TITRE PREMIER : LE CONTEXTE DE LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE
I. UNE CONVENTION QUI RÉSULTE D'UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE DU CONSEIL DE L'EUROPE
Depuis le début des années 1990 et notamment depuis la troisième Conférence ministérielle européenne relative aux « Stratégies pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes dans la société : médias et autres moyens » en 1993, la lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité du Conseil de l'Europe.
Dans le prolongement de la Recommandation Rec (2002)5 du Conseil de l'Europe sur la protection des femmes contre la violence qui prône une approche globale de prévention et d'éradication de la violence fondée sur le genre, le Conseil de l'Europe a conduit, entre 2006 et 2008, une campagne pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique.
Chargée du suivi de cette campagne, la Task Force du Conseil de l'Europe pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique, s'est livrée à une évaluation des mesures adoptées au niveau national en la matière par les Etats membres. Eu égard aux lacunes constatées et à la nécessité d'harmoniser les mesures de prévention et de protection nationales, elle a recommandé, dans son rapport final d'activité de 2008, l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant sous la forme « d'une Convention européenne des droits humains pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes » en précisant son champ d'application et en prévoyant un mécanisme de suivi de la future convention.
En réponse à cette recommandation, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a institué, en décembre 2008, le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) et l'a chargé d'élaborer un ou plusieurs instruments contraignants en vue d'éliminer la violence à l'égard des femmes y compris la violence domestique.
Entre 2009 et 2010, le CAHVIO a poursuivi ses travaux et procédé à plusieurs réunions auxquelles ont participé de un à quatre représentants gouvernementaux par Etat membre pour approuver, en décembre 2010, le texte final du projet de Convention. Celui-ci a été adopté sans vote, le 7 avril 2011, par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe.
II. UNE CONVENTION QUI RÉPOND À UNE SITUATION DE VIOLENCE À L'ÉGARD DES FEMMES ENCORE TROP INSATISFAISANTE
1. En Europe
L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a publié, le 5 mars 2014, les résultats de son enquête auprès de 42 000 femmes dans 28 Etats de l'Union européenne. Celle-ci révèle une situation alarmante quant à l'étendue des violences physiques, sexuelles, psychologiques vécues par les femmes, y compris pendant leur enfance.
La lecture de ce rapport fait apparaître notamment que :
« - 33 % des femmes interrogées ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle depuis l'âge de 15 ans ;
- 33 % des femmes interrogées ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle commises par un adulte pendant leur enfance ;
- 5 %des femmes ont été violées ;
- 55 %des femmes ont été victimes d'une forme quelconque de harcèlement sexuel ;
- et 67 % n'ont pas signalé à la police ou à un autre organisme l'acte le plus sévère de violence commise à leur égard par un(e) partenaire. »
Dans ses conclusions, la FRA encourage notamment les Etats membres de l'Union européenne à ratifier cette Convention. Elle suggère que l'Union européenne étudie la possibilité d'y adhérer.
2. En France
La France ne dispose pas de données systématiques et récentes sur l'ensemble des violences faites aux femmes.
La charge de rassembler et d'analyser des données sur ce sujet a été confiée, en janvier 2013, à la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (MIPROF) et devait permettre un suivi statistique complet à l'avenir.
Si le troisième plan triennal interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes n'a pas fait l'objet d'un bilan officiel, le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) met en exergue les chiffres suivants :
- « Violences conjugales : 400 000 femmes victimes déclarées en deux ans :
• une femme sur 10 est victime de violences
conjugales ;
• en 2012, 148 femmes sont mortes de violences
conjugales ;
• Moins d'une victime sur cinq se déplace
à la police ou à la gendarmerie.
- Violences sexuelles :
• 16 % des femmes déclarent avoir subi des
rapports forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de
leur vie ;
• 154 000 femmes (18-75 ans) se déclarent
victimes de viol entre 2010 et 2011 ».