N° 511

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord relatif à l' hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo ,

Par M. Bertrand AUBAN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; MM. Pierre André, Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1846 , 1915 et T.A. 329

Sénat :

499 et 512 (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Lancé en 1999, le programme européen de radionavigation par satellite (Global navigation satellite system ou GNSS) Galileo a commencé à être déployé en octobre 2011, après une phase de tests entamée fin 2005. Ce projet d'envergure, qui a vocation à trouver des applications dans de nombreux domaines, vise à assurer l'autonomie de l'Union européenne en supprimant sa dépendance à l'égard du système américain GPS ( Global positioning System ).

Constituée à terme de 30 satellites, la constellation Galileo implique le support de structures terrestres. Le centre de surveillance de la sécurité Galileo est l'une de ces entités. Il a pour mission de garantir la sécurité du système , en particulier celle des clefs de chiffrement utilisées pour les liaisons avec les satellites. Il comprend un site principal, basé en France au Camp des Loges à Saint-Germain-en-Laye et un site de secours au Royaume-Uni.

Le présent accord tend à définir les règles relatives à l'hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo sur le site principal en France.

I. LE CENTRE DE SÉCURITE GALILEO, UNE INFRASTRUCTURE ESSENTIELLE AU CoeUR D'UN PROJET STRATÉGIQUE POUR L'UE

1. Historique et enjeu du programme Galileo
a) Une dimension stratégique

Dans le courant des années 90, l'Union européenne prend conscience du caractère vital de la géolocalisation par satellites, tant pour l'économie et le développement industriel qu'en termes de défense et de sécurité. Il lui apparaît alors souhaitable de s'affranchir de sa dépendance à l'égard du système américain GSP, d'autant que celui-ci est placé sous contrôle militaire.

C'est en 1999 que l'Union européenne décide de se doter de son propre système de positionnement par satellites, avec l'objectif d' assurer son autonomie dans ce domaine et de remédier aux lacunes du GPS (manque de précision de la localisation, interruption de la disponibilité des signaux dans certaines zones ou à certains moments, pour des raisons physiques ou politiques 1 ( * ) ).

Il convient de souligner la dimension stratégique de cette démarche, la géolocalisation étant désormais un outil essentiel dans la panoplie de moyens dont sont dotées les grandes puissances, notamment pour la sécurité et la défense.

Ce projet comporte également d' importants enjeux économiques et sociétaux compte tenu du développement significatif des utilisations de ces technologies de positionnement et de datation.

b) Des débuts difficiles

Le programme Galileo connaît un démarrage difficile en raison du mode de financement initialement choisi . En effet, l'Union européenne retient dans un premier temps le modèle du partenariat public-privé (PPP), avec un financement pour un tiers public (assuré à parité par l'Union européenne et l'Agence spatiale européenne) et pour deux tiers privé. Le fonctionnement complexe de cette formule a très vite posé problème (rivalités entre Etats pour le choix du consortium, association difficile des deux consortiums concurrents...).

En 2007, l'Union européenne abandonne le système du PPP . Elle dissout la concession et confie à l'Agence spatiale européenne (ESA) le soin d'attribuer par des appels d'offres les différents segments qui composent le programme .

Les segments du programme GALILEO

Ce programme recouvre :

1°) Une partie « développement » décomposée en quatre lots de travaux :

- un lot spatial , qui correspond à la conception et la fabrication des satellites. La construction des quatre premiers satellites a été confiée à Astrium, celle des 22 suivants à l'entreprise allemande OHB-System ;

- un lot « sol de contrôle », attribué à Astrium Ltd. (Grande-Bretagne), qui vise à assurer le pilotage des satellites (positionnement, manoeuvres) ;

- un lot « sol de mission », attribué à la société franco-italienne Thales Alenia Space, qui vise à préparer les signaux qui vont être envoyés par les satellites ;

- un lot « systèmes », attribué à Thales Alenia Space, destiné à assurer la cohérence entre les trois lots précédents ;

2°) Une partie « déploiement », qui comprend :

- le lancement des satellites , objet d'un lot attribué à Arianespace ;

- la construction et la mise en place d'infrastructures terrestres :

. 16 stations de réception des signaux de navigation, réparties sur le territoire des différents Etats membres à l'échelle mondiale ;

. 5 stations de transmission vers les satellites, installées sur les sites de stations de réception ;

. 5 stations de télécommande et télémesure, qui interviennent pour le contrôle des satellites, installées également sur les sites de certaines stations de réception ;

. 2 centres de contrôle, installés à Oberpfaffenhofen (Allemagne) et Fucino (Italie), qui ont vocation à intervenir à la fois sur l'activité « contrôle » et sur l'activité « mission » ;

. 2 centres de sécurité, implantés, l'un en France à Saint-Germain-en-Laye, qui fait l'objet du présent accord, l'autre au Royaume-Uni, à Swanwick, qui sont chargés de la gestion des accès au service gouvernemental PRS et de la sécurité du système ;

. 1 centre de service, destiné à l'interface avec les utilisateurs, installé à Madrid.

3°) Une partie « opérations », qui vise à assurer le bon fonctionnement des services Galileo via l'utilisation des équipements et logiciels développés pour les segments « sol de mission » et « sol de contrôle » et l'interaction avec les satellites dans la durée. Cette activité est confiée à Spaceopal.

La clarification de la gouvernance et des règles d'acquisition à compter de 2007 permet enfin le décollage du projet . Un ajustement de la gouvernance a eu lieu en 2013 afin de refléter le passage à la phase « opérations », qui se traduit par un rôle accru de l'Agence européenne des systèmes de navigation par satellites ( cf.infra ).

Le lancement des deux premiers satellites de la constellation est intervenu en octobre 2011 ; deux autres ont suivi en octobre 2012. Le déploiement de ces quatre premiers satellites, qui étaient des satellites de validation, a permis d'effectuer les premiers points de navigation en mars 2013, de manière combinée avec le système GPS et de manière autonome. Le lancement des premiers satellites de l'entreprise allemande OHB, initialement prévu pour septembre 2013, devrait intervenir d'ici quelques mois.

La nouvelle perspective financière européenne 2014-2020 accompagnera la suite du déploiement de la constellation et les opérations du système Galileo au fur et à mesure de l'accroissement du nombre de satellites en orbite.

La constellation complète devrait être déployée en 2020 , mais dès 2017 le nombre de satellites en orbite devrait être suffisant pour offrir un service mondial.

c) Un enjeu important pour l'Union européenne

Représentant un investissement total de 13 milliards d'euros (sur la période 1998-2020), Galileo sera intégralement financé par des fonds publics. Cette infrastructure se verra donc appliquer le droit communautaire et sera la propriété de l'Union européenne.

Galileo est le premier grand programme européen d'infrastructure dans le domaine civil . Permettant de tester la coopération institutionnelle et industrielle à l'échelle européenne, il constitue un projet emblématique et fédérateur.

La dimension civile du projet mérite également d'être soulignée dans la mesure où les trois autres systèmes de radionavigation par satellites existants (le GPS américain, le GLONASS russe et le COMPASS chinois, ce dernier se limitant à une couverture régionale) sont d'abord des outils militaires.

D'un point de vue économique, l'UE espère, grâce à Galileo, être en mesure de capter un tiers de la croissance du marché mondial des applications et équipements de radionavigation, qui est multipliée par cinq tous les dix ans.

Par rapport au GPS, Galileo devrait offrir, outre l'indépendance, une fiabilité et une continuité de service dont devraient bénéficier de nombreux secteurs comme les transports ou la téléphonie mobile. A cet égard, l'intégration de Galileo dans les terminaux mobiles (smartphones, tablettes), en complément du GPS, constituera une question stratégique dans les années à venir.

d) Les services offerts par Galileo

Les signaux émis par Galileo seront diffusés sur trois bandes de fréquences (E1, E5 et E6).

Quatre services différents seront proposés :

- un service ouvert (OS, « open service »), accessible gratuitement pour tout utilisateur disposant d'un récepteur Galileo ;

- un service commercial (CS, « commercial service »), service payant offrant des prestations à valeur ajoutée (intégrité et continuité du signal, datation et positionnement plus précis, diffusion d'informations chiffrées...) ;

- un service gouvernemental (PRS, « public regulated service ») à accès contrôlé et protégé des brouillages. Accessible aux autorités publiques en toutes circonstances et aux utilisateurs remplissant une mission de service public, il constituera un instrument essentiel pour la gestion des crises ;

- un service de recherche et de secours (SAR, « search and rescue »), permettant la localisation des signaux de détresse, qui améliorera le dispositif existant pour les sauvetages en mer.

Galileo émettra des signaux compatibles et interopérables avec les autres systèmes de navigation par satellites existants (GPS et GLONASS russe).

De fait, Galileo n'est pas destiné à se substituer au GPS, même si cela constitue une possibilité d'un point de vue stratégique (Galileo garantit l'autonomie européenne en cas de problème dans l'utilisation du GPS). Ainsi, le GPS restera utilisé pour la défense, notamment par l'OTAN.

Le principe sera une utilisation combinée des signaux GPS et Galileo , provenant de deux structures indépendantes et redondantes, permettant une amélioration de la précision et de la fiabilité du positionnement et de la datation .

L'interopérabilité de Galileo avec le GPS a nécessité la signature d'un accord, intervenue en juin 2004, entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Cet accord permet la superposition des signaux ouverts et la juxtaposition des signaux sécurisés.

2. Le centre de surveillance de la sécurité Galileo
a) L'hébergement du CSSG

En novembre 2006, la France et le Royaume-Uni ont présenté une offre conjointe pour l'hébergement du centre de surveillance de la sécurité Galileo, portant sur :

- un site principal qui serait basé en France à Saint-Germain-en-Laye ;

- un site secondaire ou de secours, qui serait implanté à Swanwick au Royaume-Uni.

Cette offre a été retenue par la Commission européenne et les négociations avec les deux Etats membres ont débuté en novembre 2011. Elles ont débouché sur la signature de deux accords, l'un au milieu de l'année 2013 en ce qui concerne le site français, l'autre au début de l'année 2014 pour le site britannique.

Pour la France, il était important d'accueillir sur son territoire cette infrastructure sensible compte tenu de ses implications en matière de sécurité . Elle considère en effet que la sécurité du centre conditionne la confiance que les utilisateurs pourront mettre dans le système Galileo.

Le centre a été construit sur un terrain du ministère de la Défense, au Camp des Loges, sur le fondement d'un permis de construire délivré en septembre 2011. La construction a respecté l'ensemble des normes de construction françaises, y compris la réglementation sur les personnes à mobilité réduite et les grands principes de la réglementation thermique RT 2012.

Le bâtiment, conforme aux recommandations du plan local d'urbanisme (PLU), est intégré au site. Il dispose d'une bonne isolation et d'un dispositif de récupération des calories issues du système de refroidissement destiné aux équipements, qui permet l'alimentation en chaleur des bureaux. En outre, certains matériaux de construction sont naturels (façade en bois).

La construction est achevée depuis septembre 2013 . Le bâtiment et le terrain restant la propriété de l'Etat français, une convention de mise à disposition a été signée entre le ministère de la Défense et l'Agence du GNSS européen, autorité chargée d'exploiter le centre ( cf. infra ).

Au final, les crédits mobilisés par la France pour la construction du site se sont élevés à 4,7 millions d'euros , dont 3,7 millions en provenance du programme budgétaire 191 (budget du Centre national d'études spatiales) et 1 million du programme 190 (budget du Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie).

A cette dépense s'ajouteront les frais liés à l'entretien de l'infrastructure, évalués à environ 30 000 € par an pendant trente ans.

b) L'exploitation du CSSG

Le centre de sécurité Galileo sera exploité par l' Agence européenne des systèmes de navigation par satellites , dénommée dans l'accord Agence du GNSS européen (Global Navigation Satellite Systems Agency ou GSA) 2 ( * ) , dont le siège est situé à Prague, en République tchèque.

Selon le règlement (CE) n° 683/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008, l'Agence du GNSS européen a pour missions :

- l'exploitation du centre de sécurité Galileo ;

- l'homologation de sécurité (mise en oeuvre des procédures et réalisation d'audits) ;

- la préparation de la commercialisation des systèmes ;

- la promotion des applications et des services dérivés ;

- la certification et la normalisation des composantes des systèmes ainsi que d'autres missions pouvant lui être confiées par la Commission.

Une quarantaine de personnes travaillera dans le centre de sécurité Galileo , une trentaine étant du personnel statutaire de l'Agence, les autres dépendant des entreprises sous-traitantes qui interviendront dans le centre.

L'Agence prendra en charge les frais liés à l'exploitation , soit jusqu'à 80 000 € pour la maintenance, le reste correspondant aux dépenses de consommation d'eau et d'électricité. Par ailleurs, l'Agence versera chaque année une somme forfaitaire de 40 000 € au ministère de la Défense en contrepartie de diverses prestations non quantifiables assurées par le Quartier général des Loges au profit du centre.

L'exploitation générera de l'activité indirecte pour l'entretien courant et le fonctionnement, soit un volume d'activité évalué à 2 millions d'euros par an.

Le personnel de l'Agence est d'ores et déjà installé. Actuellement se déroule la phase de déploiement des équipements techniques qui devrait s'achever dans le courant de l'année 2015, en vue d'une mise en service du centre en 2016 .

c) La mission du CSSG : assurer la sécurité du système Galileo

Le centre de sécurité Galileo aura pour missions :

- la gestion des accès au service public réglementé (PRS) ;

- la surveillance de la sécurité du système Galileo et des services fournis ;

- la mise en oeuvre des instructions émanant du Conseil de l'UE en situation de crise ;

- l'analyse des menaces et vulnérabilités qui peuvent porter atteinte à Galileo.

La sécurité du système Galileo constitue un enjeu essentiel. Il s'agit en effet de contrôler l'utilisation de l'information, de refuser l'accès à des utilisateurs malveillants et de garantir la disponibilité du service pour les utilisateurs gouvernementaux autorisés.

Ce dernier point est l'objet du service sécurisé PRS, qui fournira un signal crypté , disponible en toutes circonstances et sans dégradation de performances.

d) Une installation technique critique

Le CSSG a été reconnu comme « point d'importance vitale » (PIV) par un arrêté du 22 mars 2013 du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ce statut implique l'établissement par l'agence d'un plan particulier de protection (PPP) validé par la Préfecture des Yvelines, qui s'applique directement à son fonctionnement, et d'un plan de protection externe (PPE) établi par la Préfecture, qui détermine les mesures de sécurité applicables en temps normal et en cas de crise.

Enfin, le centre étant situé dans le Camp des Loges, il bénéficie du dispositif particulier de protection prévue pour cette enceinte militaire.


* 1 Principe de la « selective availability » : jusqu'en 2000, les Etats-Unis dégradaient volontairement le signal dit ouvert.

* 2 Créée par le règlement (CE) n° 1321/2004 du Conseil du 12 juillet 2004, modifié par le règlement n° 1942/2006 du Conseil du 12 décembre 2006 et par le règlement 1285/2013 sur les programmes européens de navigation par satellites, cet organisme, dénommé initialement GNSS supervisory Authority a été rebaptisée GNSS Agency par le règlement (UE) n° 912/2010 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 qui abroge le règlement (CE) n° 1321/2004 précité.

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