N° 440
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 avril 2014 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à l' artisanat , au commerce et aux très petites entreprises ,
Par M. Yannick VAUGRENARD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
1338 , 1739 et T.A. 299 |
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Sénat : |
376 , 442 et 441 (2013-2014) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Déposé le 21 août 2013 sur le bureau de l'Assemblée nationale et soumis à la procédure accélérée, le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a été adopté en première lecture par les députés le 18 février dernier. Fortement enrichi au cours de la première étape de l'examen parlementaire, puisqu'il est passé de 31 à 56 articles, ce texte a ensuite été renvoyé pour examen au fond à la commission des affaires économiques du Sénat, tout en faisant l'objet d'une saisine pour avis de la commission des lois et de la commission de la culture et de l'éducation.
I. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TEXTE
Outre quelques dispositions ponctuelles de simplification relatives, par exemple, au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce ou encore aux réseaux consulaires, ce texte aborde quatre grands sujets : le régime des baux commerciaux, l'harmonisation des régimes fiscal et social de la très petite entreprise, la définition du champ de l'artisanat et, enfin, la législation de l'urbanisme commercial.
Malgré la diversité des sujets abordés, un seul objectif anime l'ensemble du texte : créer les conditions favorables au développement du tissu des petites entreprises qui maillent l'ensemble du territoire et mettent à la disposition de la population une offre de proximité et de nombreux emplois non délocalisables .
Avec plus d'un million d'entreprises, l'artisanat représente presque le tiers des entreprises du secteur marchand, 3 millions d'emplois, dont 2 millions d'emplois salariés, plus de 100 milliards d'euros de valeur ajoutée par an. Quant au commerce, il occupe 3 millions d'emplois salariés et 360 000 emplois indépendants. Au total, ces deux ensembles constituent 15 % du PIB français. Il faut souligner la part considérable, en leur sein, des très petites entreprises. Dans le secteur artisanal, les structures de moins de 10 salariés représentent 95 % du total des entreprises. Même si dans le commerce la situation est plus contrastée, puisqu'on trouve de grands groupes, le petit commerce de proximité compte encore plusieurs centaines de milliers de TPE.
Il est évident que ce secteur de notre économie, du fait de ses spécificités et de son importance stratégique, demande des formes de régulation spécifiques .
A. UNE RÉFORME DE LA LÉGISLATION DES BAUX COMMERCIAUX
Un des outils historiques de cette régulation est le régime des baux commerciaux, dont la réforme constitue le titre premier du texte .
Ce régime offre déjà aux commerçants des règles protectrices pour garantir la pérennité de l'exploitation commerciale et notamment :
- le droit au renouvellement du bail parvenu à expiration (ou à défaut de renouvellement, le droit à une indemnité d'éviction) ;
- des règles de plafonnement des loyers aussi bien en cours de bail que lors de la fixation du loyer du bail renouvelé ;
- le droit de céder le bail en cas de cession du fonds de commerce, qui fait du bail une composante de ce fonds.
Le projet de loi conforte, modernise et simplifie ce régime protecteur . En s'en tenant aux principales dispositions :
- il impose comme indice de référence pour la mise en oeuvre des règles de plafonnement des loyers l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) ( article 2 ) ;
- il crée des règles pour lisser les augmentations de loyers dans les cas où le plafonnement ne s'applique pas ( article 4 ) ;
- il crée l'obligation d'établir un état des lieux d'entrée et de sortie ( article 5 ) ;
- il crée l'obligation de réaliser un inventaire des charges et de préciser leur répartition entre le preneur et le bailleur dans un triple objectif de transparence, de proportionnalité et d'équilibre des charges entre bailleurs et locataires ( article 5 ) ;
- enfin, il crée un droit de préférence pour le commerçant en cas de cession onéreuse des locaux loués ( article 6 ).
L'examen du texte par l'Assemblée nationale a permis d'aller plus loin, soit en renforçant encore certaines des protections prévues par le texte initial, soit, au contraire, en assouplissant des règles qui semblaient corseter inutilement l'activité commerciale :
- la possibilité de résiliation triennale est redevenue une disposition d'ordre public ( article 1 er A ) ;
- a été levée la règle de prescription des deux ans qui faisait obstacle aux actions contre les clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et celles tendant à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ( article 1 er quater ) ;
- le congé peut désormais être donné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, au libre choix de chacune des parties ( article 7 bis ).
La principale difficulté de cette partie du texte est qu'elle s'applique à des formes d'activités très différentes . Au-delà des petits commerçants indépendants de centre-ville, qui, effectivement, peuvent se trouver dans une situation de faiblesse économique justifiant un régime protecteur, les baux commerciaux s'appliquent également à des formes de commerces qui possèdent un pouvoir de négociation important face aux bailleurs et qui sont même parfois en position de force par rapport à eux. Au-delà encore, les baux commerciaux peuvent concerner des activités de logistique ou de bureau très éloignées d'une activité commerçante classique.
Les bailleurs font ainsi valoir que le caractère universel du régime des baux commerciaux conduit à étendre les nouvelles protections à des situations dans lesquelles elles ne sont pas économiquement pertinentes, au risque d'entraver excessivement la liberté contractuelle, de réduire la rentabilité de l'investissement immobilier et de freiner la construction.
Les députés ont entrepris de corriger, avec pertinence, les problèmes de ciblages originels du texte , en recentrant les protections nouvelles sur les acteurs qui ont vocation à en bénéficier :
- la possibilité de renoncer contractuellement au droit de résiliation triennale a ainsi été maintenue à l'article L. 145-4 du code de commerce pour les baux d'une durée supérieure à 9 ans, pour les locaux monovalents et pour les locaux à usage exclusif de bureaux ;
- le champ d'application du droit de préférence a été redéfini pour tenir compte du cas des centres commerciaux, de façon à éviter un émiettement de la propriété peu propice à une dynamique commerciale collective.