B. UN CONSTAT : UN TAUX DE RESPONSABILITÉ PRÉSUMÉE DES PERSONNES ÂGÉES ÉLEVÉ AJOUTÉ À LEUR PARTICULIÈRE VULNÉRABILITÉ
1. Une responsabilité des conducteurs âgés de plus de 75 ans plus souvent mise en cause
L'appréciation du risque par le seul prisme des tués dans les accidents de la circulation est réductrice ; cette mesure ne rend qu'imparfaitement compte des comportements ayant pu entrainer ces accidents en ne pondérant pas ces chiffres par le degré de mobilité des personnes, par exemple, ou par le nombre de kilomètres parcourus.
Il convient tout d'abord de relever que d'une manière générale, les conducteurs de plus de 65 ans se caractérisent par leur très faible implication dans des délits routiers , puisqu'ils représentent par exemple à Paris 1% seulement des conducteurs interpellés pour ce motif en 2012.
Les conducteurs de plus de 65 ans ne sont pas exposés aux facteurs principaux des accidents de la circulation que sont la vitesse, l'alcool ou l'usage de stupéfiant. Comme l'a souligné M. Stéphane Sinagoga, chef du bureau des permis de conduire de la préfecture de Police de Paris, entendu par votre rapporteur, ces comportements s'arrêtent presque totalement vers l'âge de 55 ans.
Toutefois, l'analyse de la part de responsabilité présumée des personnes âgées dans les accidents de la circulation permet de souligner de fortes variations selon les classes d'âge.
Part des conducteurs responsables selon la classe d'âge
Impliqués (victimes et indemnes) dans les accidents corporels |
Conducteurs non responsables |
Conducteurs responsables |
Part des conducteurs responsables |
Total 25 ans - 64 ans |
44 984 |
30 979 |
40,8% |
Total 65 ans-74 ans |
2 339 |
2 069 |
46,9% |
Total 75 ans et plus |
1 365 |
2 099 |
60,6% |
Source : ONISR 2010, fichier des accidents 2010.
S'il ressort de ce tableau que les personnes de la tranche 65 ans-74 ans se caractérisent par une part de responsabilité plus élevée de 6 points par rapport à celle des conducteurs de 25-64 ans, elle monte à près de 60,6 % pour les plus de 75 ans .
Cette tendance est confirmée par la préfecture de police de Paris qui lors de son audition par votre rapporteur, a rappelé qu'en 2012, à Paris, 65% des conducteurs de 70 ans et plus sont responsables des accidents de la route dans lesquels ils sont impliqués, alors que ce taux est, en moyenne, de 56%.
Dans le rapport précité de la mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière, les députés ont constaté que ce taux pouvait atteindre 59 % voire 70 % 4 ( * ) .
La population des 65-74 ans ne se distingue pas particulièrement des conducteurs âgés de 25-64 ans en matière de taux de responsabilité. Mais la classe d'âge des plus de 75 ans se démarque fortement. Cette analyse confirme là encore un net décrochage en termes de tendance entre la population des 65-74 ans et celle des plus de 75 ans, justifiant de distinguer ces deux catégories.
L'étude de Lafont, Gabaude, Paire-Ficout et Fabrigoule, consacrée aux accidents impliquant des personnes âgées entre l'année 1996 et 2005 5 ( * ) , souligne que les plus de 75 ans sont particulièrement vulnérables dans certaines situations de conduite : cette étude constate par exemple que les plus de 75 ans ont un risque près de 17 fois plus élevé que les conducteurs de 25-64 ans d'être impliqués dans un accident mortel en traversée de voies .
Or, les auteurs de cette étude rappellent que les traversées de voies sont exigeantes au plan de l'attention et de la manoeuvre à effectuer, nécessitant de vérifier le trafic, d'évaluer la vitesse des véhicules arrivant dans les deux sens et de prendre une décision rapide ; les capacités physiques et cognitives nécessaires sont donc affectées par des troubles susceptibles d'apparaître avec le vieillissement.
Lors de l'audition des représentants de la préfecture de police de Paris, ceux-ci ont en outre insisté sur l'importance de la réactivité, des réflexes qui permettent d'éviter l'accident. Tout en n'étant pas favorable à la proposition de loi, l'Association prévention routière a également souligné que de fait, les conducteurs âgés peuvent être particulièrement désarmés dans les situations nécessitant une prise de décision rapide.
2. Le constat d'une vulnérabilité accrue des personnes de plus de 75 ans
Votre rapporteur souligne aussi que les personnes âgées sont aussi les plus vulnérables lors des accidents de la circulation.
Cette fragilité explique ainsi que les conducteurs âgés sont moins dangereux pour les autres conducteurs que ne le sont les jeunes conducteurs par exemple ; mais elle les expose davantage à des accidents mortels. Les conducteurs âgés présentent donc moins un danger pour les autres que pour eux-mêmes , y compris lorsqu'ils sont à l'origine de l'accident.
Cette vulnérabilité est illustrée par le nombre relativement plus faible du nombre de blessés et de blessés hospitalisés par rapport au nombre de morts : en 2011, ce rapport est d'environ 4 ou 5 blessés hospitalisés par personne tuée, quand il est de 7 blessés hospitalisés par personne tuée pour les 18-24 ans.
Ce lien entre âge et vulnérabilité a été mis en lumière dans plusieurs travaux universitaires - rappelés dans l'étude de Lafont Gabaude Paire-Ficout et Fabrigoule 6 ( * ) , menée sur les accidents corporels impliquant des personnes âgées entre 1996 et 2005 en France - qui ont constaté que les conséquences des accidents de la route diffèrent selon l'âge du conducteur : les conducteurs âgés meurent plus que les conducteurs plus jeunes 7 ( * ) , ils sont également plus gravement blessés 8 ( * ) .
* 4 Rapport précité, p. 58.
* 5 Des conducteurs âgés moins dangereux pour les autres : Étude des accidents corporels en France entre 1996 et 2005, Le travail humain, 2010/1 (vol 73)
* 6 Des conducteurs âgés moins dangereux pour les autres : Étude des accidents corporels en France entre 1996 et 2005, Le travail humain, 2010/1 (vol 73).
* 7 Evans 1988, Lafont et Laumon 2003, Martin et Lenguerrand 2008.
* 8 McCoy 1989, Lafont et Laumon 2003, Martin et Lenguerrand 2008.