B. LA MODIFICATION DE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX DIMENSIONS ET AUX POIDS DES VÉHICULES DE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

1. La directive du 25 juillet 1996

Cette directive établit les dimensions maximales (longueur, largeur, hauteur) des véhicules circulant dans les États membres, que ce soit pour des opérations de transport national ou international. Elle limite à 16,50 mètres la longueur d'un véhicule articulé , soit un véhicule à moteur couplé à une semi-remorque, et à 18,75 mètres la longueur d'un train routier, soit un véhicule à moteur attelé à une remorque.

Des dérogations sont prévues pour transporter des charges indivisibles ou pour des opérations de transport national, à la condition qu'elles n'affectent pas de façon notable la concurrence internationale dans le secteur des transports , comme le précise le paragraphe 4 de l'article 4 de la directive. A ce titre, la circulation des mégacamions de 25,25 mètres a été autorisée en Suède et en Finlande.

La directive détermine également les poids maximum autorisés (poids total et poids par essieu) pour les différents véhicules utilisés dans le cadre d'opérations de transport international. Il s'agit de 40 tonnes pour les trains routiers à 5 ou 6 essieux, ainsi que pour les véhicules articulés à 5 ou 6 essieux, sauf si ces derniers transportent, en transport combiné, un conteneur ISO de 40 pieds. Dans ce cas, le poids total autorisé s'élève à 44 tonnes.

Ces différentes valeurs figurent à l'annexe I de la directive.

La directive prévoit enfin la possibilité pour les États membres d'autoriser, pendant une période d'essai, la circulation de véhicules intégrant de nouvelles technologies qui ne peuvent satisfaire à une ou plusieurs exigences de la directive, pour certaines opérations de transport local.

2. La proposition de modification de la Commission

Publiée le 15 avril 2013 , la proposition de modification de la directive présentée par la Commission vise à adapter la réglementation européenne relative aux poids et dimensions des véhicules aux évolutions technologiques , afin de permettre ou de faciliter l'utilisation de dispositifs destinés à améliorer la sécurité routière ou à réduire la consommation de carburant . Elle prévoit également un renforcement des mesures de contrôle , partant du constat que nombre d'infractions restent impunies.

Cette adaptation était préconisée dans le Livre blanc intitulé « Feuille de route pour un espace européen unique des transports - Vers un système de transport compétitif et économe en ressources » publié en mars 2011, qui fixe l'objectif d'une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports.

Le site du Parlement européen fournit la date indicative du 15 avril 2014 pour la discussion de cette proposition de directive en séance plénière. Elle n'est à l'heure actuelle pas inscrite à l'ordre du jour du Conseil.

a) Permettre une évolution de l'aérodynamisme des véhicules pour améliorer la sécurité routière et réduire la consommation de carburant

La Commission propose d'autoriser le dépassement des longueurs maximales des véhicules pour permettre l'adjonction de dispositifs aérodynamiques à l'arrière des véhicules ou une modification de la géométrie des cabines de tracteurs . Ces dépassements visent à renforcer la sécurité routière et à réduire la consommation de carburant . Ils ne doivent pas avoir pour conséquence d'augmenter la capacité d'emport des véhicules.

L'ajout d'ailerons rétractables ou pliables d'une longueur d'un ou deux mètres à l'arrière du véhicule permettrait en effet, selon certaines études citées dans l'exposé des motifs de la proposition de directive, d'économiser entre 5 et 10 % de la consommation du carburant sur l'autoroute à une vitesse moyenne de 80 à 90 km/h. Ces produits sont déjà disponibles sur le marché et utilisés sur d'autres continents.

L'amélioration du profilage des cabines engendrerait également des gains en matière de consommation d'énergie. Elle permettrait en outre de réduire les angles morts de vision du conducteur, d'ajouter une structure d'absorption de l'énergie en cas de choc et d'augmenter la sécurité et le confort du chauffeur.

Les dispositifs aérodynamiques ajoutés à l'arrière des véhicules devraient être autorisés par l'État membre avant leur mise sur le marché au moyen d'un certificat. Ce dernier devrait attester que le dispositif aérodynamique répond bien aux exigences de performance et de sécurité énumérées par la directive.

LES EXIGENCES AUXQUELLES LES DISPOSITIFS ADJOINTS AUX VÉHICULES
DEVRAIENT RÉPONDRE D'APRÈS LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

- l'amélioration significative des performances aérodynamiques des véhicules ;

- en termes de sécurité routière et de sécurité du transport intermodal :

(i) la fixation et la tenue dans le temps des dispositifs afin de limiter le risque de détachement,

(ii) une signalétique diurne et nocturne, efficace en conditions météorologiques dégradées, permettant une perception du gabarit extérieur du véhicule par les autres usagers de la route,

(iii) une conception limitant les risques encourus par les autres véhicules et leurs passagers en cas de collision,

(iv) le dispositif n'accroit pas significativement les risques de renversement par vents latéraux ;

- l'insertion dans les réseaux existants avec :

(i) le maintien de la manoeuvrabilité des véhicules ou ensembles de véhicules sur les infrastructures routières, urbaines et interurbaines,

(ii) pour les remorques et semi-remorques concernés, l'insertion dans les unités ferroviaires, maritimes, et fluviales lors d'opérations de transport intermodal,

(iii) ces dispositifs sont facilement pliables ou rétractables ou amovibles par le chauffeur.

Il reviendrait à la Commission d'adopter des actes délégués destinés à compléter ces exigences, en fixant les caractéristiques techniques, les niveaux minimum de performances et de contraintes de conception. En attendant, les dépassements sont limités de façon transitoire à deux mètres de plus que les valeurs maximales fixées dans l'annexe I de la directive de 1996 .

S'agissant de la modification de la géométrie des cabines, leurs performances devraient elles aussi être testées par les États membres et faire l'objet d'un certificat.

LES EXIGENCES AUXQUELLES LES CABINES DEVRAIENT RÉPONDRE
D'APRÈS LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

- l'amélioration des performances aérodynamiques des véhicules,

- le renforcement de la sécurité routière et de la sécurité dans le transport intermodal, notamment pour assurer que la forme avant de la cabine :

(i) améliore pour le conducteur la visibilité des usagers vulnérables, en particulier par une réduction de l'angle mort de visibilité situé sous le pare-brise avant,

(ii) réduise les dommages en cas de choc,

- la manoeuvrabilité des véhicules ou ensembles de véhicules sur les infrastructures et sans imposer de limitations à l'usage des véhicules dans les terminaux intermodaux,

- le confort et la sécurité des conducteurs.

b) Supprimer une entrave au transport intermodal

La Commission propose que les véhicules ou ensembles de véhicules utilisés dans le cadre d'une opération de transport intermodal qui transportent des conteneurs ou caisses mobiles de 45 pieds (soit 13,72 mètres) soient autorisés à dépasser de 15 centimètres la longueur maximale à laquelle ils sont aujourd'hui soumis 1 ( * ) . Il s'agit de répondre à l'utilisation de plus en plus fréquente de ce type de conteneur, à la place du conteneur de 40 pieds. Or, en l'absence d'une telle mesure, le transport par la route de ces conteneurs requiert aujourd'hui des permis spéciaux qui accroissent les charges administratives des transporteurs et découragent le recours au transport intermodal.

LA DÉFINITION DU TRANSPORT INTERMODAL D'APRÈS LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

« (...) l'opération de transport intermodal utilise au moins le rail, le transport fluvial ou le transport maritime. Elle comporte également une partie routière pour son parcours initial et/ou terminal. Chacune de ces parties routières s'étend sur moins de 300 kms sur le territoire de l'Union européenne, ou jusqu'aux terminaux les plus proches entre lesquels il existe un service régulier.

Une opération de transport est aussi considérée comme transport intermodal si elle utilise un transport maritime à courte distance intra-européen, ceci quelles que soient les longueurs des parcours initiaux et terminaux routiers. Le parcours initial et le parcours terminal routier pour une opération utilisant le transport maritime à courte distance intra-européen s'étendent du point de chargement de la marchandise au port maritime approprié le plus proche pour le trajet initial, et/ou le cas échéant entre le port maritime approprié le plus proche et le point de déchargement de la marchandise pour le trajet terminal. »

Dans la même perspective, le texte proposé par la Commission précise également certaines indications de l'annexe relatives au transport intermodal.

La proposition de directive prévoit enfin que le chargeur remet au transporteur routier, auquel il confie le transport d'un conteneur, une déclaration indiquant le poids de ce dernier. Si cette information est manquante ou erronée, la responsabilité du chargeur serait engagée, au même titre que celle du transporteur, en cas de surcharge du véhicule.

c) Faciliter le recours aux moteurs à propulsion électrique ou hybride

Les moteurs à propulsion électrique ou hybride sont plus lourds que les autres en raison de la masse de la batterie électrique ou de la double motorisation. La Commission propose donc de distinguer, au sein de l'annexe I de la directive, les véhicules à moteur à deux essieux à propulsion hybride ou électrique, dont le poids total est limité à 19 tonnes, des autres véhicules à moteur à deux essieux, dont le poids est limité à 18 tonnes 2 ( * ) . La proposition de directive précise toutefois que ces véhicules sont tenus de respecter les valeurs de poids maximal autorisé par essieu fixées à l'annexe de la directive.

d) Lever une ambiguïté sur la circulation des mégacamions

La proposition de directive lève une ambiguïté relative à l'interprétation de l'article 4 de la directive de 1996, qui autorise la circulation de véhicules dépassant les longueurs maximales permises dans les États membres, pour des opérations de transport national, sous certaines conditions. Certains acteurs s'étaient interrogés sur la possibilité, pour un camion autorisé à circuler dans deux États frontaliers en vertu de ce dispositif, de traverser la frontière les séparant et de réaliser un trajet international. Le vice-président de la Commission et commissaire aux transports Siim Kallas avait exprimé son interprétation dans une lettre au président de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, lettre qui avait été considérée comme une atteinte aux attributions du Parlement européen. La proposition de directive confirme donc explicitement l'interprétation du commissaire.

Il ne s'agit pas de prévoir une généralisation de la circulation des camions de 25,25 mètres, mais de permettre leur circulation entre deux États membres dès lors que ceux-ci en ont autorisé la circulation sur leurs territoires, dans les conditions non discriminatoires exposées à l'article 4 de la directive.

e) Renforcer l'efficacité des contrôles

La Commission propose également un ensemble de mesures destinées à renforcer l'efficacité des contrôles et comble ainsi une insuffisance de la directive de 1996.

D'après l'exposé des motifs accompagnant la proposition de directive, la principale infraction commise est la surcharge du véhicule . Un véhicule contrôlé sur trois, en moyenne, est en surcharge, dépassant souvent 10 % voire 20 % du poids maximum autorisé, avec des conséquences sur la sécurité routière et l'usure des infrastructures. Cette situation crée aussi une situation de concurrence déloyale entre les entreprises qui respectent les règles et celles qui les enfreignent.

La proposition de directive prévoit dès lors d'imposer aux États membres la mise en place d'un dispositif de présélection et de contrôle ciblé des véhicules , visant à identifier les véhicules susceptibles d'avoir commis une infraction et devant être contrôlés manuellement.

Ces mesures de présélection pourraient être effectuées au moyen de systèmes automatiques placés sur les infrastructures , ou de systèmes électroniques embarqués à bord des véhicules . Ces derniers peuvent également constituer un moyen d'autocontrôle pour le conducteur, lui permettant de savoir s'il est bien en conformité avec la législation. La proposition de directive impose un nombre de mesures de présélection représentant au moins une pesée pour 2 000 véhicules kilomètre en moyenne annuelle, ce qui permettrait un contrôle, en moyenne statistique, de chaque véhicule tous les trois jours.

Cette présélection ne suffirait pas à établir des sanctions mais devrait être suivie d'au moins l'une des mesures suivantes :

- contrôle en bord de route avec un équipement de mesure homologué après interception du véhicule ;

- envoi à l'entreprise de transport de l'information sur les soupçons de surcharge du véhicule ;

- contrôle de l'entreprise de transport dans ses locaux, notamment en cas de récidive.

La Commission propose enfin de classer les infractions en différentes catégories suivant leur gravité. Par exemple, une surcharge du poids maximal autorisé par véhicule ou par essieu :

- devrait donner lieu à un avertissement écrit à l'entreprise de transport, éventuellement suivi d'une sanction si la législation nationale le prévoit, si la surcharge est inférieure à 5 % du poids maximal autorisé ;

- serait considérée comme une infraction mineure et accompagnée d'une sanction financière, avec possibilité d'immobilisation du véhicule pour le déchargement jusqu'à ce que ce dernier atteigne le poids maximal autorisé, si la surcharge est comprise entre 5 et 10 % du poids maximal autorisé ;

- serait considérée comme une infraction grave et devrait donner lieu à une immobilisation immédiate du véhicule pour déchargement ainsi qu'à une sanction financière, si la surcharge est comprise entre 10 % et 20 % du poids maximal autorisé ;

- serait considérée comme une infraction très grave et donnerait lieu, outre les sanctions précédemment mentionnées, à une procédure de perte d'honorabilité de l'entreprise, si la surcharge est supérieure à 20 % du poids maximal autorisé.


* 1 Ainsi que la distance maximale entre l'axe du pivot d'attelage et l'arrière de la semi-remorque.

* 2 Les autobus à deux essieux sont également distingués de ces véhicules, et leurs poids total élevé à 19 tonnes, afin de permettre l'adaptation du poids maximal autorisé des véhicules à l'augmentation du poids moyen des passagers des autocars et de leurs bagages.

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