III. LES PRIORITÉS DE VOTRE COMMISSION
A. VEILLER À L'EFFECTIVITÉ DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES
Préserver la cohérence stratégique impose de s'assurer de la compatibilité entre les ambitions de défense, les moyens budgétaires alloués et le format d'armées mis en oeuvre.
Les ambitions de défense ont été définies par le dernier Livre blanc et resteront inchangées jusqu'au prochain.
Veiller à la mise en oeuvre du format d'armées incombe au Pouvoir exécutif, ce qui n'exclut pas, de la part du Pouvoir législatif un contrôle permanent.
L'adéquation des ambitions aux moyens passe par le vote des crédits demandés dans la présente loi de programmation. Mais il s'agira également de veiller à ce que ces ressources budgétaires soient disponibles tout au long de la programmation.
1. Renforcer les « clauses de sauvegarde »
Le projet de loi de programmation militaire contient, dans son rapport annexé, quatre « clauses de sauvegarde » qui portent sur :
- les recettes exceptionnelles ;
- les OPEX ;
- la masse salariale ;
- et les carburants.
Compte tenu de l'importance de ces « clauses de sauvegarde » pour l'exécution de la LPM et le respect de la trajectoire financière, votre commission a adopté plusieurs amendements afin d'en renforcer la portée.
Votre commission a d'abord jugé indispensable de renforcer la « clause de sauvegarde » portant sur les recettes exceptionnelles .
Rappelons que les ressources définies par la présente loi de programmation se composent sur la période 2014-2019 de crédits budgétaires, à hauteur de 183,9 Md€ d'euros courants, et de ressources exceptionnelles, à hauteur de 6,1 Md€. Ces ressources exceptionnelles proviennent notamment de l'intégralité du produit de cessions immobilières, d'un nouveau programme d'investissement d'avenir financé par le produit de cessions de participations d'entreprises publiques, du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes, de redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation, et, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques.
Ce montant de 6,1 milliards d'euros pour les recettes exceptionnelles représente près du double de ce qui était prévu dans la précédente LPM.
Or, la stabilité en valeur des ressources totales de la « mission défense », les trois premières années de la LPM, est conditionnée par la mise à disposition effective de ces ressources exceptionnelles.
Dans l'hypothèse d'une non-réalisation partielle de ces ressources, le rapport annexé comprend une clause de sauvegarde.
Mais, comme l'a indiqué le chef d'état-major des armées lors de son audition, il ne faudrait pas que les notions de « modification substantielle » ou « de conséquence significative sur le respect de la programmation » ne fassent pas l'objet d'une lecture exagérément restrictive par les services financiers de l'État. Il est par conséquent important que le texte garantisse explicitement l'obtention de l'intégralité des ressources, telles qu'elles ont été programmées dans le projet de LPM.
Votre commission a donc jugé nécessaire de renforcer la portée de la "clause de sauvegarde" portant sur les recettes exceptionnelles . Cette clause, qui figure actuellement dans le rapport annexé, serait incorporée dans la partie normative et sa rédaction serait modifiée.
Selon cette nouvelle rédaction, dans le cas où ces recettes exceptionnelles ne seraient pas au rendez-vous au montant et au moment prévus, ces recettes seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou bien par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.
En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md€ prévus, la Défense devra en bénéficier à hauteur de 0,9 Md€ supplémentaires.
Cette disposition vise donc à garantir la sincérité de la programmation financière en s'assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission "Défense" seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu'à défaut, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.
Votre commission a également estimé nécessaire de renforcer la « clause de sauvegarde » portant sur les OPEX.
Cette clause était l'une des grandes avancées de la précédente LPM (2009-2014).
Conformément au souhait du Parlement, ce mécanisme permettait une budgétisation la plus sincère possible pour des dépenses par nature non prévisibles et un financement interministériel afin d'éviter ainsi qu'elles soient gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement et bouleversent ainsi l'équilibre de la programmation.
Par rapport à la période précédente, le projet de loi prend en compte la limitation de nos engagements en adéquation avec les nouveaux contrats opérationnels et les priorités stratégiques définies dans le Livre blanc.
Le montant prévu de cette dotation dans la présente loi de programmation est de 450 millions d'euros, contre 630 en loi de finances pour 2013.
Votre commission ne souhaite pas remettre en cause ce montant, même si elle en mesure les conséquences dans un contexte international où les menaces ne vont pas en diminuant. Elle constate que sur les dix dernières années le montant moyen du surcoût OPEX était supérieur à 500 millions d'euros.
Elle souhaite, en revanche, que cette disposition relative à des opérations engageant la Nation, qui font, par ailleurs, l'objet d'une procédure constitutionnelle d'autorisation, figure dans le corps du texte et non dans son annexe. C'est pourquoi, elle a adopté un amendement visant à insérer ce dispositif dans la partie normative.
De plus, la nouvelle rédaction du mécanisme prévu dans le rapport annexé pour la gestion des surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures est apparue trop complexe aux yeux de votre commission, source de contentieux et de nature à ce qu'une part croissante de ces dépenses soit de nouveau gagée par des annulations de crédits d'équipement.
C'est pourquoi, tout en retenant le montant de la dotation prévue par le gouvernement, votre commission a souhaité revenir à la rédaction de la précédente LPM.
Enfin, l'importance stratégique et diplomatique de ces opérations, leur impact sur l'équilibre financier de la programmation justifient qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique, opérationnel et financier communiqué préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Votre commission a aussi souhaité renforcer la portée de la « clause de sauvegarde » portant sur la masse salariale , qui figure dans le rapport annexé.
Rappelons que l'équilibre général de la future LPM est permis par des efforts d'économie significatifs sur la masse salariale, à hauteur de 4,4 milliards d'euros sur la période 2014-2019, ainsi que sur les coûts de structure dont les crédits sont contenus à moins de 3,5 milliards d'euros par an en moyenne sur la période.
Or, en matière de maîtrise de la masse salariale, objectif essentiel à l'économie générale de la loi de programmation, il convient de distinguer les dépenses récurrentes de rémunération (rémunérations principales y compris primes et indemnités) dont le ministère de la défense a la pleine responsabilité, par opposition aux « dépenses hors socle » qui sont des dépenses non récurrentes liées aux restructurations, aux allocations servies aux familles, aux indemnités chômage des militaires, aux indemnisations des accidents travail et maladies professionnelles, ou aux cessations anticipées d'activité liées à l'amiante, et au fonds de concours du service de santé des armées qui sont des dépenses "de guichet" dont le ministère n'a pas, du fait de leur nature, la maîtrise.
Autant, il importe de rendre le ministère responsable des dépenses qu'il doit pouvoir maîtriser telles que les rémunérations les primes et indemnités, autant cela n'aurait pas de sens de s'interdire de pouvoir, le cas échéant, abonder le budget de la défense, si une de ces dépenses, par exemple l'indemnisation chômage, venait à dépasser les prévisions en raison d'un contexte économique qui rendrait les reconversions plus difficiles.
Le dispositif adopté par votre commission tend donc à ce que la régulation de la masse salariale du ministère de la défense ne s'opère que sur le fondement de dépenses sur lesquelles il dispose de leviers d'action à l'exclusion des dépenses "hors socle".
En revanche, votre commission n'a pas jugé utile de modifier la rédaction de la « clause de sauvegarde » sur les carburants , qui figure dans le rapport annexé.
En effet, la rédaction de cette clause est identique à celle qui figurait dans la précédente LPM 54 ( * ) et, de même que la « clause de sauvegarde sur les OPEX », la « clause de sauvegarde » sur les carburants a été mise en oeuvre à plusieurs reprises par le passé de manière satisfaisante.
Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, une enveloppe d'un montant de 100 millions d'euros supplémentaires a été prévue pour la mission « Défense » pour tenir compte de l'augmentation du prix des carburants.
Votre commission n'a donc pas jugé utile de modifier ce dispositif.
2. Prévoir une actualisation régulière et une révision de la LPM fin 2015
Votre commission a adopté un amendement visant à insérer dans la partie normative une « clause de revoyure » ainsi qu'une clause de réexamen de la programmation militaire qui figuraient toutes deux initialement dans le rapport annexé.
Afin de garantir la meilleure exécution possible de la programmation, il est important de prévoir une première actualisation fin 2015 afin notamment de faire le point sur la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes.
Quatre ans après son adoption, la LPM devra être révisée afin de conduire à une nouvelle loi de programmation.
3. Rendre possible le retour à meilleure fortune
Le projet de LPM repose sur le maintien en valeur du budget de la défense en 2014 et en 2015, avant une remontée à partir de 2016, avec une progression de 1 % en volume à partir de 2018.
La décision prise par le Président de la République permettra de préserver l'effort de défense à son niveau actuel, tout en contribuant à l'impératif de redressement des finances publiques.
Votre commission est pleinement consciente que cette stabilisation eu euros courants équivaut temporairement à une diminution en euros constants. C'est pourquoi elle a estimé indispensable d'introduire dans le corps du projet de loi l'objectif d'un redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense.
L'actualisation de la LPM devrait permettre pour votre commission de tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et des finances publiques, afin de rendre possible le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de la défense représentant 2 % du PIB.
* 54 Paragraphe 6.2 du rapport annexé de la loi de programmation militaire 2009-2014