B. UNE MODERNISATION INDISPENSABLE DE LA LÉGISLATION
1. Une initiative parlementaire unanimement approuvée
La fragilité du réseau des librairies indépendantes et la concurrence exacerbée, sur le marché du livre, d'Amazon, dont les pratiques commerciales impliquent, à terme, un risque de situation monopolistique, ont conduit l'Assemblée nationale à proposer de limiter les avantages offerts aux clients des plateformes de vente de livres en ligne.
Aux termes de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, un rabais maximum de 5 % sur le prix fixé par l'éditeur ou par l'importateur peut être consenti à l'acheteur par le détaillant, quelle que soit la nature de celui-ci. Ce rabais est porté à 9 % pour les achats réalisés par les collectivités territoriales, les établissements d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, les syndicats, les comités d'entreprises ou encore les bibliothèques.
Le rabais légal de 5 % est aujourd'hui pratiqué occasionnellement par les libraires, dont les faibles marges commerciales ne permettent pas l'application systématique de cette disposition, comme par la Fnac, notamment dans le cadre de programmes de fidélité.
En revanche, Amazon pratique systématiquement cette ristourne, que l'entreprise cumule, également systématiquement, avec la gratuité des frais de port , dans le cadre d'une livraison à domicile comme en « point relais ». Dans le souci de demeurer concurrentielle, la Fnac propose un service identique, à la différence près que le rabais de 5 % n'est offert qu'aux seuls bénéficiaires de la « carte adhérent ». D'aucuns estiment que ces sociétés contournent alors l'esprit de la législation sur le prix du livre par une ristourne excessive , le prix de vente de l'objet comprenant alors également le coût des frais de port, coût variable d'une société à l'autre mais, en tout état de cause, jamais nul.
La rédaction du texte de 1981, où la vente en ligne n'était ni envisageable ni envisagée par le législateur, laisse la voie ouverte à diverses interprétations en ne mentionnant pas plus clairement l'interdiction d'appliquer des frais de livraison gratuits.
Comme votre rapporteure l'a indiqué précédemment, dans son arrêt du 6 mai 2008, en se basant sur le droit des contrats et l'obligation de délivrance incombant au vendeur aux termes de l'article 1608 du code civil, la Cour de Cassation a considéré que la livraison d'un livre commandé en ligne pouvait être prise à sa charge par l'entreprise sans que cela ne constitue une vente à prime.
L'objet de la proposition de loi présentée par Christian Jacob, Christian Kert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres vise à revenir à la lettre de la loi du 10 août 1981 en précisant, à l'article 1 er du texte, que « la prestation de livraison à domicile ne peut pas être incluse dans le prix ainsi fixé » , c'est-à-dire dans le prix fixé par l'éditeur ou l'importateur de l'ouvrage, qu'il soit ou non fait application du rabais de 5 %.
Après un long débat en séance publique le 3 octobre dernier, le texte voté par l'Assemblée nationale à l'unanimité à la suite de l'adoption d'un amendement gouvernemental, inverse intégralement la proposition initiale : il ne s'agit plus d'interdire la gratuité des frais de port, mais l'application de la remise commerciale de 5 % pour tout livre commandé en ligne et livré à domicile.