N° 141
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 novembre 2013 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),
Par M. Jacques BERTHOU,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini . |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
97 et 142 (2013-2014) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, qui a été déposé au Sénat le 23 octobre 2013.
Cet accord international, signé le 19 février 2013, fait partie d'un « paquet » relatif à la création du brevet européen à effet unitaire, anciennement appelé « brevet communautaire ». Il complète deux règlements de l'Union européenne du 17 décembre 2012 instituant un titre de brevet européen à effet unitaire.
Avant de décrire ce nouveau système juridictionnel et ses conséquences pour notre pays, votre rapporteur a jugé utile de décrire brièvement le système actuel des brevets en Europe.
I. UN ACCORD QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DU SYSTEME DES BREVETS EN EUROPE
A. LE BREVET : UN OUTIL ESSENTIEL POUR L'INNOVATION
1. La nature du brevet
Le brevet est né en Europe.
Le premier brevet industriel fut délivré en 1421 à Florence à l'architecte et ingénieur Filippo Brunelleschi qui l'obtint pour une invention dans le domaine de la manutention de marchandises destinées au transport par bateau.
Plus tard, c'est à Venise que fut octroyé un second brevet, lorsqu'en 1469, la ville accorda à un assistant de Gutenberg, pour la durée de sa vie, le privilège d'imprimer, à l'exclusion de tout autre, par un système utilisant des caractères mobiles.
Chaque pays a ensuite mis en place son propre système de brevet. Ainsi, le système de brevets français s'appuie sur un droit dont l'origine remonte à la Révolution de 1789.
QU'EST-CE QU'UN BREVET ? Le brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire le droit pour une période limitée dans le temps (20 ans en règle générale) et sur un territoire donné, d'interdire à tout tiers non autorisé d'exploiter (c'est-à-dire de fabriquer, d'utiliser, de commercialiser ou d'importer) l'invention. En contrepartie de cette protection, le détenteur du brevet accepte de rendre publique son invention. |
COMMENT SE PRÉSENTE UN FASCICULE DE BREVET ? Un fascicule de brevet comporte généralement deux ou trois parties : les revendications, la description et, le cas échéant, des dessins. Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises. La description (et les dessins) sert à interpréter les revendications. La description expose l'état antérieur de la technique, le problème technique et la solution apportée. Un fascicule de brevet comprend, en moyenne, 3,5 pages de revendications et 16,5 pages de description et dessins, soit environ 20 pages au total. Les revendications constituent la partie juridique essentielle du brevet, celle qui fixe le champ de la protection. La description sert à interpréter les revendications, mais elle ne crée pas de droit. |
2. La vocation du brevet
Le brevet est un outil majeur pour développer l'innovation. Il permet aux entreprises de rentabiliser, et donc de pérenniser, les investissements réalisés en recherche et développement.
Il participe aussi à la diffusion des innovations, en rendant publique l'invention et en facilitant la délivrance de licences d'exploitation.
Dans une économie basée sur la connaissance, les brevets représentent donc un des facteurs essentiels de l'innovation, de la croissance économique et de la compétitivité.
3. La procédure de délivrance des brevets
La procédure de délivrance des brevets se fait en plusieurs étapes.
a) Le dépôt d'une demande de brevet
Le dépôt est la première phase de la procédure susceptible d'aboutir à la délivrance d'un brevet. Il existe plusieurs voies de dépôts selon l'étendue territoriale de la protection que le déposant souhaite apporter à son invention.
- La voie nationale
Elle est propre à chaque État qui définit lui-même ses critères de brevetabilité, ainsi que la procédure de dépôt et d'examen.
En France, la demande de brevet se fait auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Une fois la demande déposée à l'INPI, le déposant dispose d'une priorité d'un an pour demander l'extension de la protection en Europe ou à l'international. En pratique, près de 90 % des entreprises françaises utilisent la voie nationale pour leur premier dépôt.
L'INPI reçoit environ 17 000 demandes de brevets français et en délivre plus de 11 000 par an.
- La voie européenne
La voie européenne est gérée par l'Office européen des brevets (OEB), qui met en oeuvre une procédure de dépôt et d'examen centralisé suivant des règles uniformes.
A partir d'un seul dépôt auprès de l'Office, un brevet européen peut être délivré dans tous les pays désignés par le déposant, parmi les 38 pays membres de l'Office européen des brevets. Ce brevet européen se scinde ensuite en autant de brevets nationaux que de pays désignés.
Chaque année, l'Office européen des brevets reçoit près de 250 000 demandes (dont environ 120 000 par l'intermédiaire des offices nationaux) et délivre entre 50 000 et 60 000 brevets européens.
- La voie internationale
Il existe également une procédure internationale, issue du traité PCT ( « Patent cooperation treaty ») de 1970, gérée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
Elle permet, à partir d'une demande unique, de désigner les États où la protection est souhaitée parmi plus d'une centaine de pays.
Chacun des offices nationaux ou régionaux (tels que l'Office européen des brevets) des États désignés traite la demande selon ses règles propres.
Cette voie internationale n'aboutit donc pas à la délivrance d'un titre international mais à la délivrance de plusieurs brevets nationaux ou régionaux.
b) L'examen et la publication de la demande
L'examen du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à procéder à des recherches, afin d'identifier les antériorités susceptibles d'affecter la brevetabilité de l'invention qui fait l'objet de la demande de brevet.
La demande de brevet fait l'objet d'une publication avant toute délivrance. En France, elle intervient 18 mois à compter de la date de dépôt.
c) La délivrance du brevet
La délivrance du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à accepter la demande de brevet déposée auprès de cet office.
Cette opération intervient, en général, plusieurs années après le dépôt de la demande.