II. LA PROPOSITION DE LOI : RÉPONDRE AUX CRITIQUES RÉCURRENTES ADRESSÉES À LA PROCÉDURE DE RÉVISION

Ce n'est pas tant la sévérité apparente de la commission et de la cour qui ressort de l'examen de ces statistiques qui suscite parfois une certaine incompréhension de la part de l'opinion publique, que les rejets prononcés dans certaines affaires criminelles médiatisées, comme l'affaire Seznec ou l'affaire Leprince. Inversement, la motivation de certaines décisions faisant droit à des demandes de révision peut laisser penser que c'est la probabilité élevée de l'innocence des condamnés ou la culpabilité quasi-certaine d'autres personnes (comme l'a estimé M. Henri Leclerc lors de son audition par votre rapporteur, il faut souvent à la justice un autre coupable pour qu'elle accepte de remettre en cause ses décisions) qui ont convaincu la cour de révision, tandis qu'un simple doute aurait été jugé insuffisant : ainsi dans les affaires Dils, Machin ou Abdelkader X. et Abderrahim Y.

Sur la base de ce constat, la présente proposition de loi tend à réformer la procédure de révision afin d'améliorer les chances d'aboutir des requêtes en révision lorsqu'elles sont justifiées.

A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE JURIDICTION UNIQUE DE RÉVISION ET DE RÉEXAMEN DONT LA COMPOSITION EST DÉTERMINÉE PAR LA LOI

Malgré la portée différente du recours en réexamen et du recours en révision (cf. ci-dessus), les auteurs de la proposition de loi ont considéré que certains points communs entre les deux procédures plaidaient pour la fusion des deux juridictions : la commission de réexamen comme la cour de révision remettent en cause l'autorité de la chose jugée, rejettent les requêtes non fondées, renvoient les affaires lorsqu'il est possible de procéder à de nouveaux débats, peuvent ordonner la suspension de la peine du condamné.

Malgré cette fusion des juridictions, les deux procédures resteraient cependant distinctes : un même recours ne pourrait à la fois demander la révision et le réexamen d'une condamnation.

Aux actuelles commissions et cour de révision ainsi qu'à la commission de réexamen, la présente proposition de loi tend ainsi à substituer une juridiction unique chargée de l'examen des requêtes en révision et en réexamen : la cour de révision et de réexamen .

La composition de la cour de révision et de réexamen s'inspirerait ainsi de celle de l'actuelle commission de réexamen. Le caractère indéterminé de la composition de la cour de révision fait en effet l'objet de fréquentes critiques et suscite des soupçons de partialité 2 ( * ) , c'est pourquoi la proposition de loi a été, sur ce point, saluée par toutes les personnes entendues par votre rapporteur. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme a précisé que le droit à un tribunal comprend « des garanties prescrites par l'article 6-1 quant à l'organisation et à la composition du tribunal et quant au déroulement de l'instance 3 ( * ) ». Il résulte de ce principe qu' « un organe n'ayant pas été établi conformément à la volonté du législateur serait nécessairement dépourvu de la légitimité requise dans une société démocratique pour entendre la cause des particuliers » 4 ( * ) .

Dans la commission de révision et de réexamen issue de la présente proposition de loi, chaque chambre de la Cour de cassation serait représentée à la cour de révision par trois magistrats, désignés par l'assemblée générale de la Cour de cassation pour une durée de trois ans renouvelable une fois, la présidence de la cour de révision étant confiée au président de la chambre criminelle. La cour de révision comporterait ainsi 18 magistrats. Aucun magistrat ne pourrait siéger dans une affaire dont il aurait eu à connaître antérieurement, sauf à l'occasion d'un pourvoi en cassation. En effet, la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé qu'un déport des magistrats dans ce dernier cas rendrait très difficile la composition de la cour de révision et de réexamen, de nombreuses affaires faisant l'objet d'une demande de révision ayant auparavant été examinées par la chambre criminelle (et donc son président) à l'occasion d'un pourvoi en cassation.

Dix-huit suppléants seraient également désignés, celui du président étant obligatoirement le conseiller de la chambre criminelle dont le rang est le plus élevé 5 ( * ) .

Par ailleurs, cinq magistrats et cinq suppléants seraient désignés pour trois ans renouvelable une fois, par les membres de la Cour de révision pour composer la commission d'instruction, chargée à la fois de faire obstacle aux demandes irrecevables ou infondées d'instruire les demandes qui l'exigent et de les transmettre.

Les requêtes en révision seraient ainsi examinées par les cinq membres de la commission d'instruction puis, le cas échéant, transmises aux treize autres membres, qui constitueraient la « formation de jugement » de la cour de révision.


* 2 Comme l'a rappelé lors de son audition Mme Christine Lazerges, présidente de la commission nationale consultative des droits de l'homme, dans l'affaire Leprince contre France, la CEDH a été saisie en 2011 d'une violation de l'article 6-1 de la CEDH, les avocats évoquant une « composition aléatoire » de la cour de révision, les critères présidant à la désignation de ses membres n'étant fixés par aucun texte.

* 3 CEDH, Golderc/Royaume-Uni, 21 février 1975, req. N° 4451/70).

* 4 CEDH, Lavents c/Lettonie, 28 novembre 2002, req. N° 18390/91).

* 5 Cette dernière disposition résulte d'un amendement du rapporteur adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

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