B. UN BILAN PROMETTEUR
1. Transparence et efficacité en faveur de projets ciblés
La collaboration que la Facilité a su établir avec les Etats africains lui a permis d'avoir une perception claire des défis auxquels ceux-ci sont confrontés. Son travail a mis en exergue les faiblesses importantes qui existent en termes de ressources et de capacités juridiques dans tous les pays concernés par les activités de l'institution. Le travail stratégique de la Facilité a d'ores et déjà contribué à la création d'une chaîne de valeur concourant au développement d'un environnement des affaires propice et d'une intégration durable des pays africains à l'économie mondiale.
La Facilité a appuyé jusqu'à ce jour trente-deux projets 19 ( * ) dont près des trois quarts se rapportent à la fourniture de services de conseil. ( Cf Figure n°3 ci-après) Ils couvrent un total de vingt-sept pays, équitablement répartis entre toutes les régions du continent.
Conformément aux objectifs de la Facilité, l'aide offerte dans le cadre des litiges avec les créanciers, des négociations de contrats ou du renforcement des capacités est répartie de la manière suivante : industries extractives : 29% ; infrastructures et partenariats publics-privés : 36% ; dette et litiges avec les créanciers commerciaux : 23% ; autres : 12%.
En outre, l'ensemble de ces projets de la Facilité comportent une composante de renforcement des capacités . Les cabinets d'avocats recrutés par la Facilité s'engagent à mettre en oeuvre un programme de transfert de compétences et d'expertise qui se traduit par :
- l'inclusion dans l'équipe du cabinet d'avocats international, d'un cabinet d'avocats local qui apportera toute sa connaissance du cadre juridique et institutionnel local, tout en bénéficiant de l'expérience du cabinet international, en matière de négociation de transactions commerciales complexes ;
- une étroite collaboration avec l'équipe de négociation mise en place par l'Etat, dans le cadre du projet ;
- l'organisation de séminaires de formation, destinés à un groupe plus large de cadres des administrations nationales.
Depuis sa création, la Facilité a notamment formé plus de cinq cents avocats des secteurs public et privé ainsi que des cadres des gouvernements dans ces secteurs d'intervention.
Figure n° 3 : Projets appuyés par la Facilité
1. Projet de renforcement des capacités ALSF/PALU 2. Projet en RDC - Litige avec le créancier FG Hemisphere 3. Projet en Tunisie - Recouvrement des avoirs 4. Projet au Libéria - Négociations agricoles 5. Projet au Rwanda - Renforcement des capacités dans les secteurs minier et de l'énergie 6. Projet au Zimbabwe - Litige avec un créancier 7. Projet au Burkina Faso - Négociations dans le secteur aéroportuaire 8. Projet en Zambie - Ligne d'urgence d'assistance juridique pour les PPP 9. Projet de formation itinérante sur les PPP 10. Projet en Tunisie - Renforcement des capacités en lien avec des conventions de financement 11. Projet en Guinée - Négociations minières 12. Projet en RDC - Litige avec les créanciers Themis et Des Moines 13. Projet au Kenya - Négociations dans les secteurs du charbon et du gaz 14. Projet au Ghana - Négociations dans le secteur des infrastructures 15. Projet au Tchad - Séminaire sur les industries extractives 16. Projet en Gambie - Négociations dans le secteur de l'énergie 17. Projet à Sao Tomé-et-Principe - Renforcement des capacités 18. PPP au Sénégal - Renforcement des capacités 19. Projet dans le secteur portuaire en Tanzanie - Négociations dans le secteur portuaire 20. Projet dans le secteur PPP en Tanzanie - Renforcement des capacités relatives aux PPP 21. Projet dans le secteur gazier en Tanzanie - Négociations dans les industries extractives 22. Projet dans le secteur minier au Togo - Négociations dans le secteur minier 23. Projet dans le secteur de l'énergie au Togo - Négociations dans le secteur énergétique 24. Projet en Somalie - Renforcement des capacités 25. Projet au Mozambique - Renforcement des capacités 26. Projet au Soudan du Sud - Séminaire sur les industries extractives 27. Projet en Éthiopie- Séminaire sur les techniques de négociation 28. Projet au Tchad - Négociations sur les conventions de financement 29. Projet au Burundi - en Zambie - Accords dans le secteur des transports 30. Projet au Niger - Négociations minières 31. Projet de renforcement de capacités- « PPP infrastructure ressource center » 32. Projet de renforcement des capacités - Séminaire sur les contrats d'achats d'électricité Source : Ministère des affaires étrangères |
Au titre du bilan, votre rapporteure tient à souligner que de nombreux pays ayant bénéficié d'une assistance de la Facilité une première fois, font de nouveau appel à elle, pour d'autres projets. Ainsi, la confiance croissante des pays africains dans les capacités de la Facilité a entraîné une multiplication des requêtes depuis 2012 . Celles-ci sont de plus en plus tournées vers des demandes d'assistance à la renégociation de contrats extractifs, plus particulièrement dans le secteur minier.
Enfin, il convient de mentionner que la Facilité travaille actuellement à la mise en place d'un cadre de résultats ayant pour objectif de mieux mesurer l'impact de ses interventions.
2. Un soutien particulier aux Etats africains qui renforce le poids de la France
a) La Facilité, une mission distincte de celle des autres organismes
Le bilan de la Facilité est unique, tant en matière de questions liées aux industries extractives que de contentieux de la dette souveraine.
(1) En matière de négociation
S'agissant du volet « négociations équitables », plusieurs organisations interviennent déjà de manière complémentaire à l'action de la Facilité. Il s'agit :
- des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux , tels que l'Agence norvégienne de développement et de coopération (NORAD), le Département pour le développement international du Royaume-Uni (DFID), l'Agence américaine pour le développement international (USAID) ainsi que l'Union européenne, qui travaillent principalement sur les questions de gouvernance et de transparence ;
- des institutions financières internationales , comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD), y compris le Centre africain des ressources naturelles nouvellement créé, qui se concentrent sur les questions financières et macroéconomiques et fournissent une assistance technique aux pays ;
- de l'Organisation des Nations Unies (système des Nations Unies) qui comprend l'UNECA 20 ( * ) et plus précisément le Centre de développement du secteur des minéraux, dont la mission est de promouvoir le rôle de transformation que les ressources minérales peuvent jouer dans le développement du continent, ainsi que le Programme de développement des Nations Unies (PNUD), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), l'ONU-HABITAT et d'autres organismes, qui traitent traditionnellement des questions liées aux droits des groupes vulnérables ;
- des organisations de la société civile, telles que Oxfam, Transparency International et le Revenue Watch Institute (RWI) qui promeuvent la divulgation des informations concernant les revenus et les contrats de l'industrie extractive.
En dépit du grand nombre de structures consacrées au développement du continent africain, aucun de ces acteurs n'est directement et spécifiquement impliqué dans la fourniture de services de conseil technique juridique aux Etats en matière de contentieux avec les créanciers commerciaux et de négociation de contrats complexes, sans distinction géographique ou de tradition juridique .
A titre d'illustration, contrairement à la Facilité africaine de soutien juridique, celle d'Assistance Technique au Secteur Minier, (l ' EITAF) de la Banque Mondiale ne couvre que les industries extractives . Son objectif est de renforcer les capacités des pays producteurs, au niveau mondial, en termes de négociation de contrats, et d'élaboration des cadres réglementaires et des politiques sectorielles.
Le mandat de la Facilité qui couvre cinquante-cinq pays africains, offre un champ d'application plus large que celui de l'EITAF puisqu'il englobe la gestion de la dette, les industries extractives, et les grands contrats de partenariat public-privé. En outre, la Facilité finance la mise à disposition de services et des conseils juridiques aux Etats dans leur négociation ou leurs litiges, ce que la Banque Mondiale ne fait pas.
Son action diffère également de celle menée au titre de l'initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Cette dernière relève d'une démarche internationale multipartite, composée de gouvernements, d'entreprises, de représentants de la société civile, d'investisseurs et d'organisations internationales.
S'apparentant à du « soft law », l'ITIE encourage l'établissement d'une norme mondiale garantissant la transparence des paiements issus de l'exploitation des ressources naturelles au niveau local. Vingt-deux pays d'Afrique l'ont adopté. La France s'est engagée en 2013 à mettre en oeuvre l'ITIE d'ici 2015.
(2) Dans le domaine de la dette
En ce qui concerne le contentieux de la dette souveraine , le mandat de la Facilité est différent de toute autre organisation ou mécanisme international existant. Ainsi, l e Centre de services consultatifs sur le droit (ACWL) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC ) procure également une assistance technique aux pays les moins développés, dans le cadre de règlement des différends et les négociations liées au droit de l'OMC.
Toutefois, le Centre consultatif ne fournit pas d'aide concernant les contentieux avec les « fonds vautours », ou bien dans le cadre de la négociation de transactions commerciales complexes.
Quant au Secrétariat du Commonwealth , il se limite à accorder une assistance technique aux pays du Commonwealth sur la réforme de l'environnement juridique et réglementaire dans ces pays et, dans une moindre mesure, sur la gestion de la dette souveraine.
(3) Une mission nécessaire
La multiple appartenance à ces organismes, dont la Facilité, est encouragée puisque l'article 4 de l'Accord stipule que « peuvent devenir membres de la Facilité : (a) tous les Etats membres de la Banque africaine de développement ; (b) tout autre Etat ; (c) la Banque africaine de développement ; (d) tout autre organisation internationale ou institution ».
Ces multiples structures et leurs adhésions croisées conduisent à s'interroger sur le risque de perte d'efficacité, lors de l'articulation des missions des différents organismes. En réponse à votre rapporteure, il a été précisé, à titre d'illustration, que « les mandats des fonds fiduciaires de la Banque Mondiale et la [Facilité], de la Banque Africaine de Développement, sont complémentaires. Les deux institutions se coordonnent systématiquement dès qu'elles reçoivent des requêtes des pays d'Afrique . La demande allant en augmentant, nous notons que ces institutions ne sont pas en mesure de répondre à toutes les demandes . » 21 ( * )
b) Un soutien qui renforce le poids de la France
En conséquence, l'appui financier et l'adhésion de la France à la Facilité est cohérent avec ses engagements politiques et financiers en faveur d'une plus grande transparence et d'une meilleure gouvernance du secteur extractif en Afrique ainsi que du renforcement des capacités juridiques africaines de négociation de contrats d'exploitation équitables.
Cette adhésion bénéficiera aux sociétés extractives françaises qui, selon l'étude d'impact, « se trouvent en mesure d'améliorer leurs performances en adaptant leurs offres aux attentes de leurs interlocuteurs publics, ministère de l'économie et des finances et ministère des mines et hydrocarbures. Les entreprises françaises disposant d'un savoir-faire contractuel et d'un excellent niveau de mise en oeuvre de mesures de responsabilité sociale et environnementale ainsi que d'une bonne connaissance du contexte africain, devraient bénéficier d'un avantage concurrentiel dans une négociation équilibrée avec des partenaires publics . »
En effet, votre rapporteure rappelle que les entreprises françaises occupent en Afrique des positions de premier plan notamment dans les domaines de l'exploitation du pétrole, de l'uranium, du nickel ou encore du manganèse..
Elles constituent des acteurs importants des économies locales et de développement. En outre, leurs procédures commerciales répondent aux exigences préconisées par la Facilité.
Enfin, une fois membre de la Facilité, la France pourra siéger au Conseil de gouvernance . Elle sera représentée par son représentant à la Banque Africaine de Développement.
Rappelons que les principales fonctions du Conseil de gouvernance consistent à :
- nommer les membres du Conseil de gestion,
- désigner les auditeurs externes,
- autoriser la reconstitution des ressources de la Facilité,
- élargir l'objet et les fonctions de la Facilité, et
- approuver les politiques de la Facilité.
S'agissant des raisons de la « ratification tardive » de l'Accord par la France, l'étude d'impact précise que celle-ci « n'a, dans un premier temps, pas souhaité adhérer à l'Accord portant création de [Facilité] entré en vigueur en juin 2009, car celui-ci contenait certaines dispositions qui étaient susceptibles de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
L'Accord prévoyait en effet que seul le Conseil de gouvernance pouvait décider unilatéralement de l'adoption d'amendements de l'acte constitutif de l'institution, sans que les Etats membres les aient préalablement acceptés.
Afin de répondre à cette réserve de la France, le Conseil de gouvernance de la [Facilité] a adopté la résolution ALSF/GC/2012/01 en date du 29 mai 2012. Cet amendement, entré en vigueur après avoir été communiqué à l'ensemble des Etats membres, prévoit à présent que tout amendement de l'acte constitutif de la [Facilité] doit être soumis à l'approbation des Etats membres . »
Dès le 5 octobre 2012, le ministre de l'Économie et des Finances et le ministre délégué au développement se sont engagés à soutenir les initiatives de la Facilité à l'occasion de la réunion des ministres de la zone Franc à Paris. C'est pourquoi le ministère de l'Économie et des Finances a contribué à la Facilité, le 14 décembre 2012, à hauteur de cinq millions de dollars, faisant de la France le premier contributeur bilatéral de la Facilité. Il convient donc désormais de ratifier le présent Accord afin de permettre à la France de siéger au sein du Conseil de gouvernance de la Facilité.
* 19 Cf. Annexe.
* 20 United Nations Economic Commission for Africa.
* 21 In . Réponses au questionnaire de votre rapporteure.