II. L'ANALYSE PAR PROGRAMME
A. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE »
Le programme 303 rassemble, avec 655 millions d'euros consommés en 2012, 89,2 % des crédits de la mission . Il poursuit deux objectifs distincts : garantir l'exercice du droit d'asile, d'une part, et maîtriser les flux migratoires par l'encadrement de l'immigration régulière et la lutte contre l'immigration irrégulière, d'autre part.
1. Une sous-budgétisation du programme 303 liée à une sous-évaluation prévisible des dépenses d'asile
L'essentiel des crédits est porté par l'action n° 2 « Garantie du droit d'asile » , qui finance principalement :
- la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'OFPRA ;
- les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) , qui représentent une capacité de 21 410 places en 2012, stable par rapport à 2011 ;
- l'hébergement d'urgence , qui a représenté environ 2 160 places pour le dispositif national et environ 20 600 places pour le dispositif déconcentré, contre une prévision initiale de 14 652 places ;
- l'allocation temporaire d'attente (ATA) , qui a été versée, en moyenne, à 39 500 bénéficiaires par mois, contre une prévision initiale de 21 565.
La loi de finances pour 2012 avait été marquée par un « rebasage » des dépenses d'asile : ainsi l'hébergement d'urgence avait bénéficié d'une dotation de 90,9 millions d'euros, contre 40 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 127 %. Les crédits de l'allocation temporaire d'attente s'étaient quant à eux établis à 89,5 millions d'euros en 2012, contre 54 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 66 %.
Cependant, eu égard au niveau de la demande d'asile et à la difficulté de l'OFPRA et de la CNDA à réduire leurs délais d'examen des demandes d'asile, votre rapporteur spécial avait relevé l'insuffisance de ce rebasage lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, indiquant que « même si la demande d'asile se stabilise entre les années 2011 et 2012, les crédits prévus au présent projet de loi de finances pourraient être inférieurs aux besoins, à hauteur de près de 100 millions d'euros : 45 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence et 54 millions d'euros pour l'ATA ».
Ces prévisions se sont révélées conformes à la réalité, comme l'indique le tableau ci-dessous. Les besoins ont été partiellement satisfaits en gestion, par une ouverture de crédit de 89,1 millions d'euros en AE et 83 millions d'euros en CP dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année .
Exécution de l'action n° 2 « Asile » du programme 303
(en millions d'euros)
Subvention à l'Ofpra |
CADA |
Allocation temporaire d'attente (ATA) |
Hébergement d'urgence |
|
Exécution 2011 |
34,7 |
198,5 |
157,8 |
134,3 |
Prévisions LFI 2012 |
34,3 |
194,0 |
89,6 |
90,9 |
Exécution 2012 |
36,8 |
194,1 |
149,8 |
135,0 |
Ecart d'exécution (exécution - prévision) |
2,5 |
0,1 |
60,2 |
44,1 |
Consommation / prévision |
107,2 % |
100 % |
167,2 % |
148,5 % |
Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances
Ainsi, malgré une ré-évaluation des dépenses d'asile, la loi de finances initiale pour 2012 se caractérise, une nouvelle fois, par l'insincérité de ses prévisions . L'insuffisance de la dotation initiale était, d'ailleurs, connue du ministère, dans la mesure où, comme l'indique la Cour des comptes dans son analyse précitée, « en début d'année, lors de la notification des BOP régionaux relatifs aux crédits pour l'asile adressée à chaque préfet de région, les montants annoncés pour l'enveloppe de l'hébergement d'urgence étaient supérieurs aux dotations ayant servi de base à la LFI ».
Dans ce contexte, la consommation des crédits de l'allocation temporaire d'attente se singularise par trois aspects.
Tout d'abord, les mouvements de crédits en gestion se sont révélés insuffisants pour compléter les crédits à hauteur des besoins , si bien que l'Etat a dû reporter sur l'exercice 2013 une dette de 14,7 millions d'euros vis-à-vis de Pôle Emploi, en contradiction avec le principe d'annualité budgétaire.
Ensuite, comme le pointe la Cour des comptes dans son analyse précitée, l'ATA a été particulièrement touchée par la mise en réserve de précaution malgré les tensions sur son financement , dans la mesure où « il a été décidé en réunion interministérielle du 30 décembre 2011 d'exonérer de mise en réserve les crédits destinés aux centres d'accueil pour les demandeurs d'asile ; en compensation, c'est le reste du programme 303 qui a subi une mise en réserve supplémentaire de 12 millions d'euros, dont 10 millions d'euros ont grevé la dotation destinées à l'ATA ».
D'autre part, elle a progressé plus vite que celle de l'hébergement d'urgence , alors que le nombre théorique de bénéficiaires est identique. Ce phénomène semble signaler des difficultés de gestion , en particulier s'agissant de la clôture des droits par Pôle Emploi . Une mission conjointe des inspections générales des finances, des affaires sociales et de l'administration a été mandatée en ce sens à la fin de l'année 2012. Par ailleurs, le contrôle budgétaire réalisé sur l'ATA par votre rapporteur spécial, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, sera également l'occasion de dresser un bilan et de proposer des améliorations sur la gestion de cette allocation.
2. Des crédits de lutte contre l'immigration irrégulière et de soutien mieux consommés
L'action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » comprend principalement deux sous-actions : le financement des centres de rétention administrative (CRA), locaux de rétention administrative (LRA) et zones d'attente (ZA) d'une part, et celui des frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière d'autre part.
Contrairement à l'année 2011 où les crédits n'avaient pas été tous consommés en raison de la fermeture pour incendie de certains CRA et des retards dans l'ouverture de celui du Mesnil-Amelot, l'année 2012 se caractérise par une consommation des crédits de CRA, LRA et ZA proche de la prévision initiale , soit 29,1 millions d'euros pour une dotation de 30,4 millions d'euros en crédits de paiement.
Les frais d'éloignement des migrants comprennent les dépenses de billetterie ainsi que la location des deux aéronefs utilisés aux fins de reconduite à la frontière, l'un en région parisienne et l'autre en Guyane. Il convient de souligner la situation paradoxale de sous-consommation des crédits, soit 20,4 millions d'euros en CP exécutés en 2012 contre une prévision de 25,5 millions d'euros, en dépit de la forte augmentation du nombre d'éloignements par rapport à 2011 (+ 16,9 %) . Les dépenses de billetterie ont en effet été contenues par le fait qu'une majorité de reconduites a été réalisée vers des destinations proches, ainsi que par le ralentissement du marché de location de l'aéronef guyanais suite à la fermeture de l'aéroport de Saint-Georges de l'Oyapock.
Enfin, les dépenses de soutien, regroupées au sein de l'action n° 4, ont été consommées conformément à la prévision et n'appellent pas de remarque particulière. Votre rapporteur spécial regrette seulement le nombre important d'erreurs d'imputation sur cette action, qui limite la lisibilité et le suivi de la consommation budgétaire.
3. L'OFPRA, élément-clé de la maîtrise du budget de la mission, en quête de performance
Les dépenses liées à la demande d'asile, enjeu budgétaire majeur de la mission, sont elles-mêmes déterminées par l'évolution globale des nouvelles demandes et la capacité de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile, en appel, à les instruire. Dans ce contexte, votre rapporteur spécial se félicite que la priorité continue à être donnée à la réduction des délais d'examen des demandes d'asile par l'OFPRA .
Ayant bénéficié d'une augmentation de son plafond d'emplois de 40 ETPT en 2011, l'OFPRA a vu sa subvention, en 2012, abondée en cours de gestion de 2,5 millions d'euros , qui ont eu pour principal objet de financer la revalorisation du régime indemnitaire, la consolidation, en année pleine, des trente officiers recrutés initialement à titre temporaire en 2011, ainsi que le renfort de cinq officiers supplémentaires et la consolidation de dix emplois de vacataires.
Toutefois, cette stratégie, mise en oeuvre depuis 2011, ne porte toujours pas ses fruits. En effet, comme indiqué précédemment, le délai moyen d'examen à l'OFPRA a continué d'augmenter en 2012 pour s'établir à 183 jours en moyenne, contre 174 jours en 2011 ; pour rappel, ce délai était encore de 118 jours en 2009. De même, le nombre moyen de dossiers traités par agent et par an est stable, à 375. Or, outre le « stock » historique, la demande d'asile a, quant à elle, continué à progresser, passant de 57 337 en 2011 à 61 166 en 2012 (+ 6,7 %) . Ce chiffre est principalement porté par le nombre de réexamens, qui ont crû de 20,1 %.
Les délais moyens d'examen, en appel, par la CNDA, dont les crédits ne sont pas portés par la présente mission, ont connu quant à eux un infléchissement sensible, passant de 344 jours en 2011 à 310 jours en 2012, ce qui explique que le délai moyen global d'examen soit passé en un an de 17 mois à 16 mois et 3 jours.