MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT », ET COMPTES SPÉCIAUX « PRÊTS À DES ETATS ÉTRANGERS » ET « ENGAGEMENTS EN FAVEUR DE LA FORÊT DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE » M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux

I. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

La mission « Aide publique au développement » (APD) constitue une mission interministérielle . Sa structure en trois programmes traduit la triple tutelle exercée sur la politique d'APD de notre pays par le ministère des affaires étrangères (MAE), le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'intérieur.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est piloté par la direction générale du Trésor. Il retrace l'aide économique et financière multilatérale et bilatérale, principalement des versements à des banques et fonds multilatéraux, ainsi que les traitements de dettes des pays en développement.

Ce programme représente 26,7 % des autorisations d'engagement (AE) et 38 % des crédits de paiement (CP) consommés en 2012.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » est piloté par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. Il retrace l'essentiel des moyens du MAE consacrés à l'APD et aux interventions dans les pays en situation de crise, soit des actions très variées de coopération bilatérale et multilatérale : activité du réseau de coopération et d'action culturelle et dotations des établissements culturels à autonomie financière, coopération en matière de recherche, subventions aux ONG, aide-projet de l'Agence française de développement (AFD) et du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), contributions à certains fonds multilatéraux, aide alimentaire et humanitaire d'urgence...

Ce programme représente 72,5 % des AE et 61,4 % des CP consommés en 2012.

Le programme 301 « Développement solidaire et migrations », enfin, est piloté par le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII). Il retrace le soutien apporté à des projets participant à une meilleure maîtrise des flux migratoires, dans le cadre d'« accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire », et à des projets portés par des migrants en faveur du développement de leurs pays d'origine.

Ce programme représente 0,8 % des AE et 0,6 % des CP consommés en 2012.

A. LES OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR L'EXERCICE

1. Un effort financier en légère hausse dans un contexte international de baisse, mais qui demeure éloigné de l'objectif

Avec 9,42 milliards d'euros 28 ( * ) selon les données provisoires de l'Organisation de coopération et de développement (OCDE), l'aide publique au développement (APD) en 2012 a légèrement augmenté (+ 0,9 %) par rapport à 2011 (9,34 milliards d'euros 29 ( * ) ).

Il faut noter que du point de vue de l'OCDE, l'effort de la France est en diminution, du fait de la baisse de l'euro face au dollar en 2012 (- 7,7 %), qui fait passer sa contribution de 12,997 milliards de dollars en 2011 à 12,106 milliards de dollars en 2012.

La France a conservé sa place de quatrième donateur mondial en volume, après avoir reculé de deux places depuis 2009. Les Etats-Unis demeurent le premier donateur, suivi du Royaume-Uni qui dépasse cette année l'Allemagne.

En termes relatifs, l'APD française a représenté en 2012 0,46 % du RNB , soit le même chiffre qu'en 2011. Ce résultat demeure en dessous de l'objectif de 0,7 % à atteindre d'ici 2015 . Le respect de cet objectif nécessiterait un effort supplémentaire d'environ 5 milliards d'euros.

Au niveau international, l'aide au développement a reculé de 4 % en 2012 d'après les chiffres provisoires de l'OCDE, après une baisse de 2 % l'année précédente. L'OCDE met cette diminution sur le compte de « la poursuite de la crise financière et des turbulences dans la zone euro », qui ont conduit les gouvernements à réduire ce budget.

Ainsi, l'APD des Etats de l'Union européenne membres du comité d'aide au développement (CAD) a connu une baisse de 7,4 %. L'Italie et l'Espagne, en particulier, ont vu leur contribution diminuer respectivement de 34,7 % et 49,7 %.

2. Une mission difficile à piloter

Vos rapporteurs spéciaux regrettent qu'il soit toujours aussi difficile d'avoir une vision globale de la mission « Aide publique au développement », du fait d'un pilotage interministériel limité.

Comme le note la Cour des comptes 30 ( * ) , « cette mission interministérielle reste un simple agrégat de programmes ayant une finalité commune, l'aide publique au développement étant toujours gérée au niveau des programmes, en dépit de l'adoption d'un document cadre stratégique ».

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement ( CICID ), présidé par le premier ministre, doit jouer ce rôle de coordination, en définissant les axes prioritaires de la politique française d'aide au développement. Il ne s'est cependant pas réuni depuis juin 2009 . Toutefois, il a été indiqué à vos rapporteurs spéciaux que le CICID devrait se réunir à l'été 2013 .

Des avancées positives sont cependant à signaler.

L'organisation des assises du développement et de la solidarité internationale , closes le 1 er mars dernier, ont permis une large concertation sur la politique d'aide publique au développement.

D'autre part, la perspective de l'examen, pour la première fois sous la V ème République, d'une loi d'orientation et de programmation sur le développement sera un moyen de réellement associer le Parlement à la définition des objectifs de cette politique.

Vos rapporteurs spéciaux forment donc le voeu que la réunion prévue du CICID et l'examen de la loi de programmation, annoncée pour le début de l'année 2014, permettront d'améliorer le pilotage de cette mission - et plus largement de la politique d'APD - pour les années à venir.

3. La question récurrente de l'amélioration de la mesure de la performance

L'aide publique au développement est un domaine qui se prête difficilement à la définition d'objectifs et d'indicateurs de performance.

Une même action peut en effet être évaluée au niveau micro (nombre de postes d'enseignants financés par exemple) ou macro (impact sur le taux d'alphabétisation) et à des horizons temporels différents, qui ne correspondent pas forcément au calendrier parlementaire et à l'examen annuel des lois de finances.

De même, certaines actions, comme les aides au budget général d'un Etat ou les contributions à des organisations multilatérales, ne permettent pas une évaluation facile.

Enfin, la logique de résultat ne doit pas être poursuivie sans discernement, au risque de privilégier les interventions dans des pays considérés comme « rentables » ou les actions dont les effets sont plus faciles à mesurer.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux souhaitent pouvoir être à même d'évaluer l'efficacité de l'aide publique au développement française .

Ils ont ainsi échangé sur cette question avec leurs homologues britanniques, le Royaume-Uni ayant mis en place en mai 2011 une commission indépendante pour l'évaluation de l'impact de l'aide (ICAI 31 ( * ) ), chargée de rendre compte de l'efficacité de l'aide auprès du Parlement. Votre rapporteur spécial Yvon Collin s'est rendu à Londres le 5 février dernier, et a pu s'intéresser concrètement à l'expérience britannique, en rencontrant Lynne Featherstone, ministre déléguée chargée du développement international, plusieurs membres de la commission du développement international, de la chambre des communes et le commissaire en chef de l'ICAI. Ce déplacement a été l'occasion de mesurer les avancées des Britanniques dans leur réflexion sur l'évaluation de l'efficacité de la politique d'APD, qu'ils considèrent comme un élément capital de son acceptation.

Vos rapporteurs spéciaux réaffirment leur souhait que les indicateurs de la mission soient davantage orientés vers les résultats des politiques publiques menées, plutôt que de répondre, trop souvent, à une logique de moyens.

La Cour des comptes abonde dans ce sens, en précisant dans son document précité, que « les indicateurs du volet performance [n'offrent] qu'une vision partielle des résultats. De fait, aucun de ces indicateurs ne se traduit dans une stratégie budgétaire ». Elle souligne même que certains indicateurs peuvent être contradictoires avec les objectifs de l'APD française. Ainsi, la hausse de l'indicateur lié à l'effet de levier des prêts accordés par l'AFD aux pays en développement contredit la volonté annoncée de privilégier les pays les plus pauvres, où l'effet de levier des prêts est le plus faible.

4. Une mission « rigide » du fait de l'importance des restes à payer

Les programmes 110 et 209 sont caractérisés par l'importance des restes à payer, correspondant au solde des engagements non couverts par des crédits de paiement .

Ainsi, les restes à payer du programme 209 sont relativement élevés. Ils représentaient 1,03 milliard d'euros au 31 décembre 2011, auxquels s'ajoutent les AE engagées en 2012 (1,63 milliard d'euros). Compte tenu des CP consommés sur l'exercice, les restes à payer au 31 décembre 2012 s'élèvent à 1 milliard d'euros .

Ces crédits correspondent principalement aux projets pluriannuels de l'aide projet (dons projets de l'Agence française de développement notamment).

Les restes à payer du programme 301 sont très modestes, avec 2,3 millions d'euros au 31 décembre 2012 .

Enfin, les restes à payer du programme 110 sont particulièrement élevés. La part des crédits de paiement consommés en 2012 sur engagements 2012 (177,7 millions d'euros) ne représentait que 15 % environ des CP consommés sur l'exercice (1 156,7 millions d'euros).

Les restes à payer s'élevaient au 31 décembre 2011 à 6,13 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les AE engagées en 2012 (679 millions d'euros). Compte tenu des CP consommés sur l'exercice, les restes à payer au 31 décembre 2012 s'élèvent à 5,65 milliards d'euros .

Les CP destinés à couvrir ces restes à payer devraient s'élever à 1,09 milliard d'euros en 2013, 0,87 milliard d'euros en 2014, 0,42 milliard d'euros en 2015 et 3,26 milliards au-delà de 2015.

Il s'agit principalement des bonifications à des Etats étrangers (2,2 milliards d'euros fin 2012), de la contribution de la France à l'association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale (800 millions d'euros fin 2012), de l'initiative d'annulation de la dette multilatérale (528 millions d'euros fin 2012) et de la facilité internationale pour le financement de la vaccination (753 millions d'euros fin 2012).

Sans traduire une sous-budgétisation, cette situation tend à rigidifier le budget français au titre de l'APD et à réduire les marges de manoeuvre pour l'avenir, dans la mesure où un volume important de CP est d'ores et déjà « préempté » pour venir financer des engagements antérieurs.


* 28 Ce chiffre correspond à l'APD française estimée par l'OCDE en 2012 (soit 12,106 milliards de dollars), auquel est appliqué le taux de change moyen euro/dollar en 2012 (soit 1 euro pour 1,2848 dollar), d'après la Banque de France.

* 29 Ce chiffre correspond à l'APD française estimée par l'OCDE en 2011 (soit 12,997 milliards de dollars), auquel est appliqué le taux de change moyen euro/dollar en 2011 (soit 1 euro pour 1,3920 dollar), d'après la Banque de France.

* 30 Analyse de l'exécution du budget de l'Etat par mission et programme, exercice 2012, « Aide publique au développement », mai 2013

* 31 Independant commission for aid impact.

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