EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 janvier 2014 sous la présidence de Michèle André, vice-présidente, a procédé à l'examen du rapport de M. François Marc et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 259 (2013-2014) de M. Dominique Bailly, présentée au nom de la commission des affaires européennes, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.
M. François Marc , rapporteur général . - Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution porte sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et s'inscrit dans les perspectives ouvertes notamment par la Commission européenne et les initiatives franco-allemandes. Elle entend consolider la gouvernance économique de la zone euro ; à ce titre, je vous proposerai de la soutenir.
La proposition aborde trois « thèmes » qui occupent aujourd'hui une place déterminante dans les débats relatifs à l'avenir de la zone euro : la création d'un instrument de convergence et de compétitivité, la mise en place d'une coordination préalable des projets de grandes réformes de politiques économiques et la dimension sociale de l'Union économique et monétaire.
Ces mécanismes ont fait l'objet de nombreuses propositions de la part des différentes instances européennes et ont été débattus dans le cadre des derniers Conseils européens. Pour autant, aucune décision n'a été prise, à ce jour, s'agissant de leur contenu comme de leurs modalités de fonctionnement. La proposition de résolution européenne avance donc des pistes de réflexion qui pourront inspirer les travaux à venir.
Premièrement, cette proposition traite de la création d'un instrument de convergence et de compétitivité. L'institution d'un tel instrument constituerait une rupture dans la « philosophie » qui structure la construction européenne, puisqu'il s'agirait d'introduire une logique contractuelle dans les relations entre les États membres et les institutions européenne : selon le Conseil européen d'octobre 2012, « les États membres concluraient chacun, avec les institutions de l'UE, des arrangements de nature contractuelle sur les réformes qu'ils s'engagent à entreprendre et sur leur mise en oeuvre ». La mise en place de tels « arrangements » permettrait donc de renforcer la coordination économique, sans pour autant que les réformes menées ne soient « imposées » par les institutions européennes.
Pour sa part, la Commission européenne a proposé la création d'un instrument de convergence et de compétitivité. Les États membres négocieraient un accord dans lequel ils s'engageraient mutuellement sur un programme de réformes, qui donnerait lieu à un soutien financier versé par le budget de l'Union européenne.
Enfin, les orientations avancées par le président du Conseil européen, dans son rapport de décembre 2012, sont assez proches ; toutefois, il pose de manière beaucoup plus claire la question de la constitution d'une capacité budgétaire propre de la zone « euro », qui aurait vocation à assister les États membres confrontés à des difficultés économiques.
En outre, Herman Van Rompuy insiste sur la nécessité de mobiliser pleinement le Parlement européen et les parlements nationaux dans la définition des « accords de nature contractuelle », ceux-ci devant contrôler leur bonne mise en oeuvre par la Commission européenne et les gouvernements nationaux.
Enfin, le Conseil européen des 19 et 20 décembre derniers a indiqué que la participation aux arrangements contractuels serait obligatoire pour les pays de la zone euro et volontaire pour les autres États membres de l'Union européenne. Néanmoins, il a demandé à ce que des travaux complémentaires soient engagées par Herman Van Rompuy, en étroite collaboration avec les États membres. En particulier, ces travaux devront préciser ce que seront les mécanismes de solidarité - qui pourraient prendre la forme de subventions, de prêts ou encore de garanties.
La proposition de résolution qui nous est soumise insiste pour que l'instrument de convergence et de compétitivité préserve les marges de manoeuvre des États membres et des parlements nationaux, de sorte que les réformes soient adaptées à la situation économique et sociale de chaque pays, conformément au principe de subsidiarité. J'estime d'ailleurs que cette « autonomie » dans la conception et la mise en oeuvre des réformes constituerait un gage de responsabilité accrue pour les autorités nationales, mais aussi, sans doute, un gage d'acceptabilité par les citoyens.
En outre, la proposition affirme que ce nouvel instrument doit être regardé comme la première phase de la création d'un budget spécifique à la zone euro. Je considère également que la création d'un tel budget présenterait un intérêt économique majeur ; il permettrait de « stabiliser » la zone euro en apportant une assistance aux États connaissant des « chocs » économiques. Cela éviterait aux pays de la zone euro de recourir massivement à l'instrument budgétaire - le seul qui leur reste pour stabiliser l'activité -, alors que les années récentes ont montré les risques d'un niveau d'endettement élevé.
La proposition de résolution recommande également que l'instrument de convergence et de compétitivité et, à terme, le budget de la zone euro, soient abondés par une ressource propre transférée par les États membres. Sur ce point, je vous proposerai tout à l'heure d'adopter un amendement supprimant la référence à l'impôt sur les sociétés. En effet, il est probable que l'harmonisation des assiettes de cet impôt prenne trop de temps et retarde la mise en oeuvre du projet : il est donc préférable de laisser le débat ouvert sur la ressource qui pourrait abonder un futur budget de la zone euro.
Enfin, la proposition juge nécessaire d'instituer un véritable contrôle parlementaire sur l'utilisation des nouveaux instruments et propose, entre autres, la création d'une commission spéciale compétente pour la seule zone euro au sein de la Conférence interparlementaire de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)...
M. Jean Arthuis . - Bonne proposition !
M. François Marc , rapporteur général . - ...ou encore la création d'un comité mixte réunissant des parlementaires européens et nationaux issus des pays de la zone euro, qui rappelle la proposition formulée par Jean Arthuis dans son rapport au Premier ministre de mars 2012. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de ces questions tout à l'heure, lorsque le président Philippe Marini nous rendra compte de la conférence à laquelle il s'est rendu à Bruxelles, la semaine dernière, avec nos collègues Jean Arthuis et Richard Yung .
Deuxièmement, la proposition de résolution européenne traite de la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques. Afin de compléter le cadre actuel en matière de surveillance économique, la Commission européenne a préconisé, en novembre 2012, que les projets nationaux de grandes réformes des politiques économiques soient examinés et débattus au niveau de l'Union européenne avant qu'une décision définitive soit adoptée au niveau national. Concrètement, la Commission européenne propose que les États membres lui soumettent les informations relatives à leurs projets, dans la mesure du possible par le biais des programmes nationaux de réforme. Toutefois, le périmètre de la notion de « grande réforme » demeure vague, et la Commission a prévu une consultation publique pour en préciser le contenu.
La proposition de résolution européenne insiste sur la nécessité d'appliquer cette procédure uniquement aux réformes ayant des effets transfrontaliers importants ou des conséquences sensibles sur le fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Je pense également qu'il faut éviter de donner à un tel dispositif un périmètre trop large, qui serait susceptible de conduire à sa « banalisation » et, par conséquent, à une perte d'efficacité et de légitimité.
La proposition de résolution considère également que la mise en oeuvre de la procédure de coordination préalable devrait « laisser aux autorités nationales la liberté de définir elles-mêmes les modalités qu'elles jugent les plus opportunes pour mettre en oeuvre les grandes réformes sur lesquelles elle porte ». Il s'agit, là encore, en vertu du principe de subsidiarité, de laisser les autorités nationales porter la responsabilité politique des réformes - sans invoquer la « faute de l'Europe » - afin d'en assurer l'acceptabilité par les citoyens.
Enfin, la proposition juge que la procédure de coordination préalable doit constituer un outil permettant de se rapprocher de la création d'un véritable gouvernement économique de la zone euro. Cet objectif, avancé par le Président de la République en mai 2013, me paraît en effet devoir être soutenu.
Troisièmement, la proposition de résolution traite de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Cette dimension est aujourd'hui marginale dans la mesure où les politiques sociales et d'emploi relèvent pour l'essentiel de la compétence nationale des États membres. Néanmoins, dans une communication d'octobre 2013, la Commission européenne a formulé, à la demande du Conseil européen, différentes propositions afin de mieux tenir compte des questions sociales et d'emploi dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire. Les initiatives les plus précises portent sur la définition de nouveaux indicateurs sociaux et leur prise en compte dans les procédures. En effet, s'il existe déjà quelques indicateurs sociaux dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », ils font seulement l'objet d'une évaluation annuelle par le Conseil européen et n'ont qu'une faible portée politique.
La Commission européenne a donc proposé deux nouvelles séries d'indicateurs sociaux : d'une part, un tableau de bord de cinq indicateurs clefs en matière sociale et d'emploi, qui compléterait le « rapport conjoint » sur l'emploi, d'autre part, une série de quatre indicateurs auxiliaires complétant le tableau de bord du rapport sur le mécanisme d'alerte, présenté en novembre par la Commission européenne au Conseil, dans le cadre de la procédure sur les déséquilibres macroéconomiques.
Lors du Conseil européen de décembre dernier, les avancées ont été très timides. Une majorité de chefs d'État et de gouvernement a en effet refusé la seconde série d'indicateurs, qui aurait impliqué de prendre en compte des indicateurs sociaux - tels que le taux de chômage de longue durée ou le taux de risque de pauvreté - dans la procédure de déséquilibres macroéconomiques. De plus, les conclusions précisent que les indicateurs clefs annexés au rapport conjoint sur l'emploi « auront pour seule finalité de permettre de mieux appréhender les évolutions dans le domaine social », ce qui est une formulation assez vague qui, en outre, limite la portée de ces indicateurs.
Au regard de ce maigre résultat, la proposition de résolution propose donc de concrétiser la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Elle met en avant trois pistes. Premièrement, la prise en compte des indicateurs sociaux dans les procédures d'évaluation des déficits publics et des déséquilibres macroéconomiques. Ceci permettrait en effet de tenir compte des conséquences sociales potentiellement négatives des ajustements et des mesures correctives préconisés aux Etats membres, et dans une certaine mesure, de les prévenir. Deuxièmement, la proposition de résolution préconise la participation des ministres en charge de l'emploi et des affaires sociales aux réunions de l'Eurogroupe, ce qui reprend une proposition de la contribution franco-allemande du 30 mai 2013. Troisièmement la proposition de résolution propose la création d'un système d'assurance chômage dans la zone euro, qui n'aurait pas vocation à se substituer aux systèmes nationaux mais à les compléter en cas de choc macroéconomique. Il présenterait le double avantage de contribuer à l'objectif de stabilisation de la zone euro et d'avoir une forte visibilité auprès des citoyens. Un tel projet serait donc à même de redynamiser la construction européenne, tout en consolidant la zone euro. Je souligne que cette proposition a notamment été portée par un groupe de onze économistes, juristes et politologues allemands (le « Glienicker Gruppe »), dans une tribune d'octobre 2013 qui avait eu un certain retentissement, car ils s'y inquiétaient de l'attentisme de l'Allemagne et formulaient des propositions ambitieuses pour la zone euro.
Au total, la proposition de résolution européenne vient s'inscrire dans un moment-clef de la construction européenne. Le caractère novateur des mécanismes proposés ne doit pas nous faire perdre de vue les principaux enjeux pour l'avenir de l'Europe que sont la capacité de relancer la croissance et la mise en oeuvre de l'union bancaire, dont nous aurons l'occasion de reparler prochainement.
Mais à travers les évolutions des procédures multiples et relativement complexes de la gouvernance budgétaire européenne, des questions essentielles sont posées, portant sur la coordination des politiques économiques et une forme de « fédéralisme budgétaire » au sein de la zone euro. Ces initiatives traduisent une volonté d'approfondir l'intégration entre membres de la zone euro, qui se trouve clairement au coeur du projet européen : nous assistons ainsi à la réalité croissante d'une Europe « à deux vitesses », selon que les pays sont ou non dans la zone euro. Il est donc essentiel que le Sénat s'implique dans ce processus crucial pour l'avenir de la zone euro, mais également de l'Union européenne ; cette proposition de résolution européenne, en posant un certain nombre de principes, y contribue utilement.
Je vous propose de l'adopter sous réserve d'un amendement tendant à supprimer la précision selon laquelle la ressource devant abonder une « capacité budgétaire » autonome de la zone euro serait l'impôt sur les sociétés, ainsi que d'un amendement rédactionnel.
S'agissant du premier amendement, il paraît opportun de chercher à ce que la « capacité budgétaire » de la zone euro soit abondée par une ressource sensible aux cycles économiques. Ainsi, l'objectif est que les ressources du budget de la zone euro ne puissent avoir un effet pro-cyclique, qui pourrait intensifier une tendance de ralentissement de l'activité en pesant sur les acteurs économiques. Pour autant, recommander aujourd'hui que la ressource de la « capacité budgétaire » de la zone euro soit constituée d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés présente des limites. Le transfert d'une fraction des recettes d'impôt sur les sociétés nécessité, en effet, une harmonisation préalable des assiettes de cette imposition entre les différents États membres de la zone. Or, les travaux engagés à l'initiative de la Commission européenne sur le projet d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ont fait apparaître que ce processus serait probablement long et délicat. Dans ces conditions, j'estime que retenir pour base de travail l'idée d'un transfert d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés risquerait de ralentir la mise en place d'une « capacité budgétaire » de la zone euro ; c'est pourquoi je vous propose de supprimer la référence à l'impôt sur les sociétés de la présente proposition de résolution européenne.
M. Jean Arthuis . - Je remercie le rapporteur général pour la clarté de son propos. Cette proposition de résolution européenne va dans la bonne direction en ce qu'elle tend à instituer un gouvernement spécifique de la zone euro. Chacun a bien compris que lorsque l'on est membre de la zone euro, on a des responsabilités financières d'une importance particulière. Lorsqu'un accident survient dans la zone euro, seuls les États membres de cette zone contribuent financièrement, et non l'ensemble des pays de l'Union européenne ! Dans ces conditions, il ne s'agit pas seulement de venir renflouer les États membres qui en ont besoin, mais encore faut-il que les intéressés adoptent les bonnes pratiques et qu'au surplus, l'on ait les moyens de prévenir de tels incidents.
S'agissant de la création d'un budget propre à la zone euro, c'est une belle ambition mais, à la vérité, je ne vois pas de quels sont les impôts pourrait disposer ce budget. Le transfert d'une quotité d'impôt sur les sociétés me paraît très difficilement réalisable. Nous avons bien vu les difficultés à définir un régime d'impôt sur les sociétés commun, dans le cadre du projet d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous avons en fait défini un vingt-neuvième système à côté des vingt-huit systèmes nationaux.
En revanche, si l'on doit un jour instituer une taxe sur les transactions financières au niveau européen, elle pourrait financer le budget de la zone euro, à la condition que tous les Etats membres de la zone euro aient accepté la création de cette taxe.
Je comprends donc le bien fondé de votre amendement. Je m'interroge toutefois sur la mention du transfert de recettes « sensibles à la conjoncture », à l'alinéa 19 de la proposition de résolution. Qu'est-ce que cela signifie ? Les années de mauvaise conjoncture, il n'y aurait donc pas de recettes... De plus, ce même alinéa indique que le budget de la zone euro serait financé « à coût constant, sans dépenses supplémentaires ». Cela signifierait que les États membres devraient réduire leurs impôts nationaux à due concurrence mais qu'en serait-il pour les autres États membres, qui ne sont pas dans la zone euro ? Si vous y êtes favorable, je vous propose donc de supprimer toute la fin de l'alinéa 19 à partir de « sans dépenses supplémentaires ».
En outre, les alinéas 25 et 26 semblent redondants. L'institution d'une commission spéciale compétente pour la seule zone euro, au sein de la Conférence interparlementaire - ce qui me paraît une excellente idée - n'annulerait-elle pas la nécessité de créer un « comité mixte comprenant des membres du Parlement européen issus des pays de la zone euro et des membres des parlements nationaux de la zone euro » ?
M. Éric Bocquet . - J'ai deux remarques : l'une sur l'aspect démocratique et l'autre sur l'aspect social. Le premier point qui me froisse un peu est que l'on parle d' « acceptabilité » des citoyens : ceci correspond à une ambition très modeste au regard du déficit démocratique existant. Il faudrait pouvoir construire un projet fédérateur.
Ensuite, la dimension sociale n'apparaît que subrepticement dans un texte sur la gouvernance économique et financière. Je trouve que l'on fait peu de cas des politiques sociales, qui devraient constituer l'un des piliers de la construction européenne et qui en est malheureusement bien absente. Pourtant, les sujets ne manquent pas. Il faudrait tout d'abord inscrire à l'ordre du jour la question d'une harmonisation sociale par le haut. Je prendrais deux exemples : le salaire minimum - qui n'existe pas tous les pays européens - et la directive sur les travailleurs détachés.
Pour l'ensemble de ces raisons de fond, nous ne voterons pas cette proposition de résolution.
M. Jacques Chiron . - Au sujet des nouvelles recettes qui pourraient alimenter un futur budget de la zone euro, on connaît tous aujourd'hui les problèmes d'optimisation fiscale au sein de l'Union européenne, en particulier dans le secteur du numérique. Un petit nombre de pays en bénéficie et tous les autres en souffrent. Les entreprises internationales qui pratiquent cette optimisation ne pourraient-elles pas être soumises à une taxe spécifique qui viendrait alimenter le budget de la zone euro ? Ceci permettrait, peut-être, de réduire la contribution des États membres au budget de l'Union européenne. Cette idée est peut-être iconoclaste, mais il s'agirait de traiter le problème de l'optimisation.
M. Jean Germain . - Bien évidemment, étant favorable à la construction européenne, je voterai cette proposition de résolution. Mais tout cela est désolant ! Tous ces mécanismes sont totalement incompréhensibles pour le grand public. Lorsque l'on voit les débats que suscitent au Sénat la fusion de régions, de départements voire de communautés de communes, comment pourrait-on rendre intelligibles et acceptables pour les Français et les Françaises de tels mécanismes ?
S'agissant des impôts, tant qu'il n'y aura pas, au niveau européen, un impôt distinct sur les entreprises et sur les ménages, tous ces projets resteront lettre morte.
Et voyez ce vocabulaire ! Il faut un dictionnaire pour comprendre chacune des propositions. Edmond Hervé me signalait qu'il faudrait peut-être les traduire en breton !
M. François Marc , rapporteur général . - Je peux le faire !
M. Philippe Adnot . - Pour ma part, je pense que la maîtrise budgétaire est un principe qui doit s'appliquer partout, y compris au niveau européen. Cela passe par une application stricte du principe de subsidiarité et une diminution du nombre de compétences exercées au niveau européen. Dans cet esprit, je ne voterai pas cette proposition de résolution.
M. Yann Gaillard . - Je suis de l'avis de Philippe Adnot. Compte tenu de l'importance de ces réformes, elles devraient être discutées au plus haut niveau - je ne saurais donc voter en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Il ne me semble pas qu'une proposition de résolution européenne soit le bon véhicule pour avancer vers la création d'un budget de la zone euro - même si je suis convaincu du bien-fondé de cet objectif. Les propositions avancées par cette proposition de résolution ne résolvent rien et ne font que compliquer les choses. Je ne la voterai donc pas non plus.
M. Jean Arthuis . - Le mécanisme européen de stabilité (MES) constitue, à n'en pas douter, une esquisse du futur budget de la zone euro, à l'exemple de ce qui s'est passé pour les États-Unis au lendemain de la guerre d'indépendance : les États fédérés, fortement endettés, avaient estimé qu'ils devaient mutualiser leurs dettes. Le MES, mis en place au lendemain de la crise des dettes souveraines, a d'ailleurs nécessité l'autorisation des parlements nationaux pour le doter en capital et garantir les emprunts souscrits.
M. François Marc , rapporteur général . - Les questions qu'aborde cette proposition de résolution européenne sont sur la table depuis plusieurs années. Il s'agit de peser sur les travaux en cours au niveau européen, qui s'inspirent de propositions de la Commission européenne et des discussions du Conseil européen, qui a validé ces orientations en décembre 2013. C'est là l'objet de la proposition de résolution qui nous est soumise par notre collègue Dominique Bailly au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.
Sur la question de l'acceptabilité, soulevée par Éric Bocquet, un certain nombre de réticences existent aujourd'hui chez nos concitoyens. Si l'on peut leur donner le sentiment que l'on est en mesure de peser sur la gouvernance économique et sur les questions d'emploi, cela améliorerait leur perception de l'Union européenne.
Sur le point crucial de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire, je rappelle dans mon rapport mon attachement à la généralisation des salaires minimaux en Europe. En avril 2012, la Commission européenne a plaidé en faveur d'une telle généralisation, dès lors que « la fixation de salaires minimaux adaptés peut aider à prévenir une augmentation du nombre de travailleurs pauvres et est importante pour garantir la qualité d'emplois décents ».
Sur l'Europe sociale, il y a évidemment d'autres problématiques que celles évoquées dans la proposition de résolution : le salaire minimum, les travailleurs détachés. Mais la proposition de résolution se concentre sur la gouvernance économique et financière et non sur le fond des politiques sociales qui appellent sans doute des réponses spécifiques. Le fait de prendre en compte des indicateurs sociaux dans les procédures d'ajustement macroéconomique de l'Union économique et monétaire serait déjà une avancée.
S'agissant de la question d'une fiscalité spécifique, qui donnerait davantage de visibilité à l'Union européenne, je crains que le contexte actuel ne soit pas favorable à un accroissement des prélèvements obligatoires.
Les procédures européennes sont certes nombreuses et complexes car elles portent peu sur le fond des politiques mais sur des mécanismes régulant les relations entre les États membres et les institutions européennes. Il est donc d'autant plus important que l'Union européenne puisse s'intéresser, par ailleurs, à des questions touchant la vie quotidienne des citoyens. Dans cette perspective, l'utilisation d'un ensemble d'indicateurs sociaux, facilement compréhensibles par tous et qui seraient pris en compte dans les décisions européennes, serait bénéfique. Cela limiterait les interrogations et les inquiétudes de nos concitoyens.
Sur la question de l'impôt sur les sociétés, je suis d'accord avec Jean Arthuis sur le fait que le projet d'ACCIS ne constitue pas une véritable harmonisation. Faut-il, dans ce cas, une taxe sur les transactions financières pour financer un budget propre à la zone euro ? Là aussi, la question de l'acceptabilité est posée par un certain nombre d'États membres. Enfin, pourquoi choisir de transférer un impôt sensible à la conjoncture ? Il s'agit d'éviter les effets procycliques afin d'alimenter un fonds dont les dépenses ne correspondraient pas nécessairement aux recettes annuelles. Ce fonds pourrait constituer des réserves pour les périodes difficiles. Grâce aux liquidités accumulées dans les périodes fastes, on pourrait financer des politiques de soutien dans les moments difficiles.
M. Jean Arthuis . - C'est beau comme l'antique ! Cette rédaction crée du bonheur !
Mme Michèle André . - Le bonheur ne peut jamais faire de mal.
M. François Trucy . - Je souhaiterais intervenir afin d'expliquer mon vote. Je me considère totalement incompétent pour apprécier cette proposition de résolution européenne ! Malgré la clarté de l'exposé du rapporteur général, je suis gêné par la complexité de ce texte. Aussi, je m'abstiendrai.
M. Jean Arthuis . - Au risque de ne pas paraître aussi humble que François Trucy, je prendrai le risque de voter les amendements que nous propose le rapporteur général, ainsi que la proposition de résolution européenne. Il est indéniable que celle-ci présente une forte dimension incantatoire. Il est toujours agréable d'adopter de tels textes : ils nous donnent le sentiment de véritablement faire du social ! Mais l'on affiche rapidement son impuissance dans ce genre d'exercice... Pour autant, cette proposition de résolution va dans la bonne direction en ce qu'elle reconnaît la nécessité de doter la zone euro d'un véritable gouvernement. Pendant dix ans, alors même que nous avions fait le choix de la monnaie unique, nous avons renoncé à gouverner la zone euro. Et nous avons fait n'importe quoi ! La crise grecque a fait comprendre à tous la nécessité de revoir la gouvernance de nos finances publiques au niveau national et au niveau européen.
M. Edmond Hervé . - Je voterai également cette proposition de résolution car je suis profondément européen. J'ai entendu François Marc évoquer la question du salaire minimum ; c'est un point sur lequel je souhaiterais mettre en garde l'ensemble des membres de la commission. La mise en place d'un salaire minimum fait aujourd'hui l'objet de vifs débats en Allemagne et la liste des secteurs qui ne seraient pas concernés par ce dispositif ne cesse de s'allonger ! Il est essentiel que nous nous tenions informés de ces débats. J'ai la conviction que les questions du salaire minimum et des travailleurs détachés seront au coeur des prochaines élections européennes - aussi, je crains que les sujets abordés dans cette proposition de résolution européenne ne soient que trop éloignés des préoccupations des citoyens.
Sans nous immiscer dans les affaires allemandes, il est impératif que nous soyons attentifs à la mise en place effective d'un salaire minimum en Allemagne. L'opinion publique française est convaincue qu'il s'agit d'un acquis, mais c'est loin d'être le cas !
M. Jacques Chiron . - Je ne proposais pas la mise en place d'une taxe supplémentaire. Je souhaitais juste que soit engagée une réflexion tendant à faire contribuer les grandes entreprises pratiquant l'optimisation fiscale au sein de l'Union européenne - je pense notamment à celles spécialisées dans la vente à distance, établies au Luxembourg, qui n'acquittent pas la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l'État du consommateur...
M. Jean Arthuis . - Ceci est vrai pour les prestations immatérielles, mais non pour les biens tangibles.
En réaction à ce que vient de dire Edmond Hervé, je souhaiterais dire qu'il ne faut pas attendre que l'Europe règle nos problèmes à notre place. S'agissant des détachements de collaborateurs au sein de l'Union européenne, j'entends partout qu'il faut réduire les taux de TVA. Mais ce n'est pas la solution ! Le seul impôt que paient les prestataires étrangers est justement la TVA ! Il faut donc baisser massivement les cotisations sociales pour renforcer la compétitivité. Il est également nécessaire de cesser de faire adhérer de nouveaux États dont les salaires s'écartement substantiellement de ceux constatés dans nos pays !
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 est adopté.
La proposition de résolution européenne a alors été adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.