B. LA POURSUITE DU RENFORCEMENT DES EFFECTIFS
1. La création de 243 emplois supplémentaires
Concernant l'évolution de l'emploi au sein du présent programme, les grandes tendances relevées l'année dernière trouvent leur prolongement en 2014 .
Alors qu'en 2013 le programme a vu ses emplois augmenter de 288 ETP, le mouvement se poursuit en 2014 avec 243 ETP supplémentaires à périmètre constant. Dans un contexte budgétaire tendu, cette hausse traduit la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité. Le programme « Police nationale », tout comme le programme « Gendarmerie nationale » (Cf. infra ), sont parmi les rares programmes (avec la justice et l'éducation nationale) à connaître une hausse de leurs effectifs. Pour mémoire, entre 2009 et 2012, les « mandats RGPP » avait fixé une réduction des effectifs de la police à hauteur de 5 202 ETP.
La structure de l'emploi au sein de la police continue également d'évoluer dans le sens déjà signalé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013. Les emplois de « Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement » baissent de 255 ETP (286 ETP en 2013). S'agissant des commissaires et des officiers , ces emplois ont connu au cours des dernières années une réduction à mettre en relation avec les transformations d'emplois prévues par la réforme des « corps et carrières » de la police nationale 35 ( * ) , impliquant une déflation des effectifs du corps de conception et de direction ainsi que de celui de commandement.
En contrepartie, les emplois relevant du corps d'encadrement et d'application (CEA), correspondant aux gradés et aux gardiens de la paix , progressent de 162 ETP. Les personnels scientifiques enregistrent une hausse de 153 ETP, tandis que les adjoints de sécurité » (ADS) augmentent de 81 ETP (contre 216 ETP en 2013).
Au total, le plafond d'emplois du programme « Police nationale » passe de 142 317 ETPT à 143 606 ETPT (+ 1 289 ETPT) , les effets en année pleine des créations d'emplois en 2013 se faisant sentir.
Votre rapporteur spécial souhaite que les efforts en termes de création d'emploi permettent notamment de contribuer à endiguer le flux d'heures supplémentaires effectuées par les personnels de police. En effet, le stock d'heures supplémentaires du CEA au 31 décembre 2012 s'élève, selon le ministère de l'intérieur, à 14,6 millions d'heures , soit environ 144 heures en moyenne par agent. Selon les méthodes d'évaluation retenues 36 ( * ) , ce stock correspond à une charge de 180 millions d'euros à 298 millions d'euros.
2. La hausse des dépenses de personnel : + 1,5 %
En termes de dépenses de personnel , les tendances précédemment décrites se traduisent par une hausse de 1,5 % , le poste budgétaire passant de 8,586 milliards d'euros en 2013 à 8,713 milliards d'euros en 2014.
Outre les créations d'emploi, cette augmentation trouve également largement son explication dans la progression des contributions aux charges de pensions : 2,875 milliards d'euros en 2014 au lieu de 2,836 milliards d'euros en 2013 (+ 1,4 %) .
En 2014, 28,9 millions d'euros seront consacrés aux revalorisations indiciaires et indemnitaires des différents corps composant le programme (pour un coût total en année pleine de 58,4 millions d'euros).
Dans le domaine des mesures catégorielles, des arbitrages budgétaires réalisés dans le cadre du présent projet de loi de finances prêtent à discussion.
D'une part, l'adaptation de la nouvelle grille de catégorie B aux CEA (gradés et gardiens de la paix) ne prendra effet qu'à compter d'octobre 2014 (pour un coût de 5,1 millions d'euros sur les trois derniers mois de l'année et un montant de 20,4 millions d'euros en année pleine). Lors de ses auditions 37 ( * ) , votre rapporteur spécial a entendu les préoccupations et le fort mécontentement de plusieurs organisations représentatives des personnels à l'égard de ce « report de la mise en paiement de la catégorie B en octobre 2014 ».
D'autre part, le régime indemnitaire des élèves en école de police et de gendarmerie a fait l'objet d'un arbitrage ayant pour conséquence une baisse du taux de l'indemnité de sujétions spéciale de police (ISSP) , à compter du 1 er novembre 2013, pour les nouveaux entrants dans les écoles.
La baisse de l'ISSP Cette mesure est applicable à tous les élèves qui entrent en école de police ou de gendarmerie après le 1 er novembre 2013. Pour la police en particulier et sur la base des recrutements et des élèves entrant en école en 2014 (aucune entrée en école n'est en effet prévue à la fin de l'année 2013), elle devrait concerner l'année prochaine, selon les prévisions communiquées par le ministère de l'intérieur à votre rapporteur spécial : - 2 478 élèves gardiens (CEA) ; - 69 élèves commissaires ; - 70 élèves officiers. Les élèves gardiens devraient ainsi percevoir une ISSP à un taux de 12 %, soit 172 euros par mois contre actuellement un taux de 26 % et 372 euros par mois. Pour les élèves officiers et les élèves commissaires, le taux passera à 10 % avec une prime d'un montant de, respectivement, 182 euros et 171 euros (contre actuellement un taux de 25 % et des primes de, respectivement, 379 euros et 342 euros). Ces montants peuvent utilement être mis en regard du niveau de rémunération d'un élève gardien qui s'établira ainsi à 1 602 euros bruts par mois (celle d'un élève officier sera de 1 849 euros et celle d'un élève commissaire de 2 047 euros). Le ministère de l'intérieur rappelle que ce niveau est supérieur de 10 % à la rémunération d'un élève attaché (catégorie A). Il est attendu de cette mesure une économie de 10 millions d'euros en 2014, dont 6 millions d'euros pour la police nationale. |
Votre rapporteur spécial déplore cette mesure. Il rappelle les risques particuliers que seront amenés à courir les élèves tout au long de leur future carrière dans la police et dans la gendarmerie. Alors que la mesure est d'un rendement limité (10 millions d'euros), elle risque d'entamer le « moral des troupes » et de rendre les métiers de la police et de la gendarmerie moins attractifs pour les jeunes ayant envie de servir leur pays.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial continue de s'interroger sur les effets de la prime au mérite instituée par le décret n° 2004-731 du 21 juillet 2004 portant création d'une prime de résultats exceptionnels dans la police nationale. Au titre de l'année 2014, une dotation de 25 millions d'euros (comme en 2013) est prévue pour cette mesure. Les conditions d'attribution de cette prime ne doivent pas contribuer paradoxalement à démotiver les personnels et décourager les initiatives.
En conséquence, votre rapporteur spécial estime nécessaire une réévaluation de l'économie générale de cette prime pour résultats exceptionnels .
* 35 La réforme des « corps et carrières » de la police nationale a été lancée en 2003 et s'est traduite dans un protocole d'accord signé, le 17 juin 2004, entre le ministre de l'intérieur et la quasi-totalité des organisations représentatives des personnels. Ce protocole fixe cinq objectifs : rendre plus efficace l'organisation hiérarchique, renforcer les compétences et l'encadrement quotidien, mieux motiver les personnels en reconnaissant les professionnalismes, les mérites et en redonnant des perspectives de carrière, récupérer du potentiel par une gestion du temps plus rigoureuse, et moderniser la gestion des ressources humaines.
* 36 Le tarif horaire de rachat d'une heure supplémentaire est, pour le ministère de l'intérieur, de 12,33 euros. Toutefois, dans le cadre de la certification des comptes de l'Etat, la Cour des comptes requiert la constitution d'une provision. Or, afin de calculer cette provision, la Cour des comptes s'appuie sur le coût horaire des CEA pour 264 jours de travail, soit 20,44 euros. Le stock d'heures supplémentaires peut donc être évalué à 180 millions d'euros au coût de rachat choisi par le ministère de l'intérieur et à 298 millions d'euros au coût retenu par la Cour des comptes. En conclusion sur ce point, il convient d'observer que le présent projet de loi de finances ne prévoit pas de financement pour le rachat d'une partie du stock actuel d'heures supplémentaires.
* 37 Auditions d'UNSA Police, d'Alliance Police nationale et d'Union SGP - Unité police.