III. LA NOUVELLE LIGNE FERROVIAIRE, UN ATOUT POUR L'ENRICHISSEMENT DES RELATIONS FRANCO-ITALIENNES
A. DES AVANTAGES NON NÉGLIGEABLES
1. Des relations bilatérales déjà intenses ...
La relation franco-italienne est dense, à la mesure d'une coopération entre deux grands partenaires frontaliers étroitement liés par les échanges économiques, la culture et l'histoire.
La France et l'Italie sont, l'une pour l'autre, le deuxième partenaire commercial (avec 70 milliards d'euros d'échanges en 2012, légèrement bénéficiaires pour l'Italie). L'Italie représente le premier marché pour les ventes de produits agroalimentaires français et constitue un des débouchés privilégiés pour les exportations françaises d'automobiles (12%) et de produits métallurgiques (10%).
Les investissements directs à l'étranger (IDE) accueillis en Italie proviennent pour une grande part de France (environ 1/5e du stock), la France étant le deuxième investisseur étranger dans le pays après les Pays-Bas. Les groupes français sont présents aussi bien dans la grande distribution italienne, l'énergie que les banques. En ce qui concerne l'industrie, la France est bien positionnée sur les biens d'équipement et produits intermédiaires.
Le secteur de l'énergie concentre environ 10% des investissements français. Les services représentent près des trois quarts des stocks d'IDE français en Italie, dont près de 30% pour l'assurance et les banques.
S'agissant de la présence italienne en France, on recense quelque 1 366 groupes italiens, soit plus de 2 700 établissements qui emploient plus de 100 000 salariés. Les PME et grands groupes italiens ont beaucoup investi en France dans les dernières années (entre 45 et 60 opérations par an), et ce, dans des secteurs variés : énergie, automobile, spatial, aéronautique, défense, assurances...
Ainsi, l'Italie figure au 7e rang des investisseurs en France en termes de stocks, qui s'élevaient, selon la Banque de France, à 13,3 Mds€ en 2011 : 78% des investissements italiens en France concernent le secteur tertiaire et 15% l'industrie manufacturière.
2. ... qui pourront être enrichies par l'ouverture de la ligne
La France et l'Italie ont confirmé l'intérêt stratégique de la nouvelle liaison ferroviaire entre Turin et Lyon, qui constitue une infrastructure prioritaire pour les deux pays mais aussi pour l'Union européenne. Le rééquilibrage des relations nord-sud est en effet une priorité de l'Union européenne, qui a réaffirmé le 17 octobre dernier son intérêt pour le projet.
L'essentiel de l'économie italienne se concentre dans le nord-ouest du pays, autour de Milan, véritable capitale économique du pays, de Turin et de Gênes, et se caractérise par une forte présence industrielle avec un PIB par habitant parmi les plus élevés d'Europe.
Plus qu'une liaison Lyon-Turin, votre rapporteur souligne que ce sont aussi les relations Paris-Milan qui bénéficieront de cette nouvelle ligne ferroviaire ! Deux aires économiquement fortes, le Grand Paris et la région milanaise, verront leurs relations encore progresser grâce à la mise en service de cette nouvelle ligne.
C'est également la sécurisation des voies de communication entre la France et l'Italie qui est en jeu. Les économies françaises et italiennes sont fortement intégrées, mais néanmoins dépendent de trois passages routiers et une ligne ferroviaire inadaptée, le transport de fret par avion étant marginal entre nos deux pays. Or ces axes de communication sont fragiles !
Rappelons que suite aux incendies, le tunnel du Mont-Blanc a été fermé pendant 3 ans et celui de Fréjus 2 mois.
Un trafic ferroviaire plus intense permettra de réduire la fragilité des axes et de sécuriser les échanges entre les deux pays.
D'autant plus que, les pays alpins développant des infrastructures de transport de ce type, le risque est la marginalisation des flux avec la France si nous restons à l'écart des grands axes de communication modernes. Rappelons que l'Autriche et l'Italie ont mis en place le chantier du tunnel du Brenner, et que la Suisse a mis en service le nouveau tunnel du Lötschberg et s'apprête à mettre en service le nouveau tunnel du Gothard. Au final, ces projets et infrastructures renforcent le partenariat économique entre l'Italie et l'Allemagne.
Votre rapporteur rappelle que les industries s'implantent à proximité des aires de transport ! Les enquêtes qualitatives menées auprès des acteurs économiques s'accordent à montrer que la qualité des infrastructures joue sur l'attractivité du territoire.
À terme, la mise en service de la nouvelle ligne permettra donc d'améliorer et de développer la capacité du transport de marchandises au sein de l'arc alpin, en effaçant la barrière de la chaine des Alpes, frein au développement des échanges entre la France et l'Italie.
Même s'il est impossible d'établir aujourd'hui des projections à si long terme, on peut s'attendre, au minimum, à un effet positif régional en Rhône-Alpes, comme cela avait été le cas en Nord-Pas-de-Calais avec la mise en service du tunnel sous la Manche, mais les espérances ici sont encore plus fortes.
Enfin, rappelons que la liaison Lyon-Turin est un maillon d'une chaine beaucoup plus longue allant du sud de l'Espagne à la frontière orientale de l'Union européenne. De fait, nos échanges avec les pays européens hors UE, comme l'Ukraine (qui représente aujourd'hui 1 milliard d'euros d'exportations), pourront vraisemblablement en profiter.
3. Un gain écologique indéniable
Dès 1991, par la signature de la Convention alpine, la France s'est engagée, avec ses partenaires européens signataires de ladite convention, à prendre des mesures, dans le domaine des transports, « en vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu'ils soient supportables pour les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées et de mesures incitatives conformes au marché, sans discrimination pour des raisons de nationalité. »
Le protocole d'application au domaine des transports de cette convention prévoit même, en son article 10, que les Parties contractantes doivent favoriser, dans les limites de leurs compétences :
- L'amélioration des infrastructures ferroviaires par la construction et le développement des grands axes ferroviaires transalpins, y compris les voies de raccordement et la mise en place de terminaux adaptés ;
- L'optimisation de l'exploitation des entreprises ferroviaires et leur modernisation, en particulier dans le domaine du trafic transfrontalier ;
- L'adoption de mesures visant à transférer sur le rail le transport à longue distance des marchandises et à rendre plus équitable la tarification d'usage des infrastructures de transport ;
- Les systèmes de transports intermodaux ainsi que le développement du transport ferroviaire ;
- L'utilisation renforcée du rail et la création de synergies favorables à l'usager entre les transports des voyageurs sur longue distance, les transports régionaux et les transports locaux.
En réduisant les nuisances subies dans les vallées alpines, par le report modal, l'accord permettra aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre, puisque le fret ferroviaire possède une plus grande efficacité énergétique que le transport routier.
L'objectif recherché est de passer d'une répartition 85/15 en faveur du routier à une répartition 55/45.
La Suisse, qui a fait le choix du ferroviaire, a mis sur rails 80% de son trafic de marchandises.
Rappelons que les études menées par « Lyon-Turin ferroviaire » ont montré que sur les 350 km de liaison, un poids lourd rejetait 1 tonne de CO2 dans la vallée alpine. Tout report modal est autant de gaz épargné à l'environnement !