mineur.
Il s'agirait ainsi, selon les auteurs de l'amendement, de « renforcer la protection des mineurs vis-à-vis de messages attentatoires à leur sécurité psychique qui leur sont soit proposés en lecture (cas de vidéos montrées sur des écrans de portable dans une cour de récréation ou tout autre lieu où se réunissent des mineurs) soit procurés par toute autre voie ».
Votre commission a adopté un amendement de suppression du présent article . En effet, outre que seuls des messages qui présenteraient les actes de terrorisme sous un jour positif, et non de manière informative, pourraient être légitimement réprimés, l'article 227-24 mentionne déjà les messages « violents », ce qui semble satisfaire l'intention des auteurs de l'amendement dont est issu le présent article.
Votre commission a supprimé l'article 5 bis .
Article 6 (art. 706-23, 706-24-1, 706-25-1 et 706-25-2 du code de procédure pénale) - Possibilité pour le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne en cas de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme - Exclusion de l'application de certaines règles dérogatoires applicables en matière terroriste pour ces délits
• La possibilité pour le juge des
référés d'ordonner l'arrêt d'un service de
communication au public en ligne en cas de provocation à la commission
d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme
Le 1° de l'article 6 rétablit dans le code de procédure pénale un article 706-23 prévoyant que le juge des référés peut prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne pour les faits visés par le 2 ème alinéa de l'article 421-2-5 du code pénal, en ce qu'ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public et de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.
Cette disposition constitue une conséquence de la transformation, par l'article 4 du projet de loi, des délits de provocation au terrorisme et d'apologie des actes de terrorisme (article 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) en délits terroristes prévus par le code pénal. En effet, la possibilité pour le juge des référés de prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne lorsque certains contenus illicites constituent un trouble manifeste est actuellement prévue à l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881. Le présent article tend ainsi à transférer ces dispositions au sein des dispositions du code de procédure pénale relatives à la procédure suivie en matière d'infractions terroristes.
Toutefois, les députés ont adopté en séance publique un amendement prévoyant que la décision du juge des référés est prononcée à l'encontre du seul éditeur du contenu concerné.
Votre commission a adopté un amendement de ses rapporteurs supprimant cette mention des éditeurs : l'arrêt du service peut en effet concerner aussi bien un hébergeur ou un fournisseur d'accès.
L'exclusion de l'application de certaines règles dérogatoires applicables en matière terroriste pour ces délits
Les 2° et 3° de l'article 6 tendent à exclure, pour les nouveaux délits de provocation au terrorisme et d'apologie des faits de terrorisme introduits dans le code pénal, l'application de trois des règles dérogatoires prévues en matière terroriste : la garde à vue prolongée à six jours, le recours aux perquisitions de nuit et l'allongement des délais de prescription de l'action publique et des peines à vingt ans.
Le Gouvernement a sans doute considéré que l'application de ces trois règles à ces délits était susceptible de poser des difficultés au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel .
Rappelons en effet que, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, celui-ci avait indiqué que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigations spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que (...) les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées ». En outre, le Conseil constitutionnel a récemment 30 ( * ) déclaré contraire à la constitution le fait de prévoir la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu'à quatre jours et de différer l'intervention de l'avocat jusqu'à la soixante-douzième heure pour des délits qui n'étaient « pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » (délits de corruption, de trafic d'influence et de fraude fiscale aggravée).
Votre commission a adopté un amendement de coordination avec celui qu'elle a adopté à l'article 4 et qui instaure le délit d'apologie publique et de provocation au terrorisme en ligne : ainsi, la garde à vue prolongée, la prescription de vingt ans et les perquisitions nocturnes ne s'appliqueront pas à ce nouveau délit.
Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .
* 25 Dès lors que la provocation est suivie d'effets, l'auteur de la provocation est poursuivi en qualité de complice du crime ou du délit perpétré (article 23).
* 26 Droit pénal général, Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Economica, 2008, page 104. Toutefois, des spécificités découlent également de la volonté d'éviter l'impunité des auteurs d'infractions de presse : ainsi, la responsabilité pénale « en cascade » organisée par l'article 42 permet de déterminer les personnes pénalement responsables.
* 27 Il en est ainsi par exemple du viol et des agressions sexuelles, de la traite des êtres humains, de la corruption de mineurs, etc. Cette répression plus forte est justifiée par les caractéristiques de la communication électronique qui permet de faciliter et d'aggraver la portée de ces infractions.
* 28 Décision n° 2004-492 DC du 02 mars 2004 sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
* 29 « Comme les infractions formelles, les infractions-obstacles s'analysent en un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable ou d'être suivi d'autres comportements susceptibles de produire un tel résultat et incriminé à titre principal, indépendamment de la réalisation de ce résultat. Elles diffèrent cependant des infractions formelles (exemple : l'empoisonnement) par le fait que le résultat, s'il se produit, caractérise une autre infraction. En réprimant le comportement initial, le législateur entend en effet faire obstacle à la commission de cette seconde infraction ». Droit pénal général, op.cit., page 415.
* 30 Dans sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.