B. UN BESOIN ACCRU DE COOPÉRATION

1. Pas de réadmission de ressortissants d'un pays tiers sans accord

Si le principe selon lequel un Etat doit réadmettre ses propres nationaux résulte du droit international coutumier , la mise en place des mesures d'éloignement requiert la conclusion d'un accord spécifique afin de faciliter ainsi le retour des personnes en séjour irrégulier.

En outre, un véritable contrôle migratoire conduit à envisager le retour non seulement des ressortissants des Etats Parties mais également ceux de pays tiers ainsi que des apatrides lorsqu'ils sont en séjour irrégulier sur le territoire d'une des Parties contractantes.

Or l'élargissement du domaine de coopération à la réadmission des ressortissants autres que ceux des Parties contractantes requiert la conclusion d'un accord, bilatéral ou multilatéral , cette obligation n'étant pas prévue par le droit coutumier international.

Par ailleurs, un autre argument plaide en faveur d'une coopération renforcée, celui de la durée maximale de la rétention administrative en France. Au-delà de cette durée, l'étranger que l'administration n'a pas reconduit doit être remis en liberté.

Force est de constater que la rapidité des procédures d'identification de la nationalité des personnes ainsi que la délivrance des documents de voyage nécessaires à sa réadmission sécurisent la procédure de réadmission, tout en garantissant des délais de rétention plus courts pour l'étranger en situation irrégulière.

Pour mémoire, les durées maximales de rétention diffèrent suivant les pays européens. Par exemple, le délai est de soixante jours en Espagne, de deux mois calendaires au Portugal et en Italie , de six mois en Autriche, de huit mois en Belgique et de dix-huit mois en Allemagne .

2. Une opportunité de renforcer la coopération avec le Kosovo et la Serbie

Il a été confirmé à vos rapporteurs que le Kosovo et la Serbie coopèrent en matière de réadmission, sans entrave, avec la France . En effet, ces deux pays sont particulièrement désireux de nouer des étroites relations avec les pays membres de l'Union européenne.

Les textes soumis à votre approbation renforcent donc cette entraide, en en précisant les modalités pratiques.

a) 2008, une évolution de la politique de retour kosovare

S'agissant de la procédure définie en matière de retour forcé des Kosovars , elle a été initialement définie par la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo ( MINUK ) 19 ( * ) et le ministère des affaires étrangères, puis le ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire (MIIINDS), l'identification des ressortissants kosovars en séjour irrégulier est opérée à partir d'un dossier renseigné par les préfectures et transmis aux autorités compétentes françaises.

Lors de l'indépendance du pays, les compétences de la MINUK ont été transférées au ministère des affaires internes du Kosovo (DBAM) 20 ( * ) . Désormais, les autorités kosovares, comme le faisait auparavant l'UNMIK, délivrent leurs propres documents d'identité et de voyage à leurs ressortissants sur le territoire du Kosovo.

Depuis ce transfert, le 1 er novembre 2008, la politique en matière de retours a évolué. Selon l'étude d'impact, « les autorités kosovares acceptent désormais les retours de tous leurs ressortissants, quelle que soit leur origine ethnique, dès lors qu'ils figurent sur les registres de l'état civil . » Auparavant, le retour de certaines minorités, (Roms, Bosniaques, Ashkalis, Goranis, Turcs, etc.) était exclu.

Aux interrogations de vos rapporteurs sur le bilan chiffré des expulsions effectuées par le Kosovo, il a été précisé que « Début 2014, les autorités kosovares ont prononcé cinq décisions pour des réadmissions forcées : ces décisions ne concernaient que des ressortissants albanais. Pour ce qui est des retours volontaires, entre novembre 2013 et mai 2014, la plupart était de nationalité albanaise (15 retours volontaires), puis viennent les Turcs (5 retours volontaires).

Concernant les demandes d'asile déposées au Kosovo, la grande majorité des demandeurs en 2014 est de nationalité syrienne (avec 31 demandes), puis albanaise (4 demandes) et érythréenne (2 demandes). » 21 ( * )

Réciproquement, il apparait que « la nationalité kosovare se situait, en 2010, au dixième rang des nationalités qui font l'objet du plus grand nombre de mesures d'éloignement du territoire français et au onzième rang sur la période allant de janvier à octobre 2011 . » 22 ( * )

Si la coopération entre la France et le Kosovo apparaît satisfaisante, il convient de la renforcer. Notons que le taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC) s'est établi à 40,9 % en 2013 , dépassant légèrement « le taux moyen national, toutes nationalités confondues ». Toutefois, ce taux a été plus élevé entre 2008 et 2010 en étant de l'ordre des 80 %. Il a ensuite baissé à 51 % en 2011 et 26,9 % en 2012.

b) 2009, une nouvelle impulsion de la coopération serbe

En ce qui concerne le retour des serbes en situation irrégulière , il est encadré, soit par un accord bilatéral, soit par l'accord européen de 2007.

S'agissant de la coopération consulaire avec les autorités serbes, le taux de délivrance de laissez-passer consulaires, qui était très bas en 2008 en s'établissant à 9,3 %, a augmenté en 2009 pour dépasser « le taux moyen toutes nationalités confondues ». En 2012, ce taux était de 56,86 %, ce qui témoigne de la mise en oeuvre d'une bonne coopération.

La chute du taux de délivrance de LPC en 2008 est due aux instructions données par Belgrade aux postes consulaires serbes en France de ne plus assurer les auditions 23 ( * ) depuis l'entrée en vigueur de l'accord européen de réadmission le 1 er janvier 2008.

En réponse à cette situation, les autorités françaises ont décidé , début 2009, de négocier le texte soumis à votre approbation . Depuis lors, la coopération avec les autorités consulaires serbes s'est améliorée.

En conséquence, vos rapporteurs insistent sur l'impact diplomatique des textes soumis à votre examen . Ils contribuent au partage de l'information dans le cadre d'une indispensable coopération entre Etats, en matière de réadmission des personnes en séjour irrégulier.


* 19 La Mission des Nations-Unies pour le Kosovo (MINUK) était en charge de cette ex-province serbe depuis 1999.

* 20 Migration Division ; Department for Border Management, Asylum and Migration (DBAM).

* 21 In. Réponses au questionnaire.

* 22 Cf. étude d'impact.

* 23 Ces auditions permettent d'établir la nationalité du ressortissant en l'absence de preuve.

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