D. UN RÉGIME DE RETRAITE QUI A CONNU UN PARCOURS QUELQUE PEU MOUVEMENTE, CE QUI PEUT SANS DOUTE EXPLIQUER EN PARTIE L'ACTIVITÉ TARDIVE DE CERTAINS MONITEURS SENIORS
Le régime de retraite des moniteurs de ski a rejoint le droit commun en 2007, après avoir longtemps fait l'objet d'un fonds de prévoyance ad hoc devenu illégal depuis 1978. Certaines situations individuelles, dont a eu à connaître le Défenseur des droits, nécessiteraient probablement d'être mieux prises en compte par les pouvoirs publics.
1. L'activité tardive des moniteurs seniors
La pyramide des âges de la profession (voir supra figure n°6) montre que les professionnels se répartissent sur l'ensemble des tranches d'âge comprises entre moins de 30 ans et plus de 65 ans, ce qui peut indiquer que les moniteurs de ski se déclarant comme professionnel libéral auprès de la caisse de retraite Cipav, qui a fourni les données ayant permis de réaliser cette figure, exercent cette profession pendant toute leur vie professionnelle.
La figure n° 9, issue de l'étude Towers Watson commandée par le SNMSF en mai 2012, montre quant à elle qu'entre 43 ans et 56 ans, le taux d'activité moyen sur vingt saisons des moniteurs de ski est de 70 % environ, les 30 % de moniteurs non actifs sur ces générations ayant enseigné dans leur jeunesse sans poursuivre au-delà de 30/35 ans. Au-delà de 56 ans, le taux d'activité par classe d'âge décroît progressivement, jusqu'à atteindre un peu moins de 10 % à l'âge de 80 ans 9 ( * ) .
Figure n° 9 : Pourcentage de moniteurs actifs par classe d'âge
Source : étude Towers Watson, « Indicateurs statistiques de gestion des effectifs », 25 mai 2012
Le figure n° 9, qui annule l'effet des moniteurs n'enseignant plus ou qu'épisodiquement avant 43 ans, montre que les taux de maintien dans la profession en activité des moniteurs de ski de plus de 60 ans sont très significatifs, de l'ordre de 82 % à 60 ans , 73 % à 65 ans et 56 % à 70 ans 10 ( * ) .
Figure n° 10 : Pourcentage de moniteurs actifs par classe d'âge (en base 100 pour les moniteurs actifs en 1993)
Source : étude Towers Watson , « Indicateurs statistiques de gestion des effectifs », 25 mai 2012
2. Un régime de retraite qui a intégré le droit commun de l'assurance vieillesse depuis le 1er janvier 2007
Après avoir créé dès 1945 une caisse de secours des écoles de ski, le Syndicat national des moniteurs de ski (SNMSF) a mis en place en 1963 un fonds de prévoyance spécifique par répartition financé par des cotisations payées par les moniteurs de ski en activité. Il s'agissait là d'une démarche visant à pallier une carence dans la protection sociale des moniteurs en fin d'activité.
Le 1 er janvier 1978, l'affiliation au régime de base et au régime complémentaire d'assurance vieillesse des professions libérales est devenue obligatoire pour les professionnels exerçant une activité d'enseignement à titre libéral 11 ( * ) . Alors que les moniteurs de ski étaient pleinement concernés par ce dispositif, seul une quarantaine d'entre eux ont adhéré aux régimes obligatoires, les autres moniteurs adhérents du SNMSF restant affiliés à leur régime spécifique.
Afin de mettre un terme à cette situation problématique, la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu à son article 110 l'intégration des moniteurs de ski dans le droit commun de l'assurance vieillesse. Depuis le 1 er janvier 2007, les moniteurs de ski sont affiliés auprès des régimes de base et complémentaire de retraite gérés par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav), qui est l'une des onze sections professionnelles de la CNAVPL.
Au-delà de la régularisation de la situation des moniteurs de ski au regard de la loi, leur intégration effective dans les régimes gérés par la CNAVPL et la Cipav était devenue indispensable en raison de l'équilibre financier précaire à long terme du système mis en place par le SNMSF. Ce système risquait, en effet, à règles constantes, selon le rapport de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale consacré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, d'être en cessation de paiement vers 2020 ou 2023. Son rendement, à l'origine d'environ 18 %, avait été abaissé à environ 7 % (les régimes de retraite français ont un rendement de 6 à 8 %). Si une telle générosité était possible dans les années 1960 et 1970, en raison de la forte croissance démographique des effectifs de moniteurs de ski et de la jeunesse de la population cotisante, les difficultés financières croissantes de son fonds de prévoyance avaient conduit le SNMSF, à partir de 2003, à demander au ministère des affaires sociales une régularisation de la situation de ses adhérents par une affiliation à leurs régimes d'accueil normaux pour l'assurance vieillesse.
Selon les dispositions l'article 110 de la LFSS pour 2007 précitée, les moniteurs de ski adhérents au SNMSF sont réputés avoir satisfait au 31 décembre 2006 aux obligations résultant de leur affiliation à titre obligatoire à l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales au titre des périodes d'exercice comprises entre le 1 er janvier 1978 et le 31 décembre 2006 12 ( * ) .
Ces périodes donnent lieu à l'attribution de points de retraite du régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales, à raison du nombre de points résultant des cotisations acquittées par les intéressés dans le dispositif d'assurance vieillesse mis en place par le SNMSF. Elles donnent aussi lieu à l'attribution de points de retraite du régime d'assurance vieillesse complémentaire dont les moniteurs de ski relèvent désormais à titre obligatoire.
En contrepartie, les réserves financières du dispositif professionnel spécifique d'assurance vieillesse constituées au 31 décembre 2006 par le SNMSF ont été transférées à la CNAVPL et à la Cipav.
Si les effectifs des moniteurs de ski à régulariser étaient peu importants, les conditions financières de cette reprise se sont clairement effectuées au désavantage de la CNAVPL et de la Cipav, et à l'avantage des moniteurs de ski adhérents à l'ancien fonds de prévoyance du SNMSF.
De fait, si les nouvelles prestations servies par la CNAVPL ne représenteraient que 0,6 % des prestations servies (respectivement 0,8 % pour la Cipav), les réserves financières détenues par le SNMSF pour faire fonctionner ce système n'étaient que de l'ordre de 37,5 millions d'euros fin 2006, selon le rapport de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale consacré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Or la CNAVPL et la Cipav, sur la base des travaux du cabinet d'actuaire Winter Associés, estimaient en début 2007 que sur vingt-cinq ans, le coût de l'intégration des moniteurs de ski, y compris les charges de compensation, s'élèverait à 115 millions d'euros.
Sauf à réduire très considérablement les droits à retraite des assurés au titre des années 1978 à 2006 et les pensions des retraités, l'intégration des moniteurs dans les régimes d'assurance vieillesse obligatoires des professions libérales ne pouvait s'effectuer en conservant une neutralité financière.
3. Les pensions de retraite des moniteurs de ski
La validation de trimestres d'assurance retraite dépend du bénéfice réalisé par un moniteur de ski. Pour valider un trimestre, un moniteur de ski doit réaliser un bénéfice d'au minimum 1 800 euros . En conséquence, pour valider quatre trimestres par an, le bénéfice doit atteindre au minimum 6 400 euros. Il n'est pas possible de valider plus de quatre trimestres par an au titre d'une activité de moniteur de ski.
D'après les données communiquées à votre rapporteur tant par la direction des sports que par la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), la pension de retraite moyenne pour un moniteur de ski qui aurait validé l'ensemble des trimestres nécessaires à l'obtention d'une retraite à taux plein grâce à son activité de moniteur de ski s'élèverait à 6 000 euros par an (estimation réalisée à partir d'un chiffre d'affaires moyen par saison de 26 000 euros 13 ( * ) ). Lissé sur une année pleine, la pension mensuelle sera donc comprise entre 450 et 500 euros. Ce montant, qui peut paraître faible, doit toutefois être rapporté au nombre de mois travaillés par les moniteurs de ski pour valider ces trimestres, soit 4 à 5 mois par an . Par mois travaillé, cette pension représente un montant de 1 200 à 1 500 euros.
La Cipav 14 ( * ) a procédé en 2013 à la liquidation de 86 pensions de retraite de moniteurs de ski. Pour le régime de retraite de base, la pension minimale était de 113,44 euros par an et la pension maximale de 4 529,39 euros par an. Pour le régime de retraite complémentaire, la pension minimale était de 52 euros par an et la pension maximale de 2 194,40 euros par an. Cet écart très important s'explique par le fait que certaines personnes ont très peu travaillé en tant que moniteurs de ski au cours de leur carrière, alors que d'autres en ont fait leur activité principale. Les moniteurs ayant le plus cotisé au régime ont bien perçu 6 000 euros par an.
Surtout, il est nécessaire de rappeler que ce montant peut être cumulé avec une pension obtenue au titre d'une autre activité : les moniteurs peuvent valider d'autres trimestres et ouvrir des droits à pension en cotisant au titre d'une autre activité saisonnière, et c'est bien ce que font l'immense majorité d'entre eux.
Malheureusement, aucune étude n'a été réalisée à ce jour pour évaluer le montant moyen total des diverses pensions de retraite servies aux moniteurs de ski. Selon la direction des sports, celui-ci doit cependant être suffisant pour garantir un niveau de vie correct à ses bénéficiaires dans la grande majorité des cas.
4. Une absence de trimestres validés entre 1963 et 1978 préoccupante et à laquelle il serait souhaitable de voir apportée une réponse parallèlement à l'adoption de la proposition de loi
Si l'article 110 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 disposait que les moniteurs de ski adhérents au SNMSF sont réputés avoir satisfait au 31 décembre 2006 aux obligations résultant de leur affiliation à titre obligatoire à l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales au titre des périodes d'exercice comprises entre le 1 er janvier 1978 et le 31 décembre 2006, elle a implicitement considéré que les cotisations versées par des moniteurs de ski entre 1963, date de mise en place du fonds de prévoyance du SNMSF, et 1978, date de l'obligation légale d'adhésion au régime de base et au régime complémentaire d'assurance vieillesse des professions libérales, ne donnaient droit à aucun trimestre d'assurance vieillesse.
Du fait de cette décision, certains moniteurs de ski ayant déjà atteint ou qui vont atteindre dans les années à venir l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, n'ont pas tous les trimestres nécessaires pour disposer d'une pension de retraite à taux plein et sont fortement incités à poursuivre leur activité jusqu'à un âge avancé pour éviter de subir une décote.
Aussi, votre rapporteur, alerté sur ce sujet par les services du Défenseur des droits (voir Annexe II), estime qu'il serait souhaitable que le Gouvernement étudie, dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, les conditions dans lesquelles les moniteurs de ski qui n'ont pas encore liquidé leur pension de retraite pourraient faire valider des trimestres supplémentaires en rapport avec l'activité qui a été la leur entre 1963 et 1978 .
* 9 Le taux d'activité en pourcentage par classe d'âge est calculé saison par saison et génération par génération sur la base de la formule suivante : Taux d'activité de la classe d'âge A pour la saison S = ombre de moniteurs syndiqués ayant l'âge A lors de la saison S / Nombre de moniteurs ayant un jour été syndiqué ayant l'âge A lors de la saison S. Ces taux ont été calculés pour les générations 1931 à 1950 et les saisons 1993 à 2012, puis les moyennes calculées sur la base de ces différents taux, âge par âge.
* 10 Ce graphique corrige les taux d'activité de chacune des générations du taux d'activité du début de la série (base 100 en 1993) avant de recalculer les taux moyens.
* 11 Décret n° 77-1404 du 15 décembre 1977 portant classement dans l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales des professeurs libres de toute discipline.
* 12 Les moniteurs adhérents au Syndicat international des moniteurs de ski n'étaient pas concernés par la reprise des droits organisée par l'article 110 de la LFSS pour 2007 mais sont soumis depuis le 1 er janvier 2007 à l'obligation d'affiliation à la CNAVPL et à la Cipav.
* 13 Voir supra figure n°4.
* 14 Il convient de relever que l'écart entre le nombre de cotisants à la Cipav (9282) et le nombre total d'adhérents aux syndicats professionnels (de l'ordre de 19 000) ne permet pas d'avoir une vision claire des droits acquis en matière de retraite pour l'ensemble des moniteurs de ski.