CHAPITRE II
RENFORCEMENT DES MESURES
D'ASSIGNATION À
RÉSIDENCE
Article 2 (art. L. 563-1 [nouveau], L. 624-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France) - Interdiction pour un étranger assigné à résidence de se trouver en relation avec certaines personnes
L'article 2 du projet de loi complète le chapitre unique du titre VII du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) par un article L. 571-4 nouveau.
Cet article permet à l'autorité administrative qui a prononcé l'assignation à résidence d'un étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou à l'encontre d'un étranger à l'égard duquel un arrêté d'expulsion a été prononcé en raison d'un « comportement lié à des activités à caractère terroriste », de prononcer également une interdiction d'être en relation avec certaines personnes nommément désignées, dont le comportement est également « lié à des activités à caractère terroriste ».
Dans certains cas, l'étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou condamné à une interdiction du territoire peut avoir été assigné à résidence, comme le prévoient les articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 541-3 du CESEDA :
- art. L. 523-3 : l'étranger a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion mais « il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français » dans la mesure où il ne peut pas se rendre dans son pays d'origine ou dans un autre pays ;
- art. L. 523-4 : l'étranger a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion mais son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- art. L. 541-3 : l'étranger a fait l'objet d'une interdiction du territoire mais il se trouve dans une des situations suivantes :
o il est menacé de mort ou de traitements inhumains et dégradants, il a le statut de réfugié ou il n'a pas été encore statué sur sa demande d'asile ;
o il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, dans la mesure où il ne peut pas se rendre dans son pays d'origine ou dans un autre pays.
Le nouvel article L. 571-4 que le présent article tend à insérer dans le CESEDA s'inspire de l'article L. 571-3 du même code qui permet de placer sous surveillance électronique mobile l'étranger, condamné à une interdiction du territoire ou faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion pour des actes de terrorisme ou pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, assigné à résidence en vertu des articles précités L. 523-3, L. 523-4 et L. 541-3 du CESEDA.
La décision d'interdiction d'être en relation avec certaines personnes, nommément désignées, serait prise par l'administration, par une décision motivée, pour une durée de six mois , renouvelable une fois pour la même période.
La violation des obligations résultant de l'assignation à résidence est sanctionnée à l'article L. 624-4 du CESEDA. Les conséquences de la violation de l'interdiction d'être en relation avec une personne désignée par l'administration seraient également précisées à l'article L. 624-4, complété en ce sens par le présent article.
Dans le projet de loi initial, la violation de l'interdiction d'être en contact avec les personnes désignées était ainsi sanctionnée d'une peine d'emprisonnement de trois ans , soit la peine applicable aux étrangers n'ayant pas rejoint la résidence qui leur a été assignée ou ayant quitté cette résidence sans autorisation.
À l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette peine a été ramenée à un an d'emprisonnement, ce qui correspond à la peine encourue pour l'étranger qui n'a pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique ou qui n'a pas respecté les obligations de présentation aux services de la police ou de la gendarmerie.
Lors de l'examen du texte en séance publique, les députés ont adopté un amendement prévoyant que l'interdiction administrative est levée, d'une part « si les conditions de cette interdiction ne sont plus satisfaites », ou, d'autre part si l'assignation à résidence a été levée.
En droit des étrangers, l'autorité administrative dispose d'un large pouvoir de réglementation, sous le contrôle du juge administratif, comme l'a reconnu depuis longtemps le Conseil constitutionnel et comme il l'a rappelé à l'occasion de la décision n° 2011-631 du 9 juin 2011 sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : « 64. Considérant qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques (...) ».
Ainsi, l'interdiction d'être en contact avec certaines personnes nommément désignées est semblable à une mesure de contrôle judiciaire. Il semble légitime que l'administration puisse la prononcer à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, dans la mesure où elle peut déjà le placer sous surveillance électronique.
Vos rapporteurs soulignent que la notion de « comportement lié à des activités terroristes » est utilisée depuis plusieurs années pour justifier des expulsions du territoire : elle correspond à la situation d'une personne impliquée dans des mouvances à caractère terroriste, sans avoir été nécessairement condamnée pénalement pour ces faits. Le juge administratif exerce un contrôle normal, voire de proportionnalité - lorsqu'une atteinte à la vie familiale de l'étranger est en cause - des motifs d'une expulsion sur ce motif et vérifie ainsi que les éléments avancés par l'administration sont suffisamment précis, étayés et actualisés 24 ( * ) .
Vos rapporteurs souscrivent par ailleurs à la première modification apportée par les députés : il est en effet plus logique, au regard de l'échelle des peines, de prévoir une peine semblable à celle qui est encourue en cas de non-respect des prescriptions liées au placement sous surveillance électronique, soit une peine d'emprisonnement d' un an . En effet, les deux mesures sont assez comparables : ce sont des modalités de l'assignation à résidence. Vos rapporteurs estiment également justifiée la seconde modification consistant à prévoir que la mesure d'interdiction d'être en relation avec une personne est levée automatiquement lorsque prend fin la mesure d'assignation à résidence.
À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement visant à renuméroter l'article créé en un article L. 563-1 nouveau, pour l'intégrer dans le titre VI du livre V du CESEDA, relatif à l'assignation à résidence et non dans les dispositions diverses de ce même livre V, ainsi que deux amendements rédactionnels. Le premier vise à remplacer l'interdiction « d'être en relation » par une interdiction de « se trouver en relation », l'expression « être en relation » pouvant laisser supposer une certaine continuité dans les relations avant de pouvoir prononcer une mesure d'interdiction. Le second amendement précise que la mesure d'interdiction doit être « exigée pour la préservation de la sécurité publique » et non pas simplement « nécessaire » pour le maintien de l'ordre public.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .
* 24 CE, 4 octobre 2004, M. Abdelkader Bouziane, n°266948. Voir également CE, 27 juin 2007, M. Chouhir Cherif, n°300261.