II. UNE OUVERTURE PRAGMATIQUE ET FORTEMENT ENCADRÉE DE L'ACTIVITÉ PRIVÉE DE PROTECTION DES NAVIRES
A. LA CONTENU DU PROJET DE LOI
Le projet de loi autorise et encadre les activités privées de protection des navires battant pavillon français dans les zones de piraterie. Subdivisé en six titres, le texte initial comprend 41 articles.
1. L'encadrement de l'activité de protection
Le projet de loi propose une définition claire de l'activité privée de protection des navires, à savoir :
- une activité qui n'est pas exercée par des agents de l'État ou par des agents privés agissant pour le compte de l'État : les équipes de protection embarquées (EPE) de la Marine nationale sont donc exclues du champ d'application et continueront à être sollicités pour certains convois, notamment lorsque des transports d'intérêt stratégique seront en jeu ;
- une interdiction d'exercer à partir d'un navire tiers , qui exclut tout système d'escorte : les gardes embarqués ont vocation à demeurer sur les navires qu'ils protègent ;
- une limitation à certaines zones fixées par décret, au-delà de la mer territoriale des États, et à certains navires dont l'éligibilité est définie par décret ;
- une protection du navire contre les « menaces extérieures » et non la seule piraterie : cette rédaction permet d'intervenir en cas d'attaque terroriste par exemple.
En outre, des règles strictes sont prévues en matière d'utilisation d'armes, l'usage de la force armée devant rester une prérogative exclusive de l'État : les conditions d'ouverture du feu sont limitées à la seule légitime défense .
2. L'encadrement des acteurs de la protection
À la différence du modèle anglo-saxon fondé sur l'autorégulation, le projet de loi prévoit la mise en place d'un système d'encadrement et de contrôle par l'État , qui vise à permettre le développement d'une offre française structurée. De nombreux garde-fous sont ainsi prévus :
- l'encadrement rigoureux de l'accès au secteur, par la mise en place d'un agrément administratif et d'une c ertification obligatoire des entreprises , devant être obtenue en amont de l'autorisation d'exercice : un décret désigne la norme devant s'appliquer de même que les organismes de certification accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac) ou un organisme international équivalent 10 ( * ) ; le projet de loi prévoit par ailleurs qu'une autorisation provisoire puisse être délivrée aux entreprises : celle-ci vise à éviter que l'activité ne soit, dans un premier temps, uniquement exercée par des entreprises qui exercent l'activité et sont donc déjà certifiées, et donc à favoriser l'émergence de nouveaux acteurs ;
- la professionnalisation des acteurs , qui devront être titulaires d'une autorisation d'exercer pour les dirigeants et gérants, et d'une carte professionnelle pour les agents, aux fins d'attester l'honorabilité et les aptitudes professionnelles des acteurs du secteur : les compétences portent tout autant sur les aspects liés à la protection elle-même que sur les compétences maritimes ;
- un dispositif strict concernant l'armement , comprenant une définition des catégories d'armes et munitions autorisées, des modalités d'acquisition, de détention, de transfert ainsi que des conditions dans lesquelles elles sont embarquées et stockées à bord ;
- la transparence de l'activité , à travers l'instauration d'un régime de contrôles administratifs sur le territoire national et à bord des navires et d'un suivi régulier des activités des entreprises et de leurs agents (obligation de signalement de l'embarquement d'une équipe, déclaration obligatoire des incidents survenus à bord, tenue d'un registre de l'activité).
Concrètement, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est la cheville ouvrière du dispositif. Cette autorité administrative a pour fonction d'instruire les dossiers, de délivrer les autorisations et le cas échéant de les retirer. Le CNAPS est ainsi chargé de l'ensemble du processus, hormis les contrôles à bord des navires en mer.
* 10 À ce jour, la norme professionnelle envisagée est l'ISO PAS 28007, élaborée à la demande de l'Organisation maritime internationale (OMI) et recommandée par cette organisation. Il s'agit d'une norme internationale spécifique à l'activité de protection armée des navires et conforme aux dispositions législatives et réglementaires envisagées.